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HISTOIRE
DE
BÉARN ET NAVARRE
IMPRIMERIE DE A. GOUVERNEUR
A XOGENT-LE-ROTROU.
B72^3^W
HISTOIRE
DE
BÉARN ET NAVARRE
Par Nicolas DE BORDENAVE
(1517 à 1572)
HISTORIOORAPHE DE LA MAISON DE NAVARRE
PUBLIÉE, POUR LA PREMIÈRE FOIS, SUR LE MANUSCRIT ORIGINAL
POUR LA SOCIÉTÉ DE l'hISTOIRE DE FRANGE
Par Paul RAYMOND
3^.
A PARIS
CHEZ M''^ V= JULES RENOUARD
LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ DE l'hISTOIRE DE FRANCE
RUE DE TOCRNON, N** 6
M DCCC LXXllI
«<SlSS'( ^
EXTRAIT DU REGLEMENT.
Art. iÂ. — Le Conseil désigne les ouvrages à publier, et
choisit les personnes les plus capables d'en préparer et d'en
suivre la publication.
Il nomme, par chaque ouvrage à publier, un Commissaire
responsable, chargé d'en surveiller l'exécution.
Le nom de l'éditeur sera placé en tête de chaque volume.
Aucun volume ne pourra paraître sous le nom de la Société
sans l'autorisation du Conseil, et s'il n'est accompagné d^une
déclaration du Commissaire responsable, portant que le travail
lui a paru mériter d'être publié. •
Le Commissaire responsable soussigné déclare que l'édition
de l'Histoibe de Béàrn et Navarre, préparée par M. Paul
Raymond , lui a paru digne d'être publiée par la Société de
l'Histoire de France.
Fait à Paris ^ le 4 août 4873.
Signé BORDIER.
Certifié,
Le Secrétaire de la Société de l'Histoire de France,
J. DESNOYERS.
Digitized by the Internet Archive
in 2009 witii funding from
University of Ottawa
http://www.archive.org/details/histoiredebarnOOborduoft
PREFACE.
Aucun recueil biographique n'a consacré à Nicolas
de Bordenave une notice spéciale. Le seul renseigne-
ment que l'on ait sur lui se trouve dans la France
Protestante, qui le mentionne à l'article de Pierre
Merlin, pasteur de La Rochelle, comme député, avec
Le Gay, par les éghses de Navarre au synode de
Sainte-f'oi en 1578.
Bordenave naquit probablement en Béarn ou en
Bigorre (départements des Basses et Hautes-Pyrénées)
vers 1530, mais je n'ai pu retrouver ni le lieu de sa
naissance ni sa famille. Le nom de Bordenave, en français
Grange-Neuve, est un des plus répandus dans ces
régions, c'est ce qui me fait supposer qu^il y naquit.
Je dis qu'il vint au monde vers 1530, parce qu'il a
écrit lui-même dans son « Histoire » qu'il était écolier
à Bordeaux en 1548^ On perd de vue Bordenave
jusqu'en 1 565, époque à laquelle il est ministre de la
parole de Dieu à Nay (Basses-Pyrénées), et le 21 août,
sert de caution à un certain Guillaume de Saint-Lezer,
de Nay, qui s'engageait comme apprenti chez maître
Jean d'Espoey, apothicaire ^
Les comptes municipaux de Nay font connaître
1 . Voyez page 48.
2. Archives des Basses-Pyrénées, E. 4735, f» 166.
ij PRÉFACE.
qu'en 1567 et 1568, Bordenave était logé, aux frais
de cette ville, chez Pierre de Baas, l'un des jurats, et
que ce logement coûtait 18 francs par an'.
En 1 569 , Bordenave fut fait prisonnier par les
troupes catholiques qui envahirent le Béarn^.
Le 21 avril 1570, il fut l'un des témoins signataires
du contrat de mariage de W Jean de Lafont, de Tarbes,
avec Marie de Vidau, de Lézignan en Bigorre^.
Le rôle de Bordenave paraît avoir été assez impor-
tant après les troubles; en 1572, il faisait partie du
conseil de la ville de Nay, et on le voit appeler des sol-
dats de Coarraze, village voisin, pour garder la ville
un jour de marché ^
Dans le compte du trésorier général de Navarre de
1 572, je trouve cette mention :
« A Nicolas de Bordenave, ministre de la parolle
de Dieu à Nay, la somme de cinquantes escuz sol, à
LVi sols tournois par escu, dont le Roy luy a faict don
pour aucunement le récompenser de partye de poenes,
vacations et despence par luy souffertes à dresser,
faire et rédiger par escript l'histoire de ce présent pays
de Béarn, preste pour estre mise à l'impression, par
mandement du xxii® de may an m v*" lxxu et qui-
tance^. »
« Honorable homme maître » Nicolas de Bordenave,
ministre de l'église de Nay, est témoin de l'acte de
vente d'un cheval de 422 livres par Jean du Bordiu,
\. Arch. de Nay, GG. il.
2. Voyez page 311.
3. Arch. des Basses-Pyrénées, E. 1736, f" 44.
4. Arch. de Nay, GC. 11.
5. Arch. des Basses-Pyrénées, B. 148, f" 21.
PRÉFACE. llj
dit le capitaine Poqueron, à Pierre de La Torte, sei-
gneur de Caussade (Nay, 27 juin 1577)'.
Le 1 septembre 1 577, à Nay, Nicolas de Bordenave
est témoin du contrat d'apprentissage de Jacob, fils de
Guillaume Rodier, ministre de Laruns, qui s'engageait
avec M* Arnaud Places, tailleur de Nay*.
Le synode national choisit, en 1578, Bordenave
pour l'un des députés qu'il chargea d'aller faire des
remontrances, de la part de l'Eglise Réformée, au roi
de Navarre alors à Nérac^.
Pour cette même année 1578, j'ai recueilli deux
autres indications ; la première fait connaître que les
gages de Bordenave, comme ministre à Nay, étaient de
300 livres tournois par an^; la seconde, plus intéres-
sante, le désigne comme historiographe officiel de
Béarn et Navarre ; c'est ainsi qu'il est qualifié dans un
mandement du roi de Navarre du 30 septembre 1 577.
Il reçut 2iOO livres de gages à cet effet, à dater du
1*' janvier 1 578^. Je crois qu'il conserva les fonctions
d'historiographe jusqu'en 1599, époque à laquelle ce
titre est porté par Claude de Lagrange dans une tran-
saction relative aux gages attachés à cet office ^
Nicolas de Bordenave signe, le 28 octobre 1587, à
Nay, un contrat de mariage, comme témoin, avec le
capitaine Poqueron, gouverneur de la ville'.
i. Arch. des Basses-Pyrénées, E. 1742, f" 123.
2.
id.
id.
E. 1742, fo 143.
3.
id.
id.
B. 2368, fo 403.
4.
id.
id.
B. 2368, f 311.
5.
id.
id.
B. 2368, f° 321.
6.
id.
id.
E. 2018, fo 110.
7.
id.
id.
E. 1745, supplément, f« 40
a
iv PRÉFACE.
Bordenave assiste le 15 avril 1589, à Nay, et signe
comme témoin, avec le sénéchal de Bigorre et d'autres
gentilshommes de cette province, au contrat de ma-
riage conclu par Pierre de Sivord, fils du procureur
du Roi à Maubourguet, avec Marguerite de Lestrem,
de Nay^
Dans un fragment de compte d'Arnaud de Pabine,
trésorier des pauvres de Nay, de 1592, se trouve la
meption suivante :
« Item fait dépense de cincq sols et miey per très
pintes de bin tremetudes (envoyées) au lotgisde Mons.
de Bordanabe, lou detz deu mes de jun passât, per lo
disna de Mos. de Carrère, menistre de la parolle de
Diu, quant viengo far la vesite a l'église de Nay ^. »
Le 8 mars 1 595, Bordenave fut cité par les jurats de
Nay, à la requête de la veuve de Bertrand du Frexou,
jurât de Nay, pour assister à l'ouverture du testament
de ce dernier. Sa signature est au bas de l'acte de
dépôt, à la date du 1 5 janvier 1 595 ^
Enfin Nicolas de Bordenave, toujours ministre à
Nay, parrain de Jean de Pérer, de Nay, vient assister
à Pau, le 13 janvier 1599, au contrat de mariage de
son filleul avec Anne, fille de Robert Remy, valet de
chambre de Henri IV et concierge garde-meubles du
château de Pau \
Les registres des délibérations des jurats de Nay
m'ont fourni la date de la mort de l'auteur :
Le 28 juillet 1603, ces magistrats demandèrent au
1. Arch. des Basses-Pyrénées, E. 1747, f" 40.
2. id. id.' E. 1750.
3. id. id. E. 1750.
4. id. id. E. 2018, f» 58.
PRÉFACE. V
synode de leur envoyer pour ministre Abbadie, alors
ministre à Serres-Castet, en remplacement de Borde-
nave mort depuis plus de deux ans^ Il termina donc
sa vie dans les sept premiers mois de l'année 1 601 ,
âgé d'environ soixante et onze ans.
Les renseignements qui précèdent forment tout ce
que j'ai pu recueillir sur Nicolas de Bordenave. On y
trouverait difficilement les éléments d'une biographie.
Ce fut Jeanne d'Albret elle-même qui commanda le
travail de Bordenave et qui peut-être en fut l'inspira-
trice. On pouvait le supposer d'après le compte de
1 5721 cité plus haut, mais lui-même le dit dans son épître
dédicatoire% et un passage d'Olhagaray, que je vais
citer bientôt, ne laisse aucun doute sur ce point.
L'auteur mit plusieurs années à composer son ou-
vrage : en 1 59 1 , il n'était arrivé qu'aux trois quarts de
sa tâche. En effet à la page 357 du manuscrit, on lit
après la généalogie de la maison de Bourbon :
< C'est le commencement et le progrès de la
maison de Bourbon, laquelle encores aujourdhuy a
six princes vivans, outre la personne du roy Henri IV
par qui ce tige, sorty de la souche royale de France
l'an 1246, y est rentré l'an 1589, ayant cette famille
duré, jusques aujourdhuy 1591, trois-cent-quarante-
cinq ans. p
Mon intention n'est pas de faire un éloge exagéré de
l'œuvre de Bordenave, mais on ne saurait refuser
à son langage une fermeté et une honnêteté dignes
de remarque. J'ajoute que, vu les circonstances où il
1. Arch. deNay. BB. 2,^70.
2. Voyez page 2.
yj PRÉFACE.
écrivait, il est modéré et ne se laisse pas aveugler par
l'esprit de parti. On peut ajouter à cela une grande
sûreté d'informations. Il pouvait dire : «j'étais là, telle
chose m'advint », tantôt c'est la Reine qui lui rapporte
tel ou tel fait, ou bien ses renseignements sont tirés
de sources officielles ^
En ce qui touche les persécutions religieuses dont
les protestants eurent à souffrir en Béarn, Y Histoire
des Martyrs, par Jean Grespin (édit. de 1619, folios
847 et suivants), contient des détails qui semblent
puisés aux mêmes sources que le récit de Nicolas de
Bordenave.
Celui-ci mort , son œuvre fut utilisée par les
auteurs qui se sont occupés de l'histoire du Béarn et
de la Navarre. Olhagaray* s'exprime ainsi :
« Au lecteur. — Les lecteurs seront advertis qu'en
l'histoire de Béarn, je me suis servi du recueil que
feu maistre Nicolas de Bordenave avoit fait, par long
travail, par commandement de Madame Jeanne, royne
de Navarre, souveraine de Béarn et comtesse de Foix,
des archifs et registres anciens de la Maison. » Le
même auteur cite (p. 600) les « recherches nompa-
reilles que le feu sieur de Bordenabe a fait de la
maison de Navarre, Béarn et Foix. »
Marca a fait également usage des travaux de Bor-
denave^.
Enfin de nos jours , il a paru quelques fragments
1. Voyez p. 39, 48, 122 et 311.
2. Histoire des comptes de Foix, Béarn et Navarre, par Pierre
Olhagaray, in-4', Paris, 1629; page 200.
3. Histoire de Béarn par Pierre de Marca, in-folio, Paris, 1640,
p. 581.
PRÉFACE. vij
de r « Histoire de Béarn et Navarre > dans la Revue
des Sociétés Savantes^ et dans le tome II de la Chro-
nique d'Oloron par M. l'abbé Menjoulet*.
Néanmoins, si l'on a plus ou moins tiré parti de
l'ouvrage, le manuscrit original de Bordenave est
demeuré inédit. Après avoir servi à Olhagaray, il tomba
entre les mains d'un catholique ardent qui prit soin de
le façonner et de l'adapter à sa croyance, en raturant
de nombreux passages qu'il remplaça par d'autres.
Les mots rayés sont placés dans cette édition entre [ ]
et les additions mises en note comme variantes. On a
ainsi les deux textes.
Le manuscrit forme un volume sur papier in-folio
dont la dernière page porte le n° 487. Les pages 388
à 395, 404 à 41 5 ont été mutilées et coupées à dessein.
L'écriture est de la fin du xvi® siècle. La dédicace est
de la main même de Bordenave, ainsi qu'un assez grand
nombre de corrections dans le corps du texte.
L'ouvrage est divisé en sept livres :
Le premier (pages 1 à 66 du manuscrit) va du com-
mencement du monde à l'an 1 063.
Le second (p. 66 à 145) de 1063 à 1274.
Le troisième (p. 145 à 225) de 1274 à 1425.
Le quatrième (p. 225 à 282) de 1425 à 1483.
Le cinquième (p. 282 à 353) de 1 483 à 1 555.
Le sixième (p. 353 à 429) de 1555 à 1568.
Le septième (p. 429 à 487) de 1 568 à 1 572.
Quoique la Société de l'Histoire de France se soit
1. 4« série, tome VIII, 1868, î» semestre, p. 285.
2. In-S», 1869, Oloron, imp. Marque.
viij PRÉFACE.
surtout appliquée à donner des éditions faites avec
tout le soin possible de nos Chroniques et de nos
Mémoires classiques, elle a aussi montré le prix qu'elle
attache à mettre en lumière des documents inédits.
Elle a saisi avec empressement l'occasion que lui
offrait Bordenave d'ajouter le Béarn et la Navarre à
la liste déjà longue des provinces qui figurent sur la
liste de ses études. Toutefois , sans méconnaître le
mérite qu'offre le reste de 1' « Histoire de Béarn et
Navarre », il a paru convenable à la Société de ne
publier que la partie de l'œuvre de Bordenave où
il a raconté les événements dont il a été le témoin ou
le contemporain (fin du cinquième livre, sixième et
septième), parce qu'alors son travail a la valeur et
l'intérêt d'un Journal ou de Mémoires.
Il est cependant utile de faire connaître, en quelques
mots, l'esprit qui a présidé à l'ouvrage de Bordenave.
Imbu des principes d'une éducation toute classique,
l'auteur procède à la manière de Tite-Live et met dans
la bouche de ses personnages des discours appropriés
aux circonstances. Voici un exemple de ces harangues ;
c'est une allocution adressée par Eneco , roi de
Navarre, à ses soldats qui assiégeaient Pampelune au
pouvoir des Sarrasins. La scène se passe dans la
seconde moitié du ix* siècle.
« L'armée navarroise, faschée et lasse de la lon-
geur de ce siège, le vouloit quitter et s'en retour-
ner en ses montagnes. Mais ce brave Roi les retint,
leur remonstrant « que les précipices, cavernes, bari-
> caves et brossailles des montagnes estoient faites
» pour le repaire des ours, loups, daims, chamois et
» sangliers, non pas pour l'habitation des honunes
PREFACE. IX
» magnanimes et vaillans, tels qu'ils estoient. Que le
» temps leur offroil le moyen de se loger commode-
» ment, par la voye de la vertu et au pris de leur
> travail, et leur présentoit une asseurée revanche des
» grands maux, injures attroces et barbares cruautez
» qu'ils avoient receues de cette gent infidelle
» Que dedans cette ville, ils trouveroient les riches
» bagues et précieux joyaux que leurs mères souloient
» porter jadis , avec un trésor infini que cette gent
» pillarde y avoit transporté d'ailleurs ; et tout cela
» seroit infaliblement à eux, s'ils avoient seulement la
» volonté de les aller prendre. » (Ms. p. 39.)
Il me serait facile de multiplier les citations- et de
montrer ainsi que l'auteur a su trouver le ton con-
venable pour animer sa longue « Histoire » . Mais je
veux me borner seulement à deux autres extraits.
Dans le premier, il s'agit de la Jacquerie. J'appelle
l'attention du lecteur sur ce court morceau qui touche
de près notre histoire nationale et m'a paru bien
traité.
« La guerre victorieuse des Anglois, les factions du
roy de Navarre et la prise du Roy, de son fils et de
tant de noblesse, avoient réduit la France en si misé-
rable estât, qu'on pouvoit dire que sa vie ne tenoitplus
qu'à un bien petit filet ; lequel encor la cruellement
séditieuse Jaquerie , comme une funeste Atropos ,
vouloit couper pour la faire du tout mourir. Car l'en-
ragée populasse, s'estant séditieusement eslevée en
Beauvoisin, Brie, Laonois et Soysonois, conduite du
commencement par un garnement, nommé Jaques
Colet (dont toute cette sédition fut appelée Jaquerie) ,
couroit par tout le pais ; et, irritée contre la noblesse
X. PRÉFACE.
(la superbe de laquelle elle disoit estre cause de toutes
les misères du Royaume, et sa cruauté de la ruine du
peuple, qui estoit traitté par les nobles comme serfs
ou esclaves, sans nulle discrétion d'aage ni de sexe),
qu'elle massacroit inhumainement, autant qu'elle pou-
voit attraper des nobles, forçoit leurs maisons, pilloit
leurs biens, brusloit les édifices. Les premiers, qui
commencèrent cette exécrable conjuration, n'estoient
du commencement plus haut que cent hommes ; mais,
tout ainsi qu'une pelote de neige s'agrandit et grossit
où plus on la roule, pareillement ces séditieux creu-
rent si bien, qu'en peu de jours ils furent plus de
cent mille. Car les artisans quittans les bouttiques et
les paisans la charrue, y accoururent de tous costés. »
« Cette désolation fut la plus grande qu'on eut
encores jamais veue en France ; et, si elle eust duré
guère plus long tems, le Royaume estoit infaliblement
du tout ruiné et perdu. Mais Dieu eust pitié de lui et
donna courage à la noblesse de s'opposer à cette sédi-
tieuse confusion, et l'osta à cette canaille. Et, comme
cent mille brebis tremblent et fuyent devant un seul
loup, aussi toute cette séditieuse multitude s'effraya et
fuit à la seule ouye de l'arrivée de quelque petite com-
pagnie de nobles. » (Ms. p. 194.)
Au XI® siècle les Béarnais, mécontents de leur sei^
gneur, le tuèrent. Aussitôt l'anarchie régna parmi
eux, les seigneurs particuliers se disputant les lam-
beaux du pouvoir. « Et estoit, dit Bordenave, le pais
en voye de tomber en une grande confusion, si quel-
ques-uns des plus modestes et plus sages, prévoyans
la prochaine ruine que cette confuse arnachie ourdis-
soit peu à peu, n'y eussent pourveu, persuadans par
PRÉFACE. XJ
beaucoup de bonnes raisons à tout le peuple ( les-
quels les uns estoient jà demy las de mal faire et les
autres d'endurer) de revenir à l'élection d'un souve-
rain qui entretint tout le cors en paix et union, et
contint un chascun en office et debvoir, reprenant
l'insolent et conservant le paisible. Estans donc les
Estas ensemble, l'un d'eux parla ainsi : «
> Ceux que nous avons meurtris n'estoient pas
» entrez en ceste nostre seigneurie par la force des
» armes, ni par la secrette ruse des brigues, ni par la
» corruption des présens, mais par les francs suffrages
» de tous les Béarnois, qui les avoient recerchez avec
V beaucoup de prières et non pas eux le Béarnois par
» présent ou promesses. Il falloit donc, lorsqu'on les
» avoit veus forligner du devoir des justes seigneurs,
» non pas recourir séditieusement aux armes, mais
» paisiblement aux loix car le fer est un remède
» trop extrême et ne peut être mis en usage sans
» grande violence et quelque espèse de cruauté.
» Aussi le chirurgien ne l'applique jamais (encore
x> qu'il fasse quelquefois de petites incisions) que la
» malice de la gangrène n'ait monstre l'abcision d'un
» membre estre très nécessaire pour la conservation
» de tout le corps. Et combien que quelquefois il
» vienne à l'extirpation de quelque membre, la teste
» néantmoins demeure tousjours exempte de telle
» opération, bien que souvent elle sente la démenga-
» çon du caustique, l'ardeur du cautère, le trenchant
> du rasoir, la pointe de la lancète et la roue du trai-
» pan. C'est certainement l'office d'un bourreau d'ar-
» racher la teste. Or un estât est un corps duquel le
» souverain est le chef, les sujets les membres, les
Xlj PREFACE.
» Estas le médecin, et les loix la médecine propre à
» la curation de toutes les maladies que le désordre,
» l'injustice, la violence et la tyrannie lui pourroient
» causer. Il failoit donc réprimer la superbe, l'inso-
» lence et la ruplure des fors et libertés de noz sei-
» gneurs, mais non pas espandre leur sang, appelant
» sur tout le pays l'ire de Dieu et la haine des
» hommes, et laisser à la postérité une telle marque
» de cruelle perfidie qu'elle ne sera jamais effacée de
» leurfront » (Ms. p. 266.)
Ce que je viens d'extraire suffit pour que l'on puisse
se rendre compte du style de l'écrivain, lorsqu'il
raconte des faits passés depuis longues années. Si
toutefois ces fragments ne font pas regretter une
publication plus étendue du manuscrit, du moins on
jugera, je l'espère, que l'auteur n'a rien perdu de ses
qualités quand il écrit l'histoire de son temps.
Bordenave a arrêté son récit en 1 572, à la mort de
Jeanne d'Albret. Je crois que c'est à dessein, et qu'il
n'a pas voulu, bien qu'historiographe officiel, tracer
une suite d'événements qui l'aurait conduit à faire
l'histoire de la réaction catholique qui se prépara bien-
tôt, sous la protection occulte de Henri IV, grand roi
auquel je ne retire rien de sa gloire, en disant qu'il
subordonna toujours la religion à la politique.
Je me suis efforcé d'éclaircir le texte par des notes,
et mon attention s' étant appliquée aux noms de per-
sonnes qui ne sont pas citées dans les travaux publiés
jusqu'à ce jour, le dépôt des archives départementales
des Basses-Pyrénées m'a été d'un grand secours, et
surtout la collection des registres de notaires qu'il
renferme.
PRÉFACE. xiij
Le manuscrit original de Bordenave entra, avant
1 789, dans la bibliothèque d'un savant avocat au parle-
ment de Navarre, Jean-François-Régis de Mourot, qui
fut élu par la province de Béarn premier député du
Tiers aux États-Généraux. Il est resté depuis dans la
bibliothèque de sa famille devenue la mienne, et c'est
de là que je l'ai tiré.
J'ajoute à titre de renseignement que Mourot possé-
dait à Nay (où Bordenave exerça le ministère évangé-
lique pendant plus de trente-cinq ans) le domaine
patrimonial de Gère, et qu'il est possible que ce docte
professeur de droit, grand ami des livres, ait recueilli
le manuscrit à Nay même.
Gère, juin 1873.
SOMMAIRES '
LIVRE CINQUIÈME (fin).
Henri H, roi de Navarre, nourri en France (1517), page 3. —
Charles, roi d'Espagne, est élu empereur (1519), p. 4. — Maux
qui adviennent quand les princes préfèrent les étrangers aux
naturels sujets, p. 5. — Esparros envoyé en Navarre (1521), p. 6.
— Prise de Saint-Jean-Pied-de-Port, ihid. — Reddition du fort du
Pignon, p. 7. — Pampelune se rend à Esparros, p. 8. — Le
comte de Lérin et autres se retirent en Espagne, p. 10. — Siège
de Logrono, p. 12. — Les Castillans entrent dans Logrono, p. 13.
— Les Espagnols suivent Esparros, p. 14. — Défaite et prise
d'Esparros, p. 15. — Bonnivet dépêché pour aller en Navarre
(1521), p. 17. — Brave passage de rivière, p. 19. — Siège de Font-
arrabie par l'Espagnol, p. 22. — Le maréchal de Ghcâtillon meurt
à Dax et La Palice lui est substitué, ibid. — Ravitaillement de
Fontarrabie, p. 23. — Rayonne assaillie par l'Espagnol et
défendue par Lautrec (1523), p. 24. — Fontarrabie rendue par
Franget, p. 25. — Franget dégradé de noblesse, p. 26. — Le
prince d'Orange entre en Béarn, p. 27. — Déroute des Oloronais,
p. 29. — Retraite du prince d'Orange, ihid. — Le roi Henri de
Navarre fait prisonnier à la bataille de Pavie (1524), p. 29. — Il
se sauve par une fenêtre, p. 30.— Il épouse Marguerite, sœur de
François I", p. 31. — Il demande avis aux États de Béarn sur le
mariage de la princesse, sa fille, avec le duc de Clèves, p. 32. —
Réponse des États, p. 33. — Célébration du mariage avec le duc
de Clèves, p. 38. — Annulation dudit mariage par le Pape, p. 39.
— La reine Jeanne mariée à Antoine (1548), ibid. — Mort de
Marguerite, reine de Navarre (1549), p. 40. — Décès du roi
Henri de Navarre (1555), ibid. — Ses vertus, p. 41. — Milices
de Béarn, p. 44. — Naissance de Henri le Grand (1553), p. 45. —
Feu de Nay (1543), ibid. — Émeute à Bordeaux (1548), p. 46.
1. Ces sommaires sont de Bordenave, le lecteur s'en apercevra
au style archaïque.
I
SOMMAIRES . XV
LIVRE SIXIÈME.
Les États de Béarn, voulant faire le serment de fidélité et
l'hommage à la reine Jeanne seulement, refusent de le faire au
roi Antoine, p. 52. — Albret érigé en duché (1557), p. 53. —
Commencement de l'exercice de la religion réformée en la maison
de Navarre, p. 54. — Le roi de Navarre diffamé d'être luthérien,
p. 55.— Le cardinal d'Armagnac légat en Béarn, ibid. — Propos
de l'archidiacre du Mas d'Aire au ministre Henri, p. 58. —
Réponse dudit Henri, p. 59. — Le roi de France ne voulut faire
comprendre celui de Navarre en la paix qu'il fit avec l'Espagnol
l'an 1559, p. 62. — Sédition des soldats béarnais contre leurs
capitaines, p. 63. — Le roi Antoine reprend l'exécution faillie,
p. 64. — Il est trompé par ceux qui menaient l'intelligence, ibid.
— Exécution de Gamboa, p. 66. — Les princes punissent sur
autrui les fautes qu'eux-mêmes ont faites, ibid. — Mort de Henri H,
roi de France (1559), p. 67. — Prétentions et brigues de la régence
de France, ibid. — Raisons de ceux de Guise pour rendre suspect
le roi de Navarre à celui de France, p. 68. — La surintendance
de toutes les affaires de France est donnée au duc de Guise et au
cardinal de Lorraine, p. 69. — La Reine-mère est de leur côté. p. 70.
— Remontrance du connétable au roi de Navarre, ibid. — Elle
est rejetée par le dit Roi, p. 71. — Faveur de cour est inconstante,
p. 72. — Autorité des États de France, ibid. — Le roi de Navarre
sollicité de faire tenir les États de France, p. 73. — Déloyauté
de ses conseillers, p. 74. — L'ambition ennemie de concorde,
p. 76. — Intention de l'entreprise d'Amboise (1560), p. 77. —
Prise et exécution de quelques-uns des entrepreneurs, p 79. —
Le prince de Gondé déçoit les Guises et se sauve en Gascogne,
p. 80. — Le maréchal Saint-André visite le roi de Navarre au
Mas d'Agenais, p. 81. — Voyage du cardinal d'Armagnac vers le
dit Roi et sa remontrance, p. 84. — Bouchard, chancelier du roi
de Navarre, avertit le cardinal de Lorraine des déportements du
dit Roi, p. 87. — Remontrance du cardinal de Bourbon au roi de
Navarre, p. 88. — Remontrance des députés au roi de Navarre,
p. 90. — Généalogie de la maison de Lorraine et de Guise, p. 91.
— Le roi Antoine renvoie Bèze, ministre de Genève, p. 104. —
Il arrive à Orléans, ibid. — Le prince de Gondé prisonnier et
condamné à mort, p. 105. — Pratiques contre la vie du roi An-
toine, ibid. — Mort de François H (1560), p. 107. — Le roi de
XV]
SOMMAIRES.
Navarre se réconcilie avec ceux de Guise, ibid, — On l'abuse par
des promesses de lui faire rendre le royaume de Navarre, p. 110.
— Il poursuit de répudier sa femme pour hérésie, ibid. — Retour
de la reine en Béarn, ibid. — L'Espagnol veut donner au roi de
Navarre la Sardaigne en récompense de la Navarre, p. 112. —
Mort du roi Antoine, p. 114. — Beauvais et La Gaze, gouver-
neurs du prince Henri, p. 115. — Le sieur d'Audaux, sénéchal
de Béarn, p. 116. — Tumulte de Sainte-Marie-d'Oloron, p. 119.
— Gramont, lieutenant-général en Béarn, p. 120. — La Reine
citée devant l'Inquisition, p. 121. — Le roi de France prend la
reine de Navarre en sa protection, ibid. — Complot contre ceux
de la religion réformée, p. 126. — Découverte du dit complot,
p. 128. — Commencement du tumulte d'Oloron, p. 129. — Gar-
nison à Oloron, p. 130. — Le peuple se fâche aussitôt de son profit
que de son dommage, p. 131. — États à Pau et leurs demandes,
p. 133. — La diversité d'avis et l'irrésolution sont fort dangereuses
aux affaires d'État, p. 135. — Réponse de la Reine aux États,
p. 137. — Les États se rompent sans rien faire, p. 139. — Seconds
troubles de France pour la religion, ibid. — Ligue de ceux de la
Basse-Navarre, ibid. — La Reine envoie savoir les causes de
cette ligue, p. 141. — Le peuple s'apaise et envoie ses députés à
la Reine, p. 142. — Convocation de la ligue pour divertir le peuple,
p. 143. — Réponse du peuple, p. 144. — Le capitaine Lalanne,
Navarrais, est envoyé en la Basse-Navarre pour tenir main forte à
la justice, ibid. — 11 est assiégé à Garris par les ligueurs et la
populace, p. 145. — Le prince de Navarre va contre les séditieux
qui s'enfuient, ibid. — Sa remontrance au peuple, p. 146. — La
Reine va en la Basse-Navarre et y assemble les États, p. 149. —
Le roi de France se rend avocat des Navarrais rebelles, ibid. —
Il donne l'Ordre à Luxe, p. 150. — Persuasions pour faire aller
la reine de Navarre en France, ibid. — Losses envoyé en Béarn
pour enlever le prince, p. 152. — La Reine en est avertie et se
retire à Nérac, ibid. — Elle en part, p. 155. — Fénelon retourne
vers elle, ibid. — Lettres de la reine de Navarre au roi de France,
p. 157, — à la Reine-mère, p. 159. — Le prince de Navarre est
déclaré général de toute l'armée de ceux de la religion réformée,
p. 164. — Lettre de la reine Jeanne à la reine d'Angleterre, ibid.
LIVRE SEPTIÈME.
Le seigneur d'Arros lieutenant-général en Navarre et Béarn ,
SOMMAIRES. XVI j
p. 168. — Commission envoyée à Luxe pour saisir Béarn et Na-
varre, ibid. — Arrêt du parlement de Toulouse contre la souve-
raineté de Béarn, ibid. — Remontrances du seigneur de Gramont
aux Béarnais, p. 171. — Douze compagnies levées en Béarn, ibid.
— Lettres d'Arros à Luxe, p. 172. — Lettres du même aux villes
de la Basse-Navarre, ibid. — Première exécution sur les gens de
Luxe, p. 173. — Remuement de Bigorre, p. 174. — Réponse du
gouverneur de Béarn, p. 176. — Monluc déclare la guerre aux
Béarnais, p. 177. — Commencement de guerre en Béarn, p. 178.
— Bonnasse vient en Béarn pour y dresser des pratiques, p. 180.
— Raisons de ceux qui voulaient que d'Arros reçût la protection
du roi de France, p. 183. — En une séditioti faut punir exem-
plairement les chefs, ibid. — Raisons de la harangue du prési-
dent Etchart aux Béarnais, p. 184. — Le prince de Condé tué ^
Bassac, p. 191. — Remontrance d'Arros à Esgarrabaque, p. 192.
— Arros se retire d'Oloron, p. 196. — Le capitaine Laas est tué
par le capitaine La Motte, ibid. — Soldats de La Motte tués de
sang-froid, p. 197. — Les conseils douteux sont dangereux, ibid.
— Lettre de Sainte-Colomme à Bonnasse, p. 198. — Révolte
générale de tous les Béarnais, p. 200. — Reddition de Pontacq,
p. 201, — de Morlaas, p. 202. — Prise de Nay, p. 203.—
Cruautés exercées après la prise de Nay, ibid. — Arros se retire
à Navarrenx, p. 205. — Neuf compagnies des ennemis reçues à
Lescar et leur déportement, p. 206. — Une ladresse violée à
Lescar, p. 207. — Tarride se fâche que la guerre soit commencée
sans lui, ibid. — Réponse des gentilshommes béarnais de la pro-
tection à Tarride, p. 208. — Pau assiégé, p. 212. — Reddition
d'Orthez, p. 213. — de Sauveterre, ibid. — Lettre du duc d'An-
jou aux jurais de Pau, p. 216. — Sommation de Tarride, p. 218.
— Remontrances des États à Tarride, p. 220. — Capitulation et
reddition de Pau, p. 223. — Lettres de Sabatier à Tarride, p. 225.
— Lettre du parlement de Bordeaux à Tarride, p. 228. — Re-
montrances du syndic de Béarn au roi de France, p. 229. —
Navarrenx sommé par Tarride (1569), p. 243. — Lons veut
entrer dans Navarrenx , p. 245. — Les premières canonnades
tirées contre Navarrenx, p. 247. — Découverte de trahison,
p. 250. — Tarride veut lever le siège, p. 252. — Assemblée des
États à Lucq, p. 253. — Mongommery envoyé pour faire lever le
siège de Navarrenx, p. 255. — Mort du jeune baron d'Arros,
p. 256. — Mongommery passe la Garonne, p. 258. — Son arrivée
en Béarn, p. 259. — Siège de Navarrenx levé, p. 260. — Le châ-
XVllj SOMMAIRES.
teau de Sainte-Golomme brûlé, p. 261. — Donnasse fait massa-
crer le sieur d'Abère, ibid. — Peyre fait pendre cinq ministres,
un président et quatre autres hommes sans aucune procédure,
p. 263. — Monluc à Aire, p. 264. — Orthez pris en plein jour
par escalade, p. 268. — - Tarride se retire au château, p. 269. — Il
parlemente avec Mongommery, p. 270. — Commission de celui-ci,
p. 272. — Lettre du Conseil de Pau aux jurats de la vallée
d'Ossau, ibid. — Donnasse pille Ossau, sa fuite, p. 276. — Fuite
de Peyre, p. 277. — Donnasse quitte Nay, p. 279. — Esgarra-
baque abandonne Oloron, p. 280. — Dassillon tué, p. 284. —
L'exercice de la justice rétabli à Pau, p. 285. — Tarbes rendu,
ibid. — Reddition de Mont-de-Marsan, p. 286 , — de Saint-
Sever, p. 287. — Mont-de-Marsan saccagé par Monluc, p. 288. —
Tarride meurt à Eauze, p. 290. — Lettres du roi de France et du
duc d'Anjou ;\ Donnasse, p. 294. — Losses est envoyé en Déarn
pour y recommencer la guerre, p. 295. — Luxe entre en Déarn
et surprend les Déarnais à Sainte-Marie-d'Oloron, p. 296. — Dé-
faite des Dasques au pont d'Osserain, p. 297. — Donnasse tra-
verse le Déarn et se retire en Digorre, p. 298. — Le siège mis
devant Tarbes par les Déarnais, p. 302. — Prise de Tarbes, p. 303.
— Nouvelle grâce octroyée aux Déarnais par la Reine, p. 305. —
Luxe recommence les troubles, p. 306. — Rabastens assiégé par
Monluc, p. 307. — Prise de Rabastens, p. 308. — Monluc laisse
l'armée à Montespan qui va sommer Montaner, mais en vain,
p. 309. — La paix de France du 11 août 1570, p. 310. — Nouvelle
abolition publiée en Déarn, ibid. — États de la Dasse-Navarro,
p. 311. — Le Nouveau-Testament traduit et imprimé en langage
basque, ibid. — Poursuite du mariage de la sœur du roi Charles
avec le prince de Navarre, p. 312. — Raisons de ceux qui y con-
tredisaient, p. 313. — Les Ètatt^ de Déarn demandent loi de l'abo-
lition et interdiction de la religion romaine, p. 319. — La Reine
rend les biens ecclésiastiques à l'Église, p. 322. — Érection du
Conseil ecclésiastique de Déarn, p. 324. — Université de Déarn,
p. 326. — Le Pape et le roi d'Espagne veulent empêcher le ma-
riage du prince de Navarre, p. 328. — Réponses du Roi à leurs
ambassadeurs, p. 329. — Conclusion du mariage, p. 332. — Mort
et testament de Jeanne, reine de Navarre (1572), p. 334.
ESPITRE LIMINIAIRE
DE L'HISTOIRE DE NAVARRE^
Sire, ce grand Alexandre avoit acoustumé de dire
qu'il se sentoit plus estroitement redevable à son
maistre qu'à son père, d'aultant, disoit-il, qu'il avoit
receu la vie et le vivre de son père, mais le bien
vivre de son maistre. Se sien maistre , Sire, n'estoit
rien plus que l'aquisition d'une infinité de belles
vertus qu'il c'estoit faite par la cognoisance de l'his-
toire et de la philosophie qui estoit la guide de sa vie
et de ces actions. Vous qui estes ce jourd'hui le seul
résignataire et successeur de la valeur et du mérite de
ce grand monarque, qui assurés vostre Estât par la
vive force de l'un, rompes et dissipés les plus hauts
desseins de vos ennemis par la vertu de l'aultre, et
comme ce grand Hercule , vostre devancier, ayma
mieux de suivre la vertu avec toutes les difficultés
que ceste difforme vielle luy proposoit, que de croupir
oysif seur le gyron de la déesse Vénus, qui lui pro-
mettoit sans paine plus que la possession des Isles
4 . Cette dédicace adressée par Nicolas de Bordenave à Henri IV
est autographe.
4
2
Fortunées, vous aussi, poussé d'une divine inspiration
pour attaindre la perfection de ce grand héros, avés
mesprisé tous hasarts pour savourer avec plus de dou-
ceur les fruicts qu'ons retire de la vertu, layssant un
éternel tesmognage à la postérité, que l'ambition des
grandes natures ne pouvant s'asservir que par l'exé-
cution des plus haultes entreprises , elles doivent
estre guidées plus par prudence et sagesse que nous
retirons de la cognoissance de l'histoire que par une
violance ou force naturelle, tellement que layssant des
préceptes infaillibles pour passer avec plus d'assu-
rance. Vous conformant à la volonté de Madame vostre
mère, nostre Roine, de glorieuse mémoire, vous
m' avés comendé de tracer l'histoire de Navarre et
Béarn, laquelle je vous offre à vous qui estes
le miroir de vertu, de perfection, de proesse et de
valeur, brief la seule marque de divinité qu'on voit
reluire ici baas et en efîect ce grand Mars qu'on nous
figure par imagination ; recevés la donc, o grant
Hercule, avec pareille affection que fit ce grant Roy
l'eau qui lui feust offerte à deux mains par un vila-
gois , vous asseurant que je ne m'eselogneray de
mon devoir ni de la sainte intention que je ay.
HENRY ir.
A sa mère Catherine' succéda Henry II, aagé seu-
lement d'environ seze ans; son ayeul Alain, sire
d'Albret% fut ordonné son tuteur, lequel voyant les
affaires de Béarn descousues et confuses pour les
choses avepues durant le règne de François-Phébus *
et de Catherine et Jean% son mari, pensa de les
remettre en meilleur estât.
Or François P% roy de France, incontinent après le
trespas de la roy ne Catherine, avoit fait venir Henry,
son fils, en France, pour le faire nourrir, disoit-il, au-
près de sa personne : mais, à la vérité, plustot pour
empescher qu'il n'entrast en quelque traitté d'alliance
avec Charles, roy d'Espagne. Car l'ambition avoit
déjà engendré au cœur de ces deux puissans princes
de grandes émulations, qui se convertirent en haine
mortelle pour l'élection impériale de l'Espagnol, esleu
1. Henri II, roi de Navarre, né en 1503, mort en 1555.
2. Catherine, reine de Navarre, fille de Gaston, prince de
Viane, vicomte de Béarn, et de Madeleine de France, régna de
1483 à 1517.
3. Alain le Grand, sire d'Albret de 1471 à 1522.
4. François-Phœbus , frère de Catherine, roi de Navarre de
1479 à 1483.
5 . Jean d'Albret, roi de Navarre, mort en 1516.
4 HISTOIRE DE BÉARN
Empereur des Romains à Francfort le 28 de juin 1 51 9,
au très grand regret du François, qui avoit beaucoup
despendu pour l'estre. Et ceste élection avoit telle-
ment accreu leur maltalent qu'encores qu'ils retinssent
leur inimitié cachée, néantmoins tous deux espioient
la commodité de quelque spétieux prétexte pour
entrer en jeu l'un contre l'autre, et faire ouverture de
guerre. Le François demandoit l'accomplissement du
traitté de Noyon à l'Espagnol qui n'avoit volonté de
restituer le royaume de Navarre à Henry \ héritier
d'iceluy, ni de rendre la moitié de celuy de Naples au
roy de France, ne luy payer les cent mille escus qu'il
lui devoit annuellement jusques à la consumation du
mariage dudit Charles avec la fille de France (comme
tout cela estoit porté par ledit traitté), usoit de tous
les artifices, longueurs et tergiversations desquelles
les Princes ont accoustumé d'user, lorsqu'ils délibèrent
de faire tout le contraire de ce qu'ils auront promis
et juré. L'an donc 15211 s'offrit au roy de France
quelque apparente commodité pour ouvrir la guerre
à l'Empereur avec quelque avantage, qui le plus sou-
vent est le principal droit qui jette les Princes à la
guerre. L'alliance qu'il fit avec le pape Léon X lui
facilita les moyens de la commencer en Italie, pour le
recouvrement du royaume de Naples, et le souslève-
ment des peuples de Castille pour la jetter en Espagne
pour le recouvrement du royaume de Navarre. Car
il estoit lors survenu un grand tumulte entre les
1. Le royaume de Navarre avait été en grande partie enlevé à
Catherine et Jean, reine et roi de Navarre, en 1512, par Ferdi-
nand le Catholique.
(
ET NAVARRE. 5
Castillans et les gouverneurs, conseillers et officiers
du Roy, qui pour leur insasiable avarice, plustot que
par nécessité que le Prince eut, avoient surchargé le
peuple d'imposts insuportables et rendus vénaux tous
les offices, privilèges, grâces et expéditions ; ce qui
avoit mis le peuple en telle fureur [et désespoir] que
ne pouvans plus endurer l'inhumanité de ses sangsues
estrangères (car ceux qui manioient les affaires et
approchoient plus près du Roy estoient Flamans ou
Borguignons) , ils commencèrent premièrement de
tumultuer à Valedolit * , et puis par tous les autres
lieux, et ne voulans plus obéir aux officiers du Roy,
mirent sus une forme de gouvernement qu'ils nom-
mèrent la Santa Gonta*, c'est-à-dire Sainte Ligue.
Pareils accidens aviennent ordinairement quant les
Princes préfèrent aux honneurs , dignitez et ma-
niement des affaires les estrangers aux naturels
sujets, car les grands, ne pouvans souffrir qu'un
estranger les précède en leur propre terre, et les
petis, marris de les voir enrichir de leur povreté et
emporter en leur pais le profit de leurs sueurs et
travaux , entrent par désespoir en haine contre leur
Prince, et, s'incitans les uns les autres, se jettent en
manifeste sédition. (Pour telles choses , plusieurs
monarchies ont receu de grands changemens et plu-
sieurs seigneurs perdu leurs seigneuries.) Cette esmo-
tion donc donna telle espérance au roy de France de
pouvoir facilement recouvrer le royaume de Navarre
en faveur dudit Henri, qui, estant à sa suite, l'en
1 . Valladolid, capitale de la province de ce nom, dans la Vieille-
Castille. ^
2. Pour Santa-Junta.
6 HISTOIRE DE BÉARN
solicitoit tous les jours, qu'il y envoya une armée
commandée par André de Foix, seigneur d'Esparros^
et frère du seigneur de Lautrec *, auquel il donna pour
principaux conseillers Antoine, seigneur de Tornon
en Languedoc, etSainte-Colome, sieur d'Esgarrebaque
en Béarn ', et l'évesque de Coserans, qui estoit de la
maison de Gramont *.
Cette armée arriva le 15 de may 152i1 à Saint-
Jean-de-Pé-des-Pors ^ qui étoit demeuré es mains de
l'Espagnol depuis l'an 1512 que le duc d'Albe^ l'avoit
pris : et l'ayant battu, ceux de dedans n'osans attendre
l'assaut se rendirent vies et bagues sauves. Le sieur
de Larboust' y fut laissé pour gouverneur. Durant la
1. On appelle souvent par erreur André de Foix, sire de Les-
parre, il faut dire Esparros. Cette baronnie dépendait du comté
de Bigorre (Arch. des Basses-Pyrénées , B. 962 et suivants).
Esparros avait épousé Françoise Du Bouchet, dame de Bornezay;
il testa le 3 janvier 1547 et mourut la même année (même dépôt,
E. 383).
2. Odet de Foix, vicomte de Lautrec , mort devant Naples en
1527.
3. Jacques I de Sainte-Colomme, seigneur d'Esgoarrabaquc,
Cardesse, Oroignen, Gastillon, Ledeuix, etc., maire de Bayonne,
gouverneur de Plaisance (Italie), etc., marié à Catherine de Méri-
tein (Arch. des Basses-Pyrénées, E. 1464, 1475). Nous avons mis
un numéro d'ordre après le prénom, parce que trois membres de
cette famille figurent dans l'œuvre de Bordenave et portent le
même. Mais ce numéro ne signifie pas que ce Jacques I^' est le
premier du nom.
4. Charles de Gramont, qui devint archevêque de Bordeaux.
5. Saint-Jean-Pied-de-Port, chef-lieu de canton, arrondisse-
ment de Mauléon (Basses-Pyrénées).
6. Frédéric de Tolède, duc d'Albe, marquis de Coria, mort en
1527.
7. Menaud d'Aure, seigneur de Larboust et de Serremédan,
sénéchal de Nébouzan.
Et NAVARRE. 7
baterie le comte de Lerin ^ se monstra vis à vis de
Saint-Jean au haut des montagnes, tant pour donner
courage aux assiégés que pour garder les destroits
des passages. Esparros envoya incontinant contre luy
Dollique, fils du viscomte de Chaux ^, avec deux mille
enfantassins : toutesfois ayant veu la reddition de
Saint-Jean, le dit comte quitta la montagne et se
retira, et les François marchèrent outre. L'endemain
ils assiégèrent le fort du Pignon % qui avoit esté
basti par les Espagnols, entre Saint-Jean et Ronce-
vaux, pour empescher l'entrée en la haute Navarre;
où le cappitaine ayant seulement enduré deux coups de
canon , rendit la place à mesme composition que
celuy de Saint-Jean. Ces empeschemens ostés, l'armée
ne chomma guère au pié de la montagne , ainçois
l'ayant passée en dilligence , arriva à Roncevaux et
de là à Pampelonne * qui fut trouvée despourveue de
suffisente garnison pour que le duc de Nagera % vice-
roy de Navarre, avoit esté appelle avec toutes ses
forces en Castille pour la guerre qui estoit entre les
officiers du Roy et le peuple. L'absence du duc
servit plus à Esparros que ses forces propres. Et les
habitans de Pampelonne faschez de la dommination
1. Don Louis de Beaumont, comte de Lérin, connétable de
Navarre, mort en 1529.
2. Ce vicomte était alors Gratian, seigneur d'Echaux, vicomte
de Baïgorry. Le nom de son fils nous semble altéré, il faudrait
peut-être lire Onigo. (Arch. des Basses-Pyrénées, E, 564.)
3. Le Château-Pignon, sur la frontière d'Espagne, commune de
Saint-Michel, canton de Saint-Jean-Pied-de-Port, arrondissement
de Mauléon (Basses-Pyrénées).
4. Pampelune, capitale de la Navarre.
5. Don Antonio Manrique, duc de Nagera.
8 HISTOIRE DE BÉARN
des Castillans (le règne desquels n'est jamais exempt
de superbe et insolence) n'entendirent plustot nou-
velles de l'entrée des François qu'ils n'abatissent
soudain les armories de Castille , et envoyèrent
quelques uns des principaux hommes de leur ville
porter les clef à Esparros, qui, estant à Villenefve',
y envoya le mesme jour Esgarrabaque, colonnel de
l'enfanterie, avec trois cens hommes choisis. Il fut
receu avec grande joye et acclamations de tout le
peuple, très aise de rentrer en l'obéissance de son
prince naturel. Esgarrabaque ne s'amusa pas longue-
ment à entretenir les Pampelonnois, ainçois soudain
somma le chasteau de se rendre, ce que le capitaine
refusa faire. Mais Esparros, qui y arriva bien tost
après avec tout le reste de l'armée et l'artillerie, luy
fit chanter une autre chanson. Car ayant fait bresche
et mis en bataille ses compagnies pour donner l'assaut,
le dit capitaine demanda composition, qui luy fut
aussi tost accordée telle, qu'il sortiroit avec ses soldats,
la vie et leurs propres armes et bagues sauves, lais-
sant toutes les vivres et munitions de guerre. Mais
comme ils sortirent, l'enfanterie irritée de ce que plu-
sieurs de leurs compagnons avoient esté tuez durant
le siège, les chargèrent. Quelques uns furent tuez,
plusieurs desvalisez et tout le reste estoit en danger
de passer le mesme pas, si Esparros avec la cavalerie
ne les eut deffenduz et ne leur eut faict escorte jusques
auprès de Logrogne^ Tolet fut estably capitaine dudit
1. Villanueva, village de la vallée d'Araquil, en Navarre.
2. Logrono, capitale de la province de ce nom, dans la Vieille-
Gastille.
ET NAVARRE. 9
chasteau , où furent trouvées 1 7 pièces de grosse
artillerie et grand nombre de menue, avec grande
qantité de piques et arbalestes (car les harquebuses
estoient encores lors fort rares) et 500 corselets.
Estant Esparros maistre de Pampelonne, fit publier
la conmiission et puissance qu'il avoit du roy Henry
et fit quantequant abbatre les armories d'Espagne
plantées aux portes de la ville, chasteau et aux lieux
publiques, et fit battre monnoye au coin dudit Roy,
combien que quelques uns disent qu'il y mit les
armories de France, non pas celles de Navarre, et
que cela offensa beaucoup les Navarrois et aliéna
fort leurs volontez de luy, car d'autant qu'ils s'estoient
resjouis de sortir de la dommination du Castillan, ils
furent marris de voir les commencemens de la fran-
çoise. Et Luxe', qui avoit grande créance parmi le
peuple, despitéde n'avoir en ceste armée nulle charge,
mettoit secrettement aux oreilles du peuple des bruits
que cette guerre se faisoit en faveur du roy de France,
non pas de celuy de Navarre et qu'on se servoit seu-
lement de son nom, pour mieux piper les cœurs du
peuple, mais que s'ils se pouvoient une fois emparer
du pays, on n'orroit plus parler d'Henry , ains de
François. Esparros fit aussi publier une abolition
générale de tout ce qui pouvoit avoir esté fait par le
peuple contre le service de leur Roy naturel en faveur
de l'Espagnol. Quelques uns, plus Espagnols que
Navarrois, envoyèrent demander sauf-conduit audit
1 . Jean , baron de Luxe. — Luxe est une commune du canton
de Saint-Palais, arrondissement de Mauléon (Basses-Pyrénées).
Au x\m« siècle c'était une petite souveraineté appartenant aux
Montmorency.
10 HISTOIRE DE BÉARN
Esparros pour le venir trouver et un terme suffisant
pour au préalable pouvoir aller en personne ou envoyer
en Castille renoncer au serment de fidélité et hommage
qu'ils avoient fait au roy Charles. Mais Esparros,
averti que ceste demande n'estoit que pour gaigner
tems, affin que leurs biens ne fussent si tost saisiz,
leur fit responce qu'aux estrangers et aux ennemis,
non pas aux naturels sujetz falloit ottroyer sauf-
conduit, qu'ils estoient tous Navarrois naturels, sujetz
et hommes liges d'Henry, naturel et légitime roy de
Navarre, par ainsi qu'ils pouvoient et dévoient sans
autre sauf-conduit ou excuse se joindre à son armée,
de quoy il les prioit bien affecteusement et leur
commandoit en vertu du pouvoir et commission à
lui donnée par ledit Roy, afin qu'il ne fut contraint
d'user contre eux de la rigueur et hostilité establies
et ordonnées contre les rebelles et les ennemis ; quant
au terme qu'ils demandoient pour se descharger du
serment, le droit divin et humain les en dispensoit et
deschargeoit comme fait par violence et par force et à
celuy qui n'avoit eu aucun légitime droit de l'exiger.
Mais ces raisons ne servirent de rien envers ceux
qui, ayans plus les cœurs castillans que navarrois,
désiroient demeurer en l'obéissance de l'Espagnol.
Parquoy, craignans d'estre attrapez par l'armée, le
comte de Lerin, ses enfans, parens et partisans, avec
les sieurs de Gongorra, de Gondalin et le capitaine
Done Marie ^ se retirèrent incontinent en Castille
1. Voici les noms des fugitifs : Louis de Beaumont, comte de
Lérin, François, Pierre, Thibaut, Gratien et Martin de Beau-
mont, le seigneur de Gongora, le seigneur de Guendulain, le
capitan Dona Maria, Nicolas de Guya, le docteur de Gonin , le
ET NAVARRE. 11
et se joignirent à l'armée que le connestable^ et
l'amiral de Castille dressoient pour venir rencontrer
les François.
Durant le siège de Pampelonne, Esparros ne sachant
encore quelle [en] seroit l'issue, voyant l'affection du
peuple, pensa de se faire maistre de bonne heure de
tout ce qu'il pourroit. Par ainsi dépescha Pierre
Navarre * , fils du défunt mareschal de Navarre ,
avec quelques troupes pour aller sommer Olite^,
Taphaille^ et leurs mirandats^ ou bailliages, et le
marquis de Falces% aussi Navarrois, à Tudelle'. Elles
se rendirent aussi tost, comme à leur exemple firent
toutes les autres places du royaume, les chasteaux
d'Estëilla^ et Larraga' exceptez , lesquels ayans
attendu le canon, se rendirent à la seule veue d'iceluy.
Le viscomte de Soline^^fut laissé gouverneur à Esteille.
Après cela (comme s'il n'y eût plus autre chose à
licencié Balança, le bachelier de Ozcariz, avocat royal, Bernard
Cnizat, juge de Pampelune et maître des finances, Diego Gruzat,
essayeur de la monnaie, Lope de Esparça, les seigneurs de Mendi-
vete, Ayanz et Arbiçu, Louis et Martin Diez (Arch. des Basses-
Pyrénées, E. 554),
4. Inigo de Belasco.
2. Don Pedro de Navarre, de la maison de Gramont,
3. Ville de Navarre.
4. Tafalla, ville de Navarre.
5. Pour merindad.
6. Juan Del Bosquete était seigneur de Falces, près Olite,
depuis 1508 par donation de Catherine, reine de Navarre; mais
en 1513 Ferdinand le Catholique donna Falces à Alonso Carrillo
de Peralta.
7. Tudela, ville de Navarre.
8. Estella, ville de Navarre.
9. Larraga, ville de Navarre.
10. Juan de Garro, vicomte de Zolina.
1 2! HISTOIRE DE BÉARN
faire ou que les Espagnols eussent esté tellement
desconfitz qu'il ne leur restast plus [ny] force ny
courage pour se resentir de cette bravade et essayer
de recouvrer le perdu) , Esparros licentia une bonne
partie des Gascons par l'advis d'Esgarrabaque, leur
colonel, qui donnoit congé à quiconques en vouloit en
luy restituant la demi-solde d'un mois, pour lequel
n'avoit guères jours ils avoient fait monstre, ce qu'il
mettoit en ses boutges, dit le seigneur de Langeay^
(L'avarice, racine de tous maux, fait souvent tomber
les meilleurs en de bien lourdes fautes.) Tout le
Royaume donque fut heureusement conquis en un
mois. Et si les victorieux se fussent contentez de
garder ce qu'ils avoient conquis, et eussent, comme
leur devoir estoit, fortifié, avituaillé et muny de gens de
guerre les places défensables et ouvert les autres, les
légitimes héritiers posséderoient encores aujourd'hui
ce Royaume. Mais pensant aussi aisément conquester
toute l'Espagne, comme ils avoient conquis la Navarre,
par le conseil du mesme Esgarrabaque, Esparros alla
assiéger Logrogne, ville lors tenue du royaume de
Castille, mais qui est de l'ancien patrimoine du
royaume de Navarre. Dedans avoit plus de quatre
mille soldatz de ceux qui estoient sortis des places
qui s'estoient rendues et soixante hommes d'armez
commandez par Dom Pedre Relas de Guenare qui se
défendirent vaillement, et en plusieurs sorties firent
mourir maints François. Ce siège fut plus long que
Esparros n'avoit pensé pour ce qu'à faute de muni-
1. Guillaume Du Bellay, seigneur de Langeais, né en 1491,
mort en 1543, auteur de Mémoires,
ET NAVARRE. 13
lions la batterie estoit fort lente. Les Espagnols s'y
assemblèrent, et les Aragonois, qui sont les plus
voisins, arrivèrent aussi les premiers àSangoesseMe
Navarre en nombre de 6,000 infantasins et trois
cens chevaux, d'où ils molestoient tellement les four-
rageurs et \ivandiers de l'armée, qu'elle souffroit
grande disette de vivres. Et le 2 de juin 1 521 , Inigue
de Bêla SCO, connestable de Castille, l'amiral, le duc
de Nagera et le comte de Lerin avec une forte armée,
composée de Castillans et Biscains, entrèrent dedans
la ville à la veue des assaillans. Esparros cognut lors
sa faute, mais trop tard, d'avoir licentié les Gascons
et d'estre entré plus avant qu'il ne devoit, car se
trouvant foible et ne se fiant beaucoup du reste qu'il
avoit d'infanterie qui, ayant été nouvellement levée,
estoit sans expérience, asseurance ni obéissance, fut
contraint de lever le siège et se retirer au deçà la
rivière d'Ebre en un village nommé Thiebes% qui est
à deux lieues de Pampelonne. Il se vouloit retirer
dedans Pampelonne, mais Charles de Gramont, évesque
de Coserans, qui estoit un des principaux de son
conseil, luy remonstra qu'il affameroit incontinent la
ville. Ce fut un très mauvais conseil, et le plus salu-
taire et le plus expédiant estoit , pour conserver
l'armée et le Royaume, de départir toutes les troupes
par les forteresses défensables et les faire combatre
aux Espagnols l'une après l'autre, car rien ne fasche
et desvalise tant une armée que les longs et fréquents
1. Sanguesa, ville de Navarre, où naquit Henri II, roi de
Navarre.
2. Tiebas, village de la vallée d'Elorz, merindad (district) de
Sansuesa en Navarre.
H HISTOIRE DE BÉARN
sièges , d'autant qu'aux aproches , qu'aux assauts
meurent volontiers les plus braves soldats, et les
maladies qui suivent une armée travaillée, mal nourrie
et pis logée, consument et dissipent promptement le
reste. Et si Esparros eut fait ainsi, l'armée espagnole
se ftit elle mesme ruinée, et il eust donné loisir de luy
envoyer secours, ce qui eut esté fait en peu de tems,
car le roy de Navarre qui estoit à Navarrens en Béarn
avec tous ses sujets béarnois et autres, se tenoit prest
pour marcher au premier advertissement. Mais
Esparros ne l'advertit jamais de la nécessité en
laquelle il estoit, et le povre Prince eut aussi tost
nouvelle de la deffaitte de l'armée que de sa conqueste.
Le connestable de Castille, général de l'armée espa-
gnoUe , n'eut plus tôt joint les Aragonois qu'il ne
suivit Esparros, et se vint camper à sa veue. Plu-
sieurs belles et chaudes escarmouches furent atta-
quées par plusieurs jours entre ces deux armées,
sans venir en autre combat, car Esparros, qui atten-
doit 8,000 Navarrois qu'il fesoit lever, s'estoit campé
tellement à l'avantage et si serré que , sans leur
grand désavantage, les Espagnols ne le pouvoient
contraindre de combattre. Toutesfois le dernier de
juing ils l'attaquèrent de si près qu'il luy convint,
maugré qu'il en eust, venir aux mains et recevoir la
bataille audit Thiebes deux heures devant le soleil
couchant. 11 fut combatu plus d'une grosse heure,
sans qu'on peut juger de quel costé tomberoit la
victoire et si toutes les forces françoises eussent esté
là et tous ceux qui entrèrent en la meslée et rendirent
quelque combat l'eussent fait avec la mesme hardiesse
que fit leur général , ou qu'il eut peu attendre les
ET NAVARRE. 15
absens et les compagnies navarroises qui le venoient
joindre, vraysemblablement la victoire fut demeurée
de la part des François, encores que les Espagnols
fussent trois contre un, car les François, qui estoient
à Taphaille avec Oillique\ leur colonnel, et 6,000
Navarrois s'estoient assemblez en la faveur d'Esparros,
se joignoient avec lui. Mais les ennemis, qui à toutes
heures estoient advertis de Testât de ses affaires,
sachans la prochaine arrivée des dits Navarrois et
l'absence d'une bonne partie des François qui estoient
espars à Pampelonne, Taphaille et ailleurs, et ce
qui estoit avec Esparros mal aguerri et sans discipline
et obéi^ance, le réduirent à l'extrémité ou d'une
ignominieuse fuite, infaliblement accompagnée d'une
pernicieuse route ou d'un combat très hasardeux. Il
choisit le dernier, comme ayant plus d'espérance et
moins de déshonneur. Plusieurs chevaliers, capitaines,
gentilshommes et soldats moururent en ce conflict et
Esparros combatant valeureusement y perdit la veue
d'un coup de lance qui luy faussa la visière, et fut
pris prisonnier par Dom François de Beaumont,
auquel il se rendit, comme fit aussi le seigneur de
Tournon au capitaine Donc Marie. Leur prise estonna
si fort le reste de ce qui combatoit encores, que
tout s'enfuit à vauderoute, et sans la faveur de la
nuit, peus fussent eschapez de mort ou de prison.
Les sieurs de Dufort * et d'Aurignac, Foixens, y mou-
rurent, et Charles de Mauléon^ le capitaine Saint-
1. C'est le personnage appelé Dollique plus haut, page 7.
2. Hugues d'Espagne, seigneur de Durfort, marié à Brunette
de Goarraze.
3. Charles et Victor de Mauléon sont signalés en 1521 comme
16 HISTOIRE DE BÉARN
Martin S Dom Jean de Sarasa^ et Charles de Nabas%
Navarrois. Mais Arnaud de Gramont, Féderic de
Navarre , Esgarrebaque , l'esveque de Coserans et
plusieurs autres des principaux de l'armée, qui estoient
au camp ou dedans les forteresses, au lieu de recueillir
l'armée rompue et esgarée, quittèrent les villes et s'en
fuirent de tel efiroy et vistesse qu'ils ne s'arrestèrent
qu'ils ne fussent dedans Rayonne, dont ils escrivirent
tant au roy de France que de Navarre la perte de la
bataille et du royaume de Navarre. Les victorieux ne
s'amusèrent longuement à suivre les fuyars, mais sui-
vans leur victoire, trouvans Pampelonne et toutes les
autresplaces abandonnées, regaignèrenttoutle Royaume,
aussi aisément qu'il avoit esté perdu. Après ils tour-
nèrent leurs armes contre les Navarrois qui s'estoient
armez ou en quelque autre sorte déclarez pour le
party d'Henry, leur légitime Roy. Plusieurs furent
meurtris par les soldats, autres exécutez par le bour-
reau et tout le royaume fort tyrannisé par Francisco
de Cuniga, comte de Mirande, qui en fut fait vice-roy
en la place du comte de Nagera , qui pour quelque
mescontentement l'avoit quitté, connoissant qu'on le
suspitionoit de l'entrée des François, d'autant qu'il
sortoit des légitimes rois de Navarre. Jaimes de Relas
partisane de la maison d'Albret. (Diccionario de Antiguedades de
Navarra.)
1. Jean, seigneur de Saint-Martin d'Arberoue.
2. Juan de Sarasa, petit-fils de Martin Ferrandiz de Sarasa et
de Margarita, qui avaient eu leurs biens confisqués en 1452.
3. Probablement le seigneur de Nabas, commune du canton de
Navarrenx, arrondissement d'Orthez (Basses-Pyrénées), sur la
limite du pays basque.
ET NAVARRE. 17
de Medrano, son fils, et environ 200 Navarrois, la
pluspart gentilshommes, s' estant retirez aux montagnes
de Navarre à la faveur de la forteresse de Maya',
fesoient la guerre au vice-roy, plus en hommes déses-
pérez et furieux qu'autrement, mais enfin ils furent
clusez dedans ladite forteresse et s'estans rendus à la
discrétion du vice-roy et conduits à Pampelonne,
moururent en prison le 14® jour après, non sans
suspeçon d'y avoir esté aidez, et peu de ceux qui
avoient esté pris avec eux les survescurent. Le comte
de Medinda*, vice-roy, fit fortifier la ville de Pam-
pelonne.
Le roy de France, adverti de la deffaite d'Esparros
et de la reprise du royaume de Navarre, délibéra de
le recouvrer et d'y envoyer une nouvelle armée. Par
ainsi au commancement de setembre 1 5211 , ildespêcha
Guillaumes Confier, seigneur de Bonivet, amiral de
france et gouverneur de Guienne^, avec sa compa-
gnie de cent hommes d'armes, et celle du duc
d'Albanie^ de pareil nombre, celles des sieurs de
Saint-André ^ et de Sainte-Mesme et une partie de
celle de Jaques Galliotde Genoillac% seigneur d'Acier,
grand maistre de l'artillerie de France et sénéchal
d'Armaignac, et six mille lansquenets, desquels Claude
1. Ville de la vallée de Baztan, merindad (district) de Pam-
pelune.
2. Pour Miranda.
3. Tué à Pavie en 1525.
4. Jean Stuart, duc d'Albany, de la maison royale d'Ecosse,
mort en 1536.
5. Pierre de Saint-André qui avait été ambassadeur de France
en Espagne en 1506 (?).
6. Mort en 1546.
21
18 HISTOIRE DE BÉARN
de LoraineS comte de Guise (qui despuis fut érigé
en duché), est oit colonel. Gouffier avoit ample pou-
voir de lever en Guienne autant de compagnies de
enfanterie qu'il jugeroit estre nécessaires. Arrivé
donques à Bordeaux, il leva sur les habitans plusieurs
grosses sommes que le Roy leur avoit imposées pour
les frais de celte guerre, et y ayant pris une bande de
grosse artillerie, print le chemin de Bayonne ; sur la
fin du mois, il arriva à Saint-Jean-de-Lus% et de là,
afin que l'ennemy pensast sa délibération estre de
prendre la route de Navarre, il despescha Saint-André
avec deux mille lansquenets et mille Gascons, Navar-
rois et Basques et sa compagnie de gens d'armes pour
aller forcer la forteresse de Maya, cependant qu'il
feroit sommer le chasteau du Pignon, assis sus la
montagne de Roncesvaux, qui refusa de se rendre
jusques à ce que celui qui y commandoit vit arriver
quelques pièces de légère artillerie, à l'arrivée des-
quelles le capitaine Mondragon ^ qui estoit dedans avec
cinquante soldats se rendit, vie et bagues sauves.
Delà l'amiral prit la route de Pampelonne, mais le
second jour il rebroussa chemin à travers la montagne
où la cavalerie fut contrainte de mettre pied à terre
et tirer les chevaux par la bride l'espace d'un jour.
Estant arrivé sur le soir auprès de Maya, il fit tirer
1. Connu aussi sous le nom de duc d'Aumale, mort en 1550.
C'est le père de François, duc de Guise, et du cardinal.
2. Saint- Jean-de-Luz, chef-lieu de canton de l'arrondissement
de Bayonne (Basses-Pyrénées).
3. C'est le nom d'un corsaire français, pris par les Espagnols
en 1506, qui n'obtint sa liberté qu'à la condition de servir le roi
d'Espagne. (Hist. d'Espagne par J. de Ferreras, VIII, p. 335.)
ET NAVARRE. 19
une boulée de toutes ses pièces, afin de faire penser à
la garnison des ennemis qu'il estoit là pour l'assiéger,
battre et assaillir ; mais il avoit toute autre volonté et
tous ses desseins estoient sur Fontarabie \ par quoy il
deslogea l'endemain bon matin avec telle dilligence
que le soir mesmes il vint loger au village d'Esteigna ^
près de Saint-Jean-de-Lus, et y ayant refreschi deux
jours son armée, partit le troisiesme bon matin pour
aller passer la rivière de Bahobie^, mais la trouvant
bordée du costé de delà par l'ennemi, et la marée fort
haute, lut contraint de faire haut et d'attendre le destroit
qui fut l'endemain environ huit heures. Le comte de
Guise, la picque au poing, servant d'exemple à ses
soldats, sauta le premier dedans l'eau et suivi des
Alemans et tout le reste de l'enfanterie, ayant la cava-
lerie à sa main gauche, qui passoit au dessus d'eux
tous pour rompre l'impétuosité du fleuve, se présenta
à l'autre rive avec si hardie contenance qu'encore que
les Espagnols qui leur estoient en teste en nombre
quasi égal et avec l'avantage que ceux qui attendent
en terre ferme peuvent avoir sur ceux qui, tous
mouillés à travers une rivière, les vont combattre,
s' estonnèrent tellement de cette brave charge, qu'ils se
mirent d'eux mesmes , premièrement en route et
depuis en fuite, laissans la rive franche aux assaillans.
La plus part gaignèrent les montaignes et quelques
1. Ville du Guipuzcoa.
2. Ascain, canton de Saint- Jean-de-Luz.
3. Béhobie est un hameau de la commune d'Urrugne, canton
de Saint- Jean-de-Luz. La rivière qui passe à Béhobie est la
Bidassoa.
%0 HISTOIRE DE BÉARN
uns avec Diego Vere \ leur chef, se rendirent dedans
Fontarabie, et l'amiral quittant la poursuite des fuyars,
tira droit au chasteau de Bahobie où avoit bonne
garnison d'Espagnols, qui eussent pu» empescher les
vivres de venir en son camp devant Fontarrebie, s'il
y fut allé plustot qu'au dit Bahobie. La batterie fut
incontinent commencée avec quatre gros canons et
quelques pièces bastardes, et de la première volée
une canonière basse fut embouchée et une des meil-
leures pièces rompue, et le canonier avec autres qui
estoient auprès de luy tuez. Cela mit tel effroy parmi
les soldats qu'ils contraignirent leur capitaine de se
rendre à la discrétion de l'amiral. Les principaux
furent envoyez prisonniers à Baionne, les autres des-
valisez et licentiez, et dedans le chasteau fut mise une
forte garnison de François, pour asseurer le chemin
aux vivandiers. De là l'armée alla camper devant
Fontarrebie, qui fut quasi plus tost battue qu'assiégée.
Si grande estoit la provoyance et la diligence de ce
chef et l'obéissance de ses soldats sy prompte, qu'ils
ne virent plustot par terre un petit pan de muraille,
que les Navarrois, les Basques et les Gascons ne
demandassent l'assaut, qui leur fut ottroyé plustot par
importunité que par raison, car la brèche n' estoit
encore suffisante ny raisonnable, comme l'issue le
monstra, car jaçoit que les assaillans s'y présentassent
avec toute l'impétuosité et hardiesse qu'on eut peu
désirer et combatissent longuement avec une très
grande furie, néantmoins ceux de dedans les receurent
1. Don Diego de Vera fut commandant de Tripoli, de Saint-
Jean- Pied-de- Port et de FontarraLie.
ET NAVARRE. 21
avec tel courage et les soustindrent avec si constante
résolution qu'ils furent contraints de se retirer avec
beaucoup de perte et de honte. L'amiral, fort marri
de la témérité de ses soldats au dommage et des-
honneur de son armée, toutesfois bien aise d'avoir
connu leur hardiesse et s'asseurant de recouvrer en
un coup l'honneur perdu et emporter la place, fit
tirer l'endemain plusieurs volées de canon aux lieux
dont estoit venu le plus grand mal et fit loger une
colovrine sur un haut qui voyoit la brèche en flanc,
pour battre ceux qui se voudroient présenter à sa
défense. Les bataillons estoient jà dressés et ceux qui
dévoient donner les premiers commençoient de partir,
quand les assiégez ne voulans expérimenter une autre
fois la vertu des assaillans, demandèrent composition,
qui leur fut aussi tost accordée. Ils sortirent avec les
armes et bagues sauves. Le comte de Guise et quel-
ques autres estoient d'advis qu'on ruinast et rasast
Fontarrebie et qu'on fortifiast Handaye^ mais l'amiral,
qui disoit n'avoir assez de loisir pour séjourner si
long tems en ces marches, fut de contraire opinion.
Le gouvernement fut donné au sieur de Saint-Bonet*,
mais d'autant qu'il fust bien tost après tué au village
de Sainte-Marie avec Carreges et Saint-Romans^, où
ils estoient allez pour en desloger quelque troupe
d'ennemis qui s'i estoient logées et pour faire apporter
des vivres dedans la ville, Jaques d'Aillon, sieur de
\. Hendaye, canton de Saint- Jean-de - Luz , arrondissement de
Bayonne (Basses-Pyrénées) .
2. Gabriel d'Escars, seigneur de Saint-Bonnet.
3. François Motier de La Fayette, seigneur de Saint- Romain(?).
22 HISTOraE DE BÉARN
Lude \ fut mis en sa place. Et l'amiral ayant conquis
pour son Roy Fontarrebie, ramena son armée en
France, sans se soucier de la conqueste de Navarre
pour le roy Henry, qui, estant sous la protection
d'un plus fort que soy, estoit contraint de se contenter,
et approuver tout ce qu'il vouloit et faisoit.
Bien tost après la retraitte de l'armée françoise, les
Espagnols estimans ne pouvoir vivre en repos et
seurté tant que les François seroient logez en leur
pays, mirent sus la plus forte armée qu'ils peurent
pour les en déchasser et reprendre Fontarrebie ; et
l'eussent peut estre aisément fait, s'ils n'eussent trouvé
le comte de Lude et ses soldats asseurez et résolus de
mourir devant qu'entendre à composition aucune avec
l'Espagnol et de faire plustot un pont de leurs cors
mors pour passer par dessus, s'ils estoient contrains
de quitter la ville. Mais tout ainsi que ceux de dedans
se résolurent à la défense, ceux de dehors s'opinias-
trèrent à les avoir par force ou pai' famine, ce qu'à
la parfin ils eussent fait, car les assiégez n'ayans
laissé espèce d'herbes ni animaux qu'ils n'eussent
mangée , estoient combatus du travail et de la fain,
qu'ils estoient demi-mors, lors que bien à point, dix
mois après le commencement du siège, le roy de
France dépescha le mareschal de Ghastillon * pour les
secourir et avituailler. Et d'autant qu'il décéda de
maladie à Aqs % le mareschal de Chabanes, seigneur
1. Jacques de Daillon, baron du Lude, sénéchal d'Anjou.
2. Gaspard de Coligny, seigneur de Coligny, Andelot et Ghù-
tillon-sur-Loing, maréchal de France en 1516, marié à Louise de
Montmorency, sœur du connétable.
3. Dax (Landes).
ET NAVARRE. 23
de La Palisse*, luy fut substitué. Ayant receu l'armée
il marcha droit à Baionne et de là à Saint-Jean-de-Lus,
où, ayant mis toutes ses forces ensemble, print le
chemin de Hendaye, attandant l'armée de mer que
le capitaine Lartigue, vice-amiral deBretaigne, menoit
pour l'avituaillement. Mais la nécessité des assiégez
estoit tant extrême, que sans avoir nouvelles dudit
Lartigue, La Palisse fut contraint de passer la rivière
et approcher les ennemis qui n'osans entrer au combat
en gros, après quelques escarmouches deslogèrent la
nuict et se retirèrent par les montaignes encore qu'ils
fussent égaux en nombre d'hommes aux François.
Leur inqpiné deslogement resjouit beaucoup les
assiégez qui craignoient tout autre effort des assié-
geans. La Palisse refreschit la garnison et avituailla
la place. Lanusse, dit le capitaine Franget, gentil-
homme béarnois et lieutenant de la compagnie des
gens d'armes du défunct mareschal de Chastillon, avec
une compagnie de 50 honmies d'armes que le Roy
luy donna, et le capitaine Pedre Navarre avec mille
hommes depié, Gascons, Basques et Navarrois, furent
laissez dedans, en la place de Lude et de ses soldats
qui furent ramenez en France. Le gouvernement de
la place et le principal commandement sur les gens de
guerre furent donnez à Franget. L'année suivante
l'Empereur, avec l'aide du roy d'Angleterre, entreprit
d'assaillir la France tout à la fois par la Champaigne,
Picardie et Guienne et de recouvrer Fontarrebie. Le
commandement de l'armée pour l'expédition de
Fontarrebie et Guienne fut donné à Philibert de
1. Jacques de Ghabannes, seigneur de La Palice, maréchal de
France en 1515, tué à Pavie en 1525.
24 ' HISTOIRE DE BÉARN
Chaloon, prince d'Orenge \ qui commença de marcher
le sixième de setembre 1523, avec espérance de
prendre non - seulement Fontarrebie mais aussi
Baionne. Mais le seigneur de Lautrec, gouverneur de
Guienne, le prévint avec toute la célérité et prudence
qu'une telle entreprise requéroit. Estant donc Lautrec
arrivé à Baionne, fit conduire en diligence dedans
Fontarebie tout ce de quoy on pouvoit avoir besoin,
tant d'hommes, vivres que munitions de guerre pour
attendre un long siège et soustenir un grand effort et
fît retirer dedans Baionne les vivres et bestails qui se
trouvèrent au pais de Labour, tant pour la provision
de la dite ville qu'à ce que l'ennemi ne s'en peut pré-
valoir. Et d'autant qu'il n'avoit assés de forces pour
attendre l'ennemi à la campaigne , estant les plus
grandes forces de France empeschées en Italie ,
Picardie et Champagne, et qu'il n'avoit moyen de
pourvoir Baionne du nombre de gens de guerre qu'il
estoit requis et craignoit que l'ennemi, faignant de
vouloir attaquer Fontarrebie, se jettast tout d'un
coup sur Baionne, se resolust de demeurer lui-mesmes
dedans la ville. Cela fut la sauvation de cette place,
car les Espagnols estans arrivez le 1 6 du dit mois de
septembre 1523 à Saint- Jean-de-Lus, vindrent l'en-
demain assaillir Baionne par eau et par terre, avec
telle impétuosité, que, sans la présence de Lautrec, il
est aparent qu'ils l'eussent forcée, veu le peu de gens
de guerre qui est oient dedans. Mais la vertu et dili-
gence de ce grand capitaine les empescha, qui de
trois jours et de trois nuits ne bougea de dessus les
1. Philibert de Ghâlon, prince d'Orange et de Melfi, né en 1502,
tué à Pistoye en 1530.
ET NAVARRE. 25
murailles, commandant toutes les choses nécessaires,
selon que l'occurence et la nécessité monstroit estre
à faire, et confortant, tant de parolle que par son
propre exemple, le peuple avec tel visage et magna-
nimité que les habitans (qui du commencement se
monstroient fort estonnez , n'estans accoustumez à
telles escrimes et voyant les grands efforts des assail-
lans et la multitude de leurs vaisseaux) tant hommes,
femmes qu'enfans, prindrent courage et mirent si
bien la main à l'œuvre que bien tost toutes les avenues
et entrées des rivières furent bouchées, et les plus
couards devenus hardis se présentoient au combat,
avec la mesme hardiesse, asseurance et persévérance
qu'ont accoustumé faire les plus vaillans et mieux
aguerris, de manière que l'ennemi trompé de son
attente, pour ne perdre tems, se mit à sa retraitte et
alla assiéger Fontarrebie. Mais il n'y trouva pas sem-
blable résistance qu'il avoit fait à Baionne, encore
qu'elle fut pourveue de plus grand nombre de gens
de guerre et de toutes autres choses nécessaires pour
la défendre un bien long tems , car Franget , après
avoir tenu peu de jours, la rendit fort mal à propos
et sans avoir enduré grande batterie et point d'assaut.
Voilà combien peut aux affaires de la guerre la vail-
lance ou la pusillanimité des chef. Gest homme estoit
en estime de bon capitaine et avoit beaucoup d'expé-
rience en l'art de la guerre et avoit toute sa vie bien
fait, néantmoins fit cette lourde faute. Il n'y a jamais
eu si grand capitaine, qu'une fois en sa vie n'ait fait
quelque pas de clerc, car Dieu, duquel seul vient la
hardiesse et la vaillance, oste souvent l'entendement et
le cœur aux plus sages et aux plus hardis, afin qu'on
216 HISTOIRE DE BÉÂRN
connoisse telles vertus procéder de sa seule grâce,
non pas des forces et longs labeurs des hommes et
qu'on apprenne de despendre de luy et l'invoquer en
toutes actions. Franget excusoit cette sienne faute,
partie sus l'infidélité de Pedro Navarre, qu'il disoit
avoir intelligence avec l'ennemi, partie sus l'impa-
tience des soldats qui faschez de la longueur de cette
guerre ou craignans de tomber à la discrétion des
ennemis se desroboient tous les jours. Toutesfois ses
excuses ne feurent receues par le Roy, ains fut
Franget à Lion sur un eschafaut dégradé des armes et
de noblesse, et luy et ses descendans déclarez rotu-
riers, pour avoir esté négligent et failly de cœur à
prévoir et prouvoir à l'inobéissance des soldats et à
la conspiration de Pedro, laquelle fut clerement
vérifiée pour ce que, quittant le service du Roy, il se
retira avec l'ennemi, et l'Empereur le remit en tous
ses biens et l'apointa beaucoup mieux que ne faisoit
le roy de France. Tous les Navarrois suivirent Pedro
et les François se retirèrent en France, mais tous
ceux qui tomboient es mains de Lautrec estoient
incontinent pendus comme infidèles à leur Prince et
déserteurs de son service.
Estant le prince d'Orenge maistre de Fontarrebie,
il la rempara, fortifia et avituailla et y mit bonne
garnison de Castillans. Après cela, solicité par Luxe, il
entra en Guienne du costé de Raionne, et avant passée
la rivière du Gave ^ (fleuve tellement impétueux qu'il
semble plustot torrent que rivière) entra dans Sorde *
1. Il s'agit ici du Gave d'Oloron,
2. Sorde , canton de Peyrehorade , arrondissement de Dax
(Landes).
I
ET NAVARRE. 27
laquelle il brusia, la trouvant abandonnée. Delà il
mena son armée à PeirehoradeNju'il print et saccagea,
et brusia Hastingues ^, la trouvant vuide et abandonnée
des habitans, qui intimidez du bruit de la cruauté des
Espagnols , s'estoient retirez dedans les bois plus
prochains, dont ils fesoient prou de maux aux ennemis
qui s'escartoient pour aller aux fourrages ou pillage.
Mais il n'eust pas si bon marché de Vidachen^, où il
perdit beaucoup d'hommes durant le siège qui dura
vingt jours ; toutesfois il s'en vengea fort cruellement,
faisant passer au fil de l'espée indiférement tout ce
qui se trouva dedans. Et puis passant par Mauléon
de Soûle * la saccagea , et entrant en Béarn vint
assiéger Sauveterre ^ où il perdit beaucoup de bons
hommes, combien qu'à la fin il la print, comme aussi
il fit Navarrenx. Car outre que la place n'estoit point
tenable et la fortification qui avoit esté faite à haste
estoit imparfaite, les compagnies Béarnoises qui
cstoient dedans, levées à la haste du peuple nullement
aguerri, n'ouirent plustot nouvelles de l'intention de
l'emiemi que les soldats ne se desrobassent à grandes
troupes, voire jusques à sauter par les murailles,
laissant leurs enseignes si mal accompagnées que
Estienne d'Albret, baron de Mieussens% qui com-
1. Peyrehorade, arrondissement de Dax (Landes).
2. Canton de Peyrehorade (Landes).
3. Bidache, chef-lieu de canton de l'arrondissement de Bayonne
(Basses-Pyrénées). C'est là qu'est encore le château des Gramont.
4. Chef-lieu d'arrondissement (Basses-Pyrénées).
5. Chef-lieu de canton de l'arrondissement d'Orthez (Basses-
Pyrénées).
6. Etienne d'Albret, baron de Miossens, marié à Françoise de
Béarn.
%S HISTOIRE DE BÉARN
mandoit dedans Sauveterre en titre de lieutenant de
Roy, après avoir enduré quelques coups de canon,
fut contraint de recevoir composition et de sortir luy
et tous ceux qui estoient demeurez avec luy, les
armes et bagues sauves. Tous les capitaines et les
gentilshommes qui estoient avec Mieussens, demeu-
rèrent avec luy et après la composition se retirèrent
tous à Pau, où estoit le roy Henry. Durant le siège
de Sauveterre, Ferriér Lanuce, frère du vice-roy
d'Aragon \ avec trois mille hommes de guerre, entra
en Béarn par la vallée d'Aspe, ayant fait quitter la
garde des passages de la montagne au capitaine
Menauton, bastard de Gerderest^, qui se retira dedans
Oloron, d'où le sieur de Loubié^ séneschal de Béarn,
estoit gouverneur. Les Aragonois se vindrent camper
à Sainte-Marie lez Oloron ^ sur lesquels ceux de
dedans firent l'endeniain une sortie, pensans estre
soustenus de trois compagnies de gendarmes qui
estoient logées à demi lieue de là et se dévoient
mettre en embuscade auprès dudit Sainte-Marie, afin
de charger les Espagnols par derrier, s'ils vouloient
suivre l'infanterie d'Oloron qui les alla agasser pour
les attirer à la campagne; mais lesdites compagnies,
ne se trouvans à l'assignation, furent cause que tout
ce qui estoit sorti fut mis à vauderoute, et une grande
1. Le vice-roi d'Aragon était Jean de Lanusse, seigneur de
Béon (Arch. des Basses-Pyrénées, E. 1872).
2. Les seigneurs de Gerderest étaient des douze barons de
Béarn et leur baronnie dans le canton de Lembeye , arrondisse-
ment de Pau (Basses-Pyrénées).
3. François de Béarn, seigneur de Louvie-Soubiron.
4. Ville qui a été réunie à celle d'Oloron (Basses-Pyrénées) en
1858.
ET NAVARRE. 29
partie massacrés ; et si le gouverneur n'eust fait
lever le pont, les Espagnols entroient pesle et mesle
avec les Béarnois qui se retiroient en tel désordre que
plusieurs, trouvans le pont levé, se jettèrent dedans
l'eau , plusieurs se noyèrent et d'autres furent tuez.
Le peuple qui juge ordinairement indiscrètement des
choses, plus par l'événement d'icelles ou par affection
ou passion que par la raison, suspitionoit Lobié
d'avoir intelligence avec l'ennemi, combien qu'il n'en
fut rien ; et s'il n'eust eu la discrétion de bazarder
plustot une partie de ses gens que le tout, sans doubte
il perdoit en un coup la ville et tout le demeurant de
ses hommes. Ayant donc les Aragonois failli de
prendre Oloron, ils s'allèrent joindre au prince
d'Orenge à Sauveterre, qui peu de jours après
ramassa son armée et s'en retourna en Espagne et
en passant pilla Biarris^ et Saint-Jean-de-Lus et tous
les pais de Labourt*.
Au mois de février 1 524 le roy Henry de Navarre
ayant suivi François, roy de France, err Italie, lors-
qu'il suivoit l'armée de l'Empereur conduite par
Bourbon* et le marquis de Pesquaire^ se retirant de
Provence où elle estoit entrée, cuydant prendre
Marseille, vaillamment combattant fut fait prisonnier
devant Pavie avec ledit roy François, et mené dedans
1. Biarrits, canton de Bayonne N-0 (Basses-Pj'rénées).
2. Le pays de Laboord est compris dans l'arrondissement de
Bayonne.
3. Charles, duc de Bourbon, connétable, né en 1489, tué à l'as-
saut de Rome en 1527.
4. Ferdinand-François d'Avalos, marquis de Pescaire et
d'Aquin, grand chambellan du royaume de Naples, né en 1489,
mort devant Milan en 1525.
30 HISTOIRE DE BÉARN
le chasteau de Pavie. Toutesfois, par la diligence de
François, baron d'Arros en Béarn\ furent pratiquez
deux capitaines de ceux qui avoient charge de le
garder, l'un espagnol nommé Goimbres, l'autre
italien des terres du duc de Mantoue, auquel le
Navarrois s'estoit rendu le jour de la bataille. Ceux-
ci firent provision d'une eschele de cordes, laquelle
dressée à la fenestre de la chambre dudit Roy,
Goimbres descendit le premier et le Roy après, qui
eut telle frayeur qu'il ne fut allé guère bas , ains seroit
remonté, si Francisco, navarrois et son valet de
chambre, ne l'eut pressé, luy proposant le danger de
demeurer estre beaucoup plus grand que celuy de la
descente par l'eschelle, « car indubitablement, disoit-
» il, Vostre Majesté n'aura plus tôt payée sa ranson,
» qu'on lui donnera le boucon pour mettre fin par ce
» moyen à la querelle du royaume de Navarre. » Il des-
cendit doncques et ledit Francisco après luy, et ayant
trouvé le baron d'Arros et le Mantouan au bord du
fossé avec des chevaux prests, le roy Henry se rendit
sans nul destourbier à Lion où estoit Madame la
Régente, mère du roy François. Or pour avoir plus
de loisir et de tems de se sauver, François de Roche-
fort, sieur de Viviers en Foix^, page dudit Roy, et un
valet de chambre avoient esté laissez dedans la
chambre, tant pour retirer l'eschelle que pour amuser
le matin le capitaine du chasteau qui avoit accous-
tumé tous les matins de venir donner le bon jour au
1. Arros près Nay, l'une des douze baronnies de Béarn.
2. Nous retrouvons François de Rochefort , gouverneur du
comté do Pardiac et capitaine du château de Montiezun, en 4564
(Arch. des Basses-Pyrénées, B. 1584).
\
ET NAVARRE. 3f
Roy, d'assister à son lever. Mais ce matin le valet de
chambre l'entretint jusques après midy, luy faisant
entendre que son maistre s'estoit trouvé si mal toute
la nuict qu'il n'avoit pris aucun repos, qu'il s'estoit
endormi sus le matin. Le capitaine le creut et eut
patience jusques après midi qu'ayant tiré le rideau
trouva le page Rochefort couché en la place du Roy.
Chacun peut penser quelle fut la tristesse de ce gar-
dien, sçachant principalement l'intention de l'Empe-
reur estre de ne lascher ce prisonnier qu'il ne fut au
préalable bien asseuré du royaume de Navarre.
Toutesfois le page ny le valet de chambre ne receurent
autre dommage, qu'une grande louange d'avoir cons-
tamment bazardée leur vie pour le service de leur
maistre.
L'an 1528, au mois de janvier, ledit roy Henry
espousa Marguerite, sœur unique du roy François et
vefve du duc d'Alençon ^ décédé à Lion après la
bataille de Pavie. De ce mariage sortirent quatre
enfans, Jeane qui nasquit dix mois après les nopces
de ses père et mère, le 16 de novembre à Saint-
Germain en Laye, Jean qui ne vescut que neuf mois,
et deux filles qui trespassèrent avant d' estre baptisées.
Geste mesmes année, au mois d'avril, Gharles, prince
de Navarre, frère du roy Henri, surnommé le Vachier
de Béarn, désireux en son adolescence d'acquérir
honneur par les armes, estant allé trouver, avec une
troupe de gentilshommes Gascons et Béarnois, l'armée
françoise qui estoit devant Naples sous la conduite
d'Odet de Foix, seigneur de Lautrec, mourut prison-
1. Charles IV, duc d'Alençon.
32 HISTOIRE DE BÉARN
nier à Naples d'une fièvre chaude. Et l'an 1540, le
1 5 de juillet, le roy François pour se fortifier d'alliances
en Alemaigne contre l'Empereur Charles V, maria sa
niepce Jeane, fille dudit roy de Navarre, avec Guil-
laumes, duc de Clèves, Gueldres et Julliers. Le roy
de France pressoit avec grande importunité le père
de donner son consentement à ce mariage, qui estoit
du tout contre la volonté d'iceluy, car il luy faschoit
fort de donner sa fille à un prince duquel lui ny son
peuple ne pouvoient espérer aucune faveur ou support
en cas de nécessité, et de la confiner en un pais si
loingtain de toutes les seigneuries auxquelles elle
devoit un jour succéder, et entre une nation différente
de langage et meurs de sa fille et de tous ses sujets.
Néantmoins il n'osoit refuser le roy François, ne
déclarer ouvertement son intention, mais cerchoit des
excuses et dilais les plus longs qu'il pouvoit, attendant
si le tems aporteroit quelque nouvelleté qui des-
tourbast ou rompit ce coup. Pour gaigner donques
tems, il s'avisa de dire qu'il vouloit communiquer le
fait aux Estas de ses pais souverains, par l'advis
desquels les Rois et seigneurs, ses prédécesseurs,
avoient tousjours marié leurs enfans héritiers. Il leur
escrivit donques (comme j'ay veu par la mesmes
lettre et la responce des Estas ^) que le roy François,
son beau-frère, avoit cerché parti de mariage à sa
fille, nièce d'iceluy, avec Guillaumes, duc de Clèves,
Juliers et Gueldres, qui estoit un puissant et riche
prince d' Alemaigne et tellement apparenté et allié
4. Les remontrances des États de Béarn à ce sujet sont en tête
du Ve volume des Etablissements de Béarn (Arch. des Basses-
Pyrénées, G. 683).
ET NAVARRE. 33
avec toutes les principales maisons de cette grande
province et nommément des Électeurs, que la dignité
d'Empereur venant à vacquer, il n'y avoit prince en
tout le pais qui fut pour y parvenir plustot que lui,
ce que, s'il avenoit, apporteroit un grand honneur à
luy d'estre beau-père et à sa fille d'estre femme de
l'Empereur des Romains, premier prince des Chres-
tiens ; outre le grand support que lui et eux en pou-
voient espérer pour la défense des Estas qu'il possé-
doit, et le recouvrement de ceux qui avoient esté ravis
à ses ancestres et lui estoient retenus par tyrannie ;
qu'il savoit qu'en accordant ce mariage, il feroit
chose fort agréable au roi François, et au contraire
très désagréable, et il ne vouloitlui desplaire en rien,
ains désiroit de lui complaire en toutes les choses qui
seroient en son pouvoir ; toutesfois qu'il n' avoit voulu
rien arrester avant leur avoir connmuniqué le tout, à
l'exemple des seigneurs, ses prédécesseurs, pour
entendre leur advis sur ce fait qui n'atouchoit pas
moins à eux qu'à luy ; qu'il les prioit donques y
adviser meurement et luy envoyer le plustot qu'ils
pourroient leur advis. Les Estas respondirent que
tous bons mariages dévoient estre non seulement
agréables aux parties, mais aussi profitables à tous
ceux qui y avoient intérest ; mais que ceux des
princes souverains dévoient sur toutes choses
regarder le bien et profit de tous leurs peuples,
qui avoit esté cause que les plus sages et plus justes
Rois n'y estoient jamais entrez qu'avec l'avis de leurs
sujets, qui estoient en cela les meilleurs conseillers
qu'ils eussent sceu prendre, et avoit tousjours esté
ainsi prattiqué en Navarre en Béarn, comme il appa-
3
34 HISTOIRE DE BÉARN
raissoit par plusieurs actes. Combien donques que le
mariage de madame la Princesse avec le duc de
Glèves fut très honnorable, néantmoins il sembloit
aux Estas estre fort préjudiciable à tous les sujets de
Sa Majesté, qui par ce moyen demeureroient non
seulement privez de pouvoir jamais voir leur prin-
cesse et dame naturelle en défaut du père, laquelle
pour estre née et nourrie en autre terre que la leur,
leurs yeux n'avoient jamais eu cest heureux conten-
tement de l'avoir peu voir seulement et perdroient
par ce mariage toute espérance de la voir à l'avenir,
après que le Duc l'auroit retirée en Alemaigne, comme
vraysemblablement il feroit aussi tost qu'il l'auroit
espousée. Et après que Dieu auroit appelée Sa Majesté
(comme le commun ordre de nature, non troublé,
est qu'en ce chemin les pères précèdent leur enfans et
qu'ils succèdent aux pères) ses povres sujets seroient
contraints d'aller cercher justice si loing hors de leur
pais, non- seulement contre leurs fors, qui astraint les
seigneur de leur y rendre en leur propre terroir,
mais avec tant de grands peines et frais, que pour ne
les pouvoir supporter, ils seroient forcez de quitter
tout, pour ce que la despence qu'il leur conviendroit
faire, excéderoitle profit qu'ils en pourroient espérer,
outre que la plus part n'auroient moien de fournir
seulement aux frais d'un si long voyage, d'ont avien-
droit que le pais qui est assés povre seroit dedans peu
d'années espuisé de toutes ses finances, pour ce
qu'elles seroient transportées dehors et en lieu d'où
le pais n'en retireroit onques aucune utilité , chose
desraisonnable, car le prince doit dévider les deniers
qu'il reçoit du peuple sur les lieux d'où il les prent.
ET NAVARRE. 35
afinque, par la vendition de leurs denrées, salaires,
gaiges et soldes, les dits deniers puissent revenir es
mains de ceux de qui il les auroit prins, et que par
cette voie les sujets ayent tous les ans nouvelle
resource pour fournir aux devoirs ordinaires, tout
ainsi que la mer renvoie tous les jours aux fontaines,
ruisseaux et rivières l'eau qu'ils lui rendent continuel-
lement, et par ce mutuel prest et paiement perpétue
leur cours. Que tant s'en faloit que cette alliance
fortifiast Sa Majesté pour la défense ou recouvrement
de ses estas, que plustot il l'affoiblissoit, d'autant
qu'aiant l'Empereur, ancien ennemi de la maison de
Navarre; la guerre avec ce Duc pour la duché de
Gueldres qu'il prêtent lui appartenir, comme héritier
de la maison de Bourgogne, elle ne pourroit moins
faire que de favorir son gendre, et ainsi lui convien-
droit despendre pour la défense d' autrui ce qu'elle
auroit besoin pour la sienne propre, et de soustenir
celui duquel elle espéroit d'estre soustenue ; outre que
cela irriteroit l'Empereur, prochain voisin de ses estas
souverains, et l'inciteroit d'y venir glaner ce que la
moisson de Ferdinand , son grand - père, y avoit
laissé. Que si cela n'avenoit et que le Duc parvint à
la dignité impériale par le décès de l'empereur
Charles, qui, par le cours de nature, n'estoit encor si
prochain du jour de son trespas, outre que cela lui
feroit mespriser le petit de sa femme, il se trouveroit
si chargé des urgens affaires qui suivent ce grand
estât, qu'il n'auroit loisir de penser seulement à ceux
de sa femme et seroit si occupé aux guerres que la
convoitise, l'ambition et le désir de vengence des plus
grands princes succitent journellement, qu'il n'auroit
36 HISTOIRE DE BÉARN
moyen de venir en ces quartiers, si d'avanture l'Es-
pagnol y vouloit rien attenter, comme il estoit à
craindre, mesmes quand le dit Duc, n'estant retenu
par aucune juste occupation, auroit la volonté de venir
secourir les pais de sa femme, on ne savoit si le roy
de France luy voudroit accorder le passage pour
n'irriter l'Espagnol ou peut estre que lui mesme vou-
droit conquester le pais pour soy, car on ne savoit
si la bonne affection du roi François demeuroit tous-
jours telle qu'elle estoit maintenant, ou si son succes-
seur succéderoit aussi bien en la bonne amitié envers
ses parens, alliez et amis, qu'il feroit à sa grande
puissance, car les l^ommes sont sujets à changement
de volontés, et la mort romp les plus forts liens
d'amitié et les plus fermes alliances. Qu'il n'estoit pas
question en ce mariage des affaires de quelque peu
de tems, mais peut estre de tousjours mais, car
Madame la Princesse laissera, s'il plaist à Dieu, des
enfans qui en feront d'autres, et ceux-là encor d'au-
tres qui retiendroient toujours Navarre et Béarn sous
la domination des Allemans. Mais puis qu'il plaisoit au
roi François d'avoir tant de soin de bien marier sa
niepce, de quoy tous les Estas se sentoient grande-
ment obligez à Sa Majesté et l'en remercioient très
humblement, ils supplioient La Majesté du père
qu'encores que Madame la Princesse, sa fille, ne fut
arrivée en l'aage, que quelque nécessité ou commo-
dité, plustot que l'honnesteté, permettoit le mariage
aux filles, qu'il luy pleust procurer mari en France
plus tôt qu'en Alemagne et la marier avec quelque
prince François, non pas Aleman, et ils espéroient,
s^il plaisoit à Sa Majesté d'en prier à bon escient le
ET NAVARRE. 37
roi de France, qu'il accorderoit qu'un prince de sa
maison et de son sang espousast sa niepce, plustot
qu'un prince estranger. Que les maisons de Navarre et
Béarn qui de long tems avoient commencée et con-
tinuée l'allience avec celle de France s'en estoient
tousjours si bien trouvées, que tout le pais craignoit
qu'il lui mesavint sy maintenant on en vouloit cer-
cher une nouvelle ailleurs. Et la situation de Navarre
et Béarn qui abotissoient avec la France sans aucune
séparation de rivières, mers ne montaignes, faisoit
clcrement voir aux plus aveugles qu'il n'y avoit
alliance en toute la chrestienté si sortable pour eux
que la Françoise, pour ce que la couronne de France
outre sa grande puissance avoit meilleur commodité
de leur bien ou mal faire que toute autre. Que tous
les Estas supplioient donques Sa Majesté de prendre
en bonne part qu'ils le suppliassent avec toute la révé-
rance et humilité qu'ils lui dévoient de cercher mari
à Madame la Princesse, sa fille, de la maison de
France, et de ne vouloir donner consentement au ma-
riage du duc de Clèves, qui ayant quelques commo-
dités en apparence, avoit de si grandes incommodités
en effect et, pour un petit profit incertain qu'il sem-
bloit promettre, apportoit plusieurs maux très certains
à tous ses sujets, à quoy il lui supplioient vouloir
avoir esgard, comme tous Princes dévoient sur toutes
choses faire, et où il ne lui plairoit d'admettre leur
très humble remonstrance, ils supplioient très humble-
ment Sa Majesté prendre en bon part, s'ils protes-
toient devant Dieu et toute la terre de leur non consen-
tement et de la violence qui par ce mariage seroit fait
à leurs fors, libertés et coustumes qui porloient que
3S HISTOIRE DE BÉARN
les enfants héritiers de leurs Rois ou seigneurs ne
seroient mariez sans l'avis et consentement des Estas
du pais. Le père eut désiré d'accorder leur remons-
trance aux Estas et de suivre leuradvis, mais l'oncle,
qui s'asseuroit de tirer de grands commoditez de l'Ale-
magne pour faire la guerre à l'Empereur par le
moien de ce Duc, ne peut estre destourné de son inten-
tion pour chose qu'on luy sceut alléguer et y estoit si
ahurté que le très grand regret qu'il connoissoit au
beau-frère, ni les pleurs de la niepce, qui fondoit en
larmes toutes les fois qu'on lui en parloit, n'eurent
pouvoir de le faire desmordre de son opinion. Le ma-
riage fut donques accordé contre la volonté du père,
et le 1 5 juillet la célébration des nopces fut faite à Chas-
teleraut^ avec tous les triomphes et pompes dignes
de la grandeur d'un si grand Roy, mais contre la
volonté de l'espousée et du père, qui le souffrit pour
n'irriter le François, plus tôt que consentit, et la fille
n'y osa ouvertement contredire, tant pour la crainte et
le respect de son oncle que de sa mère (la volonté de
laquelle le frère avoit gaignée), que pour l'honeste
érubescence de son sexe et aage, car elle n'avoit en-
cores atteint le tems auquel les loix politiques ottroyent
aux filles de donner consentement de mariage. Néant-
moins soit qu'elle fut ainsi conseillée ou que cela vint
d'elle mesme, elle fit secrètement retenir un acte de
protestation * de son non consentement et de la
violence faite à sa volonté par l'autorité de son oncle,
1. Ghâtellerault (Vienne).
2. Deux protestations autographes de Jeanne d'AIbret sont
conservées aux Arch. des Basses-Pyrénées, E. 573.
ET NAVARRE. 39
et comme le cardinal de Tournon ' , le jour des
espousailles, la pressoit par trois diverses fois de dire
si elle vouloit ce mari, elle ne respondit jamais ouy ne
non, mais seulement lui dit : ne me pressez point
(ainsi que Sa Majesté m'a autrefois dit) . Le soirl'espous
fut mené en la chambre et au lict de l'espousée,
auquel il mit l'un pié seulement en la présence de
l'oncle et des père et mère de la fille et de tous les plus
grands seigneurs et dames de la cour, qui ne bougèrent
de là qu'ils n'eussent mis dehors le po\Te espous pour
aller coucher ailleurs, ainsi il n'eust de tout ce mariage
que du vent et quelques festes et cérémonies matrimo-
niales sans nul effect et consumation. Peu de jours
après le Duc, ayant ouy nouvelles que l'Empereur
ravageoit toutes ses terres et qu'il s'estoit déjà emparé
d'une partie d'icelles, s'en retourna en Alemagne où,
s' estant raccointé avec l'Empereur, il quitta sa femme.
Et après que l'an 1 542, à Tours, ce mariage eust esté
déclaré nul par quelques cardinaux délégués juges in
partibus par le Pape pour connoistre dudit mariage,
comme fait par force et avec une partie (jui, pour la
minorité de son aage, n'avoit puissance de rien pro-
mettre, donner, accepter ny stipuler, et pour la crainte,
respect et autorité de son oncle n'avoit osé déclarer sa
volonté. [J'ay adjouté icy la sentence]. Ledit Duc se
maria depuis avec Madame Marie, fille de Ferdinand,
roy d'Hongrie et frère dudit Empereur. Et l'an 1 54-8
en octobre, à Molins en Bourbonois, Henry H, roy de
France, maria ladite Princesse avec Antoine de Bour-
\. François de Tournon, né en 1489, archevêque d'Embrun,
Bourges, Auch et Lyon, cardinal d'Ostie en 1530, mort en 1562.
40 HISTOIRE DE BÉARN
bon, duc de Vendosmois, premier prince du sang de
France et légitime successeur de la couronne, avenant
le décez des enfans masles dudit roy Henry, sans laisser
postérité masculine, ce que ledit Henry confessa et
advoua et voulut qu'il fut couché au contract du ma-
riage \ et qu'en cette qualité ledit Duc espousast ceste
Princesse. Après les nopces, le père et la mère me-
nèrent la fille et le gendre en Béarn, où la fille n'avoit
encoresjamais esté. Et l'an 1 549, le %\ décembre, tres-
passa Marguerite, roy ne de Navarre ; cette princesse
a surmonté en savoir, charité et piété toutes les dames
de ce siècle. Elle aimoit fort les lettres, et sur tout la
lecture de la parole de Dieu estoit son plus ordinaire
exercice, par laquelle elle s'estoit tellement asseurée
des mystères de la foy chrestienne, qu'il y avoit peu
de théologiens qui en parlassent ou escrivissent avec
plus de pureté et de profondité. Le roy Henry vescut
cinc ans après sa femme et trespassa à Haget-Mau ^ le
%'6 de may 1555. Il fut enterré à Lescar % auprès de
sa femme, au sépulchre de ses ancestres. Aux funé-
railles se trouvèrent la noblesse de Navarre et Béarn et
de toutes les autres terres qu'il possédoit en France, et
les députez des villes tous vestus de dueil^ Ses convoy,
1. Le contrat de mariage existe aux Arch. des Basses-Pyrénées,
E. 574.
2. Hagetmau, chef-lieu de canton de l'arrondissement de Saint-
Sever (Landes).
3. Chef-lieu de canton de l'arrondissement de Pau. Ancien
évêché. La cathédrale était le lieu de sépulture des souverains de
Béarn.
4. Ce deuil était payé par les communes. On trouve dans les
registres des notaires de Lagor (Arch. des Basses-Pyrénées, E.
1335) une obligation de 14 écus par les habitans de Lagor en
ET NAVARRE. 41
obsèques et enterrement furent avec toute la magnifi-
cence qu'il estoit possible, mais le dueil que tout le
peuple fit et le triste regret que tous enportèrent
estoient la pompe plus solennelle et le plus grand
honneur de toute cette action, car le peuple ne pou-
voit essuyer ses larmes, ne retenir ses pleurs, quand
il lui souvenoit d'avoir perdu plustot son père que son
Roy ou seigneur. La valeur de ce Prince n'a peu estre
bien connue pour n'avoir eu autant de seigneurie que
de vertu, et s'il n'eust esté adonné aux femmes tant
qu'il estoit, il eut esté irrépréhensible. Il aimoit son
peuple comme ses propres enfans et leur procuroit
tous moyens pour les enrichir et les retirer d'oisiveté
et desbâuche, et d'autant que le peuple cultivoit mal
les terres et la plus grande partie demeuroit en friche,
il en fit desfricher une grande quantité à ses propres
despens et fit venir de Santonge des laboureurs ,
afinque le peuple apprint d'eux le labourage^; comme
aussi il fit venir de France des ouvriers de laine et des
tinturiers pour faire des fins draps en Béarn *. Il en fut
faveur d'Antoine d'Ossau, marchand de Lescar, qui avait fourni
da drap noir pour la robe, le chaperon et le bonnet de Bernard
du Sabater. député de Lagor aux obsèques de Marguerite, femme
de Henri H, roi de Navarre.
1. En effet il existe des conventions entre Henri îl, roi de
Navarre, et des laboureurs des environs d'Angoulême qui s'enga-
geaient à travailler au parc de Pau (Arch. des Basses-Pyrénées,
E. 1993) et des baux de terres à cultiver donnés à des laboureurs
du même pays par Thomas Rocher, prêtre de Normandie, com-
missaire du roi de Navarre pour le parc de Pau, en 1554 (E. 1994).
2. Une manufacture royale de drap et une teinturerie existaient
à Nay avant 1560. Un riche marchand de cette ville, Dominique
Ferran, en était le directeur. Les teinturiers étaient des
ouvriers étrangers au Béarn; ils exerçaient à Oloron dès
42! HISTOIKE DE BÉÂRN
venu un grand profit au pais pour ce qu'ils eussent
eu meilleur conte des matières que ceux qui les font
en France, car les fines laines d'Espagne qui vont en
France passent par Béarn et les pastels leur sont voi-
sins. Mais encore que les terres ayent esté depuis plus
et mieux labourées , néantmoins le lanifice n'a esté
nullement poursuivi. L'amour de la justice (qui est la
vertu qui fait plus chérir un Prince, d'autant que c'est
celle dont les suites ont plus d'affaire et d'expérience
et de laquelle l'usage et l'exercice est le plus continuel
et du fruit de laquelle plus de gens se resentent ordi-
nairement) n'est oit pas moindre en ce Prince que la
charité du peuple. Car d'autant que la justice crimi-
nelle estoit es mains d'un seul juge, qu'on nommoit
juge des crimes, qui n'avoit pas grande autorité et ne y
pou voit seul satisfaire, le pais estoit remply de que-
relles et bandes, d'où procédoit une infinité de meur-
tres, et les adultères y estoient fréquens, encores
qu'ils y soient punis de la peine du fouet, il érigea une
chambre criminelle par laquelle les maléfices furent,
sinon du tout abolis, au moins de beaucoup amoindris.
Surtout ce Prince estoit fort retenu aux grâces qui sont
la pépinière des plus grands maux qui régnent aux
seigneuries, car l'impunité est un grand alèchement
au mal. Il n'en donnoit donques que fort peu et celles
de justice apparente et non par faveur. On dit de luy
qu'estant un jour fort importuné par le sieur de
Montesquieu, sien fort favori, de donner grâce à un
1538 (Arch. des Basses-Pyrénées, E. 1732, 1735, 1772). Toute-
fois Henri II de Navarre ne fit qu'encourager l'industrie des
teinturiers, car il y en avait à Nay dès 1501 (même dépôt, E.
1714).
ET NAVARRE.
43
criminel détenu aux prisons, il luy refusa avec grande
constance, et ayant sceu que le criminel lui avoit
promis un cheval d'Espagne, luy en envoya un des
plus beaux de son escurie, et commanda que le détenu
fut exécuté selon ses démérites. Une autre fois que
Jaques de Foix, évesque de Lescar^ le jour qu'on
appelé Vendredy-Saint, pensant mieux délivrer, l'im-
portunant de la grâce d'un autre criminel, le supplioit
de lui accorder au nom de Jésus-Christ, qui en pareil
jour avoit esté mis au gibet de la croix, luy refusa,
disant que justifier et relascher le meschant estoit
deshonnorer, non pas honnorer Jésus-Christ et Dieu
son père, et le fit exécuter ce mesme jour. J'ay adjousté
ces deux exemples pour ce qu'ils sont fort notables et
dignes d'estre suivis. Or d'autant qu'il y avoit au pais
plusieurs divers fors et en iceux beaucoup de choses
absurdes et d'autres desquelles le tems avoit changé
l'usage; car les valées d'Ossau, Aspe et Barétons et la
ville d'Oloron avoient chacune le sien particulier, et
Morlas un autre qui estoit suivi par tout le reste du
pais, dont procédoient plusieurs troubles aux affaires
du peuple; l'an 1 551 et le 26 de novembre ledit Henri,
avec l'avis des Estas du pais, les réforma et les renou-
vella et les réduisit tous en un, qui tous jours depuis a
esté suivi en tous jugemens *. Sa prudence peut estre
1 . Fils de Gorbeyran, comte de Rabat, marquis de Foix ;
d'abord évêque d'Oloron de 1521 à 1534, chancelier de Béarn,
évêque de Lescar, 1533 à 1553, lieutenant-général pour Henri II,
roi de Navarre.
2. L'original de ces fors est un manuscrit in-4° de 122 feuillets,
papier (Arch. des Basses - Pyrénées , G. 678). Le texte a été
souvent imprimé jusqu'en 1790. La première édition est de 1552,
imprimée à Pau par Jean de Vingles et Henri Poyvre. Quant
44 HISTOIRE DE BÉARN
connue par deux autres exemples, car se voyant logé
entre la France et l'Espagne et n'osant désobéir au
François ne desplaire à l'Espagnol, il demeuroit en
continuelle crainte que l'un ou l'autre saisit son pays
de Béarn pour s'accommoder contre son ennemi et se
faciliter l'entrée en ses pays. N'osant faire démonstra-
tion de sa deffiance, pensant sagement en tems de paix
de la guerre, il s'avisa de faire trouver bon au roy
François, qu'il fortifiast une ville en sa souveraineté
de Béarn qui pourroit servir, disoit-il, à l'avenir pour
arrêter l'Espagnol, s'il vouloit entrer en France par ce
costé, ainsi qu'autrefois avoit fait le prince d'Orange. Il
fit donc fortifier la ville de Navarrens^ pour pouvoir
à loisir cercher parti avec l'un de ses voisins, si l'autre
lui commençoit la guerre, cette ville ne doit aujour-
dhuy rien de fortification et de munitions de guerre à
autre place forte. Et pour ce que les forteresses
seroient plus dommageables que profitables, si on
n'avoit le moyen de les fournir promptement de gens
de guerre au besoin, ayant divisé tout son pays en six
quartiers ^, appelez parsans, il y dressa aussi six capi-
taineries, une pour chascun parsan , et establit en
chacune un capitaine homme de cœur et d'expériance
iaux anciens fors de Béarn, le manuscrit unique, copie du
xive siècle, sur papier, est conservé au même dépôt (C. 677). Ces
derniers ont été publiés et traduits par MM. Mazure et Hatoulet,
Pau, in-4°, sans date.
1. Les travaux furent dirigés de 1543 à 1548 par deux ingé-
nieurs, l'un Italien, Fabrici Siciliano, l'autre Français, François
Girard, sieur de Garris, de Bayonne. Ce dernier est désigné
quelquefois simplement comme maître maçon (Arch. des Basses-'
Pyrénées, E. 1620, f" 192).
2. Pau, Moriaas, Nay, Oloron, Orthez et Sauveterre.
ET NAVARRE.
45
au fait de la guerre, à chacun desquels furent payez
tous les ans seulement le sergent, l'enseigne et le
tabourin. Et afin que le peuple se trouvast armé à la
nécessité, il fit faire dedans le pays et apporter de
dehors grande quantité d'harquebuses qui furent
départies à tous ceux qui avoient moyen de les payer,
les entretenir et maintenir. Tousjours depuis cest ordre
de militie a esté entretenu et se treuvent aujourdhuy
plus de six mille harquebusiers ensemble dedans vingt
et quatre heures, toutes les fois que ces six capitaines
leur commandent. Pareillement se souvenant de n'avoir
peu jouir ne disposer de sa fille, qui avoit esté tous-
jours nourrie en France sous la puissance de son oncle
le roy François, estant grosse poui* la seconde fois, il
la fit venir faire ses couches en Béarn, afin que l'en-
fant fut nourri auprès de soy, et au pays auquel avec le
tems il devoit dominer. Elle s'accoucha donc à Pau, le
douze décembre \ 553 de Henri III, à présent régnant
en France et Navarre ^ De son tems advint une chose
mémorable en Béarn, laquelle plusieurs ont escrit, à
savoir l'an 1543 et le 14 de may la ville de Nay (lieu
de ma demeure) se brusla tout à plat avec ses faux-
bourgs et ne demeura le feu (chose esmerveillable)
plus de trois heures , et l'endemain on ne trouvoit
de tout ce grand embrasement charbons, brasier ne
cendres. Et estoit la flamme si violente qu'elle ne
donnoit respit ne loisir de l'esteindre, car elle sauteloit
d'un costé à l'autre avec telle vitesse, qu'à peine ceux
de l'une rue estoient accourus au secours de l'autre
1. Ce passage indique que la rédaction de 1' « Histoire de
Béarn et Navarre » est postérieure à 1589.
46 HISTOIRE DE BÉARN
qu'ils voioent leurs maisons embrasées. Et combien
que le clocher fut fort haut, si se print le feu plustot
au sommet d'iceluy qu'au corps du temple \ et tout ce
qui se monstroit dessus l'eau des meubles qu'on y jettoit
pour les conserver estoit incontinent allumé et se brus-
loit jusques à fleur d'eau. Bodin ^ a voulu rendre
quelque raison naturelle de ce feu ; quelques autres ont
escrit qu'il estoit provenu du ciel, mais il est certain
qu'un petit garçon, qui est encores aujourdhuy vivant,
par inadvertance, comme il cerchoit un esteuf ^ sous
le lict, y mit le feu avec une chandelle et les bastimens
qui estoient faits de bois de sapin et couverts de bar-
deau de fau % prinrent incontinent le feu et jettèrent
sy prompte flamme, qu'elle fut aussi tost espandue
par toute la ville.
Ce Roy fut gouverneur et amiral de Guienne, car le
roy François joingit ces deux estas pour plus honnorer
ce prince son beau-frère. De son temps l'an 1548 fut
la sédition des gabeleurs en Guienne, esmeue premiè-
rement en Santonge par le peuple menu, à cause de
quelques imposts nouveaux que le roy Henri II avoit
mis sur les salines. Cette furie populaire s'espandit
incontinent par toute la Guienne, avec tant d'insolences
et cruautez que plusieurs officiers du Roy et autres
notables personnages furent massacrez et leurs mai-
sons pillées, et ne falloit pour incontinent fere massacrer
1. Ce clocher avait été construit en 1504 (Arch. des Basses-
Pyrénées, E. 1715).
2. Jean Bodin, né en 1530, mort en 1596. Auteur de La Répu-
blique, La Démonomanie, Theatrum universce naturœ.
3. Balle pour jouer.
4. Bardeau de hêtre (fagus).
ET NAVARRE. 47
un homme que crier au gabeleur. En la ville de Bor-
deaux, où la présence et respect du lieutenant de Roy
qui estoit en la ville et de la cour de Parlement devoit
contenir le peuple en quelque crainte et révérance de
l'autorité du Roy, furent exercées les plus grandes
insolences et plus brutales cruautez, car le d'auost \
le seigneur de Moneinh % gentilhomme béarnois, lieu-
tenant général en Guienne, en absence d'Henry, roy de
Navarre, sorty du Chasteau-Trompette, où il s' estoit
retiré à la persuasion du président La Cassaigne ',
envoyé vers luy par tous le cors du Parlement, pensant
par la présence dudit lieutenant faire retirer la popu-
lasse, qui au son de la grande cloche de Saint-Aliege *
avoit pris les armes, fut inhumainement massacré par
quelques belistres sur la porte de la maison de la Mai-
rerie avec le sieur de Montolieu ^ aux Landes et un
autre gentilhomme. Ce mesme jour le receveur An-
draut qui deux jours auparavant avoit esté mis es
prisons de la maison de la ville par un pastisier de la
rue Boqueire' , en fut tiré et massacré avec les fers aux
1. La date du jour manque.
2. Tristan, baron de Monein, gouverneur de Bayonne, marié à
Françoise de Lomagne, dame de Montignac (Arch, des Basses -
Pyrénées, E. 1478).
3. Geoffroy de Lachassaigne.
4. La porte Saint-Eloi (en gascon Seint-Elegi) près l'emplace-
ment actuel de La Grosse Cloche. (Arch. municipales de Bordeaux.
— Livre des Bouillons (p. 249), in-4°, Bordeaux, imp. Gounouilhou,
1867).
5. Montaulieu, commune et canton d'Arjusanx, arrondissement
de Mont-de-Marsan (Landes).
6. La porte Béqueyre ou Bégueyre se trouvait vers l'extrémité
méridionale de la rue du Pas-de-Saint-Georges. (Livre des Bouil-
lons, p. 249).
48 HISTOIRE DE BÉARN
piés, comme furent aussi un cordelier du couvent de
Bazas et un jeune advocat sur le fossé Saint-Aliege ; et
le président La Cassagne, homme vénérable tant pour
la dignité de son office que par son aage, savoir et
vertu, fut constraint par cette enragée populasse de
luy servir de capitaine, marchant devant elle par ville.
Et ceux qui passaient auprès du cors mort du lieutenant
de Roy, qui gissoit nud sur la rue, ensanglantoit le fer
de leurs piques dedans ses playes, et branslans lesdites
piques jettoient plusieurs cris de joyeuses acclama-
tions, comme en un triomphe de victoire. J'estois
escolier en cette ville et fus spectateur de toute cette
tragédie, de laquelle un orfèvre, un chausetier, un
scellier et un pastisier estoient les principaux auteurs
et conducteurs. La fureur de ses mutins ne dura guère
plus de vingt-quatre heures et la cour de Parlement
commença d'en faire justice bien tost après, de ma-
nière que plusieurs avoient jà esté exécutez par le
bourreau, quand Anne de Montmorenci \ connestable
de France, avec une armée entra en la ville par la
porte des Augustins ^, non pas par la bresche, comme
dit Paradin ^. Le sieur de Saut \ capitaine de la ville,
eust la teste tranchée pour ne s'estre opposé aux
séditieux avec le courage et la diligence que le fait
1. Né en 1493, maréchal de France en 1522, connétable en
1538, mort en 1569.
2. Le couvent et par conséquent la porte des Augustins étaient
situés à l'est de la porte d'Aquitaine actuelle, à l'extrémité méri-
dionale du prolongement de la rue Sainte-Catherine.
3. Guillaume Paradin, né en 1510, mort en 1590, auteur d'une
« Histoire de notre temps » Lyon, 1550, in-16.
4. Raymond Dessault, écuyer, avait été nommé, le 25 juillet
1 548, jurât de Bordeaux quoique déjà capitaine de la ville.
ET NAVARRE. 49
requéroitet son frère pour leur avoir rendu le chasteau
du Hart \ duquel il est oit capitaine, et L'Estonna *,
jurât, pour s'estre mis avec quelques hommes dedans
le chasteau Trompeté où Monsieur de Moneinh avoit
laissé le sieur d'Arros en Béarn ' avec trois ou quatre
autres gentilshommes. Dedans ce chasteau n'habitoit
personne qu'un basque, avec grâce, pour fermer
seulement les portes, et lorsque le lieutenant de Roy s'y
retira, il n'y trouva nulles vivres ny poudres, et y
vescut deux jours de la place et de la taberne , tant la
longue paix avoit rendus nonchalens ceux qui avoient
la principale charge de cette forteresse très importante
pour la conservation de toute la Guienne.
Or pour n'obmettre rien qui serve à l'histoire de
Navarre, j'ay icy adjousté ce qui fut fait en la haute
Navarre l'an 1 551 . L'empereur Charles donques
espérant de faire tomber la couronne impériale sur la
teste de son filsPhilipe, par la renonciation de la dignité
de roy des Romains par Ferdinand, roy d'Hongrie,
frère du père, manda à son fils de le venir trouver en
Flandres, mais qu'avant de partir d'Espagne il se fit
reconnoistre et recevoir Roy en tous ses estas et prin-
cipalement aux Navarrois, desquels pour estre de
nouvelle conqueste, il se doubtoit plus que des autres.
Philipe, jà empereur par fantasie, avoit telle haste de
partir qu'il ne pouvoit prendre le loisir de venir en
personne en Navarre, mais demandoit aux Estas d'estre
1. On trouvera un plan du château du Hâ, situé à Bordeaux,
dans le tome VIII des Archives Historiques de la Gironde, p.
463.
2. Jean de Lestonnac.
3. François, baron d'Arros.
4
*S0 HISTOIRE DE BÉARN ET NAVARRE.
receu par procureur à faire et recevoir les sermeos
accoustumez en la réception des nouveaux Rois. Les
Estas y firent résistance et ledit Philipe vint à Tu-
delle, où le 26 d'aoust il fut reconnu et receu pour Roy
et fit le serment aus dits Estas et eux à iuy. Entre
autres choses le jurement du Roy contenoit qu'il ne
mettroit gouverneurs, capitaines ne garnisons aux
places fortes ni officiers de la justice que Navarrois
naturels, mais tout ainsi que lors qu'il le juroit, il
n'avoit aucune volonté de le tenir, aussi n'en fit-il rien
après le jurement, car les forteresses et les principaux
estas de la justice demeurèrent et sont encores aujour-
dhuy es mains des Castillans. Voilà comme les Princes,
qui ne reconnoissent autre Dieu que leur force, ni loy
que leur ambitieuse convoitise, sans aucune crainte de
Dieu ni honte des hommes, osent jurer publiquement
tout le contraire de ce qu'ils font etontarresté de faire,
et pensent s'estre bien acquitez de leur devoir, si
seulement ils ont juré de le faire. Mais le jurement
oblige la conscience et l'observation d'iceluy l'acquitte.
Et celuy est plus coulpable qui jure le bien qu'il ne
veut fere que celuy qui fait le mal sous jurement de ne
le faire. Et les Estas lui firent le jurement de fidélité et
hommage avec toutes les cérémonies requises, le sacre
et le couronnement exceptez qui furent réservez
jusques après le décez du père.
LIVRE SIXIEME
JEÀNE II ET ANTOINE DE BOURBON V
Tout ainsy que toutes les roynes Jeanes ont esté
malheureuses et funestes au royaume de Naples, au
contrere elles ont aporté tout bonheur au royaume de
Navarre, lequel par toutes ses Jeanes est entré en la
coronne ou en l'alliance de France, car Jeane première
de ce nom, fille d'Henry, roy de Navarre, fut femme de
Philipe le Bel, roy de France et de Navarre, Jeane II,
fille de Loys Hulin, roy aussi de France et de Navarre,
espousa Philipe d'Evreux, prince du sang françois, et
Jeane troisiesme, fille d'Henry second, roy de Navarre,
Antoine de Bourbon, père d'Henry III qui, de roy de
Navarre, est parvenu à la corone de France par la suc-
cession de son dit père, ainsy qu'il appert par la généa-
logie suivante de la maison de Bourbon, laquelle j'ay
pensé devoir icy représenter au vray, auparavant
d'entrer au narré de la vie desdits Antoine et Jeane.
(Nous n'avons pas cru devoir reproduire la généa-
logie de Bourbon qui n'ofifre aucun fait nouveau, mais
52 HISTOIRE DE BÉARN
qu'il était indispensable à Nicolas de Bordenave
d'insérer dans une histoire de Navarre).
Je retourne donques aux affaires de Navarre. Jeane,
fille unique et héretière d'Henry, et Antoine de Bourbon,
son mari, furent receus des Navarrois de la basse
Navarre pour roy et royne de Navarre, et des Béarnois
pour seigneurs souverains de Béarn. Tous leur firent
le serment de fidélité et l'hommage accoustumé à tous
nouveaux Rois et seigneurs, mais il y eût du commen-
cement quelque contestation sur ce fait : les Navarrois
et Béarnois refusoient de faire le jurement au mari et le
vouloient faire à la femme seulement, et le Roy deman-
doit qu'ils le fissent à luy seul comme seigneur de sa
femme et de tous ses biens. La Royne s'i accordoit pour
complaire au mari, alléguant puisqu'elle, qui estoit leur
Royne et dame, le reconnoissoit pour son seigneur,
qu'ils dévoient faire le mesme, car le mari est seigneur
de la personne et biens de sa femme. Les Estas res-
pondoient y avoir grande différence entre la seigneurie
maritale et la royale, que Dieu et nature donnoient au
mari seigneurie amiable sur la personne de sa femme
pour la conduite et défense d'icelle en toute amitié,
douceur et équité; et les loix vouloient que le mari
fut usufrutuaire des biens de sa fename, mais non pas
seigneur directe ne mesme propriétaire. Et l'hom-
mage et serment de fidélité n'estoient deus qu'au
souverain seulement; qu'elle estoit leur vraye et
naturelle Royne et dame et luy par accident, à cause
d'elle et comme son mari, et si elle venoit à défaillir,
il ne seroit plus leur Roy ou seigneur ni eux ses vas-
saux et sujets, mais le droit reviendroit à leurs enfans
ET NAVARRE. 53
OU en défaut d'eux au plus prochain de la Royne, qui
par les loix, fors et coustumes de Navarre et Béarn,
seroit appelé à la succession. Toutesfois après longue
altercation l'hommage et le jurement furent faits con-
jointement à tous deux. Bientost après le mari et la
femme reprinrent le chemin de France, laissant le
prince Henry, leur fils, sous le gouvernement de
Susanne de Bourbon, femme de Jean d'Albret, sieur
de Mieussens ^ Et l'an 1 557 firent ériger en duché
leur seigneurie ou sirauté d'Albret, laquelle jusques
lors leurs prédessesurs avoient possédée en titre de
sires.
Dès lors la religion réformée (qu'on appeloit secte
ou hérésie luthérienne) se multiplioit fort par toute la
France où en plusieurs bonnes villes l'exercice d'icelle
se fesoit secrettement. Une grande partie des gentils-
hommes et officiers desdits Roy et Royne, ayant
abjurée la religion romaine, fesoient profession de
cette religion et désiroient d'en avoir exercice à la
suite de leur maistre et maistresse. Par ainsi n'ayans
peu recouvrer ministre à Paris (où l'église réformée
commençoit de se fortifier) le sieur de Saint-Martin ^
pour en avoir un fut envoyé par ses compagnons à
Genève, où beaucoup d'honmies doctes tant aux bonnes
lettres que langues s'estoient retirez pour éviter les
feus qui estoient allumés en France contre tous ceux
qui parloient mal des traditions de la Papauté ou les
1. Miossens, canton de Thèze, arrondissement de Pau (Basses-
Pyrénées), l'une des douze baronnies de Béarn.
2. Nous pensons qu'il s'agit de Pierre de Saint-Martin, alors
auditeur à la Chambre des Comptes de Pau (Arch. des Basses-
Pyrénées, E. 1997). Il mourut en 1595.
54 HISTOIRE DE BÉARN
quittoient. Le 14 d'octobre il fut de retour à Pau en
Béarn, où la cour de Navarre fesoit lors son séjour,
avec François Le Gay autrement dit Bois-Normand ou
La Pierre \ homme docte et ayant grande connois-
sance de la langue hébraïque^, esleu ministre pour
l'Église de la maison desdits Roy et Roy ne. Il fut con-
duit du commencement en la maison du sieur de
Masères lez Pau^, où ilprescha le dimanche prochain
publiquement au temple au prosne de la messe parro-
chielle. Quelques-uns, tant de la cour que de la ville,
assistèrent à sa prédication, lesquels voulurent qu'il
allast faire sa demeure et l'exercice en la ville, ce
qu'il fit et plusieurs [abjurèrent la religion romaine et
receurent la réformée ^] . Cela fut incontinent divulgé
par tout le voisinage, de manière que de tous les quar-
tiers de Béarn et lieux circonvoisins de Gascogne,
hommes et femmes de tous aages et qualité y accou-
rurent. Mais, pour ce que le tems les contraignoit de
faire les assemblées de nuict, ils furent incontinent
diffamez de toutes les vilainies desquelles les Nico-
laites, Gnostiques et autres exécrables hérétiques
furent jadiz entachez.
C'est une ruse de Satan pour rendre odieuse et haye
1 . Ce ministre se fixa plus tard à Navarrenx où nous le trou-
vons encore témoin d'un contrat de mariage le l»"" juillet 1589
(Arch. des Basses-Pyrénées, E. 1641, f" 208).
2. On a ajouté : qui fut.
3. Mazères, canton de Pau-Ouest, arrondissement de Pau
(Basses- Pyrénées). — François, seigneur de Mazères et de Lezons,
fut capitaine du château de Pau (Arch. des Basses-Pyrénées,
E. 1990 et 1992).
4. Variante : plusieurs quittèrent la religion catholique et prin-
rent la prétendue réformée.
ET NAVARRE. 55
la doctrine de l'Evangille qui seule peut troubler son
repos et ruiner son règne, de diffamer les pasteurs et
les brebis de tous les plus abominables forfaits qu'on
puisse penser ou dire. Mais le temps descouvrit cette
calomnie et la probité du ministre ferma la bouche
aux calomniateurs. Par sa diligence, plusieurs églises
furent dressées non-seulement en Béarn mais aussi en
Guienne, tant deçà que de là la Garonne.
Or combien que le roi Antoine vid fort volontiers le
ministre et conmiuniquast souvent familièrement avec
luy des points desquels les deux religions sont en
controverse, néantmoins il n'abjura jamais la sienne
et ne se rangea poinct à l'autre. Mais pour cela il ne
peut éviter le supçon [d'estre luthérien] et de sentir
mal de la religion [romaine], car le bruit courut incon-
tinent par tout qu'un prédicant luthérien estoit à sa
suite, et ceux de sa maison qui fesoient profession de
la religion romaine ^ en donnoient les avertissemens.
Et comme il n'y a rien tant isnel ' que la renommée,
aussi ces bruits parvindrent incontinent jusques à
Rome où estoit lors George, cardinal d'Armaignac^
avoué parent de la royne de Navarre, qui escrivit
soudain audit Roy que le Pape avoit entendu que Sa
Majesté favorisoit les hérétiques luthériens, voire les
entretenoit en sa propre maison, ce qui avoit telle-
ment fasché Sa Sainteté, qu'elle avoit esté en délibé-
ration de fulminer à l'encontre de luy. Henry, roy de
France, lui escrivit le mesmes avec grandes menaces.
1. Variante : catholique.
2. Rapide.
3. Évêque de Rodez, archevêque de Toulouse, puis d'Avignon,
mort en 1585.
56 HISTOraE DE BÉARN
Ces lettres intimidèrent tellement ce Prince [qui estoit
d'un esprit inconstant et craintif] qu'il fit donner
congé audit ministre qui s'en retourna à Genève. Mais
quelque temps après il fut rappelé et treuva ledit Roy
avec la Royne, sa femme, à Lusignan en Poitou,
comme ils alloient en France, ayant laissé en Béarn
pour leur lieutenant général leur fils Henri, prince de
Navarre, aagé seulement de six ans, et estant encor
sous le gouvernement de Susanne de Bourbon, femme
de Jean d'Albret, sieur de Mieussens, et pour ses
principaux conseillers ledit Mieussens et Loys d'Albret,
évesque de LescarS qui se portèrent tellement en
leur charge (car tous deux estoient entendeurs) que
pendant le gouvernement de ce Prince [œuvre mer-
veilleuse] par un enfant, une femme et un prestre et
quelques autres ses conseillers faisans tous publique,
profession de la religion romaine^, les [principaux]
fondemens de la ^ réformée furent plantez en Béarn et
la [romaine] * y fut fort esbranlée. Pour y remédier
ledit cardinal d'Armaignac, qui avoit esté fait expres-
sément légat en Béarn, y fut envoyé pour tenir les
Estas et y estre lieutenant général avec Monsieur le
Prince. Pour confondre ceux qui y preschoient cette
doctrine, le cardinal avoit amené quelques théologiens,
comme s'il eut désiré de mettre quelque bon ordre
aux affaires de la religion par une paisible conférance
et dispute. Car ^ du vivant de la royne de Navarre,
1. Louis d'Albret, évêque de Lescar de 1556 à 1569, oncle de
la reine Jeanne d'Albret.
2. Variante : catholique.
3. On a ajouté : prétendue.
4. Variante : catholique.
5. On a ajouté : on dict que.
ET NAVARRE. 57
Marguerite , il avoit toujours fait démonstration de
n'approuver pas beaucoup [les]* traditions romaines.
Néantmoins ou convaincu de la vérité de cette religion
ou ne se voulant rendre suspect ni aux uns ni aux
autres ou réprouvant lors ce qu'autrefois il avoit
approuvé, il [n'osa] * entrer en cette lice, mais molesta
par toutes voyes ceux qui suivoient la doctrine des
ministres, lesquels demandoient d'entrer en conférance
et s'offroient de monstrer par la parole de Dieu la
doctrine qu'ils enseignoient estre celle mesme que les
prophètes, Jésus-Christ et ses apostres avoient pres-
chée et laissée par escrit. Boynormand estoit lors à
Nérac en Gascogne et Pierre-Henry de Barran ^ à Pau,
homme savant et grand prescheur. Les docteurs du
cardinal le connoissoient et [le] redoutoient [et ne
l'osoient] attaquer ^ D'autre costé le cardinal ne le
vouloit souffrir davantage au pays, car tous les jours
plusieurs se joignoient à luy [et ne se fesoit guère un
presche que quelqu'un ne protestast ; mais il craignoit
de recevoir honte de la dispute et voyoit le dommage
évident de la demeure d'icelui pour la religion romaine
aussi prévoyoit-il qu'user] de la force pourroit ap-
1. Variante : quelques.
2. Variante : il ne voulut.
3. En renvoyant à la France protestante, nous pouvons de plus
faire connaître que les prédications de Henri de Barran, connu en
Béarn sous le nom de maître Henri, commencèrent avant le mois
de mars 1557 (v. s.) dans l'église de Nay. 11 était favorisé par
Jean d'Albret, baron de Miossens, qui résidait à Goarraze tout
près de Nay. Par lettre du 16 février 1559 (v. s.) Antoine de
Bourbon et Jeanne d'Albret lui ordonnèrent de prêcher le carême
à Nay (Arch. des Basses-Pyrénées, E. 1732, f»s 95, 118 et 371).
4. Variante : et redouhtoient de l'attaquer.
58 HISTOIRE DE BÉARN
porter * tel remuement au pais que les Roy et Royne
lui en sentiroit mauvais gré (c'estoit ce que plus il
redoutoit), car ceux qui fesoient publique profession
de la religion * réformée ou qui la favorisoient estoient
de nombre et qualité suffisens pour n'endurer injure
estre faite à leur pasteur. En cette perplexité (comme
il estoit homme de grande prudence et expérience aux
affaires du monde) le cardinal s'avisa de faire intimider
ledit Henry de Barran, afinque de soy-mesme il aban-
donnast le pais. Il lui fît donc dire par l'archidiacre
du Mas ^ (comme de soy-mesme) qui estoit familier
dudit Henry [et peu zélé aux constitutions romaines] ,
que le meilleur seroit, tant pour son propre bien
que celuy de son troupeau, de s'absenter au moins
pour quelque temps, afin que le cardinal ne fut con-
traint d'employer la main de la justice contre lui et
ses complices, ne d'esayer d'avoir par la rigueur ce
que la douceur lui dénieroit, car il avoit commande-
ment exprès d'employer le verd et le sec pour l'ex-
termination de cette religion et la punition de ceux
qui la suivoient ; qu'il seroit donc cause de tous les
maux que cette voye apporteroit à tout le pays et de
la ruine particulière de tous ceux qui avoient adhéré à
sa doctrine, [le salut desquels il devoit racheter par
sa propre vie] ; que le cardinal n'estoit point homme
de sang et ne désiroit le mal de personne, mais cer-
choit seulement le chemin de pouvoir [donner quelque
contentement au Pape et au roy de France, par les-
quels il avoit esté principalement envoyé là, plustot
1. Variante : arriver.
2. On a ajouté : prétendue.
3. Le Mas-d'Aire (Landes).
I
ET NAVARRE. 59
contre les ministres que contre le peuple, lequel on
pensoit suivre cette nouvelle religion plus par curieusité
que par zèle de foy] , et ne faisoit ledit cardinal nulle
difficulté que, les prédicans chasez, le peuple ne receut
volontairement toutes les conditions qu'il luy voudroit
bailler. [Et d'autant qu'on savoit ceux de sa profes-
sion n'estre pas toujours fort bien pourveus de tout
ce qu'il leur fesoit besoin, le cardinal luy avoit dit
qu'il luy fairoit donner de ses coffres de quoy se
pouvoir entretenir à la part où il se voudroit retirer.]
Le ministre respondit n'estre pas beaucoup estonné si
le cardinal et les autres de sa profession [et religion]
jugeoient nouvelle la doctrine divine que luy et les
autres ministres preschoient, car ce blasme luy avoit
esté donné par ses semblables, du tems mesmes des
prophètes, Jésus-Christ et ses Apostres qui n'avoient
trouvé pires ennemis que ceux qui tenoient le lieu de
pasteurs en l'église ; mais qu'il estoit bien esbahy
que le cardinal, qui avoit avec soy tant de docteurs en
théologie, ne fesoit convaincre par la parole de Dieu
de nouveauté et d'erreur la doctrine qu'il preschoit,
qui estoit la droicte réforme qu'il devoit tenir à
l'exemple de l'église ancienne, qui avoit tousjours
tenu cest ordre, pour vérifier, réfuter et condamner
les hérésies ; que si le Pape et tous les siens avoient
autant de justice en cette cause, comme ils vouloient
que le peuple pensast qu'ils avoient, ils ne feroient
nulle difficulté de publier un libre concile, ni le car-
dinal de faire entrer ses théologiens en cette lice, à
laquelle luy et les autres ministres, ses compagnons,
les appeloient avec cette condition que où par la
parolle de Dieu ils se trouveroient entaschez d'aucune
60 HISTOraE DE BÉARN
hérésie, on les fit punir comme hérétiques et séduc-
teurs et lors ledit cardinal ne seroit plus en peine de
les chasser ; mais d'autant qu'il savoit la doctrine de
l'Évangile preschée par les ministres estre du tout
contraire aux traditions romaines, il ne vouloit entrer
en ce combat, afin que le [pouvre] peuple n'entrast
en connoissance des erreurs auxquels il vivoit sous
ombre de piété et religion ; qu'il voyoit bien qu'en lui
voulant persuader de s'en aller et quitter son trou-
peau, il ne cerchoit autre chose, que de finement faire
prononcer à soy-mesme sentence contre la doctrine
qu'il avoit preschée et le faire trouver mercenaire
plustot que pasteur; car que pourroit estre autre
chose ce deslogement qu'une tacite confession que
tout ce qu'il avoit enseigné estoit tel qu'il ne l'osoit
maintenir ny défendre devant les doctes et la justice ;
mais c' estoit à faire aux larrons de haïr la lumière et
aux mercenaires d'abandonner le troupeau lorsque le
loup arrivoit ; par ainsi il s'estoit résolu de demeurer
avec son bercail et attendre ce qu'il plairoit à Dieu
leur envoyer et de la seule providence duquel toutes
choses avec tous leurs accidens et évènemens procè-
dent, non pas de la sagesse, malice et puissance du
monde, desquelles néantmoins le Tout-Puissant se
servoit pour le bien des siens et pour la manifesta-
tion de la gloire de ses justices ou miséricordes, dont
avenoit que les hommes se trouvoient le plus souvent
trompez aux exécutions de leurs desseins ; et le car-
dinal se trompoit fort s'il le pensoit si lourdaut qu'il
ne connût l'intention d'iceluy estre de le séparer de
son troupeau, pensant d'en avoir meilleur marché en
son absence qu'en sa présence ; mais combien qu'il ne
ET NAVARRE. 61
fit nulle double de la foy et constance de ses brebis,
toutesfois son devoir estoit de leur assister en un
affaire de telle importance où il y alloit du salut ou de
la perte de leurs âmes, confession ou renoncement de
Jésus-Christ; car quelque vigueur ou courage que
tout un troupeau de brebis puisse avoir, la présence
du seul pasteur leur sert plus à repouser les loups,
que tout ce qui pourroit estre en elles de plus fort et
de plus courageux ; qu'il n'abandonneroit donc le pais
pour ne laisser son troupeau à la mercy des flateries
du monde et des sophisteries scholastiques [et en
proye à la cruauté de magistrats superstitieux et
enyvré du calice d'erreur ; qu'il remercioit très hum-
blement monsieur le cardinal des offres qu'il luy fai-
soit, car il n'estoit, Dieu merci , tant convoiteux des
richesses de ce monde qu'il ne se contentast de ce que
luy estoit donné de son église pour son vivre, laquelle
ne luy avoit encore laissé souffrir disette de ce qui lui
estoit nécessaire.] Le cardinal fut plus fasché de la
[constance] ^ du ministre qu'il n'avoit esté de toutes
ses prédications et le fît mettre prisonnier et l'eust
fait exécuter, s'il n'eust craint de mescontenter le
roy Antoine qui [estimoit et réveroit la doctrine et
probité de] cest homme* et le mit en liberté aussi
tost qu'il fut de retour en Béarn.
Durant que ces choses passoient en Béarn, la paix
se traittoit en France avec Philipe, roy d'Espagne, et
après plusieurs voyages et altercations fut conclue à
Chasteau-Gambressis, le 3 d'avril 1559, au désavantage
1. Variante : responce.
2. Variante : aymoit cest homme.
621 HISTOIRE DE BÉARN
du François et très grand avantage de l'Espagnol qui
espousa Elizabet, fille du roy Henry, et Philibert,
duc de Savoie, Marguerite, sœur unique du mesme
Roy. Le roy de Navarre avoit fort solicité celui de
France de le faire comprendre en ladite paix pour la
restitution de son royaume de Navarre ou recom-
pence équivalente, suivant la promesse des défuncts
roys Louis XII et François P% comme il monstroit par
escrit authentique. Toutesfois encore que ledit Henry
incistast tant pour le prince de Salerne ^ et le duc
de Some^, banis de Naples, pour y avoir voulu in-
troduire les François, que Philipe leur accorda
l'usufruict de leurs biens, néantmoins il ne se
soucia point du Navarrois, duquel ne fut faite
nulle mention en tout ce traitté, car le roy de France
ne voulut desplaire en rien à celuy d'Espagne. Ainsi
se trouvant le roi de Navarre frustré de son espérance,
avant que la paix ne fut publiée , manda au sieur de
Burie^, lieutenant en Guienne en son absence, et au
capitaine Arné \ lieutenant de sa compagnie d'hommes
d'armes, d'exécuter une entreprise qu'il avoit sur la
ville de Fontarrebie, espérant, s'il la pouvoit surpren-
dre, que cela pourroit donner occasion à l'un et à
l'autre de ces deux Roys de faire quelque chose en sa
1. Ferdinand de San-Severino, né en 1507, mort à Avignon en
1568 ou 1572.
2. Jean-Bernard de San-Severino, duc de Somma, colonel
général des Italiens sous Charles IX, mort en 1570 à 64 ans.
3. Charles de Coucy, seigneur de Burie.
4. François d'Arné reçut en 1561 un don de 1,166 écus sol
pour services notables rendus en portant les armes pour le service
du roi et de la reine de Navarre (Reg. de la Chambre des Comptes,
Arch. de M. le baron de Laussat). Il mourut en 1569.
ET NAVARRE. 69
faveur. Mais ayans conduit leurs troupes jusques à
Handaye à la veue de Fontarrebie, ils s'en retournè-
rent sans rien faire, pour ce que n'ayans prouveu aux
moyens de passer la rivière S il leur fut impossible de
passer outre. Et comme Burie avoit mandé pour
faire conduire sus des chars quelques petites bar-
quettes, les vivres leur faillirent (car ce pais est fort
stérille) et par un grand déluge de pluyes la rivière et
les ruisseaux se desrivèrent si impétueusement qu'ils
couvroient toute la campagne et plusieurs des moins
habiles furent noyés. L'une partie des soldats béarnois
fit bien son devoir en ce voyage, mais le reste ne
voulut jamais passer le pont du Serain% quelque
remonstrance, prière ou menace que leurs chef leur
fissent, lesquels ils voulurent tuer; et Arros' et Esgar-
rebaque^ capitaines des quartiers d'Ossauet d'Oloron,
furent en danger de leurs vies, qui néantmoins passè-
rent outre avec les membres et officiers de leurs com-
pagnies et quelques soldats, les autres s'en retournè-
rent. Ceux des valées d'Ossau, Aspe et Barétous^
1. La Bidassoa.
2. Le pont d'Osserain, dans la commune de ce nom, canton de
Saint-Palais, arrondissement de Mauléon (Basses-Pyrénées). Ce
pont sur le Gave d'Oloron était l'un des passages les plus fré-
quentés pour aller en Espagne.
3. Bernard, baron d'Arros, plus tard lieutenant général de
Jeanne d'Albret.
4. Jacques II de Sainte-Colomme , seigneur d'Esgoarrabaque,
marié d'abord à Catherine de Mpntbrun (Arch. des Basses-
Pyrénées, E. 1477), puis à Gratianne de Navailles, dite de Saint-
Saudens, fille de Jean de Navailles et de Madeleine de Saint-
Saudens (même dépôt, E. 1626, f- 182).
5. Ces trois vallées sont dans l'arrondissement d'Oloron (Basses-
Pyrénées).
64 HISTOIRE DE BÉARN
et ceux d'Asson^ furent les autheurs de cette sédition.
Le roy Antoine qui estoit encores en France fut
fort fasché du mauvais succez de cette exécution et,
espérant de la rendre plus heureuse par sa présence,
s'en vint en poste en Béarn. Gamboua^ le vint trouver
et luy dit que dom Bertrand de La Gueva, duc
d'Alburlzerque^, et les autres seigneurs d'Ipuscoa^
lesquels il asseuroit estre de l'intelligence, vouloient
estre asseurez par escrit de la récompense qu'ilz.
auroient après l'exécution en laquelle ils ne vouloient
entrer sans la dite asseurance. Le Roy, qui avoit jà
faict estât certain de ce qu'il espéroit, signa incontinent
la liste de toutes leurs demandes et la fit contresigner
par Brodeau^ son secrétaire d'Estat, lequel luy
remonstra fidèlement (mais en vain) l'imprudence de
ceste signature, avec le dommage et déshonneur qui
luy en pouvoit avenir, si d'aventure ceste entreprise
se trouvoit double comme il estoit à craindre ; car
ceste liste seroit infailliblement portée au roy d'Es-
pagne qui en feroit plainte au roy de France par
1. Commune du canton de Nay-Ouest, arrondissement de
Pau (Basses-Pyrénées).
2. Valet de chambre d'Antoine de Bourbon, appelé Gamure
par Monluc (édit. de la Société de l'Hist. de France, II, p. 323).
Bordenave un peu plus loin l'appelle Micheau. Ni l'un ni l'autre
de ces renseignements ne nous paraissent exacts : les Archives
des Basses-Pyrénées (E. 582) renferment trois déclarations auto-
graphes de Gamboa qui contiennent les preuves et l'aveu de sa
trahison; elles sont signées : Pero-Femandez cTEléiçaoïa y
Gamboa. Toutefois il est possible que le surnom de Micheau ait
été donné à ce personnage.
3. Albuquerque.
4. Guipuzcoa, province d'Espagne.
5. Victor Brodeau, seigneur de La Ghassetière.
ET NAVARRE. 65
lequel cette entreprise seroit trouvée mauvaise et s'en
tiendroit autant offencé que l'Espagnol en seroit irrité.
Par ainsy que Sa Majesté ne devoit rien bailler par
escrit qui le peut convaincre d'avoir voulu entre-
prendre une chose laquelle il seroit contraint de nier,
si d'aventure la fin s'en trouvoit malheureuse, mais
tout ainsy que Gamboua avoit tousjours négotié par
parole sans escrit et la liste de ses demandes estoit
sans signature cognue, il ne devoit aussi donner autre
asseurance de sa promesse que de parole, laquele
Sa Majesté pourroit nier en tout événement. C'estoit
un bon conseil, lequel ce Roy ne devoit rejetter
comme il. fit. Mais l'ambition luy avoit tellement
opilé ' la raison que ce fidèle et prudent advis ne peut
entrer en son esprit. Par quoy ayant promtement
fait assembler toutes ses troupes, le Roy se mit en
chemin avec les sieurs de Monluc^, de Gernac, de
Duras ^ et plusieurs autres. Toutesfois ayant entendu
par Sanche d'Ursua^ , soldat pour le roy d'Espaigne à
Fontarrebie, que ceux qui lui avoient promis de le
mettre dedans, jouans le double et s'entandans avec le
gouverneur', le menoientavec ses troupes à la bouche-
rie, s'en retourna depuis Baionne. Micheau Gamboua et
1. Obstrué.
2. Biaise de Monluc, l'auteur des Commentaires.
3. Symphorien de Durfort, seigneur de Duras, tué au siège
d'Orléans en 1563.
4. Pour ce service une pension de 365 livres était encore payée
en 1566 au «seigneur d'Ursue, navarroys «par le trésorier général
de Béarnet Navarre (Arch. des Basses-Pyrénées, B. 147).
5. Don Diego de Carbajal (Arch. des Basses- Pyrénées , E. 582.
Confession de Gamhoa sur les praiticques qu'il avoyt avec le roy
d'Espaigne contre le roy de Navarre).
5
66 HISTOIRE DE BÉARN
Esparse, espagnols, estoient ceux qui menoyent cette
trafique et avoient asseuré le roy de Navarre que la
garnison de la ville de Fontarrebie estoit fort petite.
Or comme on void ordinairement tous les traistres
estre doubles, ces deux traistres avoient descouvert
leur menée au gouverneur de Fontarrebie, qui ayant
secrettement assemblé bonnes forces, en bonne dévo-
tion attendoit l'arrivée du roy de Navarre, et si Dieu
par sa bonté ne l'eust miraculeusement conservé, il
estoit sans double mort ou pris par la mesme finesse
qu'il pensoit prendre les autres. Esparse ne savoit
rien de ce que Gamboua avoit traitté avec le gou-
verneur et s'excusoit envers le roy de Navarre, qui
l'eut fait mourir, si pour preuve de son innocence, il
n'eust fait prisonnier ledit Gamboue qui fut mené es
prisons de Pau. Et afin que le roy de France n'eut
occasion de lui reprocher d'avoir troublé le repos et
cerché la guerre en la paix, le roy de Navarre luy
envoya un gentilhomme pour luy déduire tout le
faict, et fit cependant faire son procès au détenu,
qu'il fit pendre avant la responce du dit roy de France,
craignant qu'il luy demandast en faveur de son gendre
le roy d'Espagne, comme il fit peu de jours après
l'exécution. Le roy d'Espagne aussy envoya vers luy
à Pau un gentilhomme pour mesmes effect, mais il
trouva Gamboue mort, auquel avoit esté attaché un
escriteau disant : Pour avoir voulu bidouiller en nou-
velles guerres et discorder les Princes qui estoient en
bonne paix et amitié. C'est ainsi que les Princes cou-
vrent plustot en apparence qu'en vérité leurs prat-
tiques et menées et punissent sur autruy les maux
desquels eux-mesmes sont les auteurs et les fauteurs.
ET NAVARRE. 67
Cette mesme année le 1 de juillet, Henry II, roy
de France, mourut à Paris d'un contre-coup de lance
qui lui faussa la visière et lui entama le test, comme il
joustoit pour plaisir avec Gabriel, comte de Mongo-
meri \ Sa mort apporta beaucoup de grands change-
mens en France; car ayant laissé quatre fils, tous
moiendres d'aage pour prendre en main le manie-
ment du Royaume, Catherine de Medecis, vefve du
défunt, comme mère, et Antoine de Bourbon, roy de
Navarre, en qualité de premier prince du sang après
les frères du Roy, prétendoient à la tutelle de Fran-
çois II qui avoit succédé à son père Henry. La Roy ne,
outre sa qualité de mère, avoit pour elle l'exemple de
quelques mères et sœurs des Roys, qui autrefois
avoient eus la garde noble de leurs enfans ou frères,
avec la régence du Royaume. Au roy de Navarre
favorisoient les loix fondamentales de cest estât qui
ne déboutent pas moins les femmes de la régence
(quelque tollérance qu'on ait cpielquefois veu au con-
traire) que de la succession du Royaume, de laquelle
ce sexe a esté privé par les anciens François pour
son imbécilité et incapacité au commandement absolu
d'une si généreuse et guerrière nation. Mais François
de Lorraine, duc de Guise % qui estoit oncle maternel
de Marie d'Estuart, royne d'Escosse et de France,
aspirant de mesmes affection à cette honnorable charge
que les autres deux et n'ayant loy ny exemple qui
favorisast sa convoitise, trouva un expédient plus
1. Gabriel de Lorges, comte de Montgomery, capitaine de la
garde écossaise du roi de France, Henri II, mis à mort en 1574
par ordre d'une commission militaire après la prise de Domfront.
2. Né en 1519, assassiné en 1563.
68 HISTOIRE DE BÉARN
court pour avoir, sans titre de régent ni de régence,
le Roy à sa disposition, et le maniement du Royaume
en sa main. Par le moyen donques de la roine Marie,
sa niepce, et les ruses du cardinal de Lorraine*, son
fraire, jà devant que le père fut arrivé à ses derniers
abois, il s'estoit tellement insinué en la bonne grâce, du
fils, que Henry ne fut plustot trespassé, que François
ne se jettast entre les bras des deux frères Lorrains,
qui n'osans parler de la mère selon la passion de leur
âme pour n'aigrir le fils et luy descouvrir leur pas-
sion, jettèrent tout leur venin sur le roy de Navarre,
qui estoit celuy qui pouvoit plus traverser leur des-
sein. Pour le rendre plus odieux au Roy, ils l'accu-
soient de sentir mal de la foy et estre infecté de
l'hérésie luthérienne et d'aspirer à la Régence pour
luy tollir la couronne de dessus le chef. Car encores,
disoient-ils, que durant les régences les Roys portas-
sent le nom, toutesfoiS les régens tenoient la royauté,
chose très dangereuse, principalement quant la ré-
gence tomboit aux mains d'un qui fut habile à la
succession et fut irreligieux, turbulent et ambitieux,
comme ils disoient le roy de Navarre avoir ces qualitez
et estre entasché de tous ses vices. Parquoy il estoit à
craindre qu'ayant les finances, les armes et la justice
du Royaume en son pouvoir, il n'aspirât plus hault
que la régence. Mais que Sa Majesté avoit atteint
l'aage de la majorité des roys de France et estoit
capable de gouverner luy-mesme son Royaume et
pourroit choisir pour conseillers ceux qu'elle penseroit
1. Charles de Guise, né en 1525, cardinal en 1555, mort en
1574.
ET NAVARRE.
69
lui estre plus fidèles et qui eussent plus d'intérest
et de profit en sa vie qu'en sa mort; qu'eux deux
frères, du vivant du roy Henri, de très glorieuse
mémoire, avoient manié tous les plus importans
affaires de la couronne, fut pour la police ou les
armes, et pour l'honneur que leur maison avoit
d'estre alliée de si près de Sa Majesté, ils avoient aussi
plus d'intérest à la conservation de sa vie que tous
autres, et se tiendroient tousjours très heureux d'em-
ployer leurs vies et moyens pour son service avec
toute la fidélité que le devoir leur commandoit, la
sincérité de l'alliance méritoit et leur propre intérest
leurrecommandoit. Car tout ainsi qu'ils reconnoissoient
franchement leur grandeur despendre de la seule
libéralité de Sa Majesté, aussi ils confessoient leur vie
descouler tellement de la sienne qu'icelle esteinte,
infaliblement la leur tariroit aussi tost. Ce jeune
Prince creut facilement toutes ses choses et, remet-
tant toute l'autorité royale es mains de ces deux
frères, donna au cardinal la surintandance des finances
et de la justice, et au duc le commandement des armes,
avec mandement exprès sur peine de la vie à toutes
personnes de quelle qualité, dignité et office qu'elles
fussent de leur obéir, comme à sa propre personne.
Ainsi pour un monarque la France en eust lors trois.
La Roy ne mère fut bien faschée de voir la maison de
Guise si monstreusement eslevée, et encore plus de la
desmesurée puissance donnée aux deux fi'ères, et
leur eut deslors donné quelque lourde secousse, si
elle eut eu quelque un en qui elle se fut osé fier, mais
craignant quelque chose sinistre contre sa propre
personne, elle leur fit bonne mine jusques à rudoyer
C
70 HISTOIRE DE BÉÂRN
le connestable et tous les autres qu'elle savoit leur
estre contraires ou estre hays d'eux. Et eux pour ne
porter seuls la haine et l'envie de tout le Royaume et
se prévaloir du nom spétieux de mère, l'entretenoient
en quelque grade et lui complaisoient en quelques
choses de médiocre importance. Et pour ce que Diane
de Poitiers, duchesse de Valentinois, par don du
défunt Henri, et par lui entretenue trop privément
et scandaleusement, et qui par son scandaleux crédit
avoit avancée la maison de Guise, n'estoit veue de
bon œil de la Royne, pour luy avoir plusieur fois
deshontement desrobée la bonne grâce, la faveur et
le lict de son mari, ils consentirent qu'elle fut chassée
de la cour où ils n'avoient eu nul crédit que par elle.
Et les deniers provenans de la confirmation des offices
furent partagez entre la vefve et les deux nouveaux
gouverneurs. Anne de Montmorancy, connestable
et le plus ancien serviteur de l'ayeul et du père du
Roy, fut honteusement deffavori et renvoyé en sa
maison, et eut eu pis si la honte plus que la conscience
n'eust retenu ses ennemis. Car l'envie de la faveur de
ce vieillart avoit rendu les Guises très ennemis des
Montmorancis. Et le connestable qui avoit préveu
l'orage qui se levoit contre luy, l'avoit voulu conjurer
par le moyen du roy de Navarre, qui estoit en Réarn
lors que Henri fut blessé. Car voyant le dit Roy hors
d'espérance de guérison, il avoit averti le Navarrois
de ce que les Guises ourdjssoient et des présages qu'il
y avoit que, venant le père à mourir, ils s'empa-
rassent de la personne du nouveau Roy et du manie-
ment de l'Estat, qui seroit un grand mal pour tout le
Royaume et injure à luy à qui, comme premier prince
ET NAVARRE. 71
du sang, cest honneur estoit justement deu. Parquoy
il l'exortoit de s'achenainer en toute diligence en cour
et s'y trouver, s'il estoit possible, avant le dernier
soupir du. Roy, pour se saisir incontinent de la
personne du successeur et du gouvernement du
Royaume, en quoy lui, tous ses parens, alliez, amis
et serviteurs et quasi toute la noblesse de France le
serviroient si fidèlement que ceux qui estoient jà Roys
par fantasie demeureroient frustrez. C'estoit un très
bon conseil et peut-on vraysemblablement dire qu'il
eust eu un heureux succès, et n'y eut servi de peu la
crainte que tous les plus grands avoient de tomber à
la discrétion des Guises qui estoient connus de tous
très ambitieux [et avares] et d'un esprit turbulent
[mesmement le cardinal qui servoit de pédagogue à
son aisné, qui n' estoit que l'exécuteur des arrests du
cardinal et qui en sa profession militaire avoit la cons-
cience plus entière que le cardinal en sa pestrise'.]
Mais le roy de Navarre, fut qu'il ne se souciast lors de
changer le repos domestique avec le travail publique
ou qu'il craignit que le connestable, pour le tromper,
voulut seulement sonder et descouvrir sa volonté ou
bien (qui est le plus vraysemblable) prévoyant ce qui
aviendroit au connestable, fut fort aise de lui voir
prendre une grande cheute, car il estoit grandement
irrité contre lui, l'estimant la seule cause de ce qu'il
avoit esté obmis en la paix de Cambrésis. Néantmoings
mal avisé et suivant plus la passion que fei raison, se
voulant venger d'autruy, se vengea de soy-mesmes, et
cuidant honnir et abaisser autrui, se deshonnora et
1. Pour prestrise.
72 HISTOIRE DE BÉÂRN
perdit soy-mesmes, car outre qu'il tomba en hazard
très éminent de perdre vie et biens, jamais depuis ses
affaires n'allèrent qu'en décadence. Et comme la
promptitude et vivacité de l'esprit de ce Roy surpas-
soit les plus vifs esprits, aussi sa vanité et inconstance
naturelles surpassoient la vanité et l'inconstance
mesmes ; de manière qu'il n'eust plustot nouvelles du
grand changement que la mort d'Henry avoit apporté
qu'il ne se repentit de n'avoir suivi le conseil du con-
nestable (mais le repentir ne peut amender les fautes
passées), lequel ayant esté forcé de partir de la cour
(mesme avec honte) n' avoit plus le moyen de luy
aider beaucoup (tant est sujette à se changer la faveur
de la cour et l'occasion de se perdre). Et les Guises
qui s'estoient hastez de changer toutes choses avoient
desapointez, chassez et déposez de leurs charges tous
les meilleurs et les plus grands et tous ceux qui leur
estoient contraires ou seulement suspects ou qui
avoient quelque moyen de leur nuire ou traverser
leurs desseihs, et mis en leurs places les pires et leurs
confidans, [avoient aussi fait défendre tout port d'armes
à feu. C'est le chemin qu'ont tousjours tenu ceux qui,
plus par la force que parle droit, se sont voulu avancer
en quelque estât ou s'en emparer.]
La convocation des Estas sembloit pouvoir apporter
quelque remède à tous ces maux, car cette assemblée
a tousjours eu tel crédit en ce Royaume , qu'en cas de
controverse elle jugeoit de la succession des Roys, de
la tutelle et appanage de leurs enfans, des régences,
des levées extraordinaires des finances, de la guerre,
de la paix et de toutes autres choses qui attouchoient
l'Estat. Parquoy maints de tous estas et de toutes les
ET NAVARRE. 73
contrées du Royaume vinrent treuver le roy de
Navarre en Béarn pour l'exorter de s'acheminer en
France et de y fere assembler les Estas pour se faire
déclarer régent ou, si le Roy estoit trouvé majeur,
surintendant de tous les affaires. Car les princes du
sang qui sont conseillers naiz du Roy ^t protecteurs du
Royaume, sont aussi appelez par les loix de France à la
tutelle des Roy s mineurs et à la régence du Royaume
et protection des François et de leurs privilèges et
libertez. Et pour ce que le défaut de ses finances et de
forces l'eussent peu retarder, ils lui donnèrent asseu-
rance de lui fournir l'un et l'autre ; et à ces fins levée
de deniers et enroulement de gens de guerre furent
faits entre eux et plusieurs entreprises basties sur
quelques villes pour servir de retraite, s'il en estoit
besoin. Or ceux qui solicitoient le Navarrois estoient
tant de la religion [romaine^] que de la* réformée; et
les derniers, outre les affaires communs de l'Estat,
demandoient particulièrement relasche des [grandes]
persécutions qui estoient journellement exercées contre
eux, et estoient lors grandement augmentées, [au
moins] jusques à ce qu'on les eut ouys en la défense
de leur cause [offrans de monstrer la justice d'icelle
par l'expresse parole de Dieu]. Le roy de Navarre
leur fesoit de belles promesses, mais tout ainsi que les
figures tracées sur l'eau ou sur le sable sont aussi tost
effacées que faites, pareillement toutes les délibéra-
tions de ce Prince avourtoient quasi avant leur con-
ception, et il reproyoit et dénioit le jour suivant ce
1 . Variante : catholique.
2. On a ajouté : prétendue.
74 HISTOraE DE BÉARN
qu'il avoit approuvé et promis le précédant. Il estoit
nourry en ceste irrésolution par quelques ses plus
privez conseillers, desquels le sieur d'Escars^ et
l'évesquc de Mande ^ estoient les principaux, qui luy
conseilloient de ne rejetter du tout les offres qui lui
estoient faites par ces gens, ains d'entretenir leur espé-
rance par ordinaires promesses. Cependant ils luy
fesoientles choses, non seulement de dificile et dange-
reuse exécution, mais aussi du tout impossibles et
jointes à son entière ruine, tant pour les grandes
forces de ceux de Guise, qui avoient en main les
finances et les armes du Royaume, que principalement
à cause du roy d'Espagne, lequel ils disoient avoir
espousé cette querelle et l'estimer sienne, pour ce qu'il
craignoit qu'estant Sa Majesté saisie du maniement de
ce grand estât, elle ne l'employast à recouvrer la
Navarre et les pais sur lesquels comme roy de Navarre
il pouvoit prétendre droit. Mais ils avertissoient secret-
tement les Guises de tout ce qui se faisoit auprès de
leur maistre. La propre irrésolution de ce Roy et la
desloyauté de ses conseillers mirent en hazard de
ruine plusieurs grandes maisons du Royaume. Ceux
de la religion^ réformée, qui, sur ses promesses, s'es-
toient déclarez plus ouvertement que les autres et
avoient mis sus beaucoup de grandes entreprises qui
réussirent très mal, furent en plus grand danger que
1. François de Peyrusse, comte des Cars ou d'Escars, lieute-
nant de Roi en Guienne en 1561, gouverneur de Limoges, marié
en 1579 à Isabeau de Beauville, veuve de Monluc, mort vers
1589.
2. Nicolas Dangu, évêque de Mende, chaucelier de Navarre.
3. On a ajouté : prétendue.
ET NAVARRE. 75
les autres. A la fin plus par importunité et honte que
de bonne volonté, le Navarrois entreprit le chemin de
France où il estoit journellement solicité et appelé de
plusieurs de l'une et l'autre religion, ausquels ilconti-
nuoit tousjours sps promesses [et prioit particulière-
ment ceux de la réformée de ne se scandaliser s'il ne
quittoit point encore la messe, à laquelle il alloit
quelquefois, plus pour n'estranger du tout ceux de la
religion romaine, disoit-il, que par dévotion. Cepen-
dant ses propos firent penser aux meilleurs et plus
sages qu'il avoit aussi peu de religion que de résolution
et de Courage, car quand il est question des choses de
la foy, il faut marcher rondement et rejetter simple-
ment ce que Dieu défend et faire ce qu'il commande,
quelque danger qui se puisse présenter du costé du
monde.] Mais où plus il approchoit de la cour on
remarquoit beaucoup de changement en sa volonté et
de refroidissement en son zèle, cela donna juste occa-
sion à la plus grande partie de ceux qui avoient déli-
béré de le suivre de se retirer, jugeans dès lors qu'il
ne feroitrien, ains plustot tout le contraire de ce qu'il
leur avoit promis, comme il fit. Il arriva à Saint-Ger-
main en Laye où il eut eu la basse cour pour logis et le
ciel pour poelle, si le mareschal Sainte André' ne lui eut
quitté sa chambre, et fut receu du Roy avec si maigre
visage, que chascun peut connoistre qu'il ne l'aimoit
guère et le prisoit moins. Pour la harangue de sa bien
venue le Roy lui déclara qu'il avoit donné la surinten-
dance de tous les affaires de son Royaume à ses deux
1. Jacques d'Albon, dit le* maréchal de Saint- André, nommé
maréchal de France en 1547, tué à la bataille de Dreux en 1562.
76 HISTOIRE DE BÉARN
oncles, le cardinal de Lorraine et le duc de Guise, aus-
quels il entendoitque tous ses sujets, de quelle qualité
qu'ils fussent, obéissent sur peine de la vie. Le Navar-
rois ne respondit rien et ceux de Guise firent nul sem-
blant de le reconnoistre jusquez à ce qu'il les eut
recerchez. Tous ses serviteurs et amis furent plus
faschez de ce dernier trait que de tout ce qu'il avoit
encore fait, et le quittèrent et se retirèrent. Toutesfois
le tems ny le lieu n'estoit lors là de faire le mauvais
garçon et faloit avoir commencé plus tôt et ailleurs et
mis tout autre ordre à ses affaires qu'il n'avoit, [mais
l'esprit de ce Prince estoit incapable de toute hazar-
deuse résolution.] Il reconnoissoit lors la faute qu'il
avoit faite de s'estre venu mettre à la discrétion de
ses ennemis et n'avoir creu le conseil de ceux qui luy
conseilloient d'y aller en tel équipage, qu'il leur peut
donner la loy. [C'est la coustume des inconstans de se
r' aviser hors tems.] Se voyant donques le Navarrois
mesprisé du Roy, gourmande des Guises et abandonné
des siens, il reprint le chemin de Béarn ; et pour lui
donner occasion de partir, plus tôt que pour le favorir
ny honnorer, la conduite de la royne d'Espagne jusques
à l'entrée du royaume d'Espagne luy fut donnée avec
le cardinal de Bourbon ' et le prince de La Roche-sur-
Yon^
De ceux de Vendosme estoient cousins germains
ceux de Guise, mais l'inimitié se trouvoit plus forte
entre eux que le parentage, tant l'ambition a de pou-
1. Charles de Bourbon, frère d'Antoine, roi de Navarre, né en
1523, archevêque de Rouen, mort en 1590.
2. Charles de Bourbon, mort en 1565.
ET NAVARRE.
77
voir à desnaturer les cœurs superbes et audacieux ; et
la parenté et affinité qui font les ennemis amis et
entretiennent tous autres hommes en concorde, ren-
dent ordinairement ennemis les grands et les mettent
en guerre et discorde. Ainsi l'ambition des Guises leur
fit oublier l'honneur de leur parentage avec les Bour-
bons qu'ils hayssoient de mal de mort, non pas pour
la religion, le prétexte de laquelle néantmoins ils pre-
noient ; mais d'autant qu'ils pouvoient empescher plus
que tous autres l'autorité qu'ils avoient [usurpée^] sur
tous les François et sus la personne du Roy mesme.
L'animosité des Guises contre [les Bourbons et] tous
ceux qui pouvoient traverser leur desseins croissoit
tous les jours et les recerches contre ceux de la reli-
gion ' réformée s'aigrissoient d'heure à autre avec des
édits très rigoureux. [Et ils couvoient plus tôt qu'es-
clorre leur maltalent contre les Princes et se déclaroient
ouvertement contre les autres et cela principalement
contre ceux de la religion.] Ce qui les précipita en tel
désespoir qu'ils résolurent de se présenter au Roy [à
quelque prix que ce fut] et luy faire eux-mesmes leurs
plaintes. Mais d'autant que le chemin jusques en sa
présence estoit clos à tous, sinon à ceux à qui les Guises
le vouloient ouvrir, ils pensèrent de faire par les
armes telle esplanade jusques à Sa Majesté, environnée
plus tôt d'une armée que d'une simple garde, que rien
ne les pourroit empescher de parler à elle pour lui
faire leurs doléances et lui présenter leur requeste,
[Cette entreprise estoit fort hazardeuse et sujette à
1. Variante : prinse.
2. On a ajouté : prétendue.
78 HISTOIRE DE BÉARN
calomnies de vouloir entreprendre quelque chose
sinistre contre le Roy, et faut que le mal soit extrême
avant qu'on entre en cette voye et que toutes autres se
treuvent du tout innutilles ou soient totalement déniées,
comme elles estoient à ces misérables, contre lesquels
sentence de mort estoit jà prononcée par édits cruels,
sans les vouloir ouyr en leur défense, et plusieurs
estoient journellement plus tôt exécutez que convaincuz
d'hérésie ou autre crime digne de mort par les loix.]
Et pour ce que toutes entreprises sont sujettes à
tomber en de grandes confusions si elles ne sont con-
duites par un chef auquel tous les autres se raportent
et obéissent , ces gens esleurent un gentilhomme de
Peirigort, sieur de La Renaudie \ pour lieutenant du
principal chef, qu'ils nommoient chef muet, qui ne
vouloit estre connu ny nommé que sur le point de
l'exécution. Et certains conseillers lui furent ordonnez
pour faire et ordonner avec leur advis tout ce qui
seroit nécessaire pour l'exécution de leur entreprise.
Levée de gens de guerre et de finances fut faite par
toutes les provinces du Royaume et le rendez-vous
donné au 1 de mars 1 560 es environs de la ville de
1 . Godefroy de Barry, seigneur de La Renaudie, dit La Forest.
— En 1565, mademoiselle de La Renaudie était gouvernante des
filles de la reine de Navarre. (Arch. des Basses-Pyrénées, B. 13.)
— On trouvera un capitaine La Renaudie dans la suite de
1' « Histoire » de Bordenave. — Dans les pièces du fonds Péri-
gord (Arch. des Basses-Pyrénées, E. 850) le nom de La Renaudie
est écrit V Amaudie, notamment dans les lettres d'érection en
châtellenie de la terre de L'Arnaudic, située dans la paroisse de
Saint-Front-la-Rivière, par Alain, sire d'Albret, en faveur de
Bertrand Du Barry, son premier chambellan, datées de Monti-
gnac le 6 juillet 1469.
ET NAVARRE. 7S
Blois^ OÙ lors séjournoit le Roy. Mais leur délibéra-
tion ayant esté descouverte par l'indiscrétion de La
Renaudie et l'infidélité d'un advocat de Paris, nommé
Avellenes % plusieurs des entrepreneurs furent tués
ou pris et menez audit Blois par le duc de Nemours et
quelques autres partisans de ceux de Guise où la plus
part furent exécutez par le bourreau. La [constance^]
de ses hommes fut telle qu'ils ne nommèrent jamais
leur chef muet, soit qu'ils ne le sceussent point ou
que [leur *] résolution fut plus grande ^ que le tour-
ment de la geine qui leur fut donnée, espérant ® de
leur faire nommer le roy de Navarre ou son frère le
prince (Je Condé, lesquels les Guises soupçonnoient
estre les chefs de toute cette entreprise; [ils'] fon-
doient leurs présomptions sur ce qu'une partie des
prisonniers estoient sujets, domestiques ou fort favoris
dudit Roy. Et le Prince, comme à point nommé, s'es-
toit trouvé en cour où le chef muet se devoit trouver
à l'heure de l'exécution. Mais nul ne fit mention du
roy de Navarre, encore que quelques uns chargeassent
le Prince de savoir ladite exécution. Quoy qu'en fut
ledit Prince tint si bonne mine et après que sa maison
et ses coffres eurent esté fouillés par le prévost de
l'Hostel sans rien trouver, parla si haut en la présence
du Roy, séant en son conseil, que ses ennemis, estonnez
1. A Amboise.
2. Pierre Avenelles ou Des Avenelles, avocat au parlement de
Paris, chez qui logeait La Renaudie.
3. Variante : résolution.
4. Variante : telle.
5. On a ajouté : en eulx.
6. Variante : on espérait.
7. Variante : Et.
80 HISTOIRE DE BÉARN
tant de son asseurance que de la hardiesse de cette
faction et craignans le grand nombre des conjurés
[comme de plusieurs Scœvolas,] n'osèrent entreprendre
de le retenir prisonier. [Tous s'esbahirent qu'en cest
affaire de la plus grande importance, que jamais leur
soit avenue, la subtilité manquast au cardinal et l'au-
dace à son frère (mais les glaives mieux acérez et
esmolus sont ceux qui s'esmoucent le plus tôt, et la
veue plus pénétrante s'esblouit par une soudaine et
inopinée clerté.) Tout ainsi donc que le mal avisé
court fermer l'estable après que le cheval est eschapé
ou travaille pour reprendre l'oiseau qu'il a laissé
sortir de la cage , aussi les deux frères ne laissèrent
nulle pierre qu'ils ne remuassent pour reprendre celuy
qu'ils avoient laissé eschaper.] Ils pressoient néant-
moings le Roy d'user envers luy tantost de prières,
tantost de comman démens de le venir trouver et la
Royne mère de lui donner toute asseurance de bon
recueil et espérance d'obtenir ce qu'il voudroit. Mais
luy qui ordinairement avoit avertissement par ses
amis, non pas seulement de ce que ce faisoit en cour,
mais aussi de ce que vraysemblablement y devoit estre
fait contre luy, s'il y venoit, trompoit leurs espérances
par l'asseurance qu'il donnoit à Leurs Majestez de leur
venir baiser les mains bien tost. Mais le mesme jour
qu'on attendoit son arrivée en cour, vinrent nouvelles
qu'il avoit prins la route de Gascongne vers son frère
le roy de Navarre. Cest opiné partement mit nouveau
martel in teste aux Guises, qui s'augmentoit tous les
jours par les advis qu'ils recevoient de ce qui se déli-
béroit auprès de ces deux Princes. Car tous les prin-
cipaux malcontens en personne ou par lettres et
ET NAVARRE. 81
hommes exprès et les députés des églises * réformées
estoient à Nérac pour induire le roy de Navarre de se
trouver aux Estas que ceux de Guises avoient fait
convoquer au Roy pour le dixiesme de décembre à
Meaux, avec grandes promesses et asseurances d'avoir
abondance de toutes choses nécessaires, pour comman-
der le haro aux Guises, qui cependant, par le moyen
de leurs partisans et du clergé, cuidoient avoir si bien
pourveu à leurs affaires par les Estas Provinciaux
qu'ils se tenoient asseurez qu'aux Généraux ne seroit
rien traitté à leur préjudice. Mais les pratiques qui se
fesoient auprès du roy de Navarre troubloient fort
cette asseurance et les tenoient tellement en crainte
qu'ils pensoient la seule mort de ces deux Princes les
pouvoir bien asseurer et les garentir de mal. Par ce,
laissant toutes autres choses derrier, ils dressèrent
tous leurs conseils et efforts à cela. En l'exécution se
trouvèrent plusieurs difficultés : la deffiance des deux
Princes les retardoit d'aller en cour, et le doubte d'em-
braser un feu qui les consumât eux mesmes, reculoit
les Guises d'user de force ; leur semblant donques la
ruse plus asseurée que la force, ils employèrent tous
les artifices desquels ils se peurent aviser pour les
attirer en cour par promesses et asseurances, menaces
et commandemens. Et pour ce que la vive voix a plus
de puissance de persuader que l'escriture, ils pratti-
quèrent les principaux serviteurs du roy de Navarre,
qui n'estoit pas lors plus fidèlement servi, ne lui plus
constant que l'autrefois, et envoyèrent en Gascogne
le mareschal Saint-André pour sonder la volonté et
1. On a ajouté : prétendues.
82! HISTOIRE DE BÉARN
espier les actions du Navarois et de son frère le Prince.
Il les trouva au Mas d'Agenois ^ où il ne fit nul séjour,
jasoit qu'il eust tousjours fait démonstration d'estre
très affectionné serviteur de ses deux frères et eut esté
fort familier du prince de Condé , mais les Guises
l'avoient gaigné et attiré de leur costé, ce que rendit
son voyage suspect et ses paroles de nulle efficace. Il
les vouloit asseurer de la bonne volonté du Roy et de
la Royne, sa mère, envers eux et de la sincère servi-
tude que le cardinal et le duc de Guise protestorent
publiquement leur avoir vouée. Parquoy, disoit-il, ils
ne dévoient faire nulle difficulté de s'acheminer en
cour où ils estoient grandement désirez du Roy, de la
Royne et des Guises et en général de toute la cour, et
leur présence y estoit très nécessaire pour aider de
mettre quelque fin aux troubles qui affligeoient la
France, en quoy le dit roy de Navarre avoit plus d'in-
térest que tout autre après le Roy et messieurs ses
frères, pour sa qualité de premier prince du sang après
la maison du Roy. Ce que ledit mareschal protesta
leur avoir dit en fidèle serviteur qui désiroit leur
repos, bien et grandeur, sans qu'il en eust receu charge
ne commandement, car il n' estoit venu là que pour
les visiter seulement et leur offrir son service. Cela
retint le roy Antoine de luy faire autre response pour
le regard du Roy et de la Royne, protestant que luy
ni le Prince, son frère , n' estoient jamais entrez en
nulle deffiance de la bonne volonté de Leurs May estes;
comme aussi de leur costé, ils n'avoient jamais eu
1. Chef-lieu de canton de l'arrondissement de Marmande (Lot-
et-Garonne),
ET NAVARRE. 83
autre intention que de leur rendre le fidèle service et
obéissance qu'ils leur dévoient, mais qu'ils estoient
très bien acertainfez que ceux de Guise, leurs capitals
ennemis, avoient rempli les oreilles du Roy de plusieurs
choses sinistres et pleines de calomnies pour l'irriter
contre eux. Sur quoy ledit roy Antoine, en très grande
colère, dit plusieurs choses accompagnées de menaces
contre le gouvernement des Guises, et le prince de
Condé fit de grands reproches au mareschal de ce que,
pour plaire aus Guises, il avoit entrepris de le suivre
pour l'arrester. C'est une grande indiscrétion de me-
nacer celuy qu'on ne peut abattre ne luy apporter
aucun dommage important, car cela luy sert d'aver-
tissement pour se tenir en garde et le provoque pour
le tenir en garde et le provoque pour son propre salut
de prévenir le menaçant et luy faire le premier cela
de quoy il l'aura menacé. Aussi les menaces de ces
deux Princes ne servirent que d'accroistre la deffiance
et l'inimitié des Guises , qui pour attraper les Bour-
bons, sans courir aucun danger de leur costé, impor-
tunoient tous les jours le Roy de leur conamander de
venir en cour et se trouver aux Estas, qui avoient esté
remués de Meaux à Orléans. Mais la pluralité de tant
de conmiandemens et promesses du Roy augmentoit
plus qu'elle ne diminuoit la défiance et reculoit plus
qu'avancer le voyages du roy de Navarre ; et les Guises
se servoient finement de ces délais pour rendre plus
suspects et plus odieux les deux frères au Roy, qui
conseillé d'envoyer vers eux en Gascogne quelques
personnages qui, sans leur estre suspects, leur fussent
agréables pour essayer de gaigner sur eux par paroles
ce qu'il n'avoit peu obtenir par lettre, y envoya les
84 HISTOraE DE BÉARN
cardinals de Bourbon et d'Armaignac, et le prince de
La Roche-sur- Yon et le sieur de Crussol ^
Le cardinal d'Armaignac, avoué parent de la maison
de Navarre, et par la faveur d'icelle parvenu à tant de
bénéfices et dignitez ecclésiastiques, arriva le premier à
Nérac en qualité de légat en Navarre et Béarn. Il
représenta au roy Antoine avec beaucoup de paroles
et gestes, pleins d'affection en apparence, l'indignation
du roy François contre luy, qu'il tenoit pour chef
de tous ceux qui en France fesans profession de la
religion nouvelle, avoient remué les armes et donné
commencement aux troubles qui estoient par tout le
Royaume. Car le dit seigneur Roy s'asseuroit que
telles gens n'auroient jamais eu l'audace de se mons-
trer en public ny d'abattre les images, ruiner les autels
et saisir les églises, si quelques uns des plus grands du
Royaume ne leur eusent levé le menton ; que la pro-
fession publique que le prince de Gondé fesoit de cette
religion et la demeure et prédications en sa cour et en
sa présence de Boynormand, David * et Henry ^, mi-
nistres de cette secte, estoient tesmoignages certains
que Sa Majesté et le Prince, son frère, favorisoient les
déportemens de ces hérétiques séditieux et très perni-
tieux à l'Estat. Mais que le Roy s'estoit délibéré de
mettre tellement la main sur eux, qu'il ne la lèveroit
avant les avoir tous exterminez et son intention estoit
de commencer l'exécution par les plus grands et par
1. Antoine, comte de Crussol, duc d'Uzès, mort en 1573.
2. « Maistre David, prédicateur, » figure pour 120 livres de
gages au compte du trésorier de Navarre de 1557 (Arch. des
Basses-Pyrénées, B. 143).
3. C'est Henri de Barran (voir la note 3, page 57),
ET NAVARRE. 85
les plus suspects qui, sous ombre d'aller à la messe,
portoient plus de dommage à [Sainte-Mère] Eglise* que
les prédicans mesmes ; que [le*] Saint Père le Pape et
le Roy Catholique solicitoient ordinairement le Roy de
mettre à bonnescient la main à cette exécution, pour
laquelle ledit Roy Catholique offroit au Roy Très Chres-
tien toute aide et faveur, et à ces fins avoit déjà fait
levée de plusieurs compagnies de gens de guerre pour
les faire entrer en France, et le Roy avoit plusieurs
troupes ensemble pour cest effect; que pour éviter
cest orage. Sa Majesté et le prince de Condé, son frère,
dévoient aller trouver le Roy et luy rendre conte de
leurs actions, et il les ouiroit bénignement et en toute
asseurance, car le Roy les aimoit comme ses parens et
les honnoroit comme princes de son sang et ne désiroit
que leur advancement et grandeur, comme il leur
feroit paroistre incontinent qu'ils seroient arrivez près
de Sa Majesté ; que ledit roy de Navarre devoit pareille-
ment escrire à [la Sainteté du Pape ^] pour luy [arra-
cher de l'entendement * ] la mauvaise opinion qu'il
pouvoit avoir de luy par tant de sinistres bruits et ad-
vertissemens qu'il avoit ouis de ses déportemens ; que
où il ne feroit l'un ou l'autre, infaliblement le Roy le
ruineroit en son cors et biens et le Pape l'excommu-
nieroit ; qu'il supplioit Sa Majesté y vouloir bien penser
avant le fait, car le repentir après ne serviroit que
d'aggraver son mal ; que Sa Majesté se souvint que
pour semblable censure le roy Jean et la royne Cathe-
1. On a ajouté : catholique.
2. Variante : nostre.
3. Variante : Sa Saincteté.
4. Variante : /aire perdre.
86 HISTOIRE DE BÉARN
rine, ayeuls de la Royne, sa femme , a voient perdu le
royaume de Navarre, et il estoit à la vigile de perdre
le reste ; qu'il avoit receu une bulle du Pape pour
excommunier, en qualité de légat en Navarre etBéarn,
Boynormand et David, prédicans, et La Gaucherie S
précepteur de Monsieur le prince de Navarre, son
fils, mais que, pour le respect qu'il pourtoit à Sa Ma-
jesté, il ne l'avoit voulu exécuter sans l'en avoir
advertie ; qu'il supplioit le Roy de prendre en bonne
part la liberté de son langage , que la sincère affection
qu'il pourtoit à la maison de Navarre, de laquelle il
avoit cest honneur d'en estre avoué parent, avoit arra-
ché de sa langue contre sa propre volonté , qui eust
désiré parler en autres termes à Sa Majesté, mais les
remèdes plus salutaires sont ceux qui font plus de
douleur.
Le roy Antoine qui connoissoit le cardinal pour un
gascon italianisé et un des plus grands courtisans de
France, ne tint pas grand conte de cette [longue]
harangue, mais s'excusa seulement de l'hérésie qu'on
luy mettoit sus, avec grandes protestations de n'avoir
jamais donné faveur de rien qui fut contre le bien du
service du Roy, son seigneur, ny de son Estât, ni
contre la fidèle obéissance que tout François luy
devoit ; qu'il n'y avoit homme en France qui de meil-
leur cœur sacrifiast sa vie pour la conservation du dit
seigneur Roy et l'accroissement de sa couronne et le
repos de tout le Royaume, ainsi qu'il feroit toujours
1. Le nom de La Gaucherie manque à presque toutes les bio-
graphies. — En 1562, Anne de La Gaucherie était au nombre des
filles de la reine de Navarre ; elle reçut un don de 40 livres pour
la nourriture de sa sœur (Arch. des Basses-Pyrénées, B. 10).
»
ET NAVARRE. 87
paroistre en toutes les occasions qui se présenteroient;
qu'il savoit que le cardinal de Lorraine et son frère,
ennemis mortels de toute la maison de Bourbon, par
plusieurs calomnies avoient rendu odieux luy et le^
Prince, son frère, au Roy, afin qu'ils n'approchassent
en seurté de Sa Majesté pour y tenir rang selon leur
qualité; mais qu'il espéroit que leurs impostures
seroient un jour connues du Roy et leur fidélité
reconnue, après qu'il seroit délivré des mains des
Guises ; que s'il plaisoit au Roy de leur garder l'une
aureille libre et leur donner audience en seurté, le
Prince, son frère, et luy se présenteroient tousjours
seuls devant Sa Majesté pour luy rendre raison de leurs
déportemens et respondre aux calomnies de leurs
ennemis ; qu'il défendoit audit cardinal cependant de
n'attenter rien contre Boynormand, David, Henry ny
La Gaucherie. Le cardinal donna incontinent advis en
cour de ce qu'il avoit entendu du roy de Navarre et
communiqua particulièrement du tout avec le sieur
d'Escars, l'évesque de Mande et Bouchard S principals
conseillers dudit Roy.
L'avertissement du cardinal d'Armaignac augmenta
la deffiance des Guises et leur osta l'espérance de
pouvoir attirer le roy de Navarre si facilement en
cour qu'ils avoient espéré. Toutesfois ils ne perdirent
point courage et ne désistèrent de leur entreprise en
laquelle ils estoient nourris par les conseillers plus
confidans dudit Roy et cela principalement par Bou-
chard, son chancelier, qui s' estant retiré en sa maison
depuis la descouverte de l'entreprise de Lion^, avoit
1. Amaury Bouchard, chancelier de Foix et Béarn.
2. Il existe aux Arch. des Basses-Pyrénées (E. 582) une déposi-
88 HISTOIRE DE BÉARN
escrit au cardinal de Lorraine tout ce qui s'estoit passé
auprès dudit Roy, son maistre, lequel cependant avoit
esté conseillé en toutes ces choses plus par ledit chan-
celier que par autre. Cest avertissement remit en espé-
rance les Guises de pouvoir obtenir avec le tems ce
qu'ils demandoient du roy de Navarre ; et pour ce que
la Royne mère leur estoit moins suspecte, ils moye-
nèrent qu'elle envoyast le sieur de Grussol en Gasco-
gne, qui lut expressément choisy d'autant qu'il estoit
fort favori de la Royne et suspect d'adhérer à la reli-
gion^ réformée, de laquelle il fit quelque tems après
[publique] profession. Et le Roy y envoya le cardinal
de Bourbon, frère du roy de Navarre et du prince de
Condé. Tous deux esbranlèrent si fort les deux frères
que le roy Antoine fit publiquement chanter la messe à
Nérac et y alla luy-mesmes et y mena son fils le prince
de Navarre. Gest acte donna occasion aux députez de
l'une et de l'autre religion qui, quasi de tous les quar-
tiers de France, estoient auprès dudit Roy de craindre
qu'il estoit en délibération de les quitter du tout ; mais
il les asseuroit tous les jours du contraire et à toutes
heures leur faisoit nouvelles promesses, mais l'incons-
tance de son langage et le changement de sa conte-
nance mettoit au jour le trouble qu'il nourrissoit en
son esprit. Son frère le cardinal et Grussol ne l'aban-
donnoient jamais et le tenoient tellement assiégé qu'il
n'avoit moyen de parler en privé auxdits députez. Ils
lui fesoient beaucoup de promesses de la part du Roy
tion faite par Gilles Trion, dit Pierre Ménard, devant Fournel
Pourret, commissaire, au sujet d'un complot des protestants qui
voulaient s'emparer de Lyon.
1. On a ajouté : prétendue.
ET NAVARRE. 89
et de la Royne pourveu qu'il les allast trouver en cour
et y menast son frère et où il ne le feroit, luy propo-
soient l'ire du Roy, ses grandes forces et celles du
Pape et du roy d'Espagne, qu'ils disoient estre toutes
prestes pour marcher contre luy, incontinent que le
Roy auroit entendu son refus ; que les promesses que
ceux qui estoient auprès de luy luy fesoient, n'estoient
que chimères et vent qui se trouveroient sans nul
effect au besoin, car le peuple est prodigue en pro-
messes et très ciche et très avare au fait; et le
Roy avoit tellement pourveu par toutes les pro-
vinces qu'il estoit impossible d'y fere aucune levée
sans son sceu ; et quand bien elle se pourroit faire, se
seroit populace sans cœur, expérience ny discipHne
militaire, qui seroit aussi tost défaite que levée par les
gens du Roy, qui estoient toutes les compagnies de
gens d'ordonnances et tous ceux qui en ce Royaume
s'estoient jamais meslez de la guerre ; de sorte qu'il
seroit à luy une grande imprudence de se mettre aux
champs sous les vaines promesses de ces gens qui
estoient sans force et sans moyens ; que s'il avoit envie
de se perdre avec ses désespérez, qu'il eust au moins
quelque esgard à toute la maison de Bourbon de
laquelle il estoit chef de linage et à sa femme et à ses
enfans, la perte de tous lesquels indubitablement sui-
vroit la sienne ; qu'estant en cour il pourroit rabatre
l'audace de ses ennemis, qui, quelque mine qu'ils
fissent, le désiroient plustot loin que près, craignans
que la présence de luy et du prince de Condé n'appor-
tassent quelque changement aux affaires et diminution
au gouvernement qu'ils avoient usurpé ; que tous les
princes du sang se joindroient infaliblement à eux avec
90 HISTOIRE DE BÉARN
les officiers de la couronne et toute la principale
noblesse de France. Ses plus privez conseillers [secrets
partisans des Guises] chantoient tous les jours secret-
tement cette mesmes chanson à ce Roy, lequel enfin
resolust le voyage de la cour qu'il avoit si longtemps
dilayé.
Cela ne fut plustot venu à la connoissance des dépu-
tez, qui estoient auprès dudit Roy, qu'ils délibérèrent
de parler à luy plus ouvertement qu'ils n'avoient
encore fait pour luy oster, s'il estoit possible, la crainte
qui l'avoit saisy et asseurer en quelque manière [son
inconstance *] . Ils luy remonstrèrent donq qu'il redon-
doit au grand détriment de toute la France et au mes-
pris de toute la noblesse, principalement des Princes,
officiers de la couronne plus anciens conseillers et
serviteurs du Roy deffunt, que deux seuls hommes
descendus d'autre nation, et qui ne pouvoient prétendre
en France tiltre ne rang que de simples gentilshommes,
usurpassent une telle autorité sur tout le royaume, qu'ils
manioient le Roy à leur volonté et disposoient non
seulement des finances, de la guerre et de la justice,
mais aussi de l'honneur, vie et biens de tous les Fran-
çois de quelle qualité qu'ils fussent, sans compagnon
ni contreroleur de leurs actions et sans esgard à la
qualité, vertu, fidélité, expérience et longs services
des personnes, haulçoient etabaissoient, introdui soient
et deschassoient ceux qu'il leur plaisoit ou qu'ils pen-
soient les pouvoir aider ou empescher en l'exécution
de leur secret préparatif de saisir un jour cest Estât
qu'ils prétendoient leur appartenir et le fesoient ainsi
1. Variante : et V asseurer en quelque manière que cefust.
ET NAVARRE, 91
courir entre leurs plus confidans comme sortans de
l'estoc de Charlemaigne et des rejettons de cette
souche. Et pour le persuader à ceux qui ignoroient
l'histoire Françoise avoient fait dresser une généalogie
de la maison de Lorraine remplie de faucetez et men-
songes pour la faire descendre dudit Charlemaigne,
afin qu'ayans gaigné ce point, ils puissent venir à
l'exécution du décret du pape Etienne II : que nul qui
ne seroit de la race de Charlemaigne ne puisse estre
roy de France, avec malédiction aus François s'ils
fesoient autrement. Mais que le royaume de France
n'estoit en rien sujet au Pape et ne pouvoit tomber en
censure d'interdit ny excommunication, et estoit notoire
par l'histoire françoise que la postérité masculine de
Charlemaigne estoit deffalie, il avoit plus de 500 ans,
en Charles, duc de Lorraine, frère du roy Lothaire et
oncle de Loys V, fils d'iceluy, à qui l'empereur Othon II
avoit donné le duché de Lorraine, pour le distraire de
l'affection des François, aux conditions qu'il tiendroit
ledit duché en foy et hommage de l'Empire. En quoy
ledit Charles luy avoit si bien obéy qu'il en avoit en-
couru la malegrace de tous les François et avec sa vie
en avoit perdue la succession du Royaume, car comme
il en vouloit prendre possession, les François conduits
par Hue-Capet s'estoient tellement opposez à luy qu'a-
près l'avofr combatu, défait et prins à Laon, il mourut
prisonnier à Orléans avec deux enfans que sa femme
luy fit durant la prison. Depuis le duché de Lorraine
avoit changé de race, de nom, d'armes et de seigneurs
pour le moins six ou sept fois, ayant esté donné par
les Empereurs comme fief de l'Empire à divers gentils-
hommes, ou estant tombé en quenouille avoit estétrans-
92 HISTOIRE DE BÉARN
porté à plusieurs maistres qui n'estoient que simples
gentilshommes jusques à tant que Isabeau, fille de
Charles, duc de Mozelane, qui possédant quatre ou
cinc places de ce duché sur la rivière Muse \ se fesoit
nommer duc de Lorraine, l'avoit apporté à René, duc
de Bar, frère et successeur de Loys III, duc d'Anjou et
roy de Sicile, qui laissa une fille, nommée Yoland, qui
fut femme de Ferry de Vaudemont, fils d'Antoine de
Vaudemont, frère dudit Charles, duc de Mozelane, qui
descendoit de la maison de Graville en Normandie. De
ce Ferri descend la maison de Lorraine qui est aujour-
dhuy en pied, car Ferry et Yoland laissèrent un fils
nommé René qui fut père d'Antoine, duc de Lorraine,
et de Claude, duc de Guise, père des Guises ; qu'il
estoit à craindre que ces hommes enyvrez de l'ambi-
tion et ensorceliez de cette fausse opinion qu'ils estoient
les légitimes successeurs de Charlemaigne ne voulus-
sent un jour avoir en effect ce qu'ils tenoient jà par
fantasie ; ce que leur seroit très facile puisqu'ils pos-
sédoient le Roy à leur volonté et manioient le Royaume
avec l'autorité absolue; et autre chose ne pouvoit
rompre cette exécution que l'opposition des bons fran-
çois qui n'estoient encores infectez de la contagion
Lorraine ; par ainsy qu'ils feroient bonne mine jus-
ques à tant qu'ils auroient achevé de désapointer et
chasser du près de Sa Majesté tous les plus gens de
bien et tous ceux qui pour leur sang ou le devoir de
leurs offices la dévoient tousjours environner et
appuyer et par manière de dire luy servir d'yeux,
oreilles, bouche, mains et pieds, pourvoir, juger, con-
1. La Meuse.
ET NAVARRE. 93
duire et exécuter tout ce qui est pour le bien public ;
qu'ils avoient déjà rendus suspects au Roy tous ceux
qui pouvoient descouvrir leurs intentions, esclerer
leurs conseils et empescher leurs exécutions, dont
estoit sortie la casserie de tant de bons capitaines et le
changement de plusieurs gouverneurs et l'emprison-
nement de quelques uns de robe longue, et taschoient
de piper les volontez des cours des Parlemens, dedans
lesquelles ils avoient beaucoup de créatures et plu-
sieurs partisans qui leur servoient de soliciteurs et
d'espions ; qu'il falloit conjurer cest orage qui com-
mençoit encores de se bastir avant qu'il fut tombé sur
la France et prévenir le mal devant qu'il fut avenu, et
purger cest humeur malin plustot qu'il n'eust infecté
les parties nobles, à quoy un seul remède sembloit
salutaire prouveu qu'il fut bien dosé et fidèlement
préparé et donné en temsoportun ; qu'ensuivant donq
les bons médicins qui curoient les maladies par
remèdes contraires à l'humeur peccant, il faloit appli-
quer à cette maladie causée de désordre un bon ordre
pour médecine ; car tous les grands maux desquels la
misérable France se trouvoit alîligée procédoient de ce
que les Guises par grand désordre avoient esté si
monstreusement eslevez, que le nom de Roy excepté,
ils estoient plus grands, plus craints et mieux obéis
que le Roy mesmes ; parquoy la raison vouloit et la
nécessité commandoit de les remettre par bon ordre
en leur rang, réprimer leur audace et leur fere rendre
comte de leur déréglée administration par devant une
légitime et libre convocation d'Estas-Généraux, qui
estoit l'ancienne médecine de laquelle nos pères avoient
tousjours usé pour la cure de semblables maladies sur-
94 HISTOIRE DE BÉARN
venues en l'Estat et l'ordre qu'ils avoient tenu pour
remettre les règnes desordonnez et réprimer l'audace
et punir les insolences et injustices des ministres des
Roys, abusans du nom et de l'autorité du Roy, tes^
moins Ébroin et Bretchaire au tems du roy Théodoric
?% et Porcher, principal conseiller de Théodobert, roy
de Mets, Pierre de La Broche de Philipe-Hardy, En-
guerrant de Marigni de Philipe-le-Bel, Pierre Remy de.
Charles-le-Bel et plusieurs autres qui pour s'avancer
avoient renduz odieux aux Rois les princes et la plus
qualifiée noblesse, afin qu'ils n'aprochassent près de
Leurs Maj estez et ne fussent receus au maniement des
affaires et administration des plus grandes charges ;
et pour s'enrichir de la substance du peuple l'avoient
surchargé de tailles et imposts extraordinaires. Que
les Guises qui avoient fait publier la convocation des
Estas au Roy, avoient eux-mesmes préparé le chemin
pour venir à ce nécessaire remède, non pas que telle
fut leur intention, car le cardinal de Lorraine avoit
plusieurs fois dit que tenir Estas estoit brider le Roy
et luy oster la puissance souveraine ; par ainsi que ceux
qui demandoient Estas dévoient estre justement sus-
pects au Roy comme capitals ennemis de la suprême
autorité royale. Qu'il estoit donq à présumer la publi-
cation desdits Estas avoir esté faite pour entretenir et
accroistre les désordres non pas pour les oster et que
par icelle les Guises vouloient affermir leur gouverne-
ment et faire faire le procès comme criminels de leze-
majesté à tous ceux qu'ils tenoient pour ennemis ou
qui auroient fait ou dit quelque chose contre eux ou
leur gouvernement, car ils tenoient fait contre la
majesté du Roy et de son Estât tout ce qui avoit esté
I
ET NAVARRE. 95
fait contre eux et leur gouvernement. Et pour donner
cette fin à leur secret conseil, ils avoient envoyé leurs
partisans par les provinces pour faire tenir les Estas
Provinciaux, afin que les cay ers y fussent dressez selon
les mémoires qu'ils y avoient envoyées et les députez
y fussent esté choisis suivant leur nomination et man-
dement. Lesquels députez dévoient communiquer
leurs cayers au cardinal au préalable de les présenter.
Ettoutyavoit esté fait avec telle violence que plusieurs
qui avoient parlé de réformer l' Estât avoient esté mal
traittez ou fort menacez. Et pour tenir en crainte
l'assemblée, ils avoient remply la ville d'Orléans de
compagnies de gens de guerre tirées du Piémont, de
Picardie et du Metzin, sous couleur de bailler gardes
suffisantes au Roy ; mais en effect pour se garder eux-
mesmes et donner la loy ausdits Estas [et exterminer
les bons françois.] Mais les tyrans, non pas les Roys,
avoient accoustumé d'entretenir des armées pour les
garder, car la plus seure garde des bons et légitimes
Roys estoit la bienveillance de leurs peuples ; et an-
ciennement les roys de France n'avoient pour toute
garde qu'un portier ou huissier de sale, pour garder
seulement la porte. Ce qui devoit rendre plus suspecte
l'armée qui a\foit esté assemblée auprès du Roy et
servir d'avertissement audit roy de Navarre et à son
frère qui avoient droit de se trouver aux Estas et à
tous ceux qui avoient intérestà la tenue d'iceux. Qu'il
estoit nécessaire que ledit Roy fit le voyage de la cour
et se trouvast aux Estas, de quoy tous les bons fran-
çois le supplioient très humblement, mais qu'il le
devoit faire en telle sorte qu'il fut à luy honnorable et
utile à la France, et peut garentir de mal et danger tous
I
96 HISTOIRE DE BÉARN
les bons françois qui s'y trouveroient. Qu'en cette ma-
nière ledit roy de Navarre seroit favorablement receu
du Roy, craint et respecté des Guises , et toute la com-
pagnie parleroit en toute liberté et seroit bénignement
escoutée et obtiendroit tous justes appointemens à ses
requestes et au contraire. Qu'à l'exemple donc des
Guises qui, sous le nom du Roy, s'estoient le premiers
armez, non poinct pour la défense du Roy et de son
Estât, mais pour opprimer la liberté de la France et la
vie des bons françois, il leur estoit plus nécessaire de
recourir à la justice des armes, justes à ceux à qui
elles sont nécessaires et ne trouvent seurté ny refuge
qu'en elles, ne seur accès à leur Roy que par elles.
Ainsi Charles, duc de Rerry, frère du roy Loys XI,
voyant le [tyrannie et] mauvais gouvernement des
ministres dudit Roy, qui [comme maintenant fesoient
les Guises] luy avoient tellement rendus suspects et
odieux les Princes et plus grands seigneurs du Royaume,
qu'il avoit changé les anciens conseillers de feu son
père , ne fit difficulté de prendre ouvertement les
armes pour faire tenir les Estas en liberté et fere
rendre conte auxdits ministres de leur administration ;
dont estoit sortie la guerre du bien public, la journée
de Montlhéry, le siège de Paris et enfin les Estas de
Tours, qui avoient donné audit roy Loys trente six
conseillers. Qu'ils ne cerchoient de recourir aux armes
de gaieté de cœur, ny pour offencer personne, mais
que la nécessité les y contraignoit pour garentir leur
vie et parler en seurté et liberté à leur Roy, Ce qu'ils
fesoient d'autant plus à regret qu'il sembloit contraire
à la mesmes nature que le sujet se présentât armé
devant son Roy, père et pasteur du peuple ; outre que
ET NAVARRE. 97
les armes, principalement les civiles, dissipoient les
biens, ruynoient les personnes et corrompoient les
mœurs ; mais que la violence des Guises qui tenoient
le Roy plus tôt assiégé que gardé par une armée de
leurs partisans leur avoit fermé toute autre voye et les
avoient jettez en ce désespoir qu'ils estoient contraints
de s'ouvrir par le fer le chemin jusques en la face de
leur Roy ou mourir par le bourreau, sans estre ouys ;
car les Guises ne permettoient à Sa Majesté d'ouyr
librement ses sujets et juger leurs causes selon les
choses alléguées et prouvées ny à eux de voir leur
Roy et luy faire leurs plaintes, car ils avoient tellement
préocupé r.esprit de ce jeune Prince que sans autre
vérification que leur simple raport, par un préjugé, il
tenoit pour rebelles, séditieux et hérétiques tous ceux
qu'ils lui disoient estre tels et ils accusoient pour tels
tous ceux qui leur estoient ouvertement contraires ou
ils soupsçonnoient l'estre ou ceux qu'ils craignoient
pour leur qualité, probité, doctrine ou richesses. Qu'ils
s'asseuroient que leur sincère intention seroit prise en
mauvaise part et qu'on les prendroit pour rebelles et
séditieux et criminels de leze-majesté ; mais qu'ils
avoient Dieu scrutateur des cœurs pour tesmoin de
leurs volontez et juge de leurs actions, auquel ils
remettoient le jugement de tout cest affaire. Que les
plus sincères intentions et plus justes actions de plus
gens de bien estoient suspectes aux méchans et sujetes
à plusieurs calomnies ; mais qu'il valoit mieux souffrir
mal parler de soy que porter le mal sur soy, et estre
calomnié plustost que tué; et, comme disoient les
jurisconsultes, il valoit mieux repousser le mal de bon
heure qu'attendre de le venger après sa mort et le
7
98 HISTOIRE DE BÉÂRN
sépulchre, car la mort estoit sans deffense, réplique
ne justification où la vie pouvoit respondre , soy
deffendre et justifier.
Car encores que le Roy, entré en sa seziesme
année, eust passé l'aage que l'ordonnance du roy
Charles VI avoit donné à la majorité des Roys ,
il n' avoit pourtant peu disposer des affaires et du
gouvernement du Royaume selon sa seule volonté, car
cette loy ne fesoit nulle mention du gouvernement de
l'Estat, mais seulement du sacre, couronnement,
reconnoissance et réception par le peuple, afin
d'asseurer le Royaume es mains des enfants des Roys
défunts, demeurez en bas aage, ainsi qu'il appa-
roissoit par les propres mots de la loy salique disant
que tout légitime héritier de France seroit sacré et
couronné comme Roy, aussi tost qu'il auroit atteint le
quatorsiesme de son aage, et que tous ses sujets luy
feroient foy et hommage et serment de fidélité ; mais
après ledit sacre le gouvernement du Royaume estoit
toujours demeuré en la disposition des Estas : ainsy
d'autant que le roy Louis II, fils de Charles-le-Chauve,
avoit disposé des gouvernemens et dignitez du Royaume ,
les Estas s'y opposèrent. Et pour ce que Charles V
avoit ordonné par testament sa femme et le duc de
Rourbon, frère de sa femme, pour tuteurs à son fils
Charles VI, et Loys, duc d'Anjou, frère dudit Roy,
pour gouverneur du Royaume, les Estas rescindèrent
le testament et par leur autorité les mesmes tuteurs
furent donnez à la personne dudit Roy et le mesmes
gouverneur au Royaume. Que par cette mesme
compagnie tuteurs avoient esté ordonnez au roy
Charles VIII. Et après la prise du roy Jean, combien
ET NAVARRE. 99
que monsieur le Dauphin, son fils, fut en aage de toute
majorité, les Estas assemblez à Paris luy avoient baillé
un conseil avec lequel il fesoit toutes choses. Suivant
donc les anciennes loix et coustumes de France,
Sa Majesté n'avoit deu chasser les Princes ny les
anciens officiers de la Couronne et les conseillers du
feu Roy du conseil et gouvernement du Royaunje,
pour le mettre es mains des deux frères Guises, sans
l'advis des Estas ; ce qu'ayant esté bien connu par les
deux frères , ils s'estoient tellement rendus maistres
desdits Estas qu'ils s'estoient asseurez qu'ils ne feroient
rien que ce qu'ils leur commanderoient. Et n'y avoit
autre moyen de rompre leur dessein que par les armes
conduites par ledit roy de Navarre. Que pour éviter ce
coup, les frères, ayant despouillé la peau du lion,
avoient pris celle du renard, pour attirer par beaucoup
de fauces asseurances et promesses lesdits roy de
Navarre et le Prince, son frère, désarmez à Orléans,
s'asseurans qu'eux despéchez, le reste feroit incontinent
joug, sans qu'il y eust personne qui osast rien parler
ne remuer contre eux et leur gouvernement.
Et d'autant qu'ils se tenoient asseurez que leditRoy ny
son frère ne prendroient jamais asseurance d'eux ny
de leurs offres et promesses, ils employoient finement
l'autorité du Roy pour leur commander, la bonne
grâce de la Royne mère pour les prier et asseurer, et
la familiarité dumareschal de Saint-André, la servitude
du cardinal d'Armaignac et la parenté du cardinal de
Bourbon pour leur persuader ledit voyage sans armes;
qu'encores que la négotiation des autres peut estre
justement suspecte, ils s'asseuroient que M. le cardinal
de Bourbon marchoit de droit pié en tout cest affaire,
100 HISTOmE DE BÉÂRN
n'y estant poussé que du désir qu'il avoit à la conser-
vation de ses frères qu'il craignoit estre perdus s'ils
n'alloient promptement à Orléans désarmez et sans
compagnie extraordinaire, s'asseurant sur la promesse
du Roy, qui par plusieurs foysluy avoit asseuré, qu'ils
y seroientreceus en toute bien-veuillance etasseurance,
et auroient auprès de Sa Majesté le rang et l'autorité
que leur qualité de premiers princes du sang méritoit.
Mais que le cardinal ne jugeoit pas, comme il faloit,
des paroles du Roy selon l'intention des Guises qui
estoit de les tromper par promesses, comme l'on fait
les petis enfans par des pomes. Par ainsi que le roy
de Navarre et le prince de Condé, ausquels cest affaire
touchoit de plus près, dévoient prendre les promesses
et asseurances du Roy comme provenantes des Guises
et s'en servir d'advertissement pour se mettre de
bonne heure en défense et prévenir par célérité leur
malice, qui estoit le seul moyen pour estre bien receus
du Roy et traittez comme ses bons parens et craints
des Guises et demourer asseurez contre leurs artifices
et pouvoir parler en toute liberté et se justifier sans
aucun danger, qu'autrement ils seroient mal receus du
Roy et traittez en séditieux et rebelles, et moquez et
bravez par les Guises. Que les offres que les provinces
de France leur avoient faites de gens de guerre et
tous autres moyens pour les accompagner en ce
voyage estoient très asseurées, et lesdites provinces
feroient sans doute plus qu'eux, députez d'icelles, ne
leur avoient promis, sy elles voy oient audit Roy et
son frère le Prince une constante résolution et une
prompte exécution, et plusieurs troupes de gentils-
hommes qui estoient toutes prestes seroient jà auprès
ET NAVARRE. 101
dudit Roy, s'il eust voulu donner un ouvert commen-
cement à tant de grandes promesses qu'il leur avoit
tant de fois fait, de se déclarer chef de cette juste
entreprise. Qu'ils le supplioient donq de ne se laisser
tromper par paroles fraudeleuses et de prendre
quelque bonne résolution pendant que son frère et luy
en avoient encore le loisir, le moyen, la liberté et la
force, qu'indubitablement ils perderoierît de mesmes
qu'ils approcheroient de la cour désarmez. Qu'ils se
souvinssent du traittement fait à ceuxde l'entreprise
d'Amboise, desquels le Roy, au raport de ceux de
Guise, tenoit ledit roy de Navarre et son frère pour
chef. Par ^insi s'ils tomboient au pouvoir des Guises,
qui savoient toute cette entreprise avoir été dressée
contre eux et leur gouvernement, infaliblement ,
quelques grandes promesses qu'on leur fit du contraire,
ils recevroient le mesmes jugement que les autres,
ausquels monsieur de Nemours avoit donné tant de
grandes promesses et asseurances.
[Le roy de Navarre fit quelque démonstration d'avoir
pris leur dire en bonne part et continuoit tousjours
ses accoustumées promesses de fere le voyage en telle
manière que luy et les Estas pourroient parler et
délibérer de toutes choses en toute Hberté etasseurance.
Ceux de la religion réformée, qui fesoient le plus grand
nombre, demandoient particulièrement d'estre ouys
librement par la parole de Dieu sur les points de leur
religion qui estoient en controverse avec la romaine ;
protestant qu'ils ne vouloient estre supportez en
hérésie quelconque, ains seulement enseignez où ils
seroient trouvez en ignorance, et redressez s'ils estoient
en erreur, car tous hommes sont sujets à ignorance et
102 fflSTOiRE DE BÉARN
erreur. En quoi ils promettoient dese monstrer tellement
dociles que chacun pourroit facilement connoistre
qu'ils ne désiroient rien tant en ce monde que bien
connoistre et démonstrer Dieu et le servir selon sa
volonté, la gloire duquel ils cerchoient non pas la leur,
les choses spirituelles, non pas les temporelles, le
repos et le salut de leurs âmes non pas des corps. Que
tel estoit l'ordre que l'église avoit anciennement tenu
en l'endroit de ceux qu'elle avoit veus errer en quelque
article nécessaire à salut, et les apostres l'avoient
ainsi prattiqué sur le différent sy l'observation de la
loy estoit nécessaire pour estre sauvé, et l'église l'avoit
plusieurs fois fait d'elle-mesme, et sans l'aide ny faveur
des magistrats, jusques au tems de l'empereur Constan-
tin-le-Grand qui avoit convoqué ce grand et célèbre
concile, le premier de Nicée, où Arius avoit esté plei-
nement ouy et convaincu par la parole de Dieu, et son
hérésie condamnée par l'église et interdite par ledit
Empereur à tous les sujets de l'Empire. Et depuis à
son exemple plusieurs Empereurs avoient fait le
mesmes et ne se trouvoit royaume chrestien où cela
n'eust esté prattiqué, et les rois de France s'y estoient
portez avec plus de diligence que pas un des autres,
desquels on trouvoit encore plusieurs belles consti-
tutions pour la réformation et entretenement de la
religion chrestienne. Dont ils prenoient espérance, si
les Estas pouvoient estre assemblez avec l'asseurance
et la liberté requises et eux paisiblement ouis, de rece-
voir non seulement relasche de leurs tormens, mais aussi
d'obtenir authentique permission de continuer publi-
quement en toute asseurance et liberté l'exercice de
leur religion , lequel ils ne pouvoient quitter ny
ET NAVARRE. 103
abandonner quelque commandement que le Rôy leur
en fit, sans quitter Dieu et renoncer Jésus-Christ, qui
en ce cas les renonceroit devant Dieu son père. Non
pas qu'ils ne désirassent de tout leur cœur d'obéir au
Roi, mais qu'aux affaires de la religion et àe la
conscience, il falloit prendre la loi de Dieu, non pas
des hommes, et on devoit obéir à Dieu plustot qu'aux
hommes. Qu'il supplioient^donc de rechef ledit roy de
Navarre de vouloir prendre la protection de leur juste
cause et suivre l'advis qui lui estoit donné de ne se
fier aux Guises et n'aller en cour mal accompagné ny
désarmé pour ne tomber au danger éminent et certain
auquel il sembloit se vouloir sciemment précipiter plus
par désespoir que par raison] et où il seroit ©n cette
délibération qu'il laissast au moins le Prince , son
frère, pour lui servir d'ostage et de garent contre ses
ennemis qm vray semblant se garderoient d'offen-
ser Sa Majesté, tant que ledit Prince seroit hors de
leur puissance, craignans la vengence qu'il pourroit
prendre sur eux. Outre qu'ayant fait le Prince publique
profession de la religion \ il estoit déjà condamné
pour hérétique, et aussi tost qu'il arriveroit désarmé
en cour l'exécution s'ensuivroit. Mais tous deux frères
avoient promis le contraire au cardinal de Bourbon
qui en avoitdéjà donné advis au Roy.
Ainsi ils partirent sur la fin de septembre encore que
la princesse de Condé leur eust donné certain advertis-
sement du danger où ils s'alloient mètre , et n'eurent plus-
tot commencé de marcher qu'on ne lit en leurs faces
et ne jugeast par leurs paroles qu'ils alloient plus tôt
prendre la loy de leurs ennemis que leur y donner.
1 . Ou a ajouté : prétendue réformée.
104 HISTOIRE DE BÉARN
Estant'à Bertrueil * ils renvoièrent Théodore de Bèze,
ministre de [l'église de] Genève. De ce renvoy les
députez, jugeans par cest échantillon de toute la pièce,
se confirmèrent du tout qu'ils ne fairoient autre chose
pour eux en ce voyage, que les mettre en plus grand
danger qu'ils n'estoient, ny pour eux-mesmes que
donner commodité à leurs ennemis de les taire mourir.
Parquoy ils se retirèrent en leurs maisons pour
entendre plustot de loin en abscence que voir de près
en présence la tragédie laquelle volontairement ces
Princes alloient mettre sur l'eschafaut.
Approchant de Poitiers, ils se trouvèrent environnez
de plusieurs compagnies de gens de guerre conduites
par le mareschal de Termes^ ; et Montpezat^, [créature
de ceux de Guise] , séneschal de Poitou, leur fit comman-
dement de la part du Roy de n'entrer en aucune ville
close sur peine de la vie. Chacun peut penser avec
quelle contenance ces deux Princes furent spectateurs
des scènes de ce premier acte auquel ils eussent
volontiers rompu le jeu, s'ils eussent osé ou peu,
mais force leur fut de passer outre et d'arriver à
Orléans. Ils y entrèrent le pénultième d'octobre, plus
en prisonniers qu'en Princes, et furent receus du Roy,
non pas en parens, selon ses promesses, mais en
criminels contre ses promesses et selon l'intention des
Guises. Le Prince fut incontinent reserré en prison
1 . Verteuil d'Agenais , canton de Castelmoron, arrondissement
de Marmande (Lot-et-Garonne).
2. Paul de La Barthe, seigneur de Thermes , né à Couserans,
maréchal de France en 1558, mort en 1562.
3. Melchior Des Prez, seigneur de Montpezat, lieutenant de
Roi en Guienne.
ET NAVARRE. 105
estroite et fut commandé à certains personnages de
prendre garde sur le roy de Navarre et d'observer
toutes ses actions ; de manière qu'il n'estoit pas moins
prisonnier ny en moindre péril que son frère qui fut
condamné d'avoir la teste tranchée et eust esté exécuté,
si le roy François ne fut si tost décédé. Et combien
que mesmes sentence n'eust esté encor donnée contre
le roy de Navarre, il ne fut pas toutesfois en moindre
danger par autre voye, car (comme la Royne, sa
femme, a laissé par escrit imprimé) ceux de Guise le
voulurent faire empoisonner, mais estant adverti du
boccon qui lui estoit destiné, il s'excusa d'aller à un
disner auquel ils l'avoient fait inviter. Ayant failly ce
coup, ils succitèrent un garnement pour luy tirer une
pistolade, conmie il se retireroit le soir, mais il n'osa
l'exécuter d'autant que le connestable avec ses enfans
et maints autres gentilshommes le conduisirent ce soir
jusques dedans sa chambre. Il tomba incontinent en
plus grand péril, car ses ennemis persuadèrent au roy
François de luy dresser une querelle d'Alemagne et de
le tuer de sa main propre ou au moins commencer de
le frapper, afin que les autres l'achevassent. Ge'qu' ayant
ledit Roy arresté [de faire,] manda le Navarrois de le
venir trouver un soir en sa chambre où il faignoit
d'estre malade. Il s'excusa au premier messager, mais
estant rechargé d'un second, qui mesmes luy descouvrit
l'intention du Roy, n'osa plus délayer. Parquoy, asseuré
qu'il ne tombe un seul cheveu de nostre teste que par
la disposition de ce grand Dieu qui seul fait mourir et
vivre, et démène les cœurs des Roys à son plaisir,
s'achemina au lieu où il estoit appelé. Montant les
degrez, il dit au capitaine Ranti, gentilhomme auquel
106 HISTOIRE DE BÉÂRN
il avoit beaucoup de confiance : « Je m'en vay au lieu
» où l'on a conjuré ma mort, mais jamais peau ne fut
» si chèrement vendue, que je leurvendray la mienne.
» S'il plaist à Dieu, il me sauvera. Cependant je vous
» conjure me faire ce dernier service, qu'avenant que
» je y meure, vous taschiez dé recouvrer la chemise
» que j'ay vestue et l'aportez toute sanglante à ma
» femme et à mon fils, lequel pour n'estre d'aage
» pour pouvoir venger ma mort, je conjure madite
» femme, par la grande amour qu'elle m'a toujours
» portée, d'envoyer madite chemise à tous les princes
j> chrestiens et les supplier vouloir venger un si
» meschant acte. »
Sur ce propos, estant entré seul dedans la
chambre du Roy, le cardinal de Lorraine ferma
incontinant la porte par dedans et le Roy attaqua
le Navarrois de quelques propos fort rudes, aus-
quels il respondit avec telle modestie que les choses
passèrent seulement en paroles, au grand regret du
cardinal et de son frère et du mareschal de Saint-An-
dré, qui estoient dedans, attendans le conmiencement
de cette tragédie, et sortans de la chambre, le cardinal
dit parlant du Roy : « Voilà le plus poltron cœur qui
fut jamais. » Cette entreprise faillie, les Guises en
dressèrent incontinent un autre avec moindre appa-
rence d'injustice, mais avec plus de trahison. Ils firent
donc commander au Navarrois par le Roy mesme de le
suivre à Chambourg ^ et Chenonceaux où il délibéroit
aller prendre le plaisir de la chasse, et là, comme on
courreroit quelque beste rousse, certains assassins le
1. Chambord.
ET NAVARRE. 107
dévoient assassiner et on devoit faire courir le bruit
après qu'il auroit esté tué par quelque beste furieuse.
Et le mareschal de Termes avoit commandement
d'aller incontinent en Béarn saisir la royne de Navarre,
ses enfans et son pais. Mais le dispensateur de toutes
choses garentit le mari, la femme, les enfans et leur
pays par une soudaine maladie qu'il envoya au roy
François. Durant sa maladie les deux frères Bourbons
furent en plus grand danger qu'ils n'avoient encores
esté, car leurs ennemis vpulans jouer à quitte ou double,
arrestèrent de faire exécuter le puisné et meurtrir
l'aisné, comme il seroit au Conseil, qui, en ayant esté
averti par une grande dame, fit le malade et en donna
advis à la Royne mère qui lui destourna ce coup.
Cependant le 5 de descembre la mort du Roy mit
hors de tout danger les Bourbons qui furent aussi tost
suivis de toute la cour qui tourna le dos à ceux de
Guise, lesquels se trouvèrent en un moment descheus
de leur crédit , grandeur et espérances , et en aussi
grand hazard de leur vie qu'ils av oient mis les autres,
si le roy de Navarre eust voulu croire ses amis et
serviteurs qui estoient d'advis que, sans user d'aucune
violence ou perfidie, il les mit seulement aux mains de
la justice pour leur faire rendre conte de leurs actions
et leur faire le procès. Mais la Royne mère sceut si
bien amadouer le Navarrois qu'elle lui fit tout oublier
et le réconcilia avec les Guises; non pas qu'elle leur
portast aucune bonne affection, mais afin de se servir
d'eux pour rabattre les coups qu'elle craignoit du
Navarrois pour la régence, laquelle tous espéroient
qu'il prendroit lors suivant sa qualité de premier
prince. Toutesfois il voussit ladite Royne lui estre
108 HISTOIRE DE BÉARN
préférée et lui quitta par escrit tout ce que nature, la
loy et les Estas luy pourroient donner sur cette tant
honnorable charge. J'ay réduit cette histoire le plus
brief que j'ay peu pour ce qu'elle a esté escrite au
long par d'autres. [Voyez V Histoire ecclésiastique de
France^ et celle des affaires de France par La Popi-
linière ^.]
La Roine [de Navarre], femme dudit roi Antoine
avoit tousjours [defFavori] plustotque favori la religion
réformée et de tout son pouvoir reculé son mary
d'icelle ; [mais au tems de la plus grande captivité de
son dit mari et au plus grand danger de la ruine de sa
maison, remettant toutes choses en la disposition de
la providence de Dieu] , contre l'opinion de plusieurs
ses serviteurs, elle se déclara ouvertement de ceste
religion [avec une telle constance que jamais depuis
elle n'en peut estre destournée, quelques assauts que
Satan et le monde lui ayent peu donner. L'an donc
1561 à la cène de Noël, elle abjura à Pau en Béarn la
religion romaine et receust la réformée, et après avoir
fait confession de sa foy, communiqua au sacrement
de la sainte cène suivant la forme de ladite religion.
Et pour ce que quelques particuliers , ses sujets ,
poussez d'un zèle indiscret, d'eux -mesmes avoient
abbatu quelques images, ils en firent ce mesmes jour
réparation publique en présence de ladite Dame;
laquelle après avoir déduit telle chose devoir estre
faite par les Roys et Princes, non pas par les parti-
culiers et confessé que le Roy, son mari, et elle le
1. Par Théodore de Bèze.
2. Lancelot Voisin de La Popeliuière, historien protestant, né
vers 1540, mort en 1608.
ET NAVARRE. 109
dévoient avoir fait, remit tout l'intérest qu'elle pouvoit
avoir en ceste faute aux délinquans^
Après cela elle s'achemina en France pour trouver
le Roy, son mari , qui [lors favorisoit] la religion ^
reformée et fut cause du colloque de Poissi entre les
ministres et les évesques et de l'édit de janvier qui
permettoit à tous les françois d'avoir exercice de la
religion réformée en tous lieux pourveu que les pré-
dications se fissent dehors les villes. Mais ce Prince
estoit tellement commandé par son inconstance natu-
relle , ambition , voluptez , lubricitez et flateries qui
(tout ainsi que le caméléon reçoit toutes les couleurs
des choses sur lesquelles il est posé) n'ayant autre
conception, jugement ni volonté que celles que l'am-
bition, la lubricité et la flaterie lui mettoient en teste
ou plus tôt luy commandoient, changeoit plus souvent
de délibérations que d'habillemens, ne demeura guère
long tems en volonté de favorir la dite religion, mais
se banda contre elle avec le mareschal Saint-André, les
Guises et le connestable, qui, en toutes autres choses
ennemis capitals, s'accordèrent en ce seul point [de
chasser cette] religion [réformée de] France^.
[De ce discordant accord prinrentleur commencement
tous les grands maux qui tourmentent encor aujourdhuy
1. Variante : Tost après, l'an 1561 au moys de décembre, laRoine,
femme dudit roi Antoine, laquelle avait tousj ours abhorré la religion
prétendue réformée et de tout son pouvoir reculé son mari d'icelle,
contre l'opinion de plusieurs ses serviteurs, se déclara ouvertement
de ceste religion, estant lors à Pau en Béarn où elle fist confession
de foy selon les formes qui avoient esté prescriptes par quelques
ministres qui estaient à sa suitte.
2. Variante : presta aussy faveur à la dite religion prétendue.
3. Variante : d'exterminer telle religion de la France.
110 HISTOIRE DE BÉARN
la France qui , invincible à toutes autres , s'est elle-
mesme vaincue, appovrie, ruinée et deschirée par ses
propres mains.] D'Escars, quiavoit esté appelé par le
Navarrois, fut celuy de qui les Guises se servirent le
plus pour attirer ce Prince à leur volonté. Ils lui firent
donner espérance par le Pape de luy fere rendre le
royaume de Navarre au roy d'Espagne et luy promet-
toient de luy faire espouser Marie d'Estuart, royne
d'Escosse et douairière de France, qui a depuis eu la
teste tranchée en Angleterre, et l'irritèrent tellement
contre sa femme qu'il en poursuivoit le divorce en cour
de Rome pour crime d'hérésie, et à la persuasion du
cardinal de Lorraine la vouloit confiner en une de ses
maisons, si elle ne se fut retirée en son pays de Béarn.
En y allant, Monluc eust commandement de l'arrester,
mais elle fut jà passée lorsque le commandement lui
fut apporté. Arman de Gontaut, sieur d'Audaux^ qui
estoit lieutenant de Roy au pais de Béarn, lui sortit au
devant jusquçs à la Garonne avec cinq ou six cens
harquebusiers à cheval Béarnois^. L'arrivée de cette
princesse en Béarn servit de beaucoup à ceux de [la^*]
1. Armand de Gontaut, marié à Jeanne, fille de Frédéric de
Foix, grand écuyer de Navarre. Dans son testament, il ordonna
que l'on construisit dans l'église d'Audaux « un beau tombeau
jusques à la despense de cinq cents livres. » 28 septembre 1591
(Arch. des Basses-Pyrénées, E. 1646, f 27).
2. On trouve à ce sujet, dans le compte du trésorier de la
maison de la reine de Navarre de 1562, la mention suivante :
Aux capitaines Moret et Chevallier, ayant charge de chacun vingt
arquebusiers à cheval retenus par la Royne à Gaumont, de la
compagnie amenée de Béarn par M. d'Audaux pour la garde ,
sûreté et défense de la Royne, 1122 livres (Arch. des Basses-
Pyrénées, B. 10).
3 . Variante : ceste religion.
ET NAVARRE. 111
religion [réformée] qui, contrains [par les sanglantes
poursuites qui se fesoient] lors par toute la France
[contre tous ceux qui suivoient cette religion,] d'aban-
donner leurs maisons, se retiroient en Béarn comme à
un asyle ou lieu de refuge, et y eussent esté fort mal
traittez sans la présence de la Royne, qui les empara
de tout son pouvoir et [usa de toute humanité envers
eux']. Et combien qu'elle fut contrainte par les bra-
vades et menaces de Monluc, qui usa envers cette
princesse de plusieurs indignitez, comme il estoit d'un
naturel audatieux [et témairère] , de faire publier com-
mandement à ces réfugiez de sortir de Béarn, néant-
moins secrettement elle leur faisoit dire le contraire.
Ce qui estant venu à la connoissance du Roy, son
mari, il despescha en Béarn Jean L'Escrivain, dit
Boulongne ^, son secrétaire, avec créance et comman-
dement au Parlement de Béarn de mettre dehors tous
les estrangers et d'interdire à ceux du pais tout exer-
cice de la religion * réformée et de déposer de leurs
offices tous ceux qui en fesoient profession. Et avoit
ledit Boulongne mandement exprès de ne communi-
quer rien de sa charge à la Royne, mais elle en ayant
esté advertie, avant mesme qu'il arrivast en Béarn, le
fit constituer prisonnier dès son entrée avec ses lettres,
instructions et commissions.
Après que l'accord du mareschal. Guise et le con-
nestable fut un peu asseuré et les Guises se trouvèrent
1. Variante : les receut en sa sauvegarde.
2. « Messire Jean de Lescripvan, recteur de Boloingne », secré-
taire du roi de Navarre (Arch. des Basses-Pyrénées, E. 1993,
f* 41, acte notarié du 17 octobre 1552).
3. On a ajouté : prétendue.
^^% fflSTOIRE DE BÉARN
remis à cheval et par le moyen du roy de Navarre
eurent recouvert la créance qu'ils avoient perdue , le
roy d'Espagne, [qui n'avoit donné espérance de rendre
le royaume de Navarre que pour disunir le roy An-
toine de ceux de la religion réformée et principalement
pour remettre en crédit ceux de Guise, ses pension-
naires et principaux partisans] , ne voulut plus entendre
à ladite reddition, car il disoit ce Royaume lui estre de
telle importance que la perte d'iceluy mettoit en dan-
ger [et hazard] tous ses autres estas d'Espagne, des-
quels la Navarre estoit comme la garde et la porte qui
les fermoit. Mais pour entretenir tousjours en halaine
ce Roy, il promettoit de luy donner en récompense le
royaume de Sardaigne^ aux conditions qu'il feroit
renoncer la royne Jeane, sa femme, à tous les droits
qu'elle pouvoit prétendre sur la Navarre. Cette pro-
messe contenta tellement le Navarrois, aveuglé par
l'ambition, qu'encore que tous ses serviteurs, et mesme
la Royne mère, luy remonstrassent par beaucoup de
raisons que le roy d'Espagne, qui se mouquoit éviden-
tement de luy, le tromperoit, et quand bien il ne le
feroit, qu'il lui estoit impossible de tenir long tems le
royaume de Sardaigne, qui estoit une isle en la mer
Méditarenée, voisine d'Italie, d'Espagne et d'Aflfrique,
où il ne pouvoit aller sans avoir un port bien asseuré,
qui fut du tout à luy, en la coste de Languedoc ou Pro-
vence et un bon nombre de galères entretenues pour
y aller et venir, outre qu'il luy faudroit entretenir une
1. Philippe II proposa aussi à Antoine d'échanger le royaume
de Navarre contre la royauté de Tunis et s'engagea à en faire la
conquête (Arch. des Basses-Pyrénées, E. 585).
ET NAVARRE. 113
grande garnison de gens de guerre estrangers à pié et
à cheval pour tenir les habitans en crainte, lesquels ne
s'aprivoiseroient jamais à son obéyssance que par
force , ce qui seroit une despence à laquelle les rentes
de trois Royaumes tels que la Sardaigne ne sauroient
fournir ; et il n'avoit moyen de faire le surcroist et du
sien, outre qu'il estoit vassal du roy de France qui ne
luy permettroit pas de disposer de ses ports ny de ses
galères à sa volonté. [Mais qu'il se devoit saisir d'Avi-
gnon et de tout le comté de Venisse occupé pour le
Pape, par l'interdit duquel ses prédécesseurs avoient
esté espoliez du royaume de Navarre, et lors vraisem-
blablement le Pape s'emploieroit à bonnescient envers
l'Espagnol pour lui faire rendre la Navarre.] C'estoit
le meilleur conseil qu'il eut sceu prendre, mais il estoit
si ensorcelle d'un Royaume en peinture (la charte
duquel il avoit tousjours entre ses mains) qu'il ne peut
jamais connoistre la vérité et fidélité du conseil de ses
serviteurs ny descouvrir la tromperie des Guises et de
l'Espagnol. Parquoy résolu d'avoir ce Royaume envoya
à la Royne, sa femme, une minute de procuration pour
faire la permutation de Navarre avec Sardaigne^ ; elle
ne lui osa refuser, cependant pour conserver le droit
à ses enfans, si Dieu leur donnoit un tems plus pai-
sible et plus favorable, et auquel la justice eut plus de
crédit que la force, elle fit pardevant le juge du sen-
neschal de Béarn un acte de révocation de cette pro-
cure, comme faite par force et crainte, ne l'ayant osée
refuser à son mari. Et le sieur d'Escars estoit jà des-
1. Cette procuration «xiste aux Arch. des Basses-Pvrénées (E.
585).
8
114 HISTOIRE DE BÉARN
pesché pour aller passer le contrat en Espagne ,
lorsque ce Roy fut blessé d'une harquebusade devant
Roan*, de laquelle il mourut à Andeli ^ peu de jours
après le 1 7 de setembre 1 562. [Il ne donna pas moins
de tesmoignage de son inconstance en sa mort qu'il
avoit fait en sa vie, car tantost, il demandoit qu'on
luy parlast de son salut selon la religion réformée et
protestoit s'il guérissoit de faire prescher les ministres
par toute la France, et soudain changeant d'avis, il
oyoit les prestres et les moines et se confessa à eux et
communiqua selon la religion romaine.] Ce prince
estoit d'un esprit fort gentil, vaillant de sa personne,
bien disant et libéral et avoit beaucoup d'autres vertus
dignes d'un grand prince qui le rendoient bien voulu
de tous, et si la constance eut accompagné ces vertus,
il eut esté l'un des plus princes accomplis de son tems;
mais il n'y a rien de parfait en l'inperfection de ce
monde et le plus souvent les plus grands vices logent
avec les vertus plus héroiques et communément
es plus entiers le vice surmonte la vertu.
Le roy Antoine mort, sa femme, qui pendant la vie
d'icelui n'avoit osé faire tout ce qu'elle eut bien voulu
pour l'avancement de sa religion , commença de
dresser tous ses desseins à cela ; et afin que le prince
Henri, son fils, fut continué d'estre nourri en cette
religion, elle l'osta du gouvernement de Losses^ qui
estoit fort zélé à sa religion [romaine *] et auquel le
1. Rouen.
2. Les Andelys (Eure).
3. Jean de Losses, lieutenant de Roi en Agenais et Quercy, capi-
taine des gardes du roi de France Henri III, mort en 1580.
4. Variante : catholique.
ET NAVARRE. 115
père l'avoit donné en charge expressément pour le
divertir de [sa] religion et le nourrir en [la romaine *,
laquelle ce jeune Prince en son enfance avoit tellement
en horreur qu'il le falut foëter pour le fere aller à la
messe ; et y ayant esté mené une fois par force, tomba
malade, soit qu'il le fut à bonnescient ou qu'il le con-
trefit, car il a tousjours esté d'un esprit vif et subtil.
Depuis son père et après luy ses parents et le roy de
France mesme défendirent de le contraindre en sa
religion, de laquelle il eut tousjours depuis exercice
libre en sa maison, et ayant accompagné le Roy allant
à la messe jusques à la porte de la chapelle, s'en
retour noit sans y entrer.] La Gaucherie [homme de
savoir et fort zélé à la religion reformée] estoit son
précepteur; et Beauvais* et La Case^, puisné de la
maison de Miranbeau en Santonge, [tous deux de la
religion réformée] , furent mis par la mère gouverneurs
de sa personne et surintendans de sa maison par
semestre en la place de Losses. Ayant ainsi prouveu à
la personne et maison de son fils, la Royne fit le
mesme en la justice [et l'église] . Et d'autant que le feu
Roy avant sa blessure avoit donné Testât de sennes-
chal de Béarn vaquant par la mort de Paul de Béarn,
seigneur d'AndoinsS à Antoine d'Aidie, sieur de
1. Variante : en la première.
2. Louis Goulard, seigneur de Beauvais et Clousures, marié à
Marguerite, fille de Talleyrand, prince de Ghalais. Beauvais fut
massacré à la Saint-Barthélémy.
3. Pons de Pons, seigneur de Marsan, La Gaze et Montgaillard,
sénéchal de Marsan, gentilhomme du conseil privé de Jeanne
d'Albret, marié à Françoise de Marsan, tué en 1574.
4. Marié à Marguerite de Gauna, père de Gorisande d'Andoins.
116 HISTOIRE DE BÉARN
Sainle-Colomme ^ , gentilhomme béarnois , la Roine
après le décez de son mari lui refusa [tout à plat] la
confirmation [non tant] pour ce qu'il estoit de la reli-
gion [romaine *, que pour ce qu'il estoit fort] affec-
tionné serviteur des Guises, et en prouvent Armand
de Gontaud, sieur d'Audaux, qui l'avoit beaucoup
assistée durant ses grandes destresses et mauvais
mesnage avec le Roi, son mari, et faisoit profession
de la religion ^ réformée. [Touchant la réformation de
l'église *] elle fit venir Remon Merlin ^, ministre de
[l'église de] Genève, et plusieurs autres [savans per-
sonnages®], la plus part [de] la langue gasconne et
béarnoise, pour prescher au peuple en son langage,
lesquels ayans esté [canoniquement '] esleuz, furent
envoyez aux lieux où il y avoit plus de gens faisans
profession de la* religion [réformée]. Jean de La
Rive, basque, fut envoyé à Saint-Palais de la Rasse-
Navarre pour y prescher en langage basque, et Lissa-
rague^, ministre de La Rastide, traduisit le Nouveau
1. Antoine de Montesquieu, dit d'Aydie, seigneur de Sainte-
Colomme , fils d'Imbert de Montesquieu et de Madeleine de
Sainte-Golomme , marié à Anne de Montalmart, massacré à
Navarrenx en 1569 (Arch. des Basses-Pyrénées, E. 1778, f* 39;
1887, 1276).
2. Variante : catholique.
3. On a ajouté : prétendue.
4. Variante : Et pour augmenter davantage ceste religion.
5. Jean-Raymond Merlin, né à Romans en Dauphiné, mort en
1578 à Genève (voy. La France protestante).
6. Variante : qui entendaient.
7. Variante : par elle choisiz et.
8. On a ajouté : dite.
9. Jean de Lissarague ou Liçarrague ou mieux Leiçarraga, né
à Briscous, canton de La Bastide-Glairence , arrondissement de
Bayonne (Basses-Pyrénées). — Le 12 novembre 1573, le Conseil
ET NAVARRE. 117
Testament en cette mesme langue. Et en un synode
tenu à Pau l'an 1 563 au mois de setembre fut dressé
un cors de dissipline ecclésiastique ^ pour entretenir à
l'avenir tout le ministère de l'Évangile en [bon] ordre
et remettre sus la [légitime] vocation des pasteurs,
diacres et anciens et le droit usage de l'administration
des clefs du royaume des cieux, qui est la jurisdiction
spirituelle que Jésus-Christ [seul chef de l'église] luy a
donnée [et qui ont esté toutes trois fort corrompues
si non du tout perverties en l'église] . Et pour l'entre-
tènement du ministère et du collège dressé en la ville
de Lesca ^, elle imposa quinze mille livres sur le clergé,
desquelles Antoine de La Rose ', fut esleu receveur
par le synode en titre de diacre général des églises *
réformées de Béarn. Trois mois auparavant Sa Majesté
avoit interdit les prédications aux moines et aux pres-
tres les processions, principalement celles que l'église
[romaine^] fait le jour appelé du Sacre, condamnées
par le pape Urbain l'an 12163, [après qu'Honorius III,
l'an 1216 eut rédigé en loy l'adoration de l'hostie de
la messe] . Elle fit aussi abbatre les images de l'église
cathédrale de Lesca et de la parochiale de Pau ®, et fit
ecclésiastique de Béarn lui accorda 50 écus soleil pour faire im-
primer à La Rochelle le Nouveau-Testament en basque (Reg. de
la Ghamb. Ecclés., Arch. de M. le baron de Laussat).
1. On a ajouté : à leur mode. — Nous avons trouvé dans les
archives de l'ancien évêché de Rayonne un manuscrit contenant
cette « discipline » (Archives des Basses-Pyrénées, G. 4).
2. On prononce encore Lesca pour Lescar.
3. On le qualifiait aussi du titre de trésorier de la Reine (Arch.
des Basses-Pyrénées, E. 1999).
4. On a ajouté : prétendues.
5. Variante : catholique.
6. L'église Saint-Martin.
118 HISTOIRE DE BÉARN
faire le mesmes quelque tems après par toutes les
principales villes du pais, laissant toutes fois la messe
et tout l'office romain aux autres lieux où tous ceux
qui vouloient pouvoient aller en toute liberté et
seurté, et nul estoit contraint de faire rien contre sa
religion.
Le bruit de cest abattement d'images et autels fut
soudain espandu partout. Le roy de France et la
Royne, sa mère, en firent de grands reproches à ceste
Princesse, et le cardinal d'Armaignac qui se disoit
son parent [pour l'intimider et destourner] lui escrivit
[la lettre suivante que j'ay pensé devoir icy ajouster
avec la response d'icelle ^]
Or [d'autant ^] que la Roine taschoit d'amener ^ le
peuple à sa religion, il se roidissoit [davantage] contre
[icelle^], y estant [secrettement] incité par les pres-
tres^ et quelques uns de la noblesse. Et tout ainsi qu'il
1 . Variante de la main de Bordenave : une lettre, mais elle en
devint plus courageuse. Le correcteur catholique a ajouté : elle
n'en tint conte.
Vers la fin du xvuie siècle, ainsi qu'il résulte d'une note ano-
nyme, les pages 388 et 389 en partie, 390 à 395 du manuscrit ont
été coupées. La page 396 contient encore la fin de la réponse de
Jeanne d'Albret au cardinal d'Armagnac. La lettre de ce dernier
et celle de la reine de Navarre ayant déjà été publiées (notam-
ment par l'abbé Poeydavant, tome I, p. 89, copiant Olhagaray qui
avait copié Bordenave), cette lacune n'altère pas l'ensemble du
manuscrit. Nous n'avons pas cru devoir publier la fin de la lettre
royale que contient la page 396, nous reprenons le texte immédia-
tement après ce document.
2. Variante : de tant plus.
3. On a ajouté : tout.
4. Variante : plus il se roidissoit contre ses effors.
5. On a ajouté : et pasteurs.
ET NAVARRE. 119
n'y a si petit [estai auquel on ne trouve plusieurs dis-
posez à sédition et la populasse d'elle-mesme a assez
de fureur, sans qu'on l'embrase par paroles et pro-
messes^], aussi par plusieurs endroits du pais plusieurs
tumultoient journellement [avec telle audace qu'il
estoit aisé de juger qu'ils ne cerchoient que l'occasion
d'entrer ouvertement en sédition] et quelques gentils-
hommes empeschoient [ou troubloient] les prédications
des ministres en leurs villages. Et le 215 de décembre
1563 à Sainte-Marie, siège de l'évesché d'Oloron,
comme Pierre deBonnefont*, conseiller et maistre des
Requestes, et Archambaut Colomiès', juge dudit Olo-
ron, y voulurent establir la prédication du ministre, le
peuple se mutina avec telle furie que les commissaires
et le ministre eurent assez à faire de se sauver. Le
peuple conduit par Guillemd'Abadie\ chanoine, saisit la
maison épiscopale et le temple assez forts pour battrie
de mains. Ils le tindrent sept ou huict jours, mais ils
furent contrains de le quitter pour ce qu'on délibéroit
d'y mener le canon et de les y battre, et qu'ayant
Abbadie escrit partout, nul ne se déclara en sa faveur.
1 . Variante : n'y a si petit changement en un Estât qui ne soit
suffisant motif pour induire la populace à sédition.
2. Pierre de Bonnefont, originaire d'Oloron, épousa Brune de
Pappus ; il devint président au Conseil souverain de Béarn ; dès
1547 il était conseiller (Arch. des Basses-Pyrénées, E. 1785 et
1990).
3. Nous trouvons en 1559, comme étudiant à Genève, Archam-
baldus Colomerius, bearnensis, Samarianus, c'est-à-dire Archam-
baud de Golomiès, béarnais, de Sainte-Marie d'Oloron (Livre du
Recteur, p. 3).
4. Guillaume d' Abbadie était aussi trésorier du chapitre de
Sainte-Marie d'Oloron (Arch. des Basses-Pyrénées, E. 1098).
120 HISTOIRE DE BÉARN
Les chef furent menez prisonniers à Pau, qui néant-
moins furent relaschez sans rien souffrir, à la réquisition
des Estas, qui firent grandes plaintes du bris des
images, [et encore plus d'instance du restablissement
de ce qui avoit esté chassé de la religion romaine].
Mais ils trouvèrent la Roine si [constante ^] qu'ils ne
peurent obtenir d'elle autre chose, sinon que le tout
demeureroit en Testât qu'il estoit, attendant [si Dieu
donneroit plus de connoissance au peuple et] qu'elle
fut de retour de France où elle estoit contrainte de
faire un voyage pour satisfaire à la volonté du Roy,
qui l'en solicitoit avec grande instance. Elle laissa An-
toine, seigneur de Gramont*, pour son lieutenant
général en ses pais souverains.
Or les affaires de dedans ne troubloient pas seule-
ment la Royne, et les ennemis domestiques n'assailloient
pas seuls sa [constance ^], mais aussi ceux de dehors la
poursuivoient avec plus d'animosité et de forces, car
le pape Pie IV, [à l'exemple des Papes de ces derniers
siècles, qui s'exemtans non-seulement de la sujettion
et jugement de tous Princes, mais aussi de l'église
mesme, se sont attribuez l'autorité des juges souve-
rains sur toutes créatures et sur toutes principautez] ,
commença de fulminer les foudres de ses excommuni-
cations et interdits contre ladite Princesse, et [sous le
faux prétexte de n'avoir *] seur accès en ses terres
[pour la faire citer personnellement] la fit adjourner
1. Variante : résolue.
2. Antoine d'Aure, comte de Gramont, beau-père de Corisande
d'Andoins, mort en 1576.
3. Variante : résolution.
4 . Variante : pour ce qu'il n'i avoit.
ET NAVARRE. 1Î1
par une citation aflfigée par les cantons de la ville de
Rome , pour comparoistre audit Rome par devant
l'Inquisition dedans six mois, sur peine incontinent
après le terme escheu d'estre solemnellement excom-
muniée, tous ses biens confisquez et mis en interdit
pour pouvoir estre occupez par le premier qui auroit
la volunté et la puissance de ce faire. Cette manière
de procéder fut trouvée injuste de toutes personnes
non passionnées, car, disoient-ils, quel droit a le Pape
sur les biens, dignitez, autoritez et personnes des
chrestiens ni sus les sacrées Majestez et puissances
des Rois et Princes, ni sur leurs Roiaumes ou seigneu-
ries, et par quelle forme de justice peut estre tenue
pour sufissamment citée la personne à laquelle ny à
aucun des siens la citation n'aura jamais esté notifiée?
Est-il possible de deviner de quatre cens lieues ce qui
se fait à Rome. Parquoy le roy de France, considérant
sagement combien il estoit dangereux pour soy-mes-
mes que le Pape, en ce tems turbulent, s'atribuast
l'autorité de confisquer non seulement les biens des
Princes souverains non féodataires de l'église, mais
aussi de ses prochains parens et sujets de sa couronne,
qui est exempte de toute jurisdiction [papale^] (car
ladite Royne estoit sa tante et possédoit plusieurs
belles et grandes seigneuries en son Roiaume en sa
foy et son hommage dudit Roy), print tellement à cœur
cest affaire, qu'ayant prins ladite dame en sa protec-
tion, fit remonstrer au Pape qu'il avoit trouvé estrange
la procédure faite contre sa tante la royne de Navarre,
et de pernicieux exemple pour soy et tant d'autres
souverains, et se tenoit particulièrement injurié qu'en
1. Variante : temporelle du Pape.
122 HISTOIRE DE BÉARN
ce tems que [tant] d'autres Princes fesoient profession
de la mesmes religion que sadite tante [et avoient bani
de leurs seigneuries toute religion catholique romaine,
ce qu'elle n'avoit fait], Sa Sainteté passant sous silence
ce que les autres fesoient, s'attachast particulièrement
et seulement à sadite tante, sa justitiable et sujette
naturelle, entreprenant par ceste voye sur lesautoritez
et immunitez de sa couronne. Pai'quoy il supplioit Sa
Sainteté vouloir faire cesser ceste voye et luy laisser
entière l'autorité qu'il avoit sur les personnes et biens
de ses sujets et ne trouver mauvais qu'il eust pris la
défense de sa tante et de ses enfans, prochains parens
de la maison de France, et ne le contraindre de recou-
rir aux moyens et remèdes qui avoient esté autrefois
suivis en cas semblables par ses prédécesseurs, ce
qu'il feroit à son très grand regret et extrême néces-
sité, estant forcé de ce faire pour une occasion si
juste et si raisonnable qui lui commandoit de n'es-
pargner toutes les forces et puissances que Dieu lui
avoit données, lesquelles il estoit délibéré d'y mettre
et employer. Ce sont quasi les mesmes mots de la pro-
tection qui est imprimée. Or soit que le Pape fut
retenu par cette remonstrance, craignant d'offenser le
roy de France en la personne de la royne de Navarre
ou qu'il eut quelque autre considération, cette pour-
suitte ne passa plus outre pour lors. Et la Royne
appela comme d'abus de toute la procédure du Pape
au concile, et trouva moyen par quelques siens servi-
teurs de fere plaquer sadite appelation en quelques
cantons à Rome. Le sieur de Candé, secrétaire d' Estât
de ladite Dame, m'a donné à Tours la copie de ladite
appelation.
ET NAVARRE. 123
Gramont, qui estoit demeuré lieutenant général,
faisoit profession de la religion ^ réformée et l'avançoit
de son pouvoir. [Il estoit homme de gentil esprit et
meilleur jugement, libéral et fort accostable et avoit
ceste grâce que sans mescontenter l'une religion, il
donnoit contentement à l'autre et estoit respectivement
aimé, révéré et craint des uns et des autres. Il *] rendit
le ministère^ paisible à Saint-Palais en Navarre où il
n' avoit jamais peu estre receu et fit prescher le ministre
publiquement au temple, [encores qu'il ne s'y trouvast
que sept ou huit auditeurs et depuis tousjours *] ce
peuple, qui auparavant avoit excité beaucoup de
tumultes, se tint coy, car l'autorité de cest honmie
estoit si grande [mesmes envers les plus mutins] que
sa présence ou mandement refroidissoit les plus
eschaufez [et appaisoit les plus séditieux. La ^]
religion [réformée] accreut beaucoup en Béarn
durant son gouvernement et les [églises réfor-
mées®] y estoient en aussi grande seurté et liberté
qu'en aucune autre province de l'Europe.
Par un synode "tenu en la ville de Nay l'an 1565,
Michel Vignaux', ministre de la ville de Pau, fut envoyé
en France vers la Royne pour lui remonstrer qu'il
1. On a ajouté : prétendue. ,
2. Variante : et.
3. On a ajouté : de ceste religion.
4. Variante : et du depuis par son moien.
5. Variante : Par ainsy ceste.
6. Variante : ministres.
7. Michel Vignaulx, dont on verra plus loin la mort, avait
épousé Marguerite Rossignol, de Beaune (Gôte-d'Or); devenue
veuve elle se remaria, le 26 février 1570, avec Jean Béquel, apo-
thicaire de Pau, puis avec Bertrand Duluc, apothicaire, en 1573
(Arch. des Basses-Pyrénées, E. 2001, f° 69; 2002).
124 HISTOIRE DE BÉARN
n'estoit assez que les Princes servissent à Dieu
comme hommes chrestiens , si , conmie souverains
magistrats, ils ne contraignoient leurs sujets de vivre
chrestiennement et n'ostoient tout ce qui estoit con-
traire à la pureté du service de Dieu commandé en sa
loy, de laquelle les Roys estoient les protecteurs. Que
Sa Majesté doncques suivant le commandement de
Dieu et l'exemple des meilleurs Rois du peuple Israëli-
tique et des Empereurs et Princes chrestiens devoit
achever d'oster tout ce qui restoit en Béarn du levain
de la religion romaine. Et pour ce que l'église est la
communion des saints et la sainteté se monstre par
les œuvres de la foy, de laquelle elles ne peuvent non
plus estre séparées que la chaleur et la lumière du feu
et du soleil, Sadite Majesté devoit aussi interdire et
punir tant de grandes dissolutions, jeux de hazard,
usures, paillardises et blaphêmes, etc., quirégnoient
entre son peuple au grand déshonneur de Dieu et scan-
dale du prochain, et défendre aux moines les questes
publiques, car telle mendicité avoit tousjours esté
condamnée par les plus doctes et plus gens de bien,
comme contraire à la profession chrestienne et insti-
tution première des moines qui ne vivoient pas lors
en oisiveté du labeur d'autrui, comme maintenant,
ains gaignoient leur vie en travaillant et nourrissoient
de leur travail grande quantité de povres. Que la pré-
sentation des bénéfices par le Pape et les évesques
répugnoit à la légitime élection des pasteurs, enseignée
par la parolle de Dieu et plus anciens canons, et à la
prattique de l'église primitive, laquelle n' avoit connu
l'autorité des vicaires et officiaux, contraire à la puis-
sance que Dieu avoit donnée aux vrays magistrats et à
ET NAVARRE. 125
l'ancienne égalité du prestre et de Tévesque. Et afin
que la jeunesse, qui est semblable au pot neuf qui
retient l'odeur de la première chose qui y est mise, ne
fut infectée des superstitions romaines, la charge des
escoles fut défendue à tous ceux qui ne feroient pro-
fession de la religion réformée et n'auroient tesmoi-
gnage de bonne vie et suffisante doctrine. Finalement
pour ce que l'enterrement des morts dedans les tem-
ples, défendu par les loix et les anciens canons et est
sorti de l'opinion du purgatoire et de la superstition
de la prière pour les mors, qu'à l'avenir les vifs se
contentassent d'ensevelir leurs mors aux cemitières,
laissans les temples pour la prédication de l'Evangile
et administration des sacremens, à quoy ils estoient
proprement dédiés. Ces remonstrances furent appoin-
tées par une patente en bonne forme en présence de
plusieurs théologiens , jurisconsultes et politiques ,
appelez expressément pour ce fait par la Royne ; mais
estans apportées en Béarn, elles furent trouvées si
aspres par maints de la religion réformée et tous ceux
de la romaine qui disoient qu'il faudroit estre anges et
non pas honmies pour pouvoir vivre selon icelles,
qu'ils donnèrent tous les empeschemens qu'ils peurent
à la publication , et y avoit danger qu'ils n'en vinssent
à une manifeste sédition. Parquoy Gramont craignant
que cela fit esclater la malice de plusieurs, suspendit
ladite publication et envoya Jean d'Areu, advocat
général, en France vers la Royne pour l'advertir du
tout. Elle trouva fort mauvais le délay de la publica-
tion et chargea le Conseil d'une seconde jussion, sur
laquelle ladite patente fut publiée.
[Peu de tems après] la Roine arriva cependant en
Béarn avec le Prince, son fils, lequel, par grande im-
126 HISTOIRE DE BÉARN
portunité, elle avoit obtenu du roy de France, pour
seulement faire un tour en ses pais. Elle se monstroit
tousjours plus affectionnée à l'augmentation de sa reli-
gion et abolition de la [romaine ^] et l'eust entièrement
abolie, si son conseil qui craignoit une sédition géné-
rale ne l'eut retenue, néantmoins elle fit abbatre les
images en quelques lieux. Gela aigrit fort [ceux de la
religion romaine *] lesquels pour regarder aux moyens
de s'y opposer s'assemblèrent en la maison de Gabriel
de Béarn, baron de Gerderet% du nom et authorité
duquel ils se servoient [plus que de sa malice, car il
n'estoit pas fort factieux]. Henri de Navailles, sieur de
Peire * [qui avoit plus de malice, que l'autre de simpli-
cité,] estoit le principal de la noblesse après Gerderes^,
qui se trouva en cette congrégation, de laquelle avoient
esté les principaux promoteurs et conducteurs J. de
Bordenave \ conseiller au Conseil ou Parlement de
Béarn, et J. Supresantis "', G. Testai advocats, Garsu-
1. Variante : catholique.
2. Variante : ce qui restait de catholiques.
3. Fils de François de Béarn, baron de Gerderest, sénéchal de
Béarn.
4. Henri de Navailles, seigneur de Peyre et d'Arbus, gouver-
neur de la ville et du château de Pau, marié à Michelle de Gor-
celles. Ce personnage donna en 1569 procuration à Pierre de
Lassun, curé de Peyre, pour régir ses biens pendant les troubles
(Arch. des Basses-Pyrénées, E. 2000).
5. Pour Gerderest.
6. Les biens de ce personnage, qui plus tard furent saisis, furent
rendus à ses parents (Arch. des Basses-Pyrénées, B. 259, f" 67).
7. C'est la forme latinisée des noms Sobersens et Sopesens, qui
tous deux étaient ceux d'anciennes familles du lieu d'Etsaut dans
la vallée d'Aspe (Arch. des Basses-Pyrénées, E. 306, f° 73). —
Jean Supersantis avait pour mère Marguerite d'Aleman, de
Léès (même dépôt, B. 259, f" 69).
8. Le nom est mal écrit comme on le verra plus loin. Il s'agit
ET NAVARRE. 12l7
San S chanoine de Sainte-Marie, et Lartet ', chanoine
de Lesca, de la part de leurs chapitres, comme firent
aussi quelques députez des villes et des vallées d'Ossau
et d'Aspe. Ils arrestèrent de s'opposer avec les armes
à l'abbatement des images et de chasser du pais tous les
ministres [et s'emparer des personnes de la Royne et de
Monsieur et Madame, ses enfans] et contraindre ladite
Dame de mettre hors de Béarn tout exercice de la reli-
gion^ réformée et remettre [la romaine au mesmes
estât qu'elle l'avoit trouvée *] et renvoyer tous ceux
de son conseil privé qui n'estoient pas naturels béar-
nois ou qui fesoient profession [de la ^] religion [réfor-
mée] , car ils ne vouloient estrangers ny hugenots
auprès d'elle, mais eux-mesmes luy vouloient servir
de conseil et vouloient gouverner leur propre pais. Ils
mirent aussi en délibération de massacrer le jour de la
Pentecoste tous ceux de la religion ® réformée, conune
ils célébreroient la [sainte] cène; et d'autant qu'ils
craignoient de n'estre assez forts pour exécuter leur
intention, arrestèrent d'envoyer en France pour essaier
d'obtenir promesse de secours et faveur, en cas qu'ils
d'Alamanet de Tasta, de Sainte-Marie d'Oloron, dont les biens
furent saisis en 1570 (Arch. des Basses-Pyrénées , B. 2155 ,
f 32).
1. Pierre -Arnaud de Garsusan, chanoine de Sainte -Marie
d'Oloron.
2. Fils de Bernard de Lartet, d'Orthez, seigneur do Labeyrie,
et d'Isabelle d'Abbadie (Arch. des Basses - Pyrénées , B. 259,
f76).
3. On a ajouté : prétendue.
4. Variante : la religion catholique en son pristin estât.
5. Variante : éCaultre.
6. On a ajouté : prétendue.
188 HISTOIRE DE BÉARN
en usent besoin, et pour frayer à la despence fut
arrestéque les chapitres de Lesca et Oloron bailleroient
promptement argent , lequel ils pourroient après
égaler sur tout le clergé. La levée en fut commise
ausdits Lartet pour Lesca, et Carsusan pour Oloron,
qui les dévoient incontinent remettre entre les mains
de Supersantis, pour les distribuer secrettement selon
qu'il avoit esté arrêté. Mais [Dieu voulut] cette entre-
prise [éstre*] descouverte [quelques jours avant l'exé-
cution] par le sieur de Muneing ^, gentilhomme béar-
nois [fesant profession de la religion romaine qui, ayant
esté sommé d'y entrer ^], en advertit secrètement le
séneschal Audaux et l'asseura que dedans deux ou
trois jours quelques uns se dévoient emparer de la
ville d' Oloron et des ministres avec tous ceux de [la]
religion [réformée] . [Or Audaux *] , qui pour quelque
mescontentement setenoit coy en sa maison, craignant
que le retardement n'accreust [l'audace ^] aux entre-
preneurs et .leur fit avancer leur exécution, pensa qu'il
devoit courir au plus pressé [et porter le remède à la
maladie la plus aiguë] ; par ainsi il prit incontinent le
chemin d'Oloron, accompagné de son frère le capi-
taine Saint -Gêniez ^, enseigne des gensd' armes du
prince de Navarre , et de tous ses amis et serviteurs
qu'il peut promptement assembler, et ayant laissé son
1. Variante : fut tost.
2. Guillaume de Munein, seigneur de Castéide-Gandau, capitaine
du parsan (district) d'Orthez et Sauveterre, marié à Jeanne de
Sautarisse (Arch. des Basses-Pyrénées, E. 1201, 1282, 1286).
3. Variante : qui usa de trahison et.
4. Variante : Lmy donq.
5. Variante : la hardiesse.
6. Bernard de Gontaut-Saint-Geniez, seigneur de Campagnac.
ET NAVARRE. 129
frère audit Oloron avec le capitaine Cortade S menant
Muneing avec soy, alla trouver la Roy ne qui estoit à
Vielle en Ossau% allant aux Eaux-Chaudes % afin
qu'elle entendit de Muneing mesme la vérité de cette
[conjuration^]. Mais Audaux ne fut plus tôt parti
d'Oloron que l'abbé de Saubalade ^ ne commençast de
quereller ceux qui estoient en garde à la porte et
voussist tuer un soldat, mais les capitaines Saint-
Geniez et Cortade, accourus au bruit, l'arrestèrent
prisonnier. Cela irrita davantage le peuple qui avoit
déjà commencé de tumultuer en faveur dudit Saubalade
et de fourrager quelques maisons de ceux de la reli-
gion^ réformée. Pour les appaiser Saubalade fut
relasché, mais les [séditieux'] s'en rendirent plus
[furieux * et le firent leur chef] et se logèrent au faux
bourg Saint-Pierre*, d'où ils se transportèrent à
Sainte-Marie [pour attirer le peuple à leur sédition,
qui toutesfois ne bougea, mais d'autres lieux maints
1 . Guillaume de Cortade, d'abord lieutenant de la compagnie
d'Esgoarrabaque, devint gouverneur d'Oloron; il était marié à
Marie Du Gaber, de La Bastide- Villefranche (Arch, des Basses-
Pyrénées, E. 1632, f- 389; 1634, 1999).
2. Bielle, canton de Laruns, arrondissement d'Oloron (Basses-
Pyrénées), ancien chef-lieu de la vallée d'Ossau.
3. Station thermale située dans la commune de Laruns. Elle
était fréquentée avant le xvi* siècle.
4. Variante : entreprinse.
5. Tristan de Sainte-Colomme, abbé du monastère de Sauve-
lade, fils de Jacques II de Sainte-Colomme, seigneur d'Esgoarra-
baque (Arch. des Basses-Pyrénées, E. 1627).
6. On a ajouté : prétendue.
7. Variante : autres.
8. Variante : hardis.
9. Le faubourg Saint-Pierre était près de l'église du même nom,
hors de l'enceinte d'Oloron.
9
130 HISTOIRE DE BÉARN
se joignirent à eux] . Ils eussent esté facilement rom-
pus, mais on doubtoit d'esmouvoir tout le reste du
pais et donner commencement à une guerre civile,
vraye peste des Estas. Pour donc l'éviter fut trouvé
meilleur de [séparer les séditieux ^] plustot par dou-
ceur que de les combattre par armes. A quoi servirent
le [preu] Audaux, l'évesque d'Oloron^ et Esgarre-
baque ^, père de Saubelade, qui à leur solicitation se
retira. [Gela vint bien à point, car] Supersantis arriva
incontinent après d'Aspe à Sainte-Marie avec cent
harquebusiers. [Il^] essaya d'esmouvoir le peuple
et pour ce faire il crioit tout haut qu'il estoit là pour
la défense de [sainte mère^] église catholique [ro-
maine ] , suivant la délibération qui en avoit esté
prise entre les meilleurs catholiques du pays. Tous
lui firent la sourde oreille et il s'en retourna sans
faire ne recevoir autre mal. Et cent hommes furent
mis en garnison dedans Oloron sous la charge
du capitaine Pierre Du Til% à cause que Esgarre-
baque, qui en estoit capitaine, estoit suspect à ceux de
la religion ' réformée , pour estre père dudit Saube-
lade. Cette garnison tenoit la ville en quelque paix,
1 . Variante : contenter ce peuple.
2. Claude Régin, né à Riom, évêque d'OIoron de 1556 à 1592,
mort à Vendôme.
3. Jacques II de Sainte-Golomme, seigneur d'Esgoarrabaque.
Voyez la note 4, p. 63.
4. Variante : qui.
5. On a ajouté : l'.
6. Capitaine de la ville de Navarrenx, marié à Anne, fille de
Pierre de Casanave, marchand de Navarrenx, par contrat du 7 jan-
vier 1561 (Arch. des Basses-Pyrénées, E. 1626, f° 376).
7. On a ajouté : prétendue.
ET NAVARRE. 131
car les catholiques se fioient du^ capitaine qui estoit
de leur religion, et les autres ne s'en deffioient point,
l'estimant fidèle au service de la Royne.
Mais, [comme le naturel du peuple est de se fascher
des choses proffitables aussi tost que des dommagea-
bles, et les Princes font le plus souvent espargne où
la despense seroit nécessaire et despendent où il fau-
droit espargner *], cette compagnie fut cassée, dès la
fin du premier mois, à la réquisition des habitans qui
se faschoient de loger les soldats et la Roine de les
payer, encore qu'ils tinssent les habitans en paix et la
ville en seurté. [Et les ligueurs ausquels la garnison
avoit plus.tot ostée la commodité que la mauvaise
volonté d'exécuter leur conjuration remirent inconti-
nent sus leurs premières menées ^] à la persuasion de
Tasta et d'un [moine] cordelier nommé Pesquitez. Ils
fesoient leurs assemblées au couvent des Cordeliers et
fesoient jurer sur le Te Igitur de la messe les conjurez
d'employer leurs biens et vies pour [l'exécution de
leur ligue et de la tenir secrette jusques au jour
ordonné par les chef *] . Mais ils ne sceurent sy bien
faire que la Royne estant à Tarbe, où elle tenoit les
Estas, n'en eust avertissement, et estant promptement
retournée en Béarn , envoya à Oloron le séneschal
Audaux, Guillaumes de La Borde ^ conseiller, et Jean
1. Variante : au.
2. Variante : tost après.
3. Variante : Ce qui donna nouveau courage aux catholiques de
remettre sus leur première intention.
4. Variante : la liberté de la religion catholique.
5. Guillaume de La Borde, seigneur de Saint- Aubin d'Assat,
marié à Gillette de Barthélémy, fille d'un président au Conseil
souverain de Béarn, Il vendit sa seigneurie de Saint-Aubin à
132 HISTOIRE DE BÉARN
d'Etchard^ procureur général , pour s'enquérir du
tout. Tasta fut fait prisonnier et conduit à Pau par le
capitaine Pierre^ et une grande partie de sa compagnie.
Leur absence donna hardiesse au cordelier d'esmouvoir
de rechef le peuple et de s'emparer de la ville avec
ses partisans. Ils saisirent Bertrand Ponteto ^, ministre,
et un riche marchand de Lago, nommé Bertrand de
La Borde, dit Le Loup % afin d'avoir en eschange d'eux
ledit Tasta , et firent soudain conduire ces prisonniers
aux montagnes d'Aspe en la garde de Supersantis.
Tasta demeura en la ville [où quelques maisons de
ceux de la religion furent pillées] et Esgarrebaque,
capitaine du parsan, y accourut aussi tost qu'il en
ouit le bruit et l'endemain les somma au nom de la
Royne de lui remettre la ville ce qu'ils firent (car le
peuple est aussi tost apoury ^ qu'enhardi [et appaisé
qu'esmeu].) Les chefz [de la sédition] eurent permis-
sion de sortir avec leurs biens et de se retirer à la
part où ils. voudroient. Ils se retirèrent en Aspe avec
Jean de Bordeu, seigneur d'Idron, en 1567 (Arch. des Basses-
Pyrénées, E. H25, H27, 1997).
1 . Devint président de la chambre criminelle de Béarn ; il était
marié à Jeanne de La Torte (Arch. des Basses-Pyrénées, E. 2014) .
2. Du Tilh.
3. Pontet, né à Oloron, étudia à Montauban et à Cahors, nommé
recteur par Gérard Roussel, évêque d'Oloron (1539-1555) et mi-
nistre de l'église Sainte - Croix d'Oloron , par Jeanne d'Albret
(Chron. d'Oloron, II, p. 89). Le 5 juin 1566 il fut désigné par le
synode de Pau pour exercer le saint ministère aux Eaux-Chaudes
pendant le mois de septembre. (Notices sur la vallée d'Ossau par
M. le comte d'Angosse, Pau, 1838, p. 58.)
4. Il y avait à Lagor plusieurs familles de ce nom ; peut-être ce
marchand est-il le père de François de Laborde, de Lagor, qui
devint valet de chambre de Henri IV ?
5. Saisi de crainte.
ET NAVARRE. 133
Supersantis, dont ils renvoyèrent les prisonniers Ponteto
et La Borde. Le ministre solicitoit la Royne de donner
grâce à tout le [povre] peuple qui\ comme la mer ne
s'agite que par la violence des vents, n'avoit rien fait
qu'à la persuasion des plus grands, encores qu'ils ne
se fussent déclarez. Mais elle n'y voulut entendre sans
savoir le fonds de toute la conjuration, par ce envoya
à Oloron [toute] la chambre criminelle, comme en
forme de Grands Jours, pour faire le procès aux [coul-
pables *] ; et d'autant que Tasta estoit aux prisons de
Pau, il fut conduit à Oloron.
Sur la fin du mois les Estas furent assemblez à Pau
où [plusieurs se fourrèrent au reng des nobles, qui
jamais n'y avoient eu entrée, y estans introduits par
les menées de ceux de la religion romaine, pour forti-
fier leur parti et multiplier leurs suffrages, d'autres y
vindrent qui ne s'y estoient trouvez longs tems aupa-
ravant. Ils pressèrent fort et quasi plus avec menaces
que requestes*], l'abolition des patentes du mois de
juillet 1 566 et la restitution de ce qui avoit esté osté
[et aboli] en quelques lieux de l'exercice de la religion
[romaine^]. Claude Régin, évesque, qui, [comme la
Royne lui dit devant toute l'assemblée, avoit autres
fois conseillée ladite Dame de n'aller à la messe],
estoit celui qui conduisoit tous les autres et leur con-
seilloit ce qu'ils dévoient faire et dire, et pour se
résoudre de ce qu'ils feroient l'endemain, les princi-
paux de la noblesse et les [plus factieux du] peuple
1. On a ajouté : disoit-il.
2. Variante : accusez.
3. Variante : Quelques catholiques demandèrent par requeste.
4. Variante : catholique.
134 HISTOIRE DE BÉARN
avec l'un des scindiques, nommé Prato\ toutes les
nuicts à l'heure que tous les autres dormoient, s'as-
sembloient au logis dudit évesque, sans que le reste de
ladite compagnie en sceut rien. La malice du tems et
l'importunité de ces * gens [que la Roine sçavoit estre
suscitez d'ailleurs] tenoient cette Dame en telle per-
plexité qu'elle ne pouvoit prendre certaine résolution
de ce qu'elle leur de voit respondre. La très-grande
puissance et prochain voisinage des ennemis de sa reli-
gion, la crainte d'une sédition en ses propres pais,
l'intelligence secrette de ses sujets avec leurs partisans
forains, [et le commandement de Dieu fait aux Princes
d'oster toutes choses contraires à sa parole, planter,
entretenir et deffendre la pureté de son service et les
grandes promesses à ceux qui y obéiroient et les hor-
ribles menasces contre ceux qui désobéiroient] , engen-
droient en son esprit, diversité d'avis. [Le premier lui
donnoit crainte et inclinoit aucunement sa volonté
d'accorder leur demande aux Estas, et le dernier lui
persuadoit le contraire] . Elle eust désiré d'estre autant
aimée qu'elle estoit haie de ses ennemis et autant
agréable au roy de France, qui l'en solicitoit fort,
qu'elle luy estoit désagréable et donner contentement
à tout son peuple, mais ^ que cela ne fut aux despens
de son âme et sans encourir la malveillance, disgrâce
1 . Pierre Du Prat, dit Prato, nommé syndic de Béarn le 21 mars
1557, mort en fonctions en 1567 (Inventaire-sommaire des Arch.
des Basses-Pyrénées, tome in^ introduction, p. 92).
2. On a ajouté : pauvres.
3. On a ajouté : cela ne pouvoit compatir aveque la profession
qu'elle avoit faicte et protester devant tous les ministres. C'est
pourquoy...
ET NAVARRE. 135
et mescontentement de son Dieu [lequel elle vouloit
préférer à tout autre chose. Et pour ce qu'il n'y a rien
plus dangereux en affaires d'Estat que de fluctuer en
délibérations contraires sans prendre une conclusion
ferme et arrestée], outre les gens ordinaires de son
privé conseil, elle assembla plusieurs autres grands
personnages de tous estas et professions, pour con-
sulter avec eux cest affaire et en prendre résolution,
afin que, quoiqu'avint, elle ne peut estre accusée d'y
avoir procédé par légèreté , inprudence ou opinias-
treté plustot que par prudence et raison. Elle conjura
donc toute cette grande compagnie de lui dire fran-
chement [tout ce que la parole de Dieu disoit de ce
fait et les meilleurs princes avoient fait en cas pareil
et la conseiller fidellement de ce qu'elle devoit faire'],
leur asseurant que crainte ou respect de chose qui
fut au monde ne l'esbranleroit ne lui fairoit faire rien
qui fut contre Dieu et le devoir que les Roys luy doi-
vent comme Roy, car elle [savoit ^1 qu'il ne suffîsoit
à un Prince de vivre chrestiennement comme homme,
s'il n'employoit l'autorité et la force que Dieu lui avoit
baillée pour faire vivre ses sujects de mesme. L'impor-
tance du fait rendit la consultation longue et les advis
divers, selon que la diversité des esprits, affections,
passions, crainte, asseurance ou raison commandoient
l'entendement, la volonté et la langue des opinans.
[Les uns disoient la religion romaine pour son
ancienneté avoir tant gaigné sur les hommes qu'elle
1. Variante : et conseiller franchement tout ce qu'elle pouvait
faire en ceste affaire.
2. Variante: croioit.
1 36 HISTOIRE DE BÉARN
n'en pouvoit estre desracinée que par la mort, ou
particulière inspiration de Dieu. Parquoy on devoit
attendre ce qu'il plairoit à Dieu faire de leur conver-
sion par son Saint-Esprit, et prier seulement pour eux,
non pas les empescher en leur religion ; que tant de
personnes, nations et provinces suivoient cette religion
qu'il sembleroit témérité plustot que prudence qu'une
femme entreprit de la condamner et d'oster ce qui
par tant de siècles et de grands personnages avoit
esté jugé bon et receu pour tel, et sembleroit grande
cruauté qu'estant la liberté de conscience aux hommes,
on les voussit contraindre de croire et faire les choses]
(Ici il existe dans le manuscrit une lacune depuis la
page 404 jusqu'à la page 415. Ces feuilles ont été
enlevées et contenaient des passages rayés.)
[ esté constraints de leur laisser plus par la
volonté de Dieu que la leur. La victoire donc estoit
demourée du costé d'iceux. Que cela devoit donner
asseurance à Sa Majesté de la continuelle faveur de
Dieu en l'exécution d'une si juste cause qui appartenoit
à lui plus qu'à elle, car c'estoit l'avancement et la
défense du service d'iceluy et la ruine de l'idolâtrie.
Que si Sa Majesté n' avoit les mers pour murailles ni le
voisinage de ceux de sa religion pour bastions, Dieu
seroit sa roche, son rempart et sa forteresse autant de
tems qu'elle dépendroit de sa seule providence et lui
obéiroit non seulement comme femme chrestienne,
mais aussi comme Roy ne. De cela il conclut que la
Royne ne devoit accorder à ses sujets leur requeste ni
au roy de France sa prière, non plus qu'Asa avoit fait
à sa mère et Théodose aux Égiptiens demandans sem-
I
ET NAVARRE. 137
blables choses. Et faisant fin il suplia la Roine de
vouloir excuser la prolixité delaquelle il avoit esté
constraint d'user pour justifier son opinion qui estoit
très odieuse au plus grand monde, mais qu'il estoit
théologien et n' avoit peu opiner que suivant sa profes-
sion sans regarder derrier soy ny fleschir à dextre ny
à senestre.]
[Finalement '] la Royne [qui contre le naturel de son
sexe dépendoit de la providence de Dieu plus que de
la sagesse et force humaine] print résolution de n'ac-
corder ladite requeste avec beaucoup de grandes pro-
testations, que s'il lui eust esté possible et sans discorder
avec Dieu, elle eut désiré d'accorder leur requeste à
ses sujets et n'y avoit rien qu'elle eut plus à cœur que
s'entretenir en bon mesnage avec les deux Princes,
ses voisins; desquels elle avoit cest honneur d'estre
prochaine parente ; mais puis qu'elle ne pouvoit con-
tenter son peuple sans mescontenter Dieu, ny entre-
tenir l'amitié de ses voisins qu'avec l'inimitié de Dieu,
elle aimoit mieux plaire à Dieu qu'au peuple et estre
plustot aimée de Dieu, son père, que des Roys, ses
parens, lesquels elle gratifieroit volontiers aux despens
de sa propre vie, mais que la gloire et service de Dieu
lui estoient plus chers que ses biens ne sa vie. Par
ainsi remettant les évènemens des choses en la main
de celui qui dispose de ses créatures et conduit toutes
leurs actions comme il luy plaist et est expédiant
pour sa gloire et le bien de ses esleuz, elle print [une
ferme] résolution de n'intériner la requeste des Estas,
quoyqu'en deut avenir, et prioit Dieu la vouloir forti-
1. Variante: Néanimoings.
138 HISTOIRE DE BÉARN
fier en cette sienne délibération et lui faire la grâce
de pouvoir achever la réformation ^ commencée en son
pays, et vouloir ouvrir les yeux de l'entendement de
son peuple, afinque connoissant la vérité qu'il refu-
soit, il l'embrassast pour servir le seigneur Dieu selon
sa parole, et tout ainsi qu'il tenoit les cœurs des Rois
en sa main, changeast celui des Rois, ses voisins, ou
leur baillast d'autres fusées à desmeller, les empes-
chans ailleurs. [Ceux de la religion romaine^] furent
fort marris et plus estonnez de voir [la constante]
résolution de cette princesse [laquelle ils appelloient
téméraire et opiniastre, nom que le monde a accous-
tumé de donner à l'asseurance de la foy des fidelles,
néantmoins ils n'osèrent si tost commencer les remue-
mens, que chascun craignoit qu'ils fairoient et Dieu
les confondit tellement que délibérez de se despartir
et de se retirer sans faire aucune conclusion des autres
affaires, vinrent^] demander congé à la Royne qui
leur respondit les mauvais sujets et serviteurs
n'avoir besoing de congé ; qu'elle ne les vouloit forcer
de rien; qu'ils demeurassent donc ou se retirassent
selon qu'ils voudroient, combien qu'elle eut fort désiré
qu'ils eussent mis fin à tous les autres affaires qui
concernoient le bien public, en quoy ses sujets la trou-
veroient tousjours aussi facile à leur accorder toutes
justes requestes; qu'elle s'estoit montrée difficile à l'in-
térinement de celle (fu'ilsluiavoientfaite pour lareligion,
d'autant qu'ils lui demandoient une chose que Dieu lui
défendoit, et tout bon Prince devoit estre aussi restif
1 . On a ajouté : par elle.
2. Variante : Les catholiques.
3. Variante: ce qui leur fit.
ET NAVARRE. 139
d'accorder les choses injustes et contre Dieu que
prompt à donner les justes et selon Dieu. [Ceux donc
de la religion romaine^] se retirèrent et l'évesque
d'Oloron avec eux, qui estoit leur conducteur et direc-
teur en tout cest affaire. Gramont lui fit teste durant
tous ses Estas [et son autorité et suffisence servirent
beaucoup pour rompre leurs desseins et complots de
ceux de la religion romaine] .
Quelque tems après la Royne avec ses enfans eut
volonté de visiter son comté de Foix, mais estant en
chemin, à Saint-Gaudens au viscomté de Némousan%
un gentilhonmie du prince de Gondé, son beau-frère,
la vint advertir que le 218 de setembre, qui estoit deux
ou trois jours après, ceux de la religion réformée de
France, pour obvier aux desseins faits pour leur entière
ruine, estoient contraints pour la seconde fois de
prendre les armes. Ces nouvelles firent rebrousser
chemin à ladite Dame qui s'en revint en Béarn avec
ses enfans, où elle se tint coy durant tous ses troubles,
sans rien remuer ny altérer et empescha plusieurs
gentilshommes de [la ^] religion [réformée] de prendre
cette fois les armes comme ils en estoient en volonté.
Cependant ceux de la Basse-Navarre, conduits par les
sieurs de Luxe * et de Damesan et quelques autres
gentilshommes % voyans la Royne, vefve et le Prince,
1. Variante: ils se retirèrent donc.
2. La vicomte de Nébouzan est comprise dans les départements
de la Haute-Garonne et des Hautes-Pyrénées.
3. Variante : ceste.
4. Charles, comte de Luxe, fils de Jean mentionné plus haut,
page 9.
5. Bordenave a modifié sa première rédaction qui portait : des-
440 HISTOIRE DE BÉARN
son fils, enfant, solicitez par quelques uns des princi-
paux du conseil de France, quelques Béarnois et
autres malcontens, sous ombre de défendre la religion
romaine , les fors , privilèges et libertez tant de
Navarre que de Béarn, firent une ligue secrette pour
mettre hors du Royaume la religion réformée et
chasser quelques ministres qui y preschoient. Ceux de
cette ligue qui fesoient profession de la religion
réformée, pour n'estre estimez du tout sans religion,
ne voulurent estre compris en la vindication de la
romaine et la rejection de la réformée, mais promirent
de ne défaillir en rien, sous ombre de la vindication
des fors, privilèges et libertez, et solicitoient les autres
de se mettre promtement aux champs, leur asseurant
en secret qu'il n'y avoit rehgion qui les empeschast
de se joindre à leur cause. [Ces ligueurs donc] au
mois^ de setembre commencèrent de faire quelques
assemblées à Saint-Palais et y appellèrent quelques
uns du viscomté de Soûle ^. Ils avoient délibéré de
saisir La Rive, ministre dudit Saint-Palais, comme ils
quels estaient les chef Charles, sieur de Luxe, Valentin, sieur de
Damesan et de Moneing, Antoine, viscomté d'Etchaux, Jean, sieur
d'Armendarits, Jammes, baron d' Uhard, Menaut et Jean de Camo, '
frères, Jrtiède et quelques autres. Valentin de Domezain, baron
de Monein, Domezain et Carresse, fils de Jean de Domezain et
de Catherine de Monein (Arch. des Basses-Pyrénées, E. 1198
et 1474). Cette dernière était la sœur de Tristan de Monein,
assassiné àBordeaux en 1548. — En 1557 Antoine de Bourbon donne
à Rodigon, serviteur du capitaine Artiedde, 24 livres pour soigner
une maladie qu'il avait contractée à Vendôme (Arch. des Basses-
Pyrénées. B. 143, ^50).
1. On a ajouté : donq.
2. La vicomte de Soûle est comprise dans l'arrondissement de
Maoléon (Basses-Pyrénées).
ET NAVARRE. 1 41
firent le mesme jour Tardés S ministre d'Ostabarès ^,
qui fut conduit prisonnier en la maison de Luxe^.
La Roy ne, advertie de ces remuemens, envoya en
Navarre Roques^ et Bergara% ses maistres d'hostel,
avec Jean d'Echart, procureur général en Béarn, pour
parler aux principaux chef et descouvrir leur inten-
tion et retirer le peuple d'avec iceux et l'asseurer que
quelques choses que présuposassent ceux qui les vou-
loient distraire de son obéissanse, qu'elle n'estoit
jamais entrée en volonté de leur oster l'exercice de
leur religion [romaine attendant que Dieu par son
Saint-Esprit leur eut fait connoistre la pureté de la
réformée^ qu'elle tenoit du tout conforme à la doctrine
de l'Évangile] moins encores avoit-elle pensé de chan-
ger ou altérer en aucune manière leurs fors, privilèges
et libériez, ains les vouloit entretenir en iceux, tout
ainsi qu'avoient fait les Roys , ses prédécesseurs.
Echart, qui estoit de la nation et de la langue, parla à
1 . Le nom de ce ministre est Tarde ts, il résidait à Ostabat, can-
ton d'Iholdy, arrondissement de Mauléon. II mourut en septembre
1578 (Arch". des Basses-Pyrénées, B. 2368, f» 319). II ne faut pas
le confondre avec Sans de Tartas, autre ministre du pays basque,
à la même époque.
2. Le pays d'Ostabaret est compris, sauf une commune (PagoUe),
dans le canton d'Iboldy, arrondissement de Mauléon.
3. Le château de Luxe, commune de ce nom, canton de Saint-
Palais, arrondissement de Mauléon. Cet édifice est détruit.
4. Jean Secondât, seigneur de Roque, maître ordinaire de
l'hôtel de la reine de Navarre, président de la Chambre des
Comptes de Nérac. C'est lui qui, selon l'usage, rompit son bâton
de maître d'hôtel à Vendôme le 2 juillet 1572 devant le cercueil
de Jeanne d'Albret (Arch. des Basses-Pyrénées, B. 35; E. 1998,
2002). Jean Secondât est un des ancêtres de Montesquieu.
5. Pierre de Bergara, gouverneur du comté de L'Isle-en-Jour-
dain, en 1564 (Arch. des Basses-Pyrénées, B. 1584, f» 53).
142 HISTOIRE DE BÉARN
Luxe et à quelques autres, ce qu'il ne peut faire à
Damazan, pour ce qu'il estoit allé en Gascogne com-
muniquer à Monluc, lieutenant de Roy en Guienne en
abscence du prince de Navarre, leur entreprise et les
moyens qu'ils avoient de faire la guerre. Le peuple
print du commencement ces [remonstrances ^] en bonne
part et s'en resjouit, et quantequant députa quelques
uns des principaux de leur cors pour aller remercier
Sa Majesté, qui leur confirma tout ce que leur avoit
esté dit par son procureur et leur promit que si le pais
en général ou quelques particuliers lui fesoient appa-
roistre d'avoir receu quelques grief d'elle ou d'aucun
de ses officiers, de leur y réparer et les contenter.
Tout le peuple par deux diverses fois promit et jura
solennellement de demeurer bons et fidelles sujets,
sans rien attenter contre l'obéissance qu'ils lui
dévoient, quelque chose qu'on leur sceut dire à
l'avenir. Et pour ce qu'au pays se commettoient plu-
sieurs excès et maléfices et la justice n'y estoit si
droitement administrée qu'il eut esté besoin, d'autant
que ceux qui dévoient poursuivre, captionner ou juger
les criminels , leur servoient d'advertisseurs , recéla-
teurs, advocats et soliciteurs, ils supplièrent la Roine
de leur donner un vice-chancellier (ainsi est nommé le
président du Parlement de ce Royaume) qui sans res-
pect de personnes leur administrât justice et quante-
quant pour mieux le faire obéir l'accompagnast de
quelques forces ; car l'impunité avoit rendu les mes-
chans si audacieux qu'ils ne respectoient plus aucun
officier de justice et soustenus de quelques grands
1 . Variante : parolles.
ET NAVARRE. 143
l'oppressoient par la force. Mais les chef de la ligue
ne furent plustot advertis de ces remonstrances et des
promesses de la Royne qu'ils ne taschassent de
divertir le peuple. Et pour ce faire firent une* convo-
cation de la noblesse, villes et vallées du païs en la
baronnie de Lantabat *. Là ils remonstrèrent au peuple
que toutes les belles parolles et grandes promesses
faites tant par la Royne que ses députez, n'estoyent
que pour les tromper et les amuser jusques à tant
qu'elle eut meilleure commodité d'exécuter sa délibé-
ration, qui estoit d'oster tout à plat l'exercice de la
religion [romaine ^], tout ainsi qu'elle avoit fait en plu-
sieurs lieux de Béarn. Parquoy estans bien acertenez
de son intention et pousez du seul zèle de [leur *] reli-
gion, ils s'estoient résolus de s'y opposer et y employer
tous leurs moyens, amis, alliez, parens et vies, et
exortoient tout le peuple vouloir faire le semblable et
donner à ce coup l'aide à leur religion que tous bons
catholiques lui dévoient, en quoy ils les asseuroient
d'estre si bien secourus que la Roine connoistroit
qu'ils n'estoient sa ^ suport. Mais pour ne descouvrir
leur intention et n'aliéner d'eux les esprits du peuple,
ils ne firent lors nulle mention des fors, et protestoient
leur volonté estre de n'attenter rien contre l'autorité
de la Roine, ny faire rien contraire à la fidèle obéis-
sance qu'ils luy dévoient. [Plusieurs, qui n'avoient
1. On a ajouté : seconde.
2. Lantabat , canton d'Iholdy , arrondissement de Mauléon
(Basses- Pyrénées) .
3. Variante : catholique.
4. Variante : la.
5. Il faudrait : sans.
144 HISTOIRE DE BÉARN
connoissance de leur sinistre intention '] , promirent
incontinent de faire tout ce qui seroit arresté et ordonné
par cette compagnie pour la deffense de leur religion,
exceptant tousjours le devoir de fidélité qu'ils dévoient
à leur Royne, contre lequel ils disoient ne vouloir rien
faire. Mais [ceux ausquels cette fable estoit mieux
connue ^] firent response ne pouvoir rien promettre
sans avoir au préalable communiqué le tout à ceux de
qui ils avoient esté envoyés. Endementiers ^ la Royne
suivant la promesse faite aux députez donna Testât de
vice-chancelier à A. La Motte *, navarrois naturel et
advocat général en Béarn, et pour faire obéir la justice
donna commission au capitaine La Lane^, aussi navar-
rois , maistre-de-camp de l'infanterie de Béarn et
Navarre, et qui avoit commandé une compagnie en
capitaine en chef en France, de lever cinquante har-
quebusiers, et se tenir à Garris®, où lors estoit le siège
de la souveraine justice de toute la Basse-Navarre,
afin de faire exécuter les arrests de la justice. Mais il
n'y fut plustot arrivé que, sans lui donner le loisir de
mettre aucunes vivres dedans quelques masures d'un
vieux chasteau ruiné ' où il s'estoit retiré, il fut promp-
1. Variante : Quelques-uns.
2. Variante : d'aultres.
3. Pendant ce temps-là.
4. Il y a une erreur dans le prénom, car le 13 mars 1568 (v. s.)
nous trouvons Michel de La Motte, vice-chancelier de Navarre
(Archives des Basses-Pyrénées, E. 2000).
5. Son fils, Marc Lalanne reçut de Montgomery un brevet de
capitaine de Saint-Jean-Pied-de-Port, à Salies le 2 octobre 1569
(Arch. des Basses-Pyrénées, B. 2152).
6. Canton de Saint-Palais, arrondissement de Mauléon (Basses-
Pyrénées).
7. Il en reste encore des vestiges.
ET NAVARRE. 145
tement assiégé par les gentilshommes de la ligue,
accompagnez de la populasse de Navarre et de Soûle
qu'ils avoient eslevée par un baffroy général. Gela fut
cause que deux jours après La Lane, destitué de toutes
munitions, se rendit, ses soldats furent desbalisez et
lui mené prisonnier à Tardés S maison de Luxe en
Soûle, qui est de la souveraineté de France, dont il
sortit en eschange du capitaine Amaro, détenu aux
prisons de Pau. Durant le siège La Lane ne perdit
aucun homme et de ceux de dehors moururent trois
seulement, quelques uns furent blessez. Et la Roine
pour esteindre le feu de cette sédition avant qu'il fut
embrasé davantage, assembla promptement la noblesse
et les compagnies des parsans de Béarn, et envoya en
Navarre le Prince, son fils, avec quelques pièces d'ar-
tillerie. Avec le Prince furent en ce voyage les seigneurs
de Gramont, de Bénac*, de Basillac% de Larboust%
le viscomte de Labadan ^ et plusieurs autres gentils-
hommes des terres de la Roine; mais les ligueurs
[n'ouirent plustot ®] le bruit de la levée de ces troupes
1. Le château de Tardets, aujourd'hui en ruines, situé dans la
commune de ce nom, chef-lieu de canton de l'arrondissement de
Mauléon (Basses-Pyrénées).
2. Philippe de Montant, baron de Bénac, nommé sénéchal de
Bigorre le 10 mai 1560 (Arch. de M. le baron de Laussat, reg. de
la Chambre des Comptes).
3. Jean, baron de Basillac, sénéchal de Nébouzan.
4. Savary d'Aure, baron de Larboust, seigneur de Montégut et
Lombres.
5. Henri de Bourbon-Malauze, vicomte de Lavedan, fils de Jean
de Bourbon et de Françoise de Silly, marié à Françoise de Saint-
Exupéry, mort en 1611.
6. Variante : ayons ouy.
10
146 HISTOraE DE BÉARN
[qu'ils ne se retirassent ^] aux montagnes et ferrières
de la Valcarde *. [Et pour couvrir leur fuite et ne des-
couvrir leur peu de forces, ils fesoient entendre au
peuple qu'ils se retiroient seulement pour le respect
qu'ils dévoient à la persone de leur Prince et non pour
crainte qu'ils eussent de ses forces.] Le Prince les
poursuivit jusques au delà de Sainct-Jean-de-Pé-des-
Pors, et, ne les ayant peu attraper, assembla le peuple
en un lieu appelé La Camargue ^ où il leur fit remons-
trer en leur langue par Etchard, qui estoit de leur
nation, la faute qu'ils avoient faite de suivre les chef
de cette séditieuse ligue, qui au premier vent de l'ar-
rivée des forces de la Roine, sa mère, s'en estoient
fuis intimidez de leur propre conscience et faute et
combattus par leur mesme foiblesse, plus que par ses
forces, les ayans laissés misérables en proye et à la
merci de l'avarice et cruauté des soldats estrangers, si
par l'exprès commandement de la Roine, sa mère, il
ne leur tenoit la bride, laquelle conmie la mère fesoit
ses enfans, les aimoit plus puissansquefoibles, vif que
mors, riches que povres et convertis que subvertis ; et
ne tiendroit qu'à eux qu'ils ne jouissent d'un long,
asseuré et libre repos. Que ceux-là sembloient dignes
de quelque excuse qui, leur estant refusé l'accès vers
leur Prince pour luy présenter leurs doléances et estans
traittez plustot en esclavez qu'en sujets avec toute
injustice, tyrannie et cruauté, estoient contraints de
1 . Variante : se retirèrent.
2. Il s'agit ici des montagnes du Val-Carlos entre Saint-Jean-
Pied-de-Port et Roncevaux, territoire espagnol.
3. Nous pensons que c'est le lieu appelé Gamarthe, situé à
10 kilomètres de Saint- Jean-Pied-de-Port.
ET NAVARRE. 147
recourir aux armes, pour la défense de leur vies,
patrie et libériez, mais qu'eux ne s'estans jamais pré-
sentés à leur Royne sans avoir receu d'elle toute
bénigne audience et appointement aussi favorable que
la loy, les fors et la raison lui permettoient, estoient
plustot entrez en une volontaire sédition que contrainte
défense, et s' estoient rendus indignes de toute excuse,
et dignes plustot de punition que de conmiisération,
de peine que de pitié, de suplice que de grâce. Mais
qu'il espéroit que sa venue les rendroit plus sages et
plus avisez, et les fairoit mieux considérer les horri-
bles maux qui talonnent une sédition auparavant de
la commencer, et ne se laisseroient une autre fois
tromper si facilement à ceux qui cerchoient d'exécuter
leurs passions [et affections] à leur despens et s'agran-
dii' par leur ruine et par la désolation de leurs misé-
rables familes ; et sous couleur de défendre la liberté
publique les vouloient finement mener captif en la
servitude d'un autre Prince qu'ils ne .connoissoient
point, ou, comme il estoit vraysemblable, eux-mesmes
se vouloient rendre leurs tyrans; et sous ombre de
religion les distraire de la fidèle obéissance que la
religion enseignoit de rendre aux supérieurs. Toutesfois
qu'ils s'asseurassent que tout ainsi que leurs pères
avoient jadis expérimenté la bénignité, clémence et
bénévolence des Rois, ses prédécesseurs, que la Royne,
sa mère, et lui, qui descendoient de droite ligne des
premiers rois de Navarre, ne se laisseroient jamais
surmonter à eux en justice, bonté ne bonne volonté en
l'endroit de leurs sujets. Et s'ils se montroient bons
sujets, la Roine se monstreroit encore meilleure
princesse, et n'altéreroit leurs privilèges, fors, cous-
148 HISTOIRE DE BÉARN
tûmes et libertez ni les forceroit en leur religion
[attendant que Dieu par sa grâce les appelast à la
connoissance de sa vérité, comme il l'en prioit très
humblement] et leur promettoit qu'encores qu'il fut
très bien asseuré de la bonne volonté de la Roine, sa
mère, en leur endroit, il leur serviroit néantmoins de
bon advocat et meilleur ami envers elle, et vouloit
qu'en tous leurs affaires ils s'adressassent à luy sans
honte ni crainte de l'importuner, et ils connoitroient
par effect quelle estoit l'affection qu'il leur portoit, et
ne se pourroient jamais plaindre qu'il les eut trompez
ou repeus de la fumée de la cour, comme fesoient
plusieurs, qui après avoir long tems entretenu les
poursuivansde vaines espérances et receu force présens
les renvoyoient sans rien.
Le peuple presta attentivement l'oreille aux remons-
trances de ce jeune Prince et avec grandes acclamations
promit d'estre à l'avenir plus fidèle et ne fere plus
rien au descervice de leur Roine et d'estre plus avisez
pour ne se laisser piper à ceux qui, sous un prétendu
zèle de religion et de la vindication de leurs fors et
coustumes générales, prétendoient finement leur
particulière grandeur et vindicte de leurs mescon-
tentemens.
[D'autre costé les chef de la ligue, soit qu'ils le
fissent pour se descharger sur autruy ou que la vérité
fut telle, disoient partout que plusieurs de ceux qui
sous le Prince leur faisoient maintenant la guerre,
estoient les autheurs et prometteurs de tout ce qu'ils
avoient fait, et contoient leur entreprise en tant de
diverses façons que les plus occulez n'y pouvoient rien
voir; sur tous autres ils chargeoient fort Gramont,
ET NAVARRE.
149
qu'ils disoient avoir voulu embrouiller la Roine pour
la faire condescendre de lui accorder l'héritière
d'Andoinx ^ en mariage pour son fils^, mais il nioit le
tout instament avec des desmenties et offroit de se
coupper la gorge avec celuy d'eux qui le voudroit
accuser, et cela sans avoir esgard à son ordre ni à
autre dignité. A quoi personne ne respondit rien.] Peu
de jours après la Roine alla à Saint-Palais où elle
assembla les Estas de la Basse-Navarre et ouit paisi-
blement les doléances de son peuple. Trois [des
plus^J séditieux qui s'estoient trouvez au siège du
chasteau de Garris, furent pendus, et à tout le
demeurant fut donné pardon général à la réquisition
des Estas, les chef exceptez, contre lesquels fut ordonné*
seroit procédé par la Chancelerie, si dedans huict jours,
ils ne se présentoient par devant Sa Majesté, qui en tel
cas leur promettoit la mesme grâce en particulier, qui
avoit esté donnée aux autres en général . Mais fut qu'ils
n'osassent prendre fiance de la Royne ou ne voulussent
reconnoistre avoir falli, ils ne se présentèrent point au
temps préfix, ains trouvèrent moyen par l'entremise
de Lansçac ^, beau père de Luxe, de faire rendre le roy
de France, intercesseur pour eux. La Mote-Fénelon %
chevalier de l'Ordre, fut le messager, qui après plu-
sieurs voyages tant en Béarn, Navarre que France,
1. Corisande d'Andoins, née en 1554, morte en 1620.
2. Philibert de Gramont, comte de Guiche, marié en 1567 à
Corisande d'Andoins, mort en 1580.
3. Variante: que Von appelait,
4. On a ajouté : qu'il.
5. Louis de Saint-Gelais, seigneur de Lansac.
6. Bertrand de Salignac, seigneur de la Mothe-Fénelon.
150 HISTOIRE DE BÉARN
obtint de la Roine perpétuelle obliance de toutes choses
passées pour cest effect, et conduisit à Pau pour
baiser les mains de Sa Majesté, Luxe, Damezan, le
viscomte d'Echaux, et plusieurs autres. Tous furent
bénignement receas et honnorablement caressez de
Sa Majesté et quelques uns honnorez de présens, autres
sub venus et tous s'en retournèrent contens, au moins
en apparence. Peu de jours après le collier de l'Ordre
fut envoyé à Luxe. Gela ofFença maintes personnes
[non passionnées '] qui, sachans les services du nou-
veau chevalier, trouvoient estrange qu'on n'eut attendu
une occasion plus spétieuse, pour ne descouvrir [si
deshonnêtement] la sédition navarroise estre descoulée
de la France. [Mais la desloyauté qui a la force pour
compagne n'a point de honte.]
La ruine de ceux de la religion réformée s*ourdissoit
cependant en France, mais l'abscence de la royne de
Navarre apportoit beaucoup de difficultez à la trame
d'icelle . Car ceux qui vouloient attraper en un mesme
filé tous les principaux chef, craignoient d'embraser
plutost qu'esteindre le feu, s'ils exécutoient les autres
sans ladite Dame et ses enfans. Les moyens de laquelle
avec l'autorité du Prince, son fils, sembloient suffisens
pour venger l'injure qui seroit faite aux autres. Par
quoy Fénelon eut charge de lui persuader d'aller en
France et y mener Monsieur et Madame % ses enfans,
où, disoit-il, le Roy et la Royne, sa mère, les désiroient
fort, tant pour les y caresser selon que leur parentage
et qualité méritoient que pour l'espérance, ou plustot
1 • Variante : de la religion prétendue réformée.
2. Henri de Navarre et Catherine.
ET NAVARRE. 151
asseurance, qu'ils avoient prise que leur présence
apporteroit une heureuse fin aux misères de ce désolé
Royaume. Car le Roy qui pour les choses passées ne
s'osoit bien fixer de ceux de la religion ^ ne eux
s'asseurer de Sa Majesté par les injures prétendues, se
fieroient et asseureroient ensemblement d'elle, qui
estoit si prochaine du Roi et en si bonne réputation
parmi ceux de sa religion, que facilement toutes deux
parties prendroient en bonne part tout ce qu'elle
négotieroit et fairoit et se fieroient de toutes choses en
sa sincérité. Qu'elle ne de voit donc denier ce bien à la
France en laquelle elle estoit née et y tenoit tant de
grandes seigneuries et son fils le premier rang après
Messieurs les frères du Roy. Mais la Roine qui par
[l'expériance du passé et] les avertissemens qu'elle en
recevoit tous les jours, savoit l'intention de ceux qui
luy fesoient tenir ce langage, estre du tout contraire
à ce que l'harengeur luy disoit, n'osant refuser du tout,
ne déclarer ouvertement sa volonté, mettoit tantost
une excuse, tantost une autre et prenoit les délais les
plus longs qu'elle pouvoit, ce qui commença de fascher
le conseil de France qui, ayant toutes choses prestes
pour faire attraper le prince de Gondé à Noyers % et
l'amiral^ à Tanlay^ par Tabanes% et Andelot ^ en
1. On a ajouté : prétendue réformée.
2. Canton de Saint-Aignan, arrondissement de Blois (Loir-et-
Cher).
3. Gaspard de Goligny, tué à la Saint-Barthélémy.
4. Canton de Cruzy, arrondissement de Tonnerre (Yonne).
5. Gaspard de Saulx, seigneur do Tavannes, maréchal de
France en 1570, mort en 1573 à 63 ans.
6. François de Coligny, seigneur d'Andelot, frère de l'amiral
Goligny, mort en 1569.
152 HISTOIRE DE BÉARN
Bretaigne par Martigues*, s'avisa d'un chemin plus
court pour saisir en un mesme tems ladite Royne et
ses enfans par le moyen de Losses. Ils l'envoyèrent
donc devers ladite Dame pour lui persuader d'aller en
cour ou au moins y envoyer le Prince, son fils, avec
asseurances et promesses très grandes en apparence,
que ce voyage réussiroit grandement au bien et hon-
neur de la mère et du fils et à l'avantage de ceux de
leur religion. Et où il ne lui pourroit persuader le
voyage, il avoit commandement d'enlever par cautelle
ou par force le Prince, comme il iroit à la chasse ou
autrement. En quoy Monluc et quelques autres gentils-
hommes béarnois le dévoient favorir, mais Dieu, [qui
est la garde de ceux qui l'invoquent,] rompit ce
dessein par un fleux de ventre qui retint Losses en sa
maison. Ainsi la Roine qui ne savoit rien du dernier
commandement de Losses, estoit en hazard de perdre
son fils, si elle n'en eut receu avertissement de [si]
bonne heure [qu'elle fit de plusieurs parts] estant en
sa ville deTarbe en Bigorre, d'où elle partit aussi tost,
et ne s'osant fier aux Béarnois, pour avoir descouvert
l'intelligence des principaux avec ses ennemis, s'en
alla à Nérac où elle s'asseuroit d'avoir meilleur moyen
d'empescher les ruses et les forces de Losses, s'il en
vouloit venir si avant.
Or ne fut-elle plustôt arrivée là que plusieurs
gentils hommes et autres de la religion * réfor-
mée y accoururent à grandes troupes effrayez du
bruit de la commission dudit Loses, qui estoit jà
esventée partout [et des bravades et jactances de ceux
1. Sébastien de Luxembourg, vicomte de Martigues.
2. On a ajouté : prétendue.
k
ET NAVARRE. 153
de la religion romaine, qui publiquement disoient que
dans peu de jours il n'y auroit plus presches, ministres
ne huguenots en France.^] Cela leur avoit donné si
bien l'alarme qu'ils délibéroient d'entrer en la défen-
sive, mais ladite Dame les en destourna et les empescha
de prendre les armes si tost qu'ils eussent fait. Vopil-
lières* arriva cependant de la cour, où la Royne
l'avoit envoyé, tant pour donner quelque espérance
de son arrivée et faire les excuses de son retardement,
que principalement pour descouvrir l'intention de ceux
qui manioient les affaires. Il lui rapporta avoir clere-
ment connu, tant par les gestes que par plusieurs
propos qui eschapoient quelques fois à la Royne mère
et à quelques autres des principaux du conseil et
entendu par les bruits communs de la cour, qu'elle
estoit plus haïe d'eux tous, qu'ils ne faisoient semblant
de l'aimer, et qu'indubitablement elle n'estoit appellée
en cour que pour la perdre avec ceux de sa religion,
la ruine et mort desquels estoit jurée et l'exécution
si preste que bien tost on en verroit les esclats, si
Dieu [par sa puissante bonté] ne destournoit ce coup.
Ces nouvelles suffisantes pour estonner les plusasseurez
firent entrer la Roine en une résolution contraire à son
sexe, à savoir de se joindre à ceux qui avoient esté
contraints de s'armer pour la défense de leurs vies et
religion. Plusieurs ses serviteurs, craignans qu'il luy
mesavint et à ses enfans, vouleurent rompre la réso-
lution de cette Princesse. Mais elle leur respondit
qu'estant de mesmes religion que ceux qu'on pour-
1. On a ajouté : Et.
2. Antoine Martel, seigneur de La Vaupillière.
154 HISTOIRE DE BÉARN
suivoitpour les fere mourir, elle estimoit toutes choses
prospères et non prospères lui estre aussi communes
avec eux, et tout ainsi que nature inclinoit tous les
membres d'un cors au secours l'un de l'autre et chacun
en particulier et tous en général taschoient de con-
server tout le cors ; aussi les chrestiens qui sont tous
membres du cors mistique de Jésus-Christ se dévoient
défendre et garder les uns les autres, afin que par ce
moyen tout le corps de l'église fut conservé. Qu'elle
donques estant de l'église réformée ne pouvoit moins
faire que défendre selon ses moyens la cause commune
de l'Église contre ceux qui abusoient de l'autorité du
Roy pour la dissiper. Et estant embarquée avec ses
enfans [en mesmes navire que ceux de la religion,
laquelle les ennemis vouloient percer pour enveloper
en mesmes naufrage tous ceux qui fesoient profession
de cette religion, elle seroit desloyalle à elle-mesmes
et à ses enfans, si avec eux elle n'y apportoit tout ce
qui estoit.en leur puissance pour la calefustrer et
defFendre. Pareillement qu'ayant cest honneur d'estre
prochaine parente de la maison de France et de si près
alliée que le Prince, son fils, avoit le droit de succes-
sion après Messieurs les frères du Roy, elle ne devoit
défallir à ceux qui travailloient pour la défense des
édits du Roy, qui à la grande ignominie de Sa Majesté
estoient violez par ceux qui, pour couvrir leurs passions
de l'autorité royale, la rendoient redicule à tous les
autres Princes et suspecte à ses propres sujets par
tant de contraires édicts. Qu'elle estoit bien asseurée
que le projet, fait en aparence contre la religion
réformée, estoit en effect pour abolir la maison de
Bourbon, de laquelle le Prince, son fils, estoit le chef.
ET NAVARRE. 155
Parquoy elle seroit à bon droit tenue pour traîtresse à
sa religion, à son Roy, à sa propre vie, à ses enfans,
à son sang et à sa patrie, si elle n'apportoit ses moyens,
sa vie et ses enfans à la protection de ce party qu'elle
savoit estre très juste et ne tendre qu'à la gloire de
Dieu et conservation de la couronne de France et des
princes du sang. Combien donques qu'elle vid devant
ses yeux la perte prochaine de ses estas et s'asseurast
de la révolte de ses sujets Navarrois et Béarnois et de
la ruine de tous ses autres biens, ayant le tout remis
entre les mains de Celui par la grâce duquel elle les
possédoit, entendant la pitoyable destresse et déplo-
rable nécessité en laquelle le prince de Condé, son
beau-frère, avoit esté réduit, qui misérable comme
^neas fuyant les flammes troiennes, charriant quasi
sur ses espaules femme, enfans et nourrisses, vagoit
par la France accompagné de l'amiral, cerchans quelque
refuge pour garentir leurs propres vies et celles de
leurs désolées familles , le 6 de setembre [après la
célébration de la sainte cène] partit de Nérac avec le
Prince et Madame, ses enfans; l'huitiesme passa la
rivière de Garonne à Toneins^ et y séjourna deux jours,
attandant Fontarailles ^, séneschal d'Armaignac, qui
conduisoit une cournete de cavallerie, et son frère
Montamat ^, un régiment d'infanterie. [Là^] la vint
retrouver La Motte-Fénelon renvoyé par le Roy, après
1. Tonneins, chef-lieu de canton de l'arrondissement de Mar-
mande (Lot-et-Garonne).
2. Michel d'Astarac, baron de Fontarailles, mort en 1606.
3. Bernard d'Astarac, baron de Montamat, massacré à Paris à
la Saint-Barthélémy.
4. Variante : En ce lieu.
156 HISTOIRE DE BÉARN
que le Prince et l'amiral furent [miraculeusement]
eschapez, pour la divertir de se joindre à eux et se
déclarer pour ceux de la religion réformée en cette
guerre qu'il prévoyoit devoir bien tost commencer,
puisque tous les principaux s'estoient desvelopés du
piège qui leur avoit esté tendu. Toutesfois Fénelon ne
peut rien gaigner sur la résolution de cette princesse.
[Et fut une chose grandement esmerveillable qu'une
femme sceut si bien endormir les ruses de ce vieux
renard Monluc, qu'à son sceu et à sa veue elle fit
dresser ce peu de troupes qu'elle avoit, et n'estant
accompagnée au plus que de cinquante gentilshommes
la plus part de ses domestiques ^] deslogea de Nérac,
et quasi à son nez passa la rivière à Tonens, [car il
amassoit lors ses troupes à Villeneufve d'Agennois *,
cinc lieues près dudit Tonens] et passa par Peyrigort'
à la barbe d'Escars qui peu de jours auparavant avoit
escrit au Roy qu'il avoit quatre mille gentilshommes
tous prests et empescheroit qu'aucun huguenot ne
s'assembleroit en Peirigort neLimosin. [Mais il trompa
soy-mesme et son Roy, car en ces deux provinces se
levèrent de fort belles troupes, qui se ralièrent avec
les autres.] Arrivée à Bergerac^, la Roine despécha
LaMote-Fénelon et l'accompagna d'un sien gentilhomme
par lesquels elle escrivit au Roy, à la Roine mère et à
monsieur d'Anjou % frère du Roy, et au cardinal de
Bourbon, son beau-frère, les raisons qui l'avoient
1. On a ajouté : Car elle.
2. Villeneuve-sur-Lot (Lot-et-Garonne).
3. Par le Périgord.
4. Département de la Dordogne.
5. Plus tard Henri m.
ET NAVARRE.
157
contrainte de se joindre avec ceux de sa religion
armez pour la défense de leur religion et vies. J'ay ici
ajoustées seulement les lettres au Roy et à la Royne
laissant les autres pour ce qu'elles sont d'un mesmes
suject et qu'elles sont imprimées ailleurs.
< Monseigneur, lorsque j'ay receuvostre lettre par le
sieur de La Mote, j'estois desjà bien avant en chemin,
ayant esté surprinse d'une telle mutation, laquelle
toutesfois nous menaçoit depuis quelque tems que
nous avons veu l'animosité de noz ennemis si desbordée
que leur rage et passion a estoufée l'espérance du
repos que vostre édit de pacification nous donnoit,
lequel, Monseigneur, ayant esté non seulement mal
observé mais du tout renversé par les inventions
du cardinal de Lorraine qui, contre les promesses
qu'il vous a toujours pieu donner à tous vos povres
sujets de la religion réformée, par lettres aux Parlemens
et d'autres particulières qu'il a escrites, comme j'en
suis bon tesmoin pour la Guienne, a tousjours rendu
les effects dudit édict vains et sans exécution, et tenant
les choses en suspens a tant fait faire de massacres, qui
se cuidant, par la patience que nous avons eue de ses
estranges façons, estre hors de toute bride, a voulu
passer outre, s' attachant aux princes de vostre sang,
conmie l'exemple en est en la poursuite qu'il a faite
contre Monsieur le Prince, mon frère, lequel il a
contraint venir cercher secours parmi ses parens, et
luy estant mon fils si proche et moy si alliée, n'avons
peu moins. Monseigneur, que de luy offrir ce que le
sang et l'amitié nous commandent. Nous savons assés
vostre bonne volonté, vous nous en avez trop asseurez
de bouche et par escrit, qui est que vous désirez tirer
158 fflSTOIRE DE BÉARN
le service de nous, qu'avec toute fidélité, obéissance
et révérance nous vous devons, et auquel ne voudrions
faillir pour la vie, et savons davantage. Monseigneur,
que vostre bonté et affection naturelle que nous portez
nous veulent conserver non pas ruiner. Donques si
nous voyons tels effors exécutez contre nous, qui sera
celuy qui , sachant bien que vous estes Roy très véritable
et que vous nous avez promis le contraire, ne jugera
que cela est fait sans vostre sceu et par l'accoustumée
et de si longtems expérimentée malice du cardinal de
Lorraine. Je dy encore que nous ne la sceussions
comme au vray nous faisons. Je vous supplie donc
très humblement, Monseigneur, trouver bon et prendre
en bonne part que je soi partie de chez moy avec mon
fils en intention de servir à mon Dieu et à vous qui
estes mon Roy souverain, et à mon sang, nous opposans
tant que nous aurons vie et biens aux entreprises de
ceux qui ouvertement et d'une effrontée malice y
veulent faire violence, et croire. Monseigneur, que les
armes ne sont entre nos mains que pour ces trois
choses là, empescher qu'on ne nous rase de dessus la
terre (comme il a esté comploté) , vous servir et
conserver les princes de vostre sang. Pour mon parti-
culier. Monseigneur, ledit cardinal a eu grand tort
de vouloir changer vostre puissance et authorité en
violence, lorsqu'il m'a voulu faire ravir mon fils
d'entre mes mains, pour le vous mener, comme si
vostre simple commandement n'a voit assez de pouvoir
sur la mère et sur le fils, que je vous supplie très
humblement. Monseigneur, croire vous estre si très
humbles et très obéissans serviteur et servante, que
égalant nostre fidélité à l'infidélité dudit cardinal et
ET NAVARRE. 159
ses complices, je vous asseureray que lorsqu'il vous
plaira faire l'essay de l'un et de l'autre, vous trouverez
plus de vérité en mes effects qu'en ses paroles, comme
un gentilhomme que j'envoye vers Vos Majestez le
vous dira et Monsieur de La Motte qui, je m'asseure,
s'en va satisfait de mon intention, qui ne sera jamais
autre, Monseigneur, que de mettre vie et biens pour
la conservation de vostre grandeur et règne que je
supplie à Dieu remplir de sa bénédiction et vous
donner. Monseigneur, très longue vie. De Bergerac
le XVI de setembre 1 568 . Et au dessous : Vostre très
humble et très obéissante sujete et tante. Jane. »
« Madajne, je commenceray ma lettre par une protes-
tation devant Dieu et les hommes qu'il n'y a rien de
plus entier que la dévotion que j'ay eue, ay et auray
au service de mon Dieu, mon Roy, ma patrie et mon
sang. Toutes lesquelles choses ont fait ensemble une
telle force en moy que Monsieur de La Motte m'a déjà
trouvée partie de mes maisons pour y venir offrir la
vie, les biens et tous moyens, vous suppliant, très
humblement, Madame, si je suis trop longue à ma
lettre, l'attribuer à la nécessité du tems qui m'a tant
donné de recharge sur charge que je ne puis rien
moins que vous esclaircir le plus briefvement qu'il me
sera possible mon intention, vous ouvrant mon cœur
pour vous y faire lire le contraire de ce que je m'as-
seure que les ennemis de Dieu et du Roy et par
conséquent de ses fidelles sujets et serviteurs tascheront
de vous déguiser. Je vous supplie encore très hum-
blement. Madame, m' excuser si pour venir atteindre
où j'en suis réduitte, je commence au tems que
ceux de la maison de Guise se déclarèrent par
160 HISTOIRE DE BÉARN
leurs actes ennemis du repos public de ce Royaume,
qui fut lors qu'ils prattiquèrent le feu Roy, mon mari,
soubz l'espérance de luy faire r' avoir nostre Royaume.
Vous sçavés assés, Madame, quelles gens lors le me-
noient, à mon grand regret, et j'oserois dire au vostre
aussi, comme j'avoy en ce tems là cest honneur de le
savoir de vostre propre bouche. Je vous supplie très
humblement vous remémorer quelle fidélité vous
trouvâtes en moy, qui, quand il fut question à bon
escient de la conservation de ce Royaume, oubliay
l'amitié du mari ethazardaymes enfans, car quant aux
biens, puisque le reste y alloit, je ne les veux mettre
en conte. Je vous supplie aussi très humblement,
Madame, vous sovenir des propos qu'il vous pleust
me tenir au partir de Fontainebleau et l'asseurance
que vous printes de moy, qui n'est changée de mon
costé ne diminuée pour tems qui ait couru. Et s'il vous
plait. Madame, il vous souviendra aussi, qu'estant
arrivée en Yandosmois jereceus vos letres et comman-
demens ausquels fidèlement j'obéy. Je suivray ce que
je fis en la Guienne à mon arrivée et tout selon que
j'avois connu vous estre agréable, conrnie il vous pleut
m'en asseurer par mon maistre d'hostel Roques. Sur
cela. Madame, je perdi le feu Roy, mon mari, qui m'a
fait depuis communiquer aux afflictions de Testât des
vefves. Jà à Dieu ne plaise. Madame, puisque nous
sommes maintenant à regarder au général, que je vous
veuille ramentevoirlesindignitez que particulièrement
j'ay receues. Car je fay cette seconde protestation que
le service de mon Dieu, de mon Roy, l'amour de ma
patrie et de mon sang me remplissent tellement le
cœur qu'il n'y a rien de vuide pour recevoir quelque
ET NAVARRE. 161
particulière passion qui me touche. Donques, Madame,
je viendray aux derniers troubles, recommencés lors
que le cardinal de Lorraine avec ses adhérans nous
rendit en l'extrémité que vous, Madame, et un chascun
sçait. Durant ce tems j'ay demeuré en mes pais inutile
au service de Voz Majestez pour ne pouvoir ce que je
vouloy, ayant esté empeschée par la malice de ceux
desquelz s'ils eussent peu m'en eussent autant fait faire
cette fois. Madame, le sieur de La Motte, durant ce
tems qu'il a fait deux voyages par vostre commande-
ment devers moy, vous aura si bien rendu conte de
mes actions que je n'en feray redite. Je viendray donc,
Madame, au point où j'en suis, qui est que voyant les
édits de mon Roy non seulement enfreints par quel-
ques occasions sujetes à excuses, mais totalement
renversez, son autorité dédaignée, ses promesses
royales rompues et le tout par l'astuce et cautelle
damnables du cardinal de Lorraine, lequel. Madame,
je ne vous puis mieux dépeindre que je sçay (et puis
dire que vrayment je le sçay) que vous-mesmes le
connoissez. C'est luy, Madame, qui avec les siens a
esté l'autheur des exécutions de tant d'horribles
massacres, dont les ordinaires plaintes remplissent vos
oreilles. Par lui ceux qui, par l'édit de pacification,
espéroient le repos de leurs maisons ont esté rendus
vagabons par la France, sevrez de leur nourrisse
naturelle, et les garnisons ont mangée leur substance,
et qui piz est, enflez par longue patience 'qu'on a eu de
leurs cruautez barbares, ont osé attenter sur les princes
du sang, branches de ce tronc, lequel ils veulent des-
raciner, lorsqu'ils l'auront dépouillé de ses dites
branches. Ce n'est pas zèle de religion, comme ils
il
162 HISTOIRE DE BÉARN
disent, car (Dieu vous doint bonne vie, Madame)
lorsque vous fustes dernièrement si malade, vous
sçavez que Monsieur le cardinal n'estoit exempt de leur
conspiration, toutesfois il est catholique. C'est donc ce
sang de France qui leur fait si grand mal au cœur,
comme ils ont monstre contre Monsieur le Prince, mon
frère, et tous ses petis enfans, au secours duquel le
sang appelle mon fils et moy ; et n'y voulons nullement
faillir. Je ne veux oublier la charge de Monsieur de
Losses contre mon fils et le tout par le tyrannique
conseil du cardinal et ses complices. Je sçay bien,
Madame, que ceux qui ouyront lire ma lettre diront
que j'en ai prins le formulaire sur celles que de tous
costés vous recevez et que cela ne vient de moy. Je
vous supplie très humblement, Madame, croire que
du seul subject qui nous mène nous tous de la religion
réformée, ne peut sortir qu'une mesme façon de
plainte ; et d'une race si illustre que celle de Bourbon,
tige de la fleur de lis, rien n'en peut venir que fidélité.
Voilà, Madame, les trois points qui m'ont amenée : le
service de mon Dieu, voyant que le cardinal et ses
complices (comme la chose est trop claire) veulent
raser de la terre tous ceux qui font profession de la
vraye religion ; le second le service de mon Roy, pour
employer vie et biens à ce que l'édit de pacification
puisse estre observé selon sa volonté ; et nostre patrie,
ceste France, mère et nourrisse de tant de gens de
bien, ne puisse estre tarie pour laisser mourir ses
enfans, et le sang qui comme je vous ay dit, Madame,
nous appelle à aller offrir tout secours et aide à Mon-
sieur le Prince, mon frère, que nous voyons évidem-
ment chassé et poursuivi contre la volonté du Roy,
ET NAVARRE. 163
qui lui en a tant promis d'asseurances, par la malignité
de ceux qui ont desjà trop possédé la place qui ne leur
appartient auprès de nostre Roy et vous , et qui ferment
voz yeux pour ne voir leurs raeschancetez et bouchent
voz oreilles pour n'ouyr nos plaintez. Dieu, Madame,
par sa sainte grâce, ouvrant l'un et débouchant l'autre,
vous puisse faire voir et ouyr de quelle dévotion et de
quel zèle chacun de nous marche en la conservation
des grandeurs de Voz Majestez. Et pour ce que j'ay
bien connu, Madame, par la letre qu'il vous a pieu
m'escrire par le sieur de La Motte, comme on vous a
animée contre nous, j'envoye un gentilhomme avec
le dit sieup de La Motte pour vous asseurer de tout ce
que je vous escry, luy en ayant aussi bien au long
communiqué et particulièrement prié de vous dire
combien, outre les autres considérations, il est néces-
saire pour la conservation de vostre autorité de vous
desjoindre de ceux qui vous y veulent nuire et pour
cela veulent ruiner ceux qui désirent la vous garder.
Connoissez nous bien tous, Madame, et mettez diffé-
rence entre les bons et les mauvais, et croyez de moy
particulièrement. Madame, que je désire infiniement
une bonne paix et si bien asseurée que ledit cardinal
de Lorraine et ses adhérans ne la puisse plus esbranler,
à laquelle, si Dieu m'avoit fait cette grâce que d'y
pouvoir servir, je m'estimeroy aussi heureuse que de
bonne volonté je y mettroy la vie et tout le reste.
Priant Dieu, Madame, etc. Ce xvi de setembre 1568.
Et au-dessous : Vostre très humble et très obéissante
sujette et sœur. Jane. »
Depuis continuant son chemin, la roine Jeane vint
trouver le prince de Condé et l'amiral et toute leur
164 HISTOIRE DE BÉARN
compagnie à Cognac, qui jusques lors avoit tenu les
portes fermées audit Prince et amiral et les ouvrit à
l'arrivée de ladite Dame et du Prince, son fils, gouver-
neur de Guienne , lequel la mère déposita entre les
mains de son oncle et se retira après à La Rochelle.
Or combien que cette départie du fils unique et de la
mère fut naturellement très amère et très fascheuse à
la mère et au fils, qui n'avoit encores achevé sa
quinziesme année, si est-ce que l'un et l'autre se
séparèrent joyeusement, et quelques traverses et pertes
de batailles qui arrivassent depuis, la mère ne voulut
jamais retirer le fils des dangers éminens, ne luy
quitter les travaux insuportables à son aage. Il fut fait
général de toute cette armée, mais pour ce que sa
jeusnesse et le peu d'expériance le rendoient incapable
de si grande charge, il portoit seulement le nom, -et
son oncle le prince de Condé avoit l'effect du comman-
dement. Aussi tost que la Roine fut arrivée à La
Rochelle, prévoyant que ses ennemis tascheroient de
calomnier son voyage et toutes ses actions pour la
diffamer en l'endroit des princes estrangers de sédition
et rébellion, elle escrivit la lettre suivante à la roine
d'Angleterre' pour lui servir d'apologie contre toutes
impostures et calomnies.
« Madame, outre le désir que j'ay eu toute ma vie de
me continuer en vostre bonne grâce, il se présente
aujourd'huy un sujet qui me accuseroit grandement si,
par mes letres, je ne vous faisoy entendre l'occasion
qui m'a menée icy avec les deux enfans qu'il a pieu à
Dieu me prester, et de tant plus seroit ma faute
1. Elisabeth.
ET NAVARBE. 165
grande qu'il a mis par sa grande bonté tant de grâces
en vous et un tel zèle à l'avancement de sa gloire, que
pour vous avoir esleue l'une des Roynes nourrissières
de son église. C'est donc à juste raison, Madame, que
tous ceux qui, liez en cette cause accompaignent vostre
sainct désir, vous advertissent de ce qui se passe en ce
fait. Et de ma part, Madame, pour mon particulier,
m'asseurant que du général vous en sçavés assez, je
vous supplieray très humblement croire que trois
choses (la moindre desquelles estoit assez suffisante)
m'ont fait partir de mes Royaume et pais souverains.
La première, la religion qui estoit en nostre France
si opprimé.e et affligée par l'invétérée et plus que
barbare tyrannie du cardinal de Lorraine, assisté par
gens de mesmes humeur, que j'eusse eu honte que mon
nom eust jamais esté nommé entre les fidelles, si pour
m' opposer à telle erreur et horreur, je n'eusse apporté
tous les moyens que Dieu m'a donnez à ceste cause,
et mon fils et moy ne nous feussions joints à une si
saincte et grande compagnie de princes et seigneurs,
qui tous, conmie moy et moy comme eux, avons
résolu, sous la faveur de ce grand Dieu des armées, de
n'espargner sang, vie ne biens pour cest effect. La
seconde cause. Madame, que la première tire après
soy, est le service de nostre Roy, voyant que la ruine
de l'Église est la sienne et de ce Royaume, duquel
nous sommes si estroitement obligez de conserver
Testât et la grandeur ; et d'autant que mon fils et moy
avons cest honneur d'en estre des plus proches. Voilà,
Madame, ce qui nous a fait haster de nous venir
opposer à ceux qui, abusans de la grande bonté de
nostre Roy, le font estre lui-mesme autheur de sa
J
166 HISTOIRE DE BÉARN
perte, le rendant, encores qu'il soit le plus véritable
prince du monde, faulseur de ses promesses, par les
inventions qu'ils ont trouvées de faire rompre l'édit de
pacification, lequel comme demeurant en son entier,
entretenoit la paix entre le Roy et ses fidèles sujets,
et rompu convie la mesme fidélité desditz sujetz à une
guerre trop pitoyable et tant forcée qu'il n'y a nul de
nous qui n'y ait esté tiré par violence. La tierce chose.
Madame, nous est particulière à mon fils et à moy :
voyans les ennemis de Dieu et de nostre maison, avec
une effrontée et tant pernicieuse malice, avoir délibéré,
joignans la haine qu'ils portent à la cause générale
avec celle dont ils ont tant monstre d'efects contre
nous, ruiner entièrement nostre race, de manière que
Monsieur le prince de Condé, mon frère, pour éviter
l'entreprise qu'on avoit faite contre luy, a esté con-
traint, plustot que reprendre les armes, venir cercher
lieu de seureté. Je dy, Madame, avec telle pitié qui
accompagnoit la tendre jeunesse de ses petis princes
et de leur mère grosse, que je ne sache bon cœur à
qui ceste piteuse histoire ne fasse grand mal. De l'autre
costé j'ay esté avertie que l'on avoit despéché le sieur
de Losses pour me venir ravir mon fils d'entre les
mains. Avec tels sujets nous n'avons peu moins faire
que nous assembler pour vivre ou mourir unis, comme
le sang, qui nous a attirez jusques icy, nous y oblige.
Voilà, Madame, les trois occasions qui m'ont fait faire
ce que j'ay fait et prendre les armes. Ce n'est point
contre le ciel. Madame, comme disent ces bons
catholiques, que la pointe en est dressée et moins
contre nostre Roy. Nous ne sommes, par la grâce de
Dieu, criminels de leze-majesté divine ny humaine;
ET NAVARRE. 167
nous sommes fidèles à nostre Dieu et à nostre Roy, ce
que je vous supplie très humblement croire et nous
vouloir tousjours assister de vostre faveur, laquelle ce
grand Dieu vous veuille reconnoistre, vous augmentant
ses saintes grâces avec conservation de voz estas, et
qu'il vous plaise, Madame, recevoir icy les très humbles
recommandations de la mère et des enfans qui désire-
roient infiniement avoir-le moien de vous faire service.
Et parce, Madame, que le sieur Du Chastelier^ lieu-
tenant général en l'armée sur mer, s'en allant là,
aura toujours affaire de vostre faveur, l'ayant prié de
présenter mes lettres, je prendray la hardiesse de le
vous recommander. De La Rochelle, ce xvi jour
d'octobre 1 568. De par votre très humble et obéissante
sœur. Jane. »
1. En 1568 « la demoiselle « Du Chastelier figure dans la maison
de Jeanne d'Albret comme ayant soin d'un phénomène humain
nommé La Bure (Arch. des Basses-Pyrénées, B. 148, f" 20). En
1573, M"e de Ghastelher est désignée comme femme du capitaine
des Suisses de la garde du roi de Navarre (Arch. commun, de
Pau, G G. 1, fo 19).
SEPTIESME LIVRE
Auparavant son parlement de Nérac la Roine avoit
renvoyé en Navarre et Béarn Bernard, seigneur d' Arros,
pour y estre son lieutenant général, où les estinceles
de la guerre de France sautèrent aussi tost. Car le Roy
ayant envoyé commission à tous ses Parlemens pour
saisirions les biens que ladite Royne et le Prince, son
fils, possédoient en France, en envoya aussi une à
Luxe pour leurs païs souverains de Navarre et Béarn,
avec commandement très exprès aux cours de parle-
ment de Tholouse et Bourdeaux d'assister et favorir
ledit Luxe en l'exécution de sa commission. Le 16 de
novembre le parlement de Tholouse publia ceste com-
mission avec cette clause : Sans préjudice de la procé-
dure faite à la réquisition du procureur général et des
arrests donnez le 5 et le 13 de ce mesme mois, lesquels
sortiront en effect et seront exécutez suivant autre
arrest fait ce mesme jour i6. Or par ces arrests avoit
esté ordonné que le pays de Béarn, comme estant sous
la souveraineté de France, seroit mis sous la main du
Roi avec toutes les autres terres que la roine de
Navarre avoit au ressort dudit Parlement. Mais la
commission du Roy déclaroit expressément Navarre
et Béarn estre souverains, et protestoit ledit Roy ne
HISTOIRE DE BÉARN ET NAVARRE. 169
s'en vouloir emparer que pour les garder à ladite
Dame et à son fils, lorsqu'il les auroit mis hors de la
captivité en laquelle il disoit ceux qui s'estoient eslevez
en France les détenir. Ainsi l'animosité du Parlement
les faisoit estre contraires à leur Roy. Luxe donc, à qui
La Marque, valet de chambre du Roy, apporta la
commission, fit incontinent assembler les Estas de
Navarre et leur en fit lecteure et leur haut loua la
bonne volonté et sincère affection du roy de France
en l'endroit de leur Roine et d'eux-mesme, lesquels Sa
Majesté désiroit mettre sous sa protection seulement
pour les garentir de la cruauté des huguenots et les
conserver; à leur Royne naturelle, à laquelle il promet-
toit de les rendre aussi tost qu'il l'auroit mise en
liberté. [Le nombre de ceux qui furent marris du son
de cette chanson fut fort petit, car les nobles estoient
aises que la commodité s'offroit de s'enrichir du pillage
de ceux de la religion réformée et le peuple, sans
autrement examiner l'intention de Luxe ne la suite et
fin de cette affaire, désiroit de les exterminer, car le
peuple est naturelement si inconsidéré et se plaist tant
aux nouveautez, qu'encore qu'il soit asseuré de porter
les plus grands travails et tous les frais de la folie et
ambition des grands, néantmoins, je ne sçay par quel
juste jugement de Dieu, il y accourt avec la mesme
gaieté et volonté que s'il alloit à un certain gain et ne
se repent jamais de sa folie jusques à ce qu'il se trouve
du tout ruiné. Mais ceux qui voyoient plus clair et
savoient mieux la vérité du fait^] appelloient cette
protection une tirannique usurpation et s'esbahisoient
1. Variante : Quelques-uns.
170 HISTOIRE DE BÉARN
de l'audace de ceux qui osoient donner le nom de telle
vertu à un si grand vice et vouloient couvrir la défor-
mité de ce fait par le fard de si grossière imposture.
Et s'ils eussent eu autant de puissance que de bonne
volonté, ils se fussent opposez à l'exécution de cette
commission, mais la force leur défaillant plustôt que le
cœur, ils furent contraints de faire bonne mine et caler
voile, tout ainsi que ceux qui en forte tempeste navi-
gent à lia boline, et ne pouvans lors donner autre tes-
moignage de leur fidélité, donnoient seccrètement advis
au lieutenant général de tout ce qui se faisoit en leur
province. Car comme tous ceux qui se monstroient
plus factieux et plus ennemis de leur Princesse, estoient
les plus caressez et récompensez, aussi ceux qui
estoient tant fut peu souspeçonnezde trouver mauvaises
ces factieuses violences estoient tormentez par les
compagnies de Navarrois et Soletains ^ que Luxe avoit
mises aux champs, avec lesquelles, sans avoir esgard
que son beau-frère, le sieur Belesunce^, qui estoit à la
suite du prince Navarrois, en estoit gouverneur,
s'empara premièrement du chasteau de Mauléon de
Soûle et puis de celuy de Garris en la Basse-Navarre.
Or combien que le gouverneur Arros eut auparavant
eu avertissement des commissions despéchées contre
Navarre et Béarn et pronostiquast sagement l'intention
tant des commissaires que de leur commetant ; néant-
moins pour ne donner occasion de rien attenter aux
voisins, qui sans cela y estoient assés poussez par leur
propre malice et incitez d'ailleurs, et pour solager les
4. Habitants du pays de Soûle.
2. Jean de Belzunce, vicomte de Macaye, marié à Catherine de
Luxe.
\
ET NAVARRE. 17i
sujets de la Roine et ne leur donner prétexte de s'esfa-
roucher et entrer en quelque remuement, comme ils
n'y estoient que trop disposez, n'avoit encore fait
nulle levée de gens de guerre. Mais quand il sceut ce
qui avoit esté fait en guerre ouverte en Navarre, il
pensa que le retardement pourroit plus nuire que
profiter au service de sa maistresse et ne voulant,
encore qu'il l'eut peu faire selon sa commission, rien
faire sans l'avis commun des Estas, qu'il pensoit
gaigner par ce moyen, il les assembla à Pau. Des
gentilshommes [de la religion romaine'] nul des prin-
cipaux ne s'y trouva et fort peu de la* réformée pour
ce qu'ils estoient en France à la suite du Prince. Le
seigneur de Gramont s'y trouva et fit [de fort belles ^]
remonstrances à toute l'assemblée et exortations de
persister en l'obéissance de leur Royne ; l'absence de
laquelle et la jeunesse de ses enfans leur dévoient
servir d'esguillon pour les entretenir en fidélité et les
encourager d'employer leurs vies et biens pour la
garde du pais, en la défense duquel ils avoient plus
d'intérest que ladite Dame mesmes, car une paix luy
rendroit tout ce qu'on lui auroit pris où eux ne recou-
vreroient jamais ce que le soldat auroit mangé et pillé
estorqué par rançons. Que de son costé il employeroit
non-seulement tous ses moyens, mais aussi sa propre
vie pour la défense d'une si juste cause. Il fut arresté
que douze compagnies d'infanterie seroient levées en
Béarn et payées des deniers de la Royne et pour éviter
1. Variante : catholiques.
2. On a ajouté : fèligion.
3. Variante : certaines.
17SI HISTOIRE DE BÉARN
la foule du pais, elles seroient mises en garnison aux
frontières, pour seulement empescher les surprises des
ennemis, sans rien attenter contre la France, ne
mesme contre la Basse-Navarre. Bassillon\ gouverneur
de Navarrenx, en fut fait colonel, et Arros escrivit à
Luxe et à Damesan qu'il avoit entendu la convocation
qu'ils avoient faite des Estas de la Basse-Navarre et la
levée des gens de guerre et la saisie du chasteau de
Garris, choses qu'il trouvoit fort mauvaises, d'autant
qu'elles estoient contre l'autorité de leur Royne et la
sienne, qui estoit son lieutenant général. Par quoy il
les exortoit de désister de ses façons de faire, indignes
de vrays sujets, et se monstrer fidèles au service de
leur Princesse. Et pour ce qu'ils couvroient leur prise
des armes sous prétexte d'avoir entendu qu'il avoit
délibéré d'aller saccager et brusler toute la Basse-
Navarre, il les asseuroit n'en avoir jamais eu aucune
volonté ne mesme d'y entrer en armes. Il escrivit le
mesmes aux villes, lesquelles il avoitdesjàadverties des
choses qui se brassoient contre le service de la Royne
et les admonestoit de demeurer en fidélité et ne se
laisser tromper à ceux qui, pour se prévaloir d'eux en
l'exécution de leurs mauvais desseins, les abruvoient
cauteleusement et faussement de l'emprisonnement
de ladite Dame. [Laquelle tant s'en faloit fut retenue
captive ne prisonnière que plustôt pour le service de
Dieu et celuy du roy de France et la conservation de
sa vie, de ses enfans et de ses estas et la liberté de
1. Bertrand, abbé laïque de Gabaston, seigneur de Bassillon,
marié à Jeanne de Gauna (Arch. des Basses-Pyrénées, E. 1275
et 2001). On appelait abbés laïques les seigneurs possédant des
dîmes et le droit de présentation aux cures.
I
ET NAVARRE. 173
ses sujets, de sa franche volonté s'estoit retirée au lieu
où elle estoit, ce qu'^] elle avoit fait entendre à la
majesté dudit Roy, tant par escrit que de bouche par
un sien gentilhomme qu'elle luy avoit envoyé exprès,
comme sçavoient très bien ceux qui, contre leur con-
science, vouloient couvrir la tirannique usurpation de
ses terres du nom de protection et charité. Il les
asseuroit pareillement n'avoir jamais seulement pensé
de saccager ny brusler le pais de Navarre, quelque
chose que leur fissent entendre ceux qui, pour se servir
d'eux, les vouloient par cest artifice rendre plus animez
contre leur Royne et de fidèles sujets les rendre infidèles
rebelles. Cependant pour donner à connoître à Luxe
qu'il n'estoit pas en volonté de le contenter seulement
de paroles, mais aussi de lui faire teste par les armes,
il dressa une entreprise sur ceux qu'il avoit posez en
garde au pont du Serain*, qui sépare Béarn de la
Basse-Navarre, et les eut attrapez tous s'ils n'eussent
estes advertis par quelques uns qui estoient de la
partie, [car autant qu'il y avoit de Béarnois qui fesoient
profession de la religion romaine, s' estoient autant
d'espions pour Luxe.] Et les pluyes retardèrent telle-
ment la diligence des troupes béarnoises qu'il leur fut
impossible de se trouver à l'heure du rendés-vous,
comme fit Gramont, qui y força et tua quelques uns
en une maison, et quelques autres ainsi qu'ils gaignoient
la garite furent aussi tuez. [Cette petite exécution
estonna si bien Luxe et ses complices, qui ne se trou-
vant assez fort pour soustenir les forces béarnoises,
1. Variante : comme.
2. Pont d'Osserain.
174 HISTOroE DE BÉARN
escrivit à Arros des lettres pleines d'excuses et de
promesses de licentier ses troupes.]
Ceux du comté de Bigorre, tenu en droit de régale
par les seigneurs de Béarn, ne se monstrèrent pas
moins affectionnez de secouer la dommination de leur
comtesse que les Navarrois de leur Royne. Arnaud
d'AntinS séneschal de Bigorre, et Jean, sieur de
Basillac, se monstrèrent plus affectionnez à l'exécution
des arrests de la cour de Tholouse que tous autres,
aussi les avoit-elle fait tous deux gouverneurs dudit
comté, ajoustant Basillac à d'Antin pour ce qu'il faisoit
profession plus ouverte d'estre ennemi de la comtesse
et désirer plus le changement qu'Antin, qui sembloit
ne faire rien des commandemens de ladite cour que
par aquit seulement, et plustot pour n'y oser contre-
dire que pour le souhaiter. Gaillard Galosse* à qui
Testât de juge-mage avoit esté donné en la place
d'Arnaud de Casa^, [qui pour estre de la religion
réformée avoit esté contraint de s'absenter,] servoit
de conseil à ses deux gouverneurs, mais principale-
ment à Basillac qui estoit celuy qui avec plus d'impor-
tunité solicitoit ladite cour de haster la saisie de
Bigorre et Béarn, et avoit fait dresser la poste de
Tarbe à Tholouse pour pouvoir plus aisément et plus
souvent communiquer de ces affaires avec le Parlement.
Un huissier fut ordonné pour venir faire la saisie, ce
que les deux gouverneurs trouvèrent si mauvais qu'ils
4. Marié à Catherine de Foix.
2. Son nom est écrit Gallose dans un contrat notarié du 3 mars
1560 (Arch. des Basses-Pyrénées, E. 1996, f» 132).
3. Arnaud de Case, maître des requêtes en 1560 (Arch. des
Basses-Pyrénées, E. 1996, f" 127).
ET NAVARRE. 175
le renvoyèrent sans rien faire, et Galosse fut expres-
sément à Tholose remonstrer à la cour ceste exécution
devoir estre faite plustôt par un bon nombre de
conseillers et un président que par un huissier qui
n'estoit respecté ny craint du peuple, qu'il faloit autre
force et apparat pour ceste exécution qu'ils ne pensoient,
car tous ne la trouvoient pas bonne et plusieurs la
réprouvoient qui se mettroient volontiers en devoir de
l'empescher, s'ils avoient la moindre espérance de le
pouvoir faire et n'estoient retenus par la crainte des
armes et le respect de la justice. Sur sa remonstrance
fut donnée conmiission à Christofle Richard, conseiller,
de se transporter sur le lieu avec le procureur général
pour faire ladite saisie , ensemble l'exécution de
l'arrest donné contre Béarn. Ce qu'il fit et fit abattre
en Bigorre les armoiries du comte et planter celles du
Roy, déposa les officiers comtals et en mit d'autres au
nom dudit seigneur Roy; mais il n'osa rien entreprendre
sur Béarn pour ce que les forces de Luxe ne se trou-
vèrent assés puissantes pour lui faire escorte. Le
Parlement despécha vers Luxe Lucas d'Urdez',
substitué du procureur général, pour le sommer
d'exécuter promptement sa commission sur Béarn et
lui offrir toute aide, secours, faveur et conseil. Luxe
lui respondit lui estre impossible de pouvoir rien
entreprendre sur Béarn avec ce peu de forces qu'il
avoit, pour ce que les Béarnois se tenoient sur leurs
gardes et avoient déjà mis garnisons aux villes et
places déf ensables ; toutesfois si le Roy ou la dite cour
lui faisoient bailler quelques compagnies de cavalerie
1 . Célèbre avocat et capitoul de Toulouse.
176 HISTOIRE DE BÉARN
et quelques pièces d'artillerie, il rendroit en brief Sa
Majesté et le Parlement contens. D'autre costé, pour
faciliter l'exécution de Luxe, le parlement de Bour-
deaux fit publier un arrest par lequel estoit estroite-
ment défendu à tous les sujets du Roy d'aller en
Navarre ni Béarn pour porter armes pour le service
de la roine de Navarre, et commandement aux gouver-
neurs, séneschaux, officiers et justiciers de Baionne,
Landes, Agenois et Condommois d'aider et favorir de
toutes choses Luxe pour exécuter les commandemens
qu'il avoit du Roy. En ce mesme tems Monluc envoya
Flamarenx^ séneschal de Marsan, en Béarn avec lettres
au Parlement, par lesquelles il disoit avoir entendu
qu'en un conseil tenu à Pau avoit esté arresté de se
défendre contre tous, chose qu'il avoit trouvée fort
estrange et les prioit de faire cesser tout port d'armes,
licentier toutes compagnies de gens de guerre, afin
qu'il n'en avint plus grand inconvénient; comme il
escrivoit aussi à Luxe de faire le mesmes, prouveu
toutesfois que lesBéarnois se désarmassent les premiers.
Arros qui voyoit l'intention de Monluc n'estre autre
que de désarmer finement le pays, pour donner
meilleure commodité à Luxe d'exécuter sa commis-
sion, respondit à Flamarenx que Luxe et tous les
autres voisins de Béarn s'estoient armés plustôt que
luy, qui avoit esté contraint de faire le mesme, non
pour offenser autruy mais seulement pour ne laisser
en proye Testât qu'il avoit en charge à ceux qui ne
pouvoient s'estre armez que contre iceluy, outre qu'il
savoit les commissions qui avoient esté despéchées
1. Renaud de Grossoles, baron de Flamarens, mort sous
Henri III.
I
ET NAVARRE. 177
contre Béarn et les arrests qui avoient esté donnez aux
parlemens de Bordeaux et de Tholouse. Flamarenx ne
fut plustot de retour vers Monluc que le A de janvier
1569, à Agçn, il ne fit publier une ordonnance contre
le pais de Béarn, par laquelle (après avoir accusée la
roine de Navarre de très grande ingratitude et rébellion
et l'avoir déclarée ennemie du Roy, ensemble tous les
Béarnois, sous prétexte qu'ils avoient les armes aux
mains, et avoient, disoit-il, couru les terres du
Roy, fait prisonniers et rançonné les François qu'ils
trou voient en Béarn ou pou voient attraper dehors,
combien que lors ils n'eussent molesté de fait ne de
parole aucun François qui trafiquast, passast ou repas-
sât par Béarn, et nul Béarnois fut entré avec armes en
France) dit, ordonna et déclara qu'il vouloit (tels sont
ses mots) que désormais et jusques à ce qu'il en seroit
autrement ordonné, fut licite et permis à tous chef de
guerre et à tous les sujects de Sa M. de pouvoir
prendre et emprisonner tous les Béarnois qu'ils pour-
roient trouver aux terres de Sadite Majesté. Lesquels,
dès à présent et comme pour lors, il avoit déclarez
prisonniers de bonne guerre, défendant très expressé-
ment à tous lesdits sujets, résidens en son gouverne-
ment de Guienne, de ne converser ne trafiquer avec les
Béarnois, fut en marchez ordinaires ni autrement en
sorte ne manière quelconque , sur peine de la vie et confis-
cation de leurs biens; et mit fortes garnisons aux envi-
rons de Béarn au longdelaChalosse; et les gouverneurs
de Bigorre firent venir à Tarbe la compagnie du capitaine
Gohas^ et dressèrent six compagnies de Bigordans.
1. Gui de Gohas, œestre de camp de l'armée de Terride (Arch.
12
178 HISTOIRE DE BÉARN
Tout est oit encores passé en paroles plustot qu'en
faits, en menaces qu'en exécutions, mais lorsque le
roy de France qui avoit tousjours affermé la royne de
Navarre estre détenue prisonnière à La Rochelle, la
déclara rebelle et séditieuse, et commanda de nouveau
ses pais souverains estre saisis, non pas pour les garder
à ladite Dame, comme il avoit tousjours auparavant
protesté vouloir faire, mais seulement au Prince ,
son fils, lequel il ne vouloit, disoit-il, faire perte de ses
terres pour la coulpe de sa mère, (C'estoit un office de
bon parent, si l'intention secrette n'eut esté contraire
à la déclaration manifeste, comme il apparut inconti-
nent après par les arrests et poursuites des parlemens
de Bordeaux et Tholouse.) Chascun de ces Parlemens
vouloit unir Béarn à son resort, et celuy de Tholose
l'ajugea acquis au Roy par commis. Et les Béarnois
de la religion [romaine'] secondez par [quelque petit ^j
nombre de ceux de la réformée, ne débatans en
apparence que l'entretènement de leurs fors et libertez
et conservation du pays à leur Princesse, commen-
cèrent d'exécuter toutes espèces d'hostilité conti'e
leurs concitoyens faisans profession de la religion
réformée et contre les officiers de ladite Dame et tous
autres qui maintenoient son parti.
La profession de [la^] religion [réformée] avecl'aba-
tement des images [et le bannissement de la messe] en
des Basses-Pyrénées, E. 2000); il avait épousé Marguerite, fille de
Henri de Navailles, seigneur de Peyre, et de Michelle de Gor-
celles (même dépôt, B. 2161, f" 8). Il fut tué à Navarrenx en
1569.
1. Variante : catholique.
2. Variante : certain.
3. Variante : ceste.
ET NAVARRE. 179
quelques lieux de Béarn, avoient rendue fort odieuse la
Roine àtous ses sujets de la religion [romaine^], haïe et
suspecte de ses voisins, et le conseil de France estoit
celuy qui luy en vouloit le plus et qui plus désiroit de lui
accoursir les ongles. Et ne fut ladite Dame plustot retirée
à La Rochelle que le François ne fit résolution de s'em-
parer de ses estas souverains, et ses propres sujets ne
commençassent de tumultuer. Mais pour ce que du
commencement de la guerre qui s'estoit eslevée en
France le Roy ne vouloit mettre les Béarnois en
désespoir, ne donner occasion au roy d'Espagne de
penser qu'il se voussit approcher trop près de luy et
rompre la Jiarrière qui divisoit leurs estas, ne faire
voir aux protestans d'Alemagne qu'il en vouloit seule-
ment à la religion^ réformée, faisant un préjugé pour
eux et leurs estas sur la personne et biens de ladite
Roine, et ne sachant encore qu'elle seroit la fin de cette
guerre, il craignoit de déclarer ouvertement son inten-
tion. Toutesfois, à tout événement, il se vouloit saisir
de Navarre et Béarn pour en disposer selon que le
tems lui monstreroit; car s'il les faloit rendre, il pour-
roit tousjours dire l'avoir mis sous sa main pour cette
seule fin; et s'il avenoit autrement, il en vouloit estre
maistre auparavant que l'Espagnol eut pensé d'y rien
attenter. A cette entreprise servit de beaucoup le
mescontentement de quelque partie de la noblesse
béarnoise et de laquelle les sieurs d'Audaux et de
Sainte-Golome estoient les principaux chef et ceux par
lesquels tout le reste se conduisoit. Audaux faisoit
1. Variante : catholique.
2. On a ajouté : prétendue.
180 HISTOIRE DE BÉARN
profession de la religion * réformée et Sainte-Golome
[de la romaine ' et avoit esté le plus avant en la bonne
grâce de la Roine et avoit participé à ses faveurs plus
que tout autre, tant avant que depuis la mort du roy
Antoine, mais le Roy ne l'avoit pris en aussi grande
inimitié qu'elle l'avoit eu en amitié, pour quelque
avertissement qu'elle eust de France (fut vray ou faux)
qu'Audaux avoit communiqué au cardinal de Lorraine
tous ses principaux affaires et plusieurs desseins. Ce
qu'il nioit,]
La commission de l'exécution de Réarn fut premiè-
rement adressée à Monluc qui la refusa, s'excusant sur
les grandes affaires qu'il avoit en son gouvernement
de Guienne, et fut depuis envoyée au sieur d'Escars,
qui ne la voussit non plus accepter. Mais Antoine de
Lomaigne, sieur de Tarride, la receut. En attendant
qu'il eut mis sus toutes les choses nécessaires pour la
dite exécution, Ronnasse^et quelques autres Réarnois
vindrent en Réarn pour asseurer leurs partisans de la
venue de Tarride et pour prattiquer et desbaucher les
soldats qui estoient aux compagnies entretenues par
Arros, à quoy ils n'eurent pas grande peine, car ils
panchoiént quasi tous de ce costé et tous les jours se
desroboient; ce qui mettoit Arros en telle perplexité
qu'il ne savoit auquel courir le premier, car n'ayant
de qui se fier, il n'osoit faire semblant de se deffîer de
personne, combien que, peu exceptez, tous lui fussent
contraires , les uns retenus par crainte , les autres
1. On a ajouté : prétendue.
2. Variante : estait catholique.
3. François de Béarn, seigneur de Bonnasse, marié à Marie de
Sacaze.
ET NAVARRE. 181
incitez par leur propre malice ; de manière qu'il ne
sa voit à qui donner les places à garder. Néantmoins il
mit dedans Pau le capitaine Augar \ à Orthez Gouse ',
auchasteau Gratian% à Sauveterre BeIloc% Moret* à
Morlas*, Espalengue' à Nay, Esgarrebaque à Oloron,
où ses enfans [qui estoient merveilleusement insolens]
s'estans emparez du chasteau, commencèrent les pre-
miers de tumultuer ouvertement et maltraitter ceux
de la religion * réformée. Et la révolte, qui jusques lors
n'avoit esté que couvée, commençoit d'esclorre, quand
le sieur de Sales', maistre d'hostel du prince de Na-
varre, arriva de La Rochelle avec les capitaines
Poqueron ^" • et Caseban " qu'Arros y avoit envoyez
1. Le capitaine Jean d'Auga, seigneur de Susmiou, marié à
Isabelle de Parabère (Arch. des Basses-Pyrénées, E. 2002, 2007).
2. Jean d'Auga, seigneur de Gouze , assista le 22 septembre
1568 au contrat de mariage de Jean d'Auga, sou frère, et de Mar-
guerite de Saut, d'Oloron (Arch. des Basses-Pyrénées, E. 1782,
f- 313).
3. Gratien de Lurbe, dit le capitaine Gratian, capitaine du châ-
teau d'Orthez.
4. Menant de Belloc.
5. Jean du ou de Moret, seigneur deNargassie et de Bauveméa,
capitaine du Vic-Bilh, marié à Philiberte d'Alis (Arch. des
Basses-Pyrénées, E. 1998, 1999 et 2020).
6. Morlaas, chef-lieu de canton de l'arrondissement de Pau et
ancienne capitale du Béarn.
7. Bertrand d'Espalungue, domenger (noble) de Louvie-Juzon,
gouverneur de la vallée d'Ossau , marié à Catherine de Casaus
(Arch. des Basses-Pyrénées, E. 1735 et 1736).
8. On a ajouté : prétendue.
9. Arnaud de Gachissans, qui devint gouverneur de Navarrenx.
10. Jean Du Bordiu, dit le capitaine Poqueron ou Pocoron,
gouverneur de Nay, seigneur d'Abère d'Asson, après la mort de
Pascal (Arch. des Basses-Pyrénées, E. 1741, 1745 et 1747).
11. Assibat de Casanabe, dit le capitaine Casabant, seigneur
182 HISTOIRE DE BEARN
pour advertir la Roine de l'apparence qu'il y avoit
d'une révolte générale de tout le pays, pratiqué par
les plus grands, qui luy faisoit doubter de pouvoir
conserver autre place que Navarrenx et craignoit
n'avoir assez d'hommes fidèles pour la bien fournir ;
toutesfois qu'à la nécessité il se jetteroit dedans avec
tous ceux qu'il connoissoit estre les plus fidèles à son
service, etl'avituailleroitsibien qu'elle n'auroit disette
de rien de beaucoup de tems, la suppliant avoir mé-
moire d'eux et les faire secourir, avenant qu'ils fussent
assiégez. La Royne luy respondit qu'il fit le mieux
qu'il pourroit, car elle s'asseuroit de son expérience,
magnanimité et fidélité, etsereposoit sur sa suffisence
et trouvoit bonne sa délibération pour la garde de Na-
varrenx, laquelle elle luy recommandoit sur toutes
choses, s'asseurant de recouvrer par icelle tout le
reste, si d'aventure l'ennemi s'en saisisoit. L'avis
d'Arros estoit le plus sain qu'il eut sceu prendre en
cette extrémité, mais je ne sçay comment il se laissa
aller plustot au conseil d'autruy qu'au sien, car pour
ne vouloir esmouvoir le peuple, et pensant par cette
voye l'entretenir mieux en la dévotion de leur Prin-
cesse, il n'osa prendre aucunes vivres sus le pais, de
manière que quand Navarrenx fut assiégée, il n'y avoit
vivres que pour peu de mois, et lorsqu'il parloit de
l'avituailler, on disoit qu'il vouloit prouvoir sa tanière,
. d'Espalungue (Arch. des Basses-Pyrénées, E. 1858 et 2004). Il y
eut aussi un autre capitaine dont le nom a une grande similitude
avec le précédent, c'est Pierre Chassevant, capitaine à Navarrenx,
marié d'abord à Hélène Du Sérer, de Bordeaux, puis à Catherine
de Forcade, de Dognen; il testa le 3 mars 1582 (Arch. des
Basses-Pyrénées, E. 1636, f» 665).
ET NAVARRE. 183
ne se souciant du reste du pais; et s'il parloit de faire
teste à l'ennemi, s'estoit tenter Dieu et vouloit mettre ^
le peuple à la boucherie, et mettre tout le pais enproye
et à la discrétion d'un si puissant ennemi, lequel,
disoient-ils, il faudroit appaiser plustot qu'irriter, lui
aquiescer que résister et essayer de tirer de luy quel-
ques bonnes conditions, puis qu'il ne vouloit entrer
au païs que pour le prendre en protection et le garder
à la Royne et à ses enfans. C'estoit l'avis de la plus
grande partie des meilleurs, mais qui procédoitde timi-
dité plustot que d'infidélité. Quelques autres, mais en
petit nombre, disoient la protection prétendue estre
seulement. pour tromper le peuple et donner quelque
spétieux prétexte à l'injustice de l'usurpation qu'on
vouloit faire. Qu'il failoit donques prouvoir de bonne
heure aux affaires et avant qu'on eut sur les bras l'ar-
mée qui devoit entrer, laquelle pour certain rendroit
non pas seulement difficile mais du tout impossible ce
qui maintenant estoit encores aisé. Que le plus assuré
estoit, voyant la mauvaise volonté du peuple, se def-
faire de ceux qu'on sçavoit estre les séducteurs des
autres et punir exemplairement quelques uns des plus
hupés, et envoyer quelques troupes pour prendre des
vivres, lesquelles il faudroit plustot brusler que les
garder entières à l'ennemi, lequel trouvant plus de
provision sur les lieux, auroit aussi plus de moyen de
nuire et de faire plus long séjour sur le païs. Que ceux-
là se trouveroient tousjours trompez qui pensoient
entretenir le peuple, esbranlé à sédition, par paroles ou
douceur, à quoi le meilleur remède estoit une prompte
1. Il faudrait peut-être : mener.
184 HISTOIRE DE BÉARN
exécution sur les plus mauvais. Le premier advis fut
suivi, et le tems qui devoit estre employé à fournir Na-
varrenx fut inutilement consumé en des chevauchées
par tout le pais pour exhorter le peuple à fidélité,
auquel le président Etchard, qui estoit celuy qui faisoit
les harangues par le commandement du lieutenant-
général, parla en ce sens : Que comme les Roys
dévoient bénévolence, protection et justice au peuple,
aussi les sujets leur estoient obligez d'amour, obéis-
sance, fidélité, service et subvention. Et tout ainsi que
les bons Princes se connoissoient, mieux qu'en toute
autre chose, par l'entretènement des libériez du peuple,
défense d'iceluy et égale distribution de la justice,
aussi les vrais sujets se manifestoient en la persévé-
rence d'obéissance et fidélité, principalement au tems
des plus grands affaires du Prince. Qu'ils avisassent
donc de ne donner occasion à leur Princesse de se
plaindre de leur ingratitude et punir leur infidélité, et
considérassent bien qu'ayant esté contrainte d'aban-
donner ses pays. Sa Majesté avoit prise telle confiense
d'eux que , jasoit que la plus part fussent contraires
à sa religion, elle les avoit voulu néantmoins préférer
à la garde de son pais à tous ceux qu'elle y eut peu
faire venir d'ailleurs, se persuadant que ceux qui,
après celle de Dieu, ne reconnoissoient autre puissance
que la sienne et qui estoient nez en Béarn et y avoient
leurs biens, femmes et enfans, seroient aussi plus
fidèles à leur Prince naturel et plus ardens et diligens
à la garde et conservation de leur propre patrie que
tous autres ; car les estrangers, qui servoient seule-
ment pour l'espérance du gain, tournoient aussi leurs
volontez selon que le profit se monstroit plus grand
ET NAVARRE. 185
OU plus petit ou le danger moindre , mais que les
naturels préféroient tousjours la fidélité envers leur
Prince, le bien de leur patrie, T amour de leurs familles
et leur propre salut à toutes les choses plus riches, et
estimoient gain toutes les autres pertes, en compa-
raison de celles-là. Que Sa Majesté n'avoit pas quitté
son pais ne son peuple de gaieté de cœur ni pour son
plaisir, mais y avoit esté contrainte par les entreprises
dressées tant sur sa personne que celle de Monsieur le
Prince, son fils, et s'estoit volontairement retirée en la
ville de La Rochelle, comme estant la plus seure retraite
qu'elle pouvoitlors trouver, où elle estoit à présent avec
Monsieur le prince de Condé, son beau-frère, en pleine
liberté, non pas prisonnière, ainsy que ses ennemis
disoient, voulans couvrir leur inimitié du voile d'ami-
tié et de charité, et leur tyrannique usurpation de
protection, combien que ce feint protecteur ne s'estoit
pas tant adviséde soi-mesme de cestspétieux prétexte,
qu'il y avoit esté incité par l'invention et importunité
de quelques Béarnois, qui voulans venger leurs mes-
contentemens, ou plustot assouvir leur ambition et
avarice, vouloient changer de Prince, d'autant qu'il
leur sembloit le leur n'avoir assez de moyens pour
rasasier leur convoitise, ni tant d'offices, honneurs et
dignitez à donner, que chacun d'eux s'estimoit mé-
riter. Parquoy ils avoient projette de faire tomber la
Navarre et Béai^n aux mains du roy de France et par-
tager entre eux le domaine avec les biens de ceux de
la religion réformée et de tous autres qui voudroient
opposer leur fidélité à leur infidélité ; et pour ces fins
avoient ajousté à la vindication de la religion romaine
la défense des fors et de la liberté publique ; mais qu'ils
186 fflSTOIRE DE BÉARN
dévoient juger quel pouvoit estre ce zèle de religion,
veu qu'une partie d'eux faisoit profession de la reli-
gion réformée. Que si la Roirie avoit fait abbatre les
images en quelques lieux et mis la messe hors de
quelques villes, elle l'avoit fait à la réquisition de la
meilleure partie des habitans qui estoient de ladite
religion, et avoit cependant laissé aux autres la leur
en telle commodité que chacun y pouvoit aller tous
les jours à son aise, et n'avoit fait cela pour fascher le
peuple ni pour rancune particulière qu'elle pourtast à
la [Papauté^] comme elle avoit respondu aux Estas
derniers, mais d'autant que ^ Dieu condamnoit telles
choses ensaparole, et les meilleurs Princes et évesques
l'avoient fait, comme il se lisoit au livre de la Bible,
histoire ecclésiastique et escrits des plus anciens doc-
teurs. Et si on demandoit aux soliciteurs de la protec-
tion en quoy les libertez et fors avoient esté rompus,
ils ne pourroient respondre autre chose, sinon en ce
qu'ils ne gouvernoient toutes choses plustot à leur
appétit que par les fors. L'infraction desquels, au cas
en y eut, le peuple devoit débattre par remonstrances
et requestes, non pas par armes, et le Prince les répa-
rer par la raison. Qu'ils dévoient donc prendre cette
voye plustot que celle de la rébellion et sédition, qui
estoient le venin plus mortel et la peste plus conta-
gieuse qu'on pourroit trouver pour soudainement
ruiner un estât et consumer un peuple, et ils trouve-
roient Sa Majesté volontaire et prompte à leur accor-
der tout ce que le for leur commanderoit et Dieu lui
1. Variante : religion catholique.
2. On a ajouté : elle croioit que.
i
ET NAVARRE. 187
permettroit. Que le François vouloit estre leur protec-
teur et ils n'estoient point en danger, leur tuteur et ils
n'estoient pas mineurs, leur libérateur et ils n'estoient
point esclaves, et leur rendre la religion qu'ils n'avoient
point perdue; à quoy, s'ils pensoient bien, ilsauroient
la protection d'autant plus suspecte, qu'il l'offroit
avant d'en estre requis, et vouloit donner secours à ceux
qui n'en avoient nul besoin. Qu'il y avoit donc quel-
que cabale sous ces mots, par laquelle on les vouloit
tromper, mais que la diversité des mots ne pouvoit
pas diversifier l'essence des choses, ny le mal, prenant
le nom de bien, perdre sa propriété. Qu'on leur pré-
sentoit en apparence protection, liberté et paix, mais
eneffecton les mettoit en sujection, servitude et guerre,
avec tous les maux qui suivent les guerres qui sont
toutes pleines de fâcheries, despences, insolences,
pilleries, violences, violements, blessures et meurtres,
mais que les civiles apportoient plus de mal en un seul
jour que toutes les autres en dix ans, et celles de ce
tems les surmontoient en toutes sortes de maléfices.
Qu'ils jugeassent donc plustot de loin que l'expéri-
menter de près, qu'elle seroit cette belle protection
du François, par le mauvais traittement qu'il fesoit à
ses sujets qui ayans eux-mesmes fondé cet estât avec
les plus belle autoritez que jamais autres eussent, tant
sur la personne des Rois que tous les affaires du
Royaume, fut pour les finances, la guerre ou la paix,
partages et successions des enfans royals, estoient
néantmoins aujourd'huy plus rudement et servilement
traittez que tout le reste de l'Europe et réduits en telle
servitude que parler seulement de tenir Estas estoit
crime capital, et parler de prendre advis des Estas sur
188 HISTOIRE DE BÉARN
l'occurance des affaires plus urgens, faire le Roy sujet
du peuple, et leur remonstrer les nécessitez du Royaume
et leur demander aide, faire le Roy mandiant. Lequel
cependant imposoit tous les jours à son peuple plus de
nouveaux imposts qu'il ne croissoit de sapins en leurs
montagnes. Que telle seroit leur condition après qu'ils
auroient receue l'armée que Tarride amassoit en Gas-
congne, laquelle les soliciteurs trainoient plus par force
qu'ils ne conduisoient de bonne volonté, et ne marchoit
que sous l'asseurance qu'on luy donnoit que tous les
Béarnois se joindroient à elle. Et Tarride avoit plus de
fiance en leur révolte qu'en ses troupes qui n'estoient
suffisentes pour envahir le païs. Car combien que
Béarn fut fort petit, il n'estoit néantmoins si aisé à
conquester qu'on pourroit penser, s'ils se vouloient
bien entendre avec M. le lieutenant-général et vou-
loient joindre leurs volontez et forces aux sienes, car
les forces unies, bien que petites, estoient invincibles,
où les grandes disunies estoient foibles et faciles d'estre
ruinées, comme plusieurs flèches liées en un faisseau
ne pouvoient estre ^rompues par un homme quelque
fort qu'il fut, Festoient toutesfois facilement chascune
à part par un foible ; et les villes, qui séparées l'une
de l'autre estoient foibles , liées par la chaine du bien
public, se conservoient les unes les autres, ne plus ne
moins qu'es corps des animaux les parties vivoyent,
se nourrissoient et prenoient esprit de vie par la liai-
son des unes avec les autres, et soudain qu'elles
estoient séparées, ne prenant plus de nourriture, se
corrompoient et pourrissoient. Sy donques les villes
et villages du pais vouloient avoir une bonne intelli-
gence ensemble et s' entresecourir, jamais l'ennemi ne
ET NAVARRE. 189
seroit si téméraire de se venir enfourner dedans un
pais où le peuple n'auroit qu'une volonté, un cœur et
un bras. Que s'ils estoient résolus faire le contraire, il
les prioit se vouloir souvenir que les armes estoient
journalières et donnoient aujourdhui au vaincu ce
qu'elles avoient donné hier au victorieux. Et la guerre
qui se préparoit contre Béarn estoit sujette au mes-
mes accidens que celle qui se faisoiten France, laquelle
vraysemblablement finiroit par une paix , comme
avoient fait les deux précédentes, et les biens, hon-
neurs, dignitez et religion seroient rendus à ceux qui
les avoient perdus. Ainsi si pour leur lascheté lors le
François ce trouvoit saisi de quelque partie de Béarn,
il la restitueroit à la Roine et ils seroient contrains
de retourner sous l'obéissance d'icelle avec l'ignomi-
nieuse marque de félonnie, et se trouveroient trompez
s'ils se promettoient autre fin de toute cette guerre,
quelque espérance qu'on leur donnast du contraire,
car le Roy, comme il estoit raisonnable, postposeroit
toutes autres choses au repos de son peuple ; veu
mesmement que Béarn pour sa povi^eté ne le pouvoit
enrichir, ni pour sa petitesse agrandir, et luy servoit
plus en la main d'autruy qu'en la sienne propre, pour
d'autant plus eslongner de luy le voisinage de l'Espa-
gnol, qui aussi ne vouloit voir Béarn au pouvoir du
François. Et la perte que la Roine pourroit faire cepen-
dant, estoit de petite inportance, car Navarrenx, qui
n'estoit pas morceau pour l'ennemi, gardoit ce qu'elle
avoit de plus prétieux ; mais qu'à eux il leur y alloit
de leur totale ruine, car l'armée qui entreroit pour
envahir le pays, seroit incontinent suivie d'une autre
pour le défendre, et il faudroit qu'ils nourrissent l'une
190 HISTOIRE DE BÉARN
et l'autre, et souffrissent les reproches, injures, coups
et violences de toutes deux, outre les exécutions de la
justice, qui en la paix les molesteroit plus que les
armes n'auroient fait en la guerre. Et n'y avoit rien qui
les peut garentir de toutes ces misères que la seule
persévérance en la fidélité de vrays sujets, laquelle ils
dévoient préférer à tout ce qu'on leur promettoit et
luy postposer toutes les pertes qu'ils pourroient
craindre du costé de l'ennemi. De quoi Monsieur le
lieutenant les prioit au nom de la Roine, leur dame
naturelle et légitime, et de Monsieur et Madame, ses
enfans. Qu'il les avoit jusques lors traittez en toute
douceur, les pensant mieux entretenir en devoir par
cette voye que par celle de la rigueur, mais qu'il crai-
gnoit avoir perdu son tems, car ils sembloient s'en-
durcir tous les jours davantage. Toutesfois il aimoit
mieux qu'on peut dire la coulpe des maux qui estoient
préparés au païs, estre procédée de leur malice plus-
tôt que de. sa rigueur. Que pour leur oster toute
excuse d'ignorance, il leur avoit voulu faire entendre
Testât libre de la Roine et son intention de défendre
le pais et leur descouvrir la sinistre intention des enne-
mis, comme aussi il ne leur vouloit celer la juste sus-
pition qu'il avoit de plusieurs choses qui se fesoient en
maints lieux du pais au déservice de Sa Majesté ; ce
qu'il avoit tousjours dissimulé plustot qu'ignoré ,
pour ne donner apparente occasion à leur pour-
pensée rébellion, et s'estoit promis toute autre chose
d'eux qu'il n'oyoit et voyoit, car leurs cœurs sem-
bloient du tout fallis quand il leur parloit de faire
teste à l'ennemi et défendre le païs, et ils parloient de
telle bouche des forces ennemies qu'ils sembloient les
ET NAVARRE. 191
désirer plustot que craindre et les vouloir caresser
plustot que repousser. Qu'ils avisassent donc de ne
perpétrer une si lourde faute, laquelle nul repentir ne
pourroit réparer après avoir esté faite. Que les sages
prévoioient le mal et l'évit oient, que les fols s'y pré-
cipitoient sans le prévoir, mais les passionnez s'y
fourroient à leur escient, ce qu'il avoit craint qu'ils
fairoient à son grand regret et ruine de tout le pais.
Le peuple se monstra en apparence fort attentif à
ces remonstrances et promit de continuer en l'obéis-
sance de leur Dame et de s'opposer à tous ceux qui
voudroient entreprendre sur le pais, et protestoient de
n'estre jamais entrez en volonté de changer de sei-
gneur et moins de vouloir recevoir autre protecteur;
mais leurs faits desmentirent incontinent leurs paroles.
Et ce qui avoit esté ordonné pour la défense du pais
s'exécutoit lentement et avec lascheté, et J. de Borde-
nave et Hiéronim de Marca\ conseillers, ausquels
avoit esté donnée la commission de faire mettre des
vivres dedans Navarrens , la seurent si bien dilayer,
qu'à l'arrivée de Tarride, rien n'y avoit esté apporté.
Le 13 de mars le prince de Condé, après s'estre
rendu au sieur d'Argence ^, fut tué [de sang-froid] à
Bassac^ par Montesquiu^ gentilhomme gascon, capi-
1 . Jérôme de Marca , de Gan, conseiller au Conseil souverain
de Béarn, président de la Chambre criminelle, marié à la fille de
Jean d'Arrac, jurât de Gan (Arch. des Basses-Pyrénées, E.
1262, 1264). C'est le père de l'historien Pierre de Marca, arche-
vêque de Paris et ministre sous Louis XIII.
2. Cibar Tison, seigneur de Fissac, dit d'Argence, chambellan
de Charles IX.
3. Canton de Jarnac, arrondissement de Cognac (Charente).
4. On écrit ordinairement Montesquiou.
192 mSTOIRE DE BÉARN
taine des gardes de Monsieur d'Anjou. Sa mort donna
aux soliciteurs de la protection plus d'asseurance et
d'hardiesse que toute l'armée que Tarride dressoit.
Ils s'approchèrent de Béarn et mirent la compagnie du
jeune Gohas* à Tarbe en Bigorre, où furent dressées
six autres compagnies de Bigordans et dix autres
furent logées à Arsac * et à mesures que ces forces
s'approchoient dehors, le peuple tumultuoit plus ou-
vertement dedans. Gela donna asseurance à Arros que
tout le pays alloit en révolte générale, à laquelle ne
pouvant apporter le remède nécessaire, il voussit au
moins s'asseurer de la ville d'Oloron pour servir d'es-
paule à Navarrens et de retraitte à plusieurs qui s'en
alloient contraints d'abandonner leurs maisons. Mais
d'autant qu'il ne le pouvoit faire tant qu'Esgarrebaque,
partisan de la protection, seroit dedans, il fut con-
seillé par Gramont de le faire venir à Navarrens pour
l'induire de lui remettre Oloron, car il pensoit que
pour le parentage et ancienne amitié qui estoit entre
eux, Esgarrebaque fairoit tout ce qu' Arros voudroit ;
mais le vent des promesses de France avoit déjà per-
verti son entendement. Arros lui remonstra donc
privément et familièrement, le 27 de mars, la juste
occasion qu'il avoit de se deffier de ses enfans, aux-
quels il se laissoit totatelement gouverner et leur avoit
permis de faire plusieurs choses qui estoient contraires
au service de la Roine et au repos du pais. Qu'il crai-
gnoit que ses enfans l'attirassent à la ligue de la pro-
1. N, de Biran, seigneur de Gohas, tué en 1573 au siège de La
Rochelle. Ce fut l'un des assassins de Coligny.
2. Arzacq, chef-lieu de canton de l'arrondissement d'Orthez
(Basses- Pyrénées) .
ET NAVARRE. 193
tection, de laquelle il estoitbien asseuré qu'ils estoient;
mais qu'il savoit avec quels juremens il lui avoit tous-
jours asseuré de demeurer fidèle au service de la
Royne et à la conservation de cest estât. Et sur ceste
promesse, il avoit esté mis dedans Oloron, mesmes à
la réquisition de ceux de la religion* réformée, qui
pour la confiance qu'ils avoient prise de sa prudhomie,
l'avoient préféré à tout autre, et la Royne lui avoit
ainsi commandé pour la bonne opinion qu'elle avoit
conceue de sa fidélité. Qu'il restoit de mettre en effect
toutes ces promesses, car les ennemis estoient sur le
point d'entrer dedans le pais et le peuple de se révolter,
et il estoit contraint de faire trie des vrais Béarnois
d'avec les faux françoisez, et loyals et fidèles sujets
d'avec les traistres, lesquels il vouloit retirer dedans
Navarrens et Oloron, pour ce que ces deux villes, par
leur proximité et la commodité de la rivière, se pou-
voient tellement favorir l'une l'autre que si les enne-
mis en vouloient attaquer l'une, l'autre la pourroit aisé-
ment secourir et leur donner tant d'affaires que laRoine
auroit ce pendant loisir dé leur envoyer secours , ce
qu'elle fairoit sans doubte, et le plus grand service
qu'on luy pourroit faire en cette nécessité estoit de
temporiser l'ennemi. Qu'il avoit donc pensé de mettre
deux ou trois compagnies dedans Oloron avec la
sienne qui y estoit déjà, tant pour garder la ville que
pour donner retraitte à tant de misérables familles qui
s'en alloient exposées à l'insolence, avarice et lubricité
des gens de guerre et la cruauté de la populasse. Et
pour ce que son aage ne lui permettoit de prendre
1. On a ajouté : prétendue.
13
194 HISTOIRE DE BÉARN
seul tant de labeurs que ces affaires si urgens requé-
roient, il avoit pensé de lui communiquer la moitié
de sa charge avec la mesme autorité et émolumens que
la Roine lui avoit donnez, laquelle il luy prioit vouloir
recevoir et demeurer avec luy à Navarrens, pour de là
faire les entreprises et exécutions que les affaires leur
monstreroient devoir estre faites.
Esgarrebaque refusa l'un et l'autre, disant que mettre
maintenant autres compagnies que la sienne dedans Olo-
ron, estoit lui déclarer qu'on se deffioit de lui et faire un
préjugé de trahison sur soy; mais qu'il estoit homme de
bienet feroittousjours preuve de sa fidélité et n' avoit rien
promis qu'il n'eut intention de le tenir et parlant avec
les capitaines La Motte ^ et La Renaudie ^ usa de paroles
fort [braves^] et pleines de menaces. Gela augmenta
le supçon qu'on avoit de lui et fut cause de le faire
arrester dedans son logis et d'oster les armes à ses
soldats. Le mesme jour sur le soir Arros, s'asseurant
que l'entrée ne lui seroit refusée, partit de Navarrenx
avec seulement quarante ou cinquante harquebusiers à
cheval pour se saisir d'Oloron. La porte du pont lui
fut ouverte par Courtoysie^ sergent d'Esgarrebaque,
qui ne voyant son capitaine en ceste troupe, courut
advertir ceux du bourg dessus, qui est le principal et
1. Jean de La Motte, de Bosdarros, capitaine du parsan (dis-
trict) de Pau, marié à Adrienne de Béon (Arch. des Basses-Py-
rénées, E. 1632, 1749 et 2131). Il était frère d'un autre capitaine,
Pierre de La Motte.
2. Nous ignorons si ce capitaine était de la famille de La Re-
naudie, dit La Forest, chef avoué de la conjuration d'Amboise.
3. Variante : rudes.
4. Il y avait plusieurs familles de ce nom à Carresse et à Arau-
juzon (Basses-Pyrénées).
I
ET NAVARRE. 495
le plus fort de la ville, qai est séparée en deux par
portes et murailles, tellement qu'Arros, se présentant à
la porte dudit bourg, trouva la femme d'Esgarrebaque *
sur la muraille qui lui refusa l'entrée avec beaucoup
d'injures accompagnées d'arquebusades. Ainsi Arros
voulant surprendre autruy fut si bien surpris luy-mes-
mes que, si ceux de dedans la ville et du faux-bourg
se fussent entendus et eussent eu le courage de le
charger, vraysemblablement il estoit deffait, [mais
Dieu leur osta le cœur et le sens.] Néantmoins ceux
du faux-bourg du Marquadet^ dressèrent une barriquade
au bout du pont pour l'enclorre entre la ville haute et
eux. Cela donna prou de peine à Arros qui ne sçavoit
s'il devoit assaillir la ville ou s'en retourner. Le pre-
mier avoit de la difficulté pour le peu d'hommes qu'il
avoit et estoit encores plus dangereux, si le peuple
reconnoissant sa foiblesse l'eut chargé par derrière,
comme il eut esté au combat ; et le dernier sembloit
faire brèche à son honneur, outre qu'il attendoit les
capitaines La Motte et Lurbe ^ ausquels il avoit com-
mandé de le venir joindre par l'autre costé de la
rivière ; mais ils avoient esté constraints de faire un si
long tour qu'il leur fut impossible d'arriver à tems.
Et si Arros eut osé bazarder sans eux de mettre le feu
aux portes et d'assaillir la ville, vraysemblablement il
1 . Gratianne de Navailles , dite de Saint-Saudens , seconde
femme d'Esgoarrabaque. Elle lui survécut et on lui restitua les
biens de son mari.
2. Le quartier Marcadet est aujourd'hui compris dans la ville
d'Oloron.
3. Simon de Lurbe, capitaine et maître des réparations des
chemins, marié à Gratianne de Pilan, fille de Jean de Pilan, mé-
decin de Lescar (Arch. des Basses-Pyrénées, E. 1097 et 1783).
196 HISTOIRE DE BÉARN
l'emportoit, car les meilleurs soldats estoient dehors ;
mais il craignoit sagement de faire une perte notable
et mettre en hazard Navarrenx, qui fut demeurée dé-
solée et despourveue, si lui, comme il pouvoit avenir,
ou ceux qui estoient avec luy fussent péris là. Parquoy
résolu de se retirer sur la diane, il fit charger ceux
qui estoient à la barriquade du pont, qui du commen-
cement firent bonne mine, encores qu'ils fussent brus-
quement assailliz, mais voyans arriver la compagnie
d'Espalengue, commandée par Incamps', son enseigne,
qui les chargeoit par derrière, ils s'estonnèrent et gai-
gnèrentau pié. Quelques uns furent tués en fuyant.
La Motte et Lurbe,ne sachans rien de cette retraitte,
arrivèrent environ midi à leur rendés-vous, qui estoit
à l'autre faux-bourg d'Oloron, nommé Saint-Pée; mais
la ville estoit déjà pleine d'hommes que Bonasse, Las ^
et les fils d'Esgarrebaque ^, advertis par la femme
d'Esgarrebaque \ y avoient conduits. Las fit une
sortie sur La Motte et Lurbe entre lesquels l'escar-
mouche fut si chaude que. Las et La Motte venus aux
mains. Las demeura mort. Cela estonna si bien ceux
de dedans qu'ils n'osèrent plus sortir et se fussent ces
deux capitaines retirez sans grande perte, si environ
trente et six soldats de ceux de Lurbe ne se fussent
1. Antoine d'Incamps, seigneur d'Abère d'Asson et du château
d'Arudy, neveu du capitaine Poqueron et son héritier (Arch. des
Basses-Pyrénées, E. 1890 et 1891).
2. Per-Arnaud de Forpelat, seigneur de Làas,
3. L'aîné était Jacques III de Sainte-Golomme, plus tard sei-
gneur d'Esgoarrabaque ; le cadet Tristan de Sainte-Golomme,
abbé de Sauvelade. Tous deux fils de la première femme de leur
père, Catherine de Montbrun.
4. Gratianne de Navailles.
ET NAVARRE. 197
révoltez, qui s'estans saisis de quelques maisons com-
mencèrent de tirer sur leurs compagnons avec beau-
coup plus de domage que ceux de la ville. Ceux du
faux-bourg, estans joins à ceux-là, firent incontinent
penser aux deux capitaines de leur retraitte, laquelle
eust esté fort heureuse, si quelques soldats de La
Motte ne se fussent opiniastrez dedans le temple de
Saint-Pée, qui estoit tout joignant la porte de la ville,
où [après s'estre rendus] ils furent massacrez [de
sang-froid] et laissez nuds sur le carreau l'espace de
trois jours. Quelques autres, se pensans mieux sauver
seuls qu'avec leurs capitaines et leurs compagnons,
s'escartèrent et furent assommez par la populasse,
mais ceux qui demeurèrent en la troupe furent tous
sauvez et ramenez à Navarrenx. Gramont y arriva en
mesme tems, et comme il avoit esté autheur de la prise
d'Esgarrebaque, aussi fut-il cause de le mettre en
liberté avec tous ceux qui estoient avecluy, sous jure-
ment qu'il donneroit licence de sortir aux ministres et
à tous autres de la religion ' réformée qui estoient à
Oloron et les fairoit conduire en seurté à Navarrenx,
mais il fit tout le contraire.
[Les conseils chancellans et irrésolus sont très dan-
gereux aux affaires extrêmes et Esgarrebaque ne
devoit estre arresté, si on n' avoit délibération de le
retenir et le réprimer à bon escient. Car tout ainsi
qu'un petit d'eau jettée sur un grand feu ne fait que
l'allumer au lieu de l'esteindre, pareillement une légère
et petite exécution augmente plustot qu'elle n'appaise
une grande sédition et irrite d'avantage les séditieux,
car l'injure qu'on prêtent avoir receue accroît l'animo-
1. On a ajouté : prétendue.
198 HISTOIRE DE BÉARN
site et le désir de vengence fournit un spétieux pré-
texte d'exécuter ouvertement les passions couvertes
sous couleur de se venger. Aussi tous ceux qui solici-
toient ou désiroient le changement de la protection,
prinrent de cest emprisonnement une apparente
occasion de commencer manifestement leur sédition,
conmie s'ils eussent esté contraints de recourir aux
armes pour défendre leurs propres vies, et hastèrent
l'entrée de Tarride. Et les compagnies qui estoient à
Tarbe entrèrent en Béarn pour joindre Bonasse qui
estoit à Oloron et commencer ensemble l'hostilité, et à
ces fins Sainte-Colome escrivit la lettre suivante audit
Bonasse :
« Monsieur mon capitaine, devant que j'aye receu
vostre lettre, je vous avoi escrit et vous faisoi entendre
comme Monsieur de Tarride n'estoit point encores
arrivé à cause que Monsieur de Monluc a envoyé qué-
rir le capitaine Thiboville\ commissaire de l'artillerie,
pour ce qu'il bat Mucidan*. Mais nous y avons envoyé
deux gentilshommes pour le faire avancer à toute
bride. Mais les eaux sont si grandes qu'il n'est possible
de passer et en aurons responce dans quatre ou cinq
jours. Cependant je fais avancer le capitaine Gohas
avec six compagnies de gens de pié et deux petites
pièces que Messieurs les gouverneurs de Bigorre nous
ont prestées et pense que cette nuict nous exécuterons
le fort de Pontac^ Avisez, si vous voulez que je passe
1. Claude de Thiboville.
2. Mussidan, chef-lieu de canton de l'arrondissement de Ribérac
(Dordogne).
3. Pontacq, chef-lieu de canton de l'arrondissement de Pau
(Basses-Pyrénées).
ET NAVARRE. 199
avec lesdites compagnies, pour m'aller joindre avec
vous à ArudiS mais seroit besoin que m'en advertis-
siez de bonne heure et j'ensuivray vostre volonté,
pour nous aider de ce que nous avons, attendant la
venue du dit sieur de Tarride. Monsieur de Peire s'en
est allé du costé du Vicvieil pour amasser tout ce qu'il
pourra, et je luy despèche à l'heure présente pour le
faire marcher avec sa troupe droit à nous. Quand à
Monsieur de Gramont, je viens d'estre adverty asture
mesme qu'il se retire à Hagetmau et à grand peine
qu'il se mesle de cette guerre. Monsieur le baron de
Larboust est avec luy pour l'engarder tant qu'il peut,
jusques à asseurer qu'il s'asseure que Monsieur de Gra-
mont ne prendra jamais les armes contre le service du
Roy, jusques en donner les démenties. Je vous prie de
faire marcher avec vous les valées d'Aspe et de Barétons.
[Je praticque tant que je puis sur vostre parole.] Si
vous escrivez à Peirot de Pey * à Nay, ce seroit bien
fait, et vous prie m'advertir de vostre délibéra-
tion. Vous adviserez si vous devez faire rompre un
arche du pont d'Oloron de deçà pour la seureté de la
ville et me semble que l'artillerie n'y pourroit aller.
De Saint-Pée, 2 april 1569. [Vostre meilleur voisin
prest à vous faire service. A. de Sainte-Colomme.] »
Pareillement Gramont, qui avoit tousjours asseuré
Arros d'employer sa personne et ses biens pour la
1. Arudy, chef- lieu de canton de l'arrondissement d'Oloron
(Basses-Pyrénées) .
2. Peyrot de Pey figure souvent dans les registres des notaires
de Nay; en 1558 il était sous-fermier de la bailie de cette ville
(Arch. des Basses-Pyrénées, E. 1732, P^ 100 et 276). En 1538, il
possédait quatre maisons à Nay et un domaine rural (même dépôt,
B. 720, fo 83).
k
200 HISTOIRE DE BÉARN
défence du pais, et mesmes avoit retiré dedans Navar-
renx, une bonne partie de ses plus prétieux meubles
prétendant, ainsi qu'il disoit, d'y retirer sa famille à
la nécessité, changeant lors d'opinion, fit raporter ses
dits meubles à Vidache, où il se retira, prenant
excuse sur l'infidélité des Béarnois et le peu de
forces qui demeuroient avec le lieutenant général,
car déjà la plus part des soldats avoient quitté les
enseignes et estoient joints aux ennemis; et le desbor-
dement de leur infidélité estoit si grand, que ceux qui
ne pouvoient se desrober le jour par la porte, se jet-
toient la nuict par la muraille estans en sentinelle. [Et
la noblesse et les soldats ne se révoltèrent pas seule-
ment, mais aussi tout] le menu peuple, ou fort peu
exceptés, de tous ceux qui fesoient profession de la
religion [romaine^] print aussi les armes pour l'ennemi;
et ceux qui, pour l'imbécilité du sexe, aage ou indis-
position du cors, ne les pouvoient porter, donnoient
signes certains de la joye qu'ils avoient de ce change-
ment [de seigneur, et les capitaines Béarnois de la
protection, qui avoient jà receu secrètement la com-
mission de lever des compagnies sur le pais, n'eurent
pas grande peine de les dresser, car les soldats les
vindrent volontairement trouver et la plus part armez
des armes de la Roine que le lieutenant général leur
avoit fait bailler du magazin de Navarrenx.]
Esgarrebaque relasché et Gramont retiré, Arros
fit un tour jusques à Pau pour entendre Testât des
affaires de ce quartier, où les révoltes commençoient
aussi bien qu'ailleurs, et la guerre ouverte y conmiença.
1. Variante : catholique
ET NAVARRE. 201
Le 3 d'avril les compagnies des capitaines Gohas,
Lisos*, Baudian% Vielle-Pinte% Bégole*, Vielle-Nave%
Aiirout% Sainte-Vif et Angosse* arrivèrent à Pontac.
Le temple estoit assés fort pour la main, et Abbadie,
gendarme de la compagnie de Gernac^, y commandoit
à ceux de la religion [romaine *"] qui, ayans mis dehors
tous ceux de la réformée, avoient promis de le garder
fidèlement, mais ils le rendirent l'endemain sans avoir
jamais tiré une seule harquebusade. [Les maisons de
ceux de la religion réformée, qui s'estoient retirez où
ils avoient peu, furent pillées et toutes cruautés exer-
cées à rencontre des personnes qui furent apréhen-
1. Sans Ûoute le seigneur de Lizos, canton de Pouyastnic,
arrondissement de Tarbes (Hautes-Pyrénées). En 1495, cette
seigneurie appartenait à Marguerite Dufour, mariée à Pierre de
Forges (Arch. des Basses-Pyrénées, E. 385).
2. Le seigneur de Baudéan, canton de Gampan, arrondissement
de Bagnères-de-Bigorre (Hautes-Pyrénées).
3. Jean, seigneur de Viellepinte ; il avait un fils nommé Ar-
naud; tous deux en 1568, à Rabastens, vendirent la seigneurie de
Viellepinte (Arch. des Basses-Pyrénées, B. 2153, f»* 91 et 191).
4. Antoine de BégoUe, marié à Jeanne de Bourbon-Lavedan.
5. Peut-être le seigneur de Villenave, canton d'Ossun, arron-
dissement de Tarbes (Hautes-Pyrénées). — On trouve aussi Jean
de Viellenave, enseigne de Gabriel de Luxe, capitaine navarrais
en 1566 (Arch. des Basses-Pyrénées, B. 147, f" 15).
6. Nous ignorons quel était ce capitaine.
7. Nous n'avons aucun renseignement sur ce personnage qui
n'était pas Bernard de Saint- Abit, gouverneur de Navarrenx
avant les troubles.
8. Probablement le seigneur d'Angos, canton et arrondissement
de Tarbes (Hautes-Pyrénées).
9. Samson d'Abbadie, homme d'armes de la compagnie de
M. de Jarnac, marié à Catherine de Bescat (Arch. des Basses-
Pyrénées, E. 2001, f' 124). — Dans un acte de 1562, il est désigné
comme étant de Pontacq (même dépôt, E. 1735, f° 5).
10. Variante : catholique.
202 HISTOIRE DE BÉARN
dées et un cordonnier, homme impotent, fut pendu à
la fenestre du logis du capitaine Gotias.]
Ce mesme jour Gerderest et Peire, accompagnés
quasi de toute la noblesse et de la populasse de ces
quartiers, se saisirent de tout le Vicvieil^ et firent pri-
sonniers Pierre de l'Ostau et Mathieu du Bédat^
ministres à Lembeye^ et saccagèrent tous ceux de la
religion'' réformée. De là ils allèrent à Morlas, où ils
furent joyeusement receus par tout le peuple. Ceux de
la religion furent pillez et Loys de La Borde ^ qui
avoit esté mis dedans le couvent des Jacopins avec
trente soldats, ayant esté abandonné d'eux, le rendit à
la première sommation. Sus de Bougarbé^ fut envoyé
au chasteau de Navailles'. De Pontac les troupes vin-
drent devant Nay où les joignirent Luxe avec sept
compagnies de Basques et Bonnasse avec les popu-
lasses d'Ossau, Aspe et Barétons. Le capitaine Espa-
lengue estoit dedans Nay avec sa compagnie qui estoit
fort descreue et ce qui restoit remply de mauvaise
volonté, car une grande partie de ses soldats s'estoient
secrètement desrobez et quasi tous ceux qui lui res-
toient avoient intelligence avec l'ennemi. Lequel ils
1. Le pays de Vic-Billi est compris dans l'arrondissement de
Pau (Basses-Pyrénées).
2. En 1566 ce ministre étudiait à Genève (Livre du Recteur,
p. 14).
3. Chef-lieu de canton de l'arrondissement de Pau (Basses-Py-
rénées),
4. On a ajouté : prétendue.
5. Louis de La Borde, seigneur de Beucaire, jurât de Morlàas,
général des monnaies de Béarn, trésorier de Bigorre.
6. Le seigneur du château de Sus, situé à Bougarber, canton de
Lescar, arrondissement de Pau (Basses-Pyrénées).
7. Canton deThèze, arrondissement de Pau (Basses- Pyrénées).
ET NAVARRE. 203
eussent mis dedans dès le premier jour, sans la vigi-
lence du capitaine et de ceux de sa religion, tant de la
ville que d'autres lieux, qui s'y estoient retirez, pen-
sans sauver leurs vies, mais non pas en tel nombre
que ceux de la religion [romaine^] n'y fussent les plus
forts. Lesquels, le 7 d'avril environ trois heures après
midy, conduits par Julian de Castets^, sergent de
ladite compagnie, comme ceux qui avoient veillé toute
la nuit reposoient, ayans promptement rompu une
porte à coups de hache, mirent les ennemis dedans la
ville. Du commencement tous les habitans receurent
pareil traittement ; mais s'estans reconnus, le pillage
cessa pour le regard de ceux de la religion [romaine ']
et continua sur ceux de la réformée. Le sac fut grand,
car la ville estoit marchande, et ceux de la religion
n' avoient rien desplacé comme avoient les autres, qui
avoient mis dehors le plus précieux et le plus maniable
de leur bien. Ceux de la religion réformée sortirent
comme ils peurent par la porte du pont, à travers la
compagnie d'Angosse qui y estoit en garde. Les uns
furent faits prisonniers, les autres se sauvèrent et n'en
y eut de tuez qu'un, [l'avarice des assiégeans qui
s'attendirent au pillage, leur donnant la commodité de
se sauver]; mais lapopulasse des villages les poursuivit
avec une plus grande animosité [et cruauté.] Glave-
rineS de Pontac , fut massacré et noyé à Coar-
1. Variante : catholique.
2. Nous pensons que Castet est ici le nom d'un village du canton
d'Arudy, arrondissement d'Oloron (Basses-Pyrénées).
3. Variante : catholique.
4. Peyroton de Glaverine, dit Larriu (Arcli. des Basses-Pyré-
nées, B. 800, f° 7). En 1605 nous retrouvons cette famille: Domenge
de Glaverine, de Pontacq, régent des écoles de cette ville, marie
204 HISTOIRE DE BÉARN
rase*, et Antoine Bonfil, clavetier *, [aagé de 70 ans], fut
tracassé par les rues de Nay avec un licol au col par
Marc Estienne et Arnaud l'Organiste ^ serviteurs
domestiques de Gohas, qui n'ayans trouvé personne
qui le voussit racheter seulement d'un teston, l'arque-
bousèrent et puis le jettèrent dedans la rivière ; et
Auge Du FaurS de Beuste^, qui durant le siège avoit
esté blessé d'une harquebusade, après avoir esté trainé
nud, battu et tourmenté, fut jette dedans un feu. A
Peyrot de Pey, jurât dudit Nay, [ne servit rien d'estre
de la religion romaine, car la nuict suivante] il fut tué
[de sang froid ^] et jette dedans la rivière par comman-
dement de ceux qui commandoient aux . troupes ,
faschez de ce qu'il s'estoit rengé du costé [de ceux qui
défendoient le droit] de la Roine ; car il avoit esté du
Judith, sa première fille, avec Pierre Le Maistre, de Montgé-
roult près Pontoise ; les fiançailles furent faites par Jean Dufaur,
ministre de Pontacq, le 9 décembre 1605 (même dépôt, E. 2092,
fo 4).
1. Goarraze, canton de Nay-Est, arrondissement de Pau (Basses-
Pyrénées).
2. Gloutier. Cette industrie est encore très-répandue dans les
villages voisins de Nay. — Antoine Bonfilh, de Nay, avait marié
Pierre, son fils, en 1561 avec Marie, petite-fille de Ramonet de
La Borde, seigneur de Gère (Arch. des Basses-Pyrénées, E.
1730, f° 87).
3. En 1557 (v. s.) nous trouvons Monaud Des Bems, de Lescar,
organiste, témoin d'un contrat relatif aux premières prédications
de Henri de Barran à Nay (Arch. des Basses-Pyrénées, E. 1 732,
P 95).
4. La maison Du Faur existait à Beuste dès 1385 (Arch. des
Basses-Pyrénées, E. 306, f° 49).
5. Ganton de Nay-Est, arrondissement de Pau (Basses-Pyré-
nées).
6. Variante : aussi/.
ET NAVARRE. 205
commencement de l'intelligence des autres, et ils
s'estoient promis d'avoir par son moyen Nay sans le
combattre.
Pendant ces choses , Arros avoit envoyé le
capitaine Nays' avec vingt soldats au chasteau de
Montané ^ pour y commander avec La Bassère^, qui en
estoitchastelain, et auquel depuis le commencement de
ces troubles trente soldats estoient payez pour la
garde de la place qui estoit forte ; au lieu desquels
il n'avoit que deux ou trois paisans, et ne voulut rece-
voir Nays ny ses soldats, combien qu'il ne fit conscience
de prendre la solde que Nays luy apportoit pour ce
mois et lui* délivra, pensant par ce moyen l'induire à le
recevoir; mais comme ils contoient l'argent, la popu-
lasse se jetta sur les soldats de Nais, qui, oyant le
bruit, sortit du chasteau et les treuvant déjà en route
et la plus part desbalisez et prisonniers, voussit r' en-
trer dedans le chasteau, mais la porte luy fut fermée
et lui tellement chargé par tout le peuple, qu'avec
grande difficulté il se sauva.
Arros estoit encores à Pau, mais voyant qu'il luy
estoit impossible, avec ce peu de forces qu'il avoit, de
s'opposer à l'ennemi, et que tous les jours ce qui lui
restoit en ces compagnies s'escartoit, pensa de se reti-
rer à Navarrenx. Ce qu'il fit si bien à point, que s'il
ne l'eust lors fait, à peine y fut-il jamais entré, car les
ennemis lui couppoient chemin. Les gens du conseil de
4 . Samson de Nays, seigneur de Gastaing de Lucgarrier, marié
à Catherine, fille de Tristan de Navailles, abbé laïque de Béré-
renx (Arch. des Basses-Pyrénées, E. 1626).
2. Montaner, chef-lieu de canton de l'arrondissement de Pau
(Basses-Pyrénées). Le château existe encore en partie.
3. Jean de Durban, seigneur de Labassère.
206 HISTOIRE DE BÉARN
Pau luy voulurent persuader de remettre le gouverne-
ment du pais aux mains de Gramont pour le garder
à Monsieur le Prince, car ses bonnes gens, commandées
plus par leur propre pusillanimité que d'aucune infi-
délité, se persuadoient que le roy de France se con-
tenteroit si le pais estoit mis au pouvoir dudit de
Gramont, d'autant qu'il n'avoit prins les armes pour
ceux de la religion' depuis les premiers troubles. Mais
Arros leur respondit qu'ils se trompoient fort, s'ils
pensoient que ceux qui avoient déjà les armes en main
les posassent pour cela, car ils avoient fait estât d'un
autre Prince que la Royne ; mais qu'il avoit receu le
pais de la Roine, qui en estoit la dame naturelle et pro-
priétaire, et ne le pouvoit mettre aux mains d'autre,
sans le mandement exprès d'icelle, à laquelle il le gar-
deroit de tout son pouvoir, au moins Navarrens, s'il ne
pouvoit tout le reste, puis que tous les Béarnois lui
est oient les premiers contraires, et couroient volon-
tairement à leur ruine, laquelle il rachepteroit de sa
propre vie s'il pouvoit. Avant de se retirer, il voulut
savoir la volonté de ceux de Lesca où commandoit
Eslayou^, qui lui refusa l'entrée, ce qu'il ne fit pas à
neuf compagnies de Gascons qui y arrivèrent l'ende-
main, [guidées par Caubios^, gentilhomme béarnois.]
Elles furent receues par le chapitre et les habitans avec
grande alégresse et acclamations de tout le peuple.
Mais en peu d'heure leur joye fut convertie en pleurs,
car elles pillèrent et saccagèrent toutes les maisons
1. On a ajouté : prétendue réformée.
2. Jean de Soulenx, de Lescar, seigneur d'Eslayou.
3. Auger, seigneur de Gaubios, marié à Jeanne de Brualh (Arch.
des Basses-Pyrénées, B. 2161, f" 34; E. 349).
ET NAVARRE. 207
sans mesmes espargner l'évesque, [combien qu'il
fut de leur faction]. Et outre cela commirent de si
énormes vilainies que les plus barbares n'en commirent
jamais de pires, car après avoir violé quelques autres
femmes, quinze ou seze violèrent publiquement une
misérable ladresse, mariée avec un ladre demeurant à
la ladrerie, et après pour triomphe de leur exécrable
vilainie, la trainèrent par force en dançant par toute
la ville. Deux jours après, ses compagnies furent
remandées pour aller faire escorte à l'artillerie qu'on
tiroit d'Aqs^ et Baionne. Le baron de Larboust, che-
valier de l'Ordre et lieutenant de la compagnie
d'hommes d'armes du seigneur de Gramont, à la
réquisition du conseil de Pau, continuoit tousjours ses
pratiques pour empescher l'entrée de Tarride, avec
promesse que tout le pais de Béarn recevroit la pro-
tection du Roy, pourveu qu'il eut liberté de choisir un
gouverneur, mais il fut renvoyé par les Béarnois de la
protection avec telles reproches qu'il fut contraint de
se retirer, non pas sans leur prédire tout haut le mal
qu'il leur adviendroit de leur entreprise.
Tarride [fut bien fasché du commencement de cette
guerre, et] trouva fort mauvais que, sans lui et à son
desceu et au grand mespris de l'autorité que le Roy
luy avoit donnée sur tout ce négoce, les villes de Béarn
eussent esté prises et saccagées et les habitans tuez et
rançonnez par ceux qui n'avoient puissance ni com-
mandement d'autre que de leur propre ambition, pas-
sion et avarice, Parquoy il leur envoya un gentil-
homme ^ qui trouva les troupes logées au long de la
1. Dax (Landes).
2. Bordenave avait écrit auparavant : Audatix.
208 HISTOIRE DE BÉARN
rivière entre NayetPau. Il leur déclara sa charge et leur
remonstra qu'ils avoient fait contre l'intention du Roy
et la commission de Tarride, qui ne portoit comman-
dement d'user de force ny d'hostilité, qu'en cas de
refus, après que le pais auroit entendu la volonté de Sa
Majesté et eut esté sommé en pleins Estas de recevoir
la protection; que Tarride requéroit les dits Estas estre
promptement assemblez, afin qu'il leur peut déclarer
l'intention du Roy et leur présenter sa commission.
Tous approvèrent cette voye et assignèrent les Estas
pour le 1 4 dudit mois, et s'excusèrent envers Tarride
en la manière qui s'ensuit :
«Monsieur de Tarride, lieutenant général pour le Roy
à la conduite de l'armée envoyée par Sa Majesté pour
prendre en protection et garde le pais de Béarn [et
gens des trois Estas], entendra, s'il lui plaist, ce qui
s'ensuit, par manière d'avertissement, et afin qu'il
n'ignore rien de ce qui a esté fait jusques à présent et
semble devoir estre fait à l'avenir. En premier lieu les
sieurs Béarnois de la protection l'ont déjà averti pour
quelles considérations ils ont esté contraints de
prendre les armes, asavoir pour la défense et protec-
tion de leurs vies, pour sauver Monsieur d'Esgarre-
baque, gouverneur d'Oloron, sa vie et son honneur,
que l'on vouloit faire mourir par la main d'un bour-
reau, et pour sauver aussi ladite ville d'Oloron que
l'on vouloit saisir depuis la prise et emprisonnement
dudit sieur d'Esgarrebaque, et parce qu'ils n'a voient
ville pour se pouvoir tenir en seureté et asseurance
dans ledit pais, d'autant que les rebelles, bannis et
ennemis du Roy se sont saisis des chasteaux, villes et
places fortes dans ledit pais, ladite noblesse a advisé
ET NAVARRE. 209
pour l'asseurance de leurs vies et pour tirer aussi de
captivité les habitans bons serviteurs du Roy de Nay,
de se saisir et entrer dans ladite ville et d'illec se
défendre et conserver pour son service. Et pour ce
que depuis ils auroient receu [Monsieur d'Audaux,
chevalier de son Ordre et séneschal dudit pais, qui
ensemblement] its avoient résolu, suivant le comman-
dement dudit seigneur de Terride, de luy aller au
devant et l'aller trouver la part qu'il seroit avec leurs
compagnies, ils le supplioient prendre en bonne part
s'ils ne le font incontinant, pour ce que le peuple qui
universellement s'est eslevé contre les perturbateurs
susditz et détenteurs des villes en faveur des dits sei-
gneurs du pais, leur a requis de ne les abandonner,
d'autant que les ennemis ne font que courir contre
eux, ravir leurs bestails et biens, et démolir et ruiner
leurs maisons. A cette cause, lesdits seigneurs ont
envoyé vers ledit seigneur pour très humblement le
supplier de considérer que, puisque le peuple s'est jà
déclaré pour son secours et qu'il porte la croix blanche
pour luy, ils seroient endommagez si les forces se
retiroyent des lieux où elles sont à présent pour s'en
aller à la frontière, y ayant unze lieues de plaine, qui
n'est peu de pais, s'il estoit saccagé par les dits per-
turbateurs, comme ils s'en mettent en devoir. Qu'est
cause qu'on le supplie très humblement qu'il veuille
trouver bon qu'on ne bouge des environs dudit Pau,
jusques à ce qu'on saura le jour de son entrée audit
païs, que nous supplions estre le plus tôt qu'il lui sera
possible; et s' approchant dans ledit païs nous luy irons
au devant, car on ne veut entreprendre sur ladite ville
de Pau qu'il n'y arrive ; encores bien que s'ilz se pré-
14
210 HISTOIRE DE BÉARN
sentoyent à ladite ville, ils ne pourroient tenir. Or, suy-
vant la forme que ledit seigneur a mandée pour
semondre ledit pais, les ditz sieurs ont fait assembler,
en la ville de Lescar, les gens des Trois Estaz pour
faire effectuer la volonté du Roy et sienne ; lesquels il
pourra sommer dans deux jours d'aujourd'huy qu'ils
seront assemblez en corps avec le sindic. Et parceque
dans cette troupe seront tous ceux qui, rondement et
sans dissimulation, veulent de tout leur pouvoir faire
efifectuer la volonté de Sa Majesté, et qui de longtems
se sont déclarez pour la faire exécuter, sans attendre
si son ennemy estoit fort ou foible et s'il a perdu la
bataille ou non, pour suivre lèvent, ledit seigneur de
Tarride est très humblement supplié de ne recevoir
aucun autre que se présente à capitulation aucune,
qui ne soit en cette troupe, laquelle se fait forte de
toutes les villes, du peuple, du bas pais et des mon-
tagnes, sauf des [susdites] trois villes rebelles^ les-
quelles ledit seigneur domptera aisément avec ledit
païs et le canon. »
« Et semble à ladite noblesse , si ainsi le trouve
bon, que le premier logis que ledit seigneur doit
faire dans le païs doit estre aux Bordes d'Es-
poey% aux villages de Nostin^ et de Somolon% qui est
le logis le plus apte et commode pour sommer de là
1. Pau, Navarre nx et Orthez.
2. Sur la route de Tarbes à Pau, village dépendant de la com-
mune de Soumoulou.
3. Nousty, canton de Pau-Est, arrondissement de Pau (Basses-
Pyrénées).
4. Soumoulou, canton de Pontacq, arrondissement de Pau
(Basses-Pyrén ées) .
ET NAVARRE. 211
lesditz Trois Estaz et pour luy aller au devant, ce que
luy supplions ne trouver mauvais, car il n'y a lieu
commode près de Pau que ces villages. Et fera con-
duire, s'il luy plait, son artillerie après soy. Et d'ail-
leurs envoyera une compagnie d'hommes d'armes au
devant les grans pièces, avec les compagnies à pied
que luy semblera bon ordonner pour leur tenir escorte,
pour ce qu'il n'y a qu'une grande lieue, d'où nous
serons à luy et luy servirons d'avant-garde. Le che-
min qu'il aura à tenir le meilleur est de Grenade^ à
Serron*, et de là à Sévignac' et puis à Morlàas. Ledit
seigneur dit dernièrement qu'il envoieroit à Grenade
pour advertir quel chemin il tiendroit, de quoy nous
luy supplions se souvenir, afin que l'artillerie sache où
elle doit passer. Aussi, s'il lui plait, faira reveue de ses
gens et aura des prévosts. Et pour ce que ce pais est
mangé par les dits rebelles, la principale chose que
ledit sieur doit faire, c'est de commander au sieur de
La Chapelle^ de faire suivre force vivres et qu'il ne
bouge de là pour nous addresser les dits vivres. Fait à
Bordes^ ce 12! d'apvril 1569. »
Ces articles lèvent le fard de toute cette protection
et monstrent clèrement l'intention de ces gens. Tou-
chant ce qu'ils disent des ravages de ceux qu'ils
1. Grenade-sur- l'Adour, chef-lieu de canton de l'arrondissement
de Mont-de-Marsan (Landes).
2. Sarron-Saint-Agnet, canton d'Aire, arrondissement de Saint*
Sever (Landes).
3. Canton de Thèze, arrondissement de Pau (Basses-Pyrénées).
4. Antoine Lanusse, seigneur de La Chapelle, vice-sénéchal de
Guienne.
5. Canton de Nay-Est, arrondissement de Pau (Basses-Pyré-
nées).
211^ HISTOIRE DE BÉARN
appelent séditieux et rebelles, il est certain que jusques
à leur entrée, nul ri'avoit esté offensé en sa personne
ni en ses biens. Le septiesme article est expressément
contre Gramont, qui depuis la mort du prince de
Condé, s'estoit fort refroidy de l'intelligence qu'il avoit
avec Arros, et avoit comme tirée son esplingue du
jeu, et ceux-ci craignoient qu'il ne se voussit joindre
à Tarride, et que sa grandeur et autorité ne diminuast
la leur et que le Roy lui fît part des plus honnorables
charges de cette guerre.
Pour ne perdre cependant tems ces Messieurs
menèrent leurs forces devant Pau, où ils trouvèrent
plus grande résistance qu'ils ne pensoient. Dedans
la ville estoient le capitaine Augar avec environ
trente soldats Béarnois, qui lui estoient demeurés de
reste de sa compagnie , et le capitaine Lubardès^ avec
autant d'estrangers, et le capitaine La Borde * dedans le
chasteau avec quelques habitans, qui estoient la plus
part à la dévotion de ceux de dehors. Et le séneschal,
accompagné de Luger^, sindic du pais, alla sommer la
ville d'Orthez de se rendre à Tarride, qu'il disoit avoir
charge du roy de France de mettre tout le pais en sa
protection, avec promesse que ledit pais demeu-
reroit à la Royne et au Prince , son fils, et qu'il ne
seroit rien changé ni altéré aux fors et libertez du païs,
1. Probablement le seigneur de Lucbardez, canton et arrondis-
sement de Mont-de-Marsan (Landes).
2. Bernard de Laborde, capitaine châtelain de Pau.
3. Martin de Luger, nommé syndic de Béarn le 9 avril 1568,
destitué pour crime de lèse-majesté le 25 septembre 1570 (Inven-
taire-sommaire des archives des Basses-Pyrénées, tome lit, intro-
duction, p. 92). Il avait épousé Jeanne de Forbet (Arch. des
Basses-Pyrénées, E. 2000).
ET NAVARRE. 213
ni aucun, de quelque religion qu'il fut, outragé en sa
personne ou biens. Le gouverneur Gouse sortit avec
quelques habitans des principaux pour parler à eux et
leur refusa la reddition de la ville, mais bien tost après
les soldats et tout le peuple, qui se révoltèrent en
faveur de ceux qui estoient à la porte, le contraignirent
de leur faire ouverture, ce qu'il fit le 15 d'avril, après
avoir fait retenir acte de la réquisition du sindic, qui
se disoit parler au nom de tout le païs, et des pro-
messes du séneschal au nom de Tarride , et se retira
en sa maison ; mais son enseigne, le jeune capitaine La
Motte \ avec le drapeau et le sergent et une vingtaine
de soldats ou habitans prinrent le chemin de Navar-
renx. Le lendemain la messe, accompagnée des dances
publiques, fut remise dedans la ville et ceux de la reli-
gion réformée pillez, emprisonnez et rançonnez, et le
capitaine Pierre Du Til, qui y estoit aussi en garnison,
print la croix blanche et se mit avec toute sa compa-
gnie avec les ennemis, et le capitaine Gratian, estant
abandonné de ses soldats, rendit le chasteau.
En ce mesme tems^ Damazan avec six ou sept cens
hommes, après quelque légère escarmouche, passa la
rivière au dessous de Sauveterre et se vint présenter
devant la ville où estoit le capitaine Menant deBellocet
environ vingt-cinq soldats qui luy restoient de la révolte
de sa compagnie, et Arboët^ dedans le chasteau avec
1. Pierre de La Motte, de Bosdarros, marié à Jeanne, fille du
capitaine Pierre Du Tilh (Arch. des Basses-Pyrénées, E. 1632,
f» 388). C'était le frère de Jean de La Motte, capitaine. (Voy. p. 194.)
2. On a ajouté : d'avril.
3. Le seigneur d'Arbouet, commune du canton de Saint-Palais,
arrondissement de Mauléon (Basses -Pyrénées). — Peut-être
214 HISTOIRE DE BÉARN
quelques soldats qui, estans sommez, sans autre résis-
tance remirent la ville et chasteau, aux conditions qu'elle
ne seroit aucunement pillée ny ceux de la religion' ré-
formée forcez en leur conscience. Les soldats sortirent
avec les espées seulement et les capitaines avec leurs
armes et bagage, qui se retirèrent en leurs maisons au
lieu de se retirer à Navarrenx, comme firent plusieurs
autres qui sortirent avec eux. Cependant les Basques
ne tindrent rien de ce qu'ils avoient promis, mais
incontinant qu'ils furent dedans, saccagèrent [tous
ceux de la religion réformée^], et ayans restituée
la messe, contraignirent plusieurs d'y aller. Ceux de
Saliis% entendans comme le pais estoit traitté, vindrent
à Sauveterre pour capituler avec Damasan auquel ils
donnèrent dix mille livres, aux conditions que leur
ville ne seroit point pillée. Mais ceux de Belloc^ [ai-
mèrent^] mieux attendre en patience ce qu'il plairoit à
Dieu leur envoyer, qu'entrer en accord ny capitulation
avec les ennemis de leur Royne et de leur religion. De
quoy les Basques furent tant despitez qu'ils y envoyèrent
quelques compagnies conduites par le baron Du Hart^,
lieutenant de Damasan, et Armendaris ', Barrante %
Gaston, seigneur de La Salle d'Arbouet (Arch. des Basses-Pyré-
nées, B. 1416, f 7).
1. On a ajouté : prétendue.
2. Variante : tout.
3. Salies, chef-lieu de canton de l'arrondissement d'Orthez
(Basses-Pyrénées).
4. Bellocq, canton de Salies, arrond. d'Orthez (Basses-Pyrénées).
5. Variante : disoient qu'ilx aimoyent.
6. Jayme, baron d'Uhart, lieutenant de Valentin de Domezain.
7. Jean, seigneur d'Armendarits, châtelain de Saint- Jean-Pied-
de-Port.
8. Bertrand de Navailles, seigneur de Barraute,
ET NAVARRE. 215
Ilhare^ Apechez *, La Sale^ et Oliseri^ A leur arrivée
tous les habitans quittèrent leurs maisons et ne
demeura en toute la ville que deux hommes et trois
femmes de la religion [romaine '^J et un bon homme
vieux de la ^ réformée, qui fut soudain assommé à
l'entrée de sa maison. Et quelques-uns de ceux qui
avoient quitté la ville estans attrapez furent menez
devant Armendaris qui rançonna Saubat d'Abbadie',
jurât, mille francs, et fit massacrer deux autres
hommes qui n'avoient moyen de lui donner argent, [et
voulut contraindre par feu et autres cruels torments
un jeune homme laboureur, nommé Jean Monginot *,
de renoncer sa religion. Ce que n'ayant peu obtenir, à
la fin estonné de sa constance le laissa aller. Mais le
capitaine Melet à Puyos % qui est tout auprès de Betloc,
1. Il y avait deux seigneuries de ce nom dans le pays basque:
l'une dans la commune de Larribar, l'autre est une commune du
canton de Saint-Palais, arrondissement de Mauléon (Basses-
Pyrénées) .
2. Le nom basque est Apesetche.
3. Bernard de La Salle, capitaine (Arch. des Basses-Pyrénées,
E. 1627).
4. Probablement le seigneur d'Élicéiry, commune de Lantabat,
canton d'Iholdy, arrondissement de Mauléon (Basses-Pyrénées).
5. Variante : catholique.
6. On a ajouté : prétendue.
7. En 1538, Saubat d'Abbadie, qui devint jurât de Bellocq,
possédait une maison et 53 arpents de terre (Arch. des Basses-
Pyrénées, B. 2081, fo 10).
8. Probablement fils d'Arnaud-Guilhem de Monginot, petit
propriétaire de Bellocq, qui en 1538 possédait un arpent un quart
déterre (Arch. des Basses-Pyrénées, B. 2081, f 33).
9. Puyoo, canton de Salies, arrondissement d'Orthez (Basses-
Pyrénées).
216 fflSTOiRE DE BÉARN
ne fit pas ainsi à Artigosse \ auquel, l'ayant attaché à un
pau *, il trancha la teste et puis se mit à table pour
disner.] Betloc doncques fut tout à plat pillé par les
Basques, et outre cela plusieurs qui estoient esgarez
parmi les bois furent massacrez et maints autres ran-
çonnez. [Toutesfois Dieu fortifia tellement ces povres
gens qu'il n'y eut péril, danger, perte ne cruauté qui
les fit abandonner la fidélité de leur Princesse ny leur
religion et ne se trouva en tout Betloc que deux
hommes et trois femmes qui retournassent à la messe.]
Les Estas, qui n'avoient jamais peu estre assemblez
par Arros, se trouvèrent à l'assignation à Lesca et
l'évesque d'Oloron (qui, ayant tousjours esté sommé
par ledit Arros de se trouver aux assemblées qu'il
avoit faites pour aviser à la défense du pais, s'estoit
excusé sur sa prêtrise et ignorance de l'art millitaire)
estoit déjà joint aux troupes protectrices et fut le prin-
cipal conseiller et le président de ceste assemblée. La
lettre suivante escrite aux jurats de Pau par Monsieur,
frère du royde France et son lieutenant général, y fut
leue , laquelle j'ay pensé devoir icy ajouster pour
mieux représenter le fonds de toute cette protection
et la contradiction du Roy avec ses parlemens de
Tholose et de Bourdeaux.
« Chers et bien aimez, estimant qu'il pourroit estre
pour le peu d'affection que les sieurs de Gramont et
d' Arros portent au Roy, mon seigneur et frère, ils
i . La famille Artigosse était de Ramous, village contigu à Bel-
locq. En 1538, elle était représentée par Vidau d'Artigosse et
Johanot d'Artigosse, dit Du Tosaa, son gendre (Arch. des Basses-
Pyrénées, B. 801, f" 14).
2. Poteau.
ET NAVARRE. 217
VOUS voulussent empescher de vous assembler aux
Estas, pour vous oster l'occasion d'entendre le juste
désir et affection que Sa Majesté a de conserver et
garder sous sa protection les terres et seigneuries
souveraines du pais de Béarn, et vous oster les moyens
de pouvoir entendre ce que Sa Majesté escrit en géné-
ral à tous les Estas dudit pais. J'ay bien voulu, à toutes
aventures, vous escrire la présente pour vous faire
entendre le contenu en ladite lettre générale, afin que,
nonobstant leur mauvaise volonté, vous puissiez con-
noistre ce qu'elle contient, qui est qu'en l'absence de
la Roine et du prince de Navarre, voz souverains, il se
veut monstrer conservateur et protecteur de leurs
terres et seigneuries de Béarn, et empescher par tous
moyens qu'elles ne soient surprises, usurpées ni pos-
sédées par force, violence ou autrement par aucun
Prince ou autre estranger quelquonque, ne voz fors,
loix et costumes violées et enfraintes ; lesquelles pour
le désir et affection que Sa Majesté porte au prince de
Navarre, vostre souverain seigneur, et pour l'espé-
rance qu'elle a de se servir quelque jour de lui es
grandes affaires de ce Royaume, il veut estre gardées
et conservées, sans qu'il y soit fait aucune violence ;
ne désirant rien tant en ce monde que le voir hors des
mains de ceux qui le possèdent et le détiennent, for-
cent son bon naturel et la générosité de son cœur, afin
qu'il le puisse retirer près de lui et lui faire tout le bon
traittement qu'il est convenable à un tel parent qu'il
luy est. Escrit au camp de Segousne, le 210 de mars
1569. Henry. Plus bas : Fizes^ »
1. Simon Fizes, baron de Sauves, mort en 1579. C'était le mari
de la favorite de Gatiierine de Médicis.
218 HISTOraE DE BÉARN
Tarride leur envoya aussi Fauroux ^ guidon de sa
compagnie, pour leur présenter sa commission et les
sommer de remettre en la protection du roy de
France le pais avec leurs personnes et biens. J'ay
ajousté ici la sommation au long :
« Antoine de Lomaigne , seigneur et baron de Tar-
ride, visconte de Gimois, chevalier de l'Ordre du Roy,
capitaine de cinquante hommes d'armes de ses ordon-
nances, lieutenant général, chef et conducteur de
l'armée par Sa Majesté ordonnée pour la protection et
sauvegarde du pais de Béarn, au premier, second et
tiers Estât et sindic de Béarn, salut. Comme s'estans
les rebelles et ennemis du Roy saisiz et emparez par
leurs ruses et astuces des personnes des royne de
Navarre et prince de Navarre, son fils, qu'ils détien-
nent encores par force pour, de leur nom et autorité,
bailler prétexte à leurs damnées entreprises et machi-
nations, et se prévaloir et aider des biens et facultez
desditz Royne et prince de Navarre, le pais et souve-
raineté de Béarn, causant mesmement leur longue
absence, soit en danger d'estre exposé en proye,
chose qui desplairoit grandement au Roy; lequel pour
empescher l'interdit et commis dudit pais au premier
conquérant proposé au concile dernier, l'auroit advoué
estre sous sa protection, tant pour la conservation de
Testât et biens desdits Royne et Prince, espérant par
tous offices de bénigne Roy et bon parent les retirer et
réduire du pouvoir desditz rebelles, qu'aussi pour la
manutention des sujetz dudit païs de Béarn en leurs
fors, privilèges et coustumes, restablissant et mettant
1. Peut-être le seigneur de Fauroux, canton de Bou^-de-Visa,
arrondissement de Moissac (Tarn-et-Garonne).
ET NAVARRE. 219
en leur vigueur, si aucuns auroyent estes rompus ou
enfraintz par le passé. A cette cause, nous de son
exprès commandement vous sommons de sousmettre
voz personnes et biens à la protection de Sa Majesté
pour estre traittez, maintenuz et deffenduz suivant
vos fors, privilèges et costumes. Autrement en vostre
refus ou mespris, délibérons d'employer les forces et
main armée que Sadite Majesté nous a ordonnées pour
cest effect, pour vous y contraindre et réduire en son
obéissance. Et d'autant que nous sommes asseurez du
bon vouloir et ferme intention que Sadite Majesté et
Monsieur son frère ont de vous vouloir traitter douce-
ment et humainement, nous vous exhortons d'accep-
ter ladite protection, qui vous est présentée pour
vostre grande utilité et repos, et nous faire prompte
responce, afin qu'autrement ne soyons contrains, au
très grand regret de Sadite Majesté et nostre, user de
la rigueur des armes en vostre endroit. Signé : Ter-
ride. Plus bas : GfflROUSE. »
Les Estas firent autant l'estonné d'entendre ceste
sommation, comme s'ils n'eussent jamais ouy parler
de ce fait et demandèrent dilay pour avertir la Royne
de cette sommation, ce qui leur fut refusé. Parquoy
députèrent de chascun Estât ^ avec le sindic Luger pour
aller remonstrer à Terride, qui estoit lors logé au vil-
lage d'Espoiey * en Béarn, que les Estas ne pouvoient
recevoir cette protection.
1. La première rédaction deBordenave portait : députèrent pour
le premier Estât l'abbé de La Reule, pour le second Gerderest,
Audaux, Sainte-Colonie et Bonasse, et pour le tiers les jurats de
Morlas, Nay et volée d'Osau. L'auteur a fait cette correction de
sa main.
2. Il s'agit probablement non de la commune d'Espoey, située
21310 HISTOIRE DE BÉARN
« D'autant , disoient-ils , Monsieur, que vous nous
avez déclaré ne pouvoir accorder le terme par les
Estas demandé, afin d'avertir la Roine et nostre sei-
gneur le Prince de vostre sommation, lesdits Estas,
attendu que les capitaines qui avoient la charge, forces
et armes en leurs mains et gouvernement d'iceles, pour
le service de ladite Dame et défense du pais, l'ont
abandonné et se sont retirez dedans Navarrens, voyans
et considérans vos grandes forces et puissante armée,
afin que le pais ne soit pris par rigueur et par force
d'armes, et par tel moyen estant conquis les habitans
d'iceluy privez de leurs fors, costumes, privilèges et
libertés, et veues les offres et présentations que vous
faites au nom et de la part du Roy Très-Chrestien, les
Estas ont accepté et acceptent vos présentations et
offres, singulièrement en ce qu'il plait à Sa Majesté
recevoir le présent pais et habitans d'iceluy en sa pro-
tection et sauvegarde, sous l'autorité et domination de
la Royne, dame souveraine de Béarn, et Monsieur le
Prince, son fils. Protestans lesdits Estas qu'ils veulent
vivre sous la dommination de leur Dame naturelle et
de sa postérité et sous la protection de Sa Majesté, et
notamment acceptent la déclaration de la souverai-
neté du païs de Béarn, faite en vostre sommation, et
semblablement l'offre qu'il plait à Sa Majesté leur faire
de les vouloir maintenir en leurs fors, privilèges, et
libertez et les restablir et remettre en leur vigueur, au
cas qu'ils se trouvassent avoir esté enfraintz, rompus
ou violez. Vous proposant qu'entre autres privilèges
dans les terres, mais des Bordes d'Espoey, village sur la route
de Tarbes à Pau.
ET NAVARRE. %%\
et libériez, qui sont au livre de leurs fors et cous-
tumes, est que les capitaines des chasteaux, villes
et autres forteresses du pais et les magistratz et admi-
nistrateurs de la justice seront tous natif du pais,
joinct que la justice a esté de tout tems et est encores
de présent administrée en souveraineté et dernier
ressort, dedans les limites et bornes dudit païs, sans
que les habitans d'iceluy puissent estre tirez hors ledit
pais en jugement, par voye d'appel ne par autre quel-
quonque. Parquoy vous requièrent et supplient, qu'en-
suivant vos présentations contenues en vostre somma-
tion, leur accorder lesdits privilèges et libertez et
autres plus amplement contenus audit livre de leurs
fors et costumes, arresté et conclu par le défunt roy
Henry avec les gens du pais. Et avec les conditions
susdites et non autrement, les Estas se sont sousmis et
sousmettent sous la protection de Sa Majesté, sans
préjudice de continuer en la fidélité, obéissance et
domination de ladite Dame etsadite postérité. Protes-
tans qu'ilz aimeroient mieux mourir que se desmettre
de telle fidélité et obéissance sous la protection et
sauvegarde dudit sieur Roy. Signé : P.^ Du Luger,'
sindic de Béarn. »
Toutes ces protestations et conditions leur furent
accordées par Tarride avec jurement et acte publique.
Et cela eust eu quelque apparence de sincérité, si les
mesmes protestans n'eussent prattiquée et solicitée la
protection, et n'eussent eux-mesmes donné commen-
1 . Bordenave a commis une erreur dans le prénom en mettant
un P. — Luger se nommait Martin, c'est toujours ainsi qu'il est
désigné dans les registres des délibérations des États de Béarn et
dans les actes des notaires.
222 fflSTOraE DE BÉARN
cémenta la guerre, [mais la desloyauté est sans aucune
honte.] Cette protestation faite, Tarrideprint le chemin de
Pau, pour voir la defFense que fesoient ceux de dedans,
et de là alla à Lesca, où il fut receu de tous les Estas
avec grands signes de joye et de contentement, [et,
sans nulle forme de justice, procédure ou sentence,
les Estas ^] firent donner le garrot par le borreau à
J. de Lostau% M. Bédat et J. Du Luc, ministres,
Thomas Blanc et Benauges, les cors desquels furent
après portez et jettez dedans la rivière [avec grandes
risées de toute cette compagnie, qui, forcenée du désir
de changer de Prince, rioit au milieu des cendres de
ses concitoyens, et dançoit insencée sur le tombeau de
sa propre patrie, et se mouquoit avec plusieurs bro-
cards de la constance de ces povres gens qui ne peu-
rent jamais estre induits d'abjurer leur croyance.] A la
réquisition des Estas tout exercice de la religion^
réformée fut interdit [et celui delà romaine rétabli], et
pour le commencement des frais de la guerre, six mille
escus furent imposez sur le pais, qui furent mis es
mains de Pardies *, de Pau, qui futcréé receveur géné-
ral, et l'évesque d'Oloron, surintendant des finances.
De là Tarride, après avoir envoyé sa compagnie
1. Variante: lesquelz toutaussy tost.
2. Il s'agit du ministre de Lembeye appelé plus haut (p. 202)
Pierre de L'Ostau. En 1577 la veuve et les deux enfants d'un
Lostau, ministre, recevaient une pension de 40 écus 13 sols
4 deniers (Arch. des Basses-Pyrénées, B. 2368, f» 307).
3. On a ajouté : prétendue.
4. Pierre de Pardies, collecteur de la « donation » faite par le
Béarn à Tarride (Archives des Basses-Pyrénées, B. 258, f- 1). Il
devint commis d'Auger de La Roze, trésorier général (même
dépôt, B. 148, f 12).
ET NAVARRE. 223
d'hommes d'armes pour reconnoistre Navarrenx,
revint voir ceux de Pau qui se défendoient tousjours
bravement et firent mourir plusieurs des assiégeans,
avant de vouloir recevoir composition quelquonque.
Mais estans arrivées trois grosses pièces, n'ayans mu-
nitions nécessaires pour soustenir un long siège ni
espérance d'estre secourus, estans sommez de nou-
veau, mirent dehors deux des gens du conseil pour
parlementer; l'endemain la ville se rendit et receut
la protection, suivant les conditions faites par les Estas,
et leur fut promis que la ville ne seroit pillée, ny les
habitans, de quelque religion qu'ils fussent, faschez ne
molestez, que les estrangers se retireroient la part où
ils voudroient hors du pais avec les armes et bagage.
Touchant les ministres, qui estoient seze en nombre,
[personne ne se fourmalisa pas beaucoup pour eux.]
Ils eurent [donques] par toute composition qu'ils
seroient reserrez en une chambre du chasteau, atten-
dant ce qu'il plairoit au roi de France ordonner estre
fait d'eux. [Cependant jasoit que tout ce que leuravoit
esté promis ne fut pas gardé aux habitans, sy est ce
que pour lors les ministres n'eurent autre mal ;
mesmes, par un miracle de Dieu, Pierre Viret\ duquel
mille fois ceux qui entrèrent avoient juré la mort et
l'opprobre de sa famille, fut tellement respecté qu'il
n'y eut homme d'autorité en l'armée, jusques Tarride
mesmes, qui ne le visitast et honnorast, et lui fit Dieu
cette grâce que, sans perdre jamais de veue sa famille,
1. Né à Orbe (Suisse) en 1511, mort en 1571. Son testament,
daté de Pau en 1571, est conservé aux Archives des Basses-Pyré-
nées (E. 2001, ï" 1); il a été publié dans le Bulletin de la Société
de l'Histoire du Protestantisme français, XIV, p. 297.
224 HISTOIRE DE BÉÀRN
il fut fi délie tesmoin de la pudicité d'icelle. Les
familles des autres furent mises dehors et eux mis en
la prison des criminels par le sieur de Peyre, establi
gouverneur de la ville.] Plusieurs se malcontentèrent
de la composition de Pau, pour ce qu'ils ne la pouvoient
saccager, tout ainsi qu'ils avoient fait Nay. Sur tous
les autres Luxe fut le plus fasché, qui voyant que
quelques uns y estans entrez, sous ombre de faire
observer la capitulation , prenoient là dedans ce qui
plus leur plaisoit et arrestoient prisonniers ceux qu'ils
vouloient, s'irrita tellement qu'il s'en alla avec ses
Basques. Quelques Gascons mirent le feu aux faux-
bourgs et les compagnies des capitaines Lisos et Bau-
dian, ayans demandé congé à leurs capitaines, la corde
sur la serpentine^ s'en allèrent, comme firent aussi
maintes troupes de Gascogne qui estoient plus venues
en Béarn pour desrober que pour combattre. La con-
dition de ceux de la religion ^ réformée, qui déjà estoit
fort misérable, fut lors du tout déplorable, car ils
estoient^ exposés à la discrétion de [l'enragée^] popu-
lasse, et [à l'avarice, insolence, cruautez et lubricité]
des gens de guerre [qui, avec toute liberté et impunité,
les tourmentoient en leurs biens et personnes.] Toutes-
fois maints se garentirent aux maisons des sieurs de
Gramont, du viscomte de Labedan et de Bénac, [et
les sieurs de Campagne ^ et de La Motte- Gondrin '^
firent beaucoup de biens à plusieurs qui se retirèrent
1. C'est-à-dire avec menace de faire feu.
2. On a ajouté : prétendue.
3. On a ajouté : lors.
4. Variante : la.
5. Antoine ou Jean de Montesquieu, seigneur de Campanes {?).
6. Antoine de Pardaillan, mort en 1572.
ET NAVARRE. 2S|5
chez eux.] L'endemain Sabatier, conseiller, et Mire-
mont, avocat général en la cour de parlement de Tho-
lose, envoyez pour exécuter les arrests d'icelle du 1 5
de fébrier contre la souveraineté de Béarn et mettre
icelle sous la main du Roy, comme seigneur souverain
de Béarn, et à lui acquise pour ne lui avoir esté fait
l'hommage par eux prétendu, arrivèrent à Tarbe en
Bigorre ; et ne voulans entrer en Béarn que par l'avis
de Tarride, comme ils avoient arresté avec lui avant de
partir de sa maison, lui escrivirent la lettre présente
pour savoir sa volonté :
« Monsieur, nous deux. Monsieur l'avocat général de
Miramont et moy, sonmies envoyez par Messieurs de
la cour de Parlement pour l'exécution des arrests par
elle donnez concernans le viscomté et terre de Béarn ;
et pour [tant *] que nous sommes encores incertains de
ce qui a esté fait par delà, nous envoyons ce porteur ex-
près devers vous. Monsieur, pour vous prier affecteuse-
ment nous informer comme les choses y passent, et si
elles pourront vous sembler disposées à ce que nous
avons à faire sur les lieux et de quoy je vous parlay
chez vous quelques jours y a. En quoy nous délibérons
nous porter et en toutes autres choses comme vous
nous conseillerez. De Tarbe, ce 26 d'avril 1 569. Vostre
humble serviteur. P. Sabatier. »
Tarride et tous ceux de la protection furent faschez
de l'arrivée de ses gens, qui, par leur précipitation,
cuidèrent gaster tout et descouvrir le pot aux roses.
Par ainsi ils ne voulurent qu'ils entrassent pour lors
en Béarn, afin de ne troubler le peuple et ne le des-
1. Variante : aultant.
15
226 HISTOIRE DE BÉARN
goûter de la protection qu'il pensoit avoir receue,
voyant que, sous le masque d'une protection, on l'as-
sujettissoit à une nouvelle jurisdiction. Ils envoyèrent
donc devers eux le sindic Luger et Bausé ^ pour leur
faire sursoyer l'exécution de leur commission, au moins
jusques à l'entière réduction du pais, ainsi qu'il appert
par la lettre suivante dudit Miramont à Tarride :
« Monsieur, je receus hier soir les vostres du 27
respondant à celles que je vous avoy escrit par celuy
que vous avois envoyé ce matin, et par les seigneurs
de Bausé et Luger, sindic du pais de Béarn, autres
vostres du 26, par où je voy que vous trouvez bon et
expédiant au service de Sa Majesté que je tienne,
encores en surcéance l'exécution de la charge (jui m'a
esté commise par deçà, de quoy je me rapporteray
tousjours à vous. Monsieur, tant pour vous y connoistre
affectionné, que pour estre vous sur les lieux où pas-
sent plusieurs particularitez que je ne puis connoistre
d'icy. C'est pourquoy je rapporte à la cour de vostre
part, comme partie de ma créance, que vous trouviez
bon de n'entreprendre l'exécution de la saisie de
Béarn, ordonnée par elle, sans savoir de vous comme
les choses passeroient. Toutesfois ayant sceu Monsieur
le président, par lettres de l'unsiesme du présent,
comme la ville de Pau et plusieurs autres du païs de
Béarn estoient entre les mains du Roy, et l'espérance
qu'on avoit de retirer le chasteau, elle trouva bon de
me commander de m' acheminer par deçà, à la charge
1 . Bernard de Vauzé, seigneur de Pardies, qui devint gentilhomme
servant du roi de Navarre et homme d'armes de sa compagnie
(Arch. des Basses-Pyrénées, E. 1745).
ET NAVARRE. 227
toutesf'ois, devant de bouger d'ici, de vous avertir de
ma venue, comme j'ay fait. Les seigneurs de Bausé et
de Luger m'ont dit de vostre part, Monsieur, que ce
pourroit estre reculer le bien du service du Roy, si je
deslogeoys pour continuer mon chemin vers vous;
craignans eux que je veuille mettre la main à l'immu-
tation et changement de leurs fors, loix et costumes,
dont vous leur avez promis l'entretènement, comme
ils disent, et contre les délibérations prises aux Estas
du pais de Béarn, sous les sommations qui leur ont esté
faites de vostre part et contre la promesse que le Roy
leur a faites par lettres closes qu'il a particulièrement
escrites aux villes duditpais. Et après quelques autres
raisons admenées, iceluy Luger, commesindicdu pais,
m'a prié tant faire pour le moins que de ne bouger
devant Navarrenx rendu, de peur de desgoutter par
nouvelles procédures les habitans du pais et leur
donner occasion de repentance, pour avoir receue
comme familièrement autre sujection ou bien retarder
la volonté que les autres ont d'en faire le mesme. Sur
quoy, Monsieur, je vous supplie humblement croire
que ce qui viendra de vostre part me sera tousjours
aussi cher à garder, suivre et obéir que ma vie
mesme, et puisqu'il vous plait ainsi. Monsieur, et que
la jacteure de quelques jours n'en peut guères impor-
ter, sinon pour les frais que je fais icy au Roy; et pour
la bonne volonté et intention que j'ay connu es sieurs
de Bausé et Luger, j'ay volontiers accordé de retarder
mon voyage par delà, tant que je sache que le reste de
voz affaires pourra devenir, sans craindre tort ou
injure quelconque de la main du peuple, puisque vous
les tenez sous vostre main. De peur toutesfois que
2218 HISTOIRE DE BÉARN
Messieurs du Parlement treuvent mauvais mon séjour
sans en avoir l'occasion, je leur despescheray présen-
tement un homme avec la coppie de voz deux lettres et
de ma responce ; m'asseurant, Monsieur, qu'ils pren-
dront en bonne part que j'aye suivy ce que vous
m'avez conseillé. DeTarbe, ce 28 d'avrir 1 569. Vostre
humble serviteur. P. Sabattier. »
De l'autre costé le parlement de Bourdeaux préten-
doit joindre à son ressort le pais de Béarn, et à ces
fins escrivit la lettre suivante à Terride :
« Monsieur, le mois d'octobre dernier la cour de
Parlement receut lettres patentes du Roi pour la saisie
des terres de la roine de Navarre et de Monsieur le
Prince, son fils, et principalement du pais de Béarn ;
desquelles saisies et pour assister à ceux que Sa Ma-
jesté commettoit pour la réduction dudit pais en son
obéissance, nous fusmez dès lors députez suivant la
volonté et intention dudit sieur portée par lesdites
lettres-patentes. Mais au moyen que l'exécution de
cette entreprise a demeuré longuement en surcéance,
nous avons pour cette occasion retardé nostre voyage,
jusques à ce que ladite cour de Parlement a receu un
second commandement de Sa Majesté par les lettres
closes du 21 de mars ; la copie desquelles nous vous
envoyons, parle présent porteur exprès, pour enten-
dre de vous le lieu auquel nous nous devons rendre,
pour faire en cest endroit le service que nous devons
Net désirons faire au Roy. Cependant nous nous ache-
minerons et approcherons de vous le plus qu'il sera
possible. Vous priant sur ce nous faire entendre bien
au long vostre avis. De Bourdeaux ce 26 d'avril 1 569.
Voz bien affectionez amis à vous faire service. Antoine
ET NAVARRE. 2219
DE BelcierS président; Baulon *, Du Poinet, Ma-
BRUM, conseillers; J. de Lahet, procureur général du
Roy. »
Ce Parlement ne parle poinct de mettre Béarn en la
protection du Roy, mais de le réduire en l'obéissance
dudit seigneur, or tous ces deux Parlemens ressem-
blans celui qui avoit acheté et payé la peau de l'ours,
qui estoit encore vivant en toute liberté dedans les plus
hautes montagnes, débatoient entre eux, [tant l'ambi-
tion et l'avarice des gens de justice de ce tems estoit
grande], la souveraine jurisdiction du pais de Béarn,
qui estoit encor à conquester, donnèrent, par la hasti-
veté de leur indiscrétion, l'alarme si chaude aux
Béarnois de la protection qui désiroient le changement
de seigneur, non pas de seigneurie et à estre au roi
de France, mais cela sans perte de leur souveraine
justice, ny estre incorporez à l'un ou à l'autre de ces
deux Parlemens. Pour obvier donques de bon heure
au mal qui panchoit sur leurs testes, ils dressèrent, en
forme de remonstrance et protestation, les mémoires
suivantes pour les présenter au Roi, lesquelles j'ay
recouvertes escrites de la propre main du sindic
Luger :
« Le sindic de la seigneurie et pais souverain de Béarn,
par ses causes d'oposition et remonstrance pardevant
le Roy contre les gens tenans les cours des parlemens
de Tholose et Bourdeaux, requérans et demandans la
jurisdiction et connoissance de la justice de Béarn,
souveraineté et dernier resort tant sur les personnes
1. Parent de Montaigne (Archives historiques de la Gironde,
Vin, p. 243).
2. François de Baulon , conseiller au parlement de Bordeaux.
230 HISTOIRE DE BEARN
que bien des habitans dudit pais, pour remonstrer et
faire entendre à Sa Majesté que, par droit et raison, aux
habitans dudit pais de Béarn la justice leur doit estre
administrée en souveraineté et dernier ressort dans
ledit pais, et que les gens desdits Parlemens et tous
autres doivent estre déboutés de leurs fins et réquisi-
tions, comme injustes et inciviles, dit en premier lieu
que depuis le tems de Charles Martel, prince et maistre
du Palais de France, et dès l'an de grâce sept cens et
vingt, la seigneurie de Béarn a esté establie et entrete-
nue en souveraineté de justice dans ledit païs ; estans
les habitans d'iceluy conduits, régis et gouvernez par
leurs establimens, fors et costumes, sans avoir ou
reconnoistre aucun seigneur ny au fait de la justice ny
autrement, jusques à ce que quelque tems après, ne
se trouvans pas bien de Testât et gouvernement de la
démocratie, ils auroient arresté, pour plus grand
repos et tranquilité de cest estât, de choisir un Sei-
gneur pour les gouverner en monarchie ; et de fait, ils
l'auroient esleu, lequel à son advènement promit et
jura à la cour, barons, gentilshommes et à tous autres
habitans de Béarn de leur estre bon et fidèle Seigneur,
de les maintenir, garder et entretenir en leurs fors,
costumes, privilèges et libertés, et leur administrer et
faire administrer justice, tant au povre comme au
riche, sans exception de personnes, dans le pais et
souveraineté en dernier ressort ; sans que pour de-
mander ou poursuivre justice, ilz fussent tirez hors
dudit pais. Et à ces fins, par les fors tant anciens que
modernes, avoit esté nommément establi que le sei-
gneur de Béarn, en cas qu'il s'absentast dudit pais,
seroit tenu laisser un lieutenant général , tant pour
ET NAVARRE. 231
administrer justice dans ledit pais, que pour faire et
ordonner toutes autres choses concernantes son ser-
vice et le bien public. Lequel serment, en la forme
susdite, auroit esté preste par tous les Seigneurs et
Dames qui avoient esté jusques à présent audit pais,
et ils l'auroient tousjours depuis entretenu et gardé
au peuple avec tous leurs fors, costumes, privilèges
et libertez, ou mal leur en est advenu. Et nommément
leur avoient administré et fait administrer justice dans
ledit pais en souveraineté et dernier ressort depuis
ledit an 720, dequoy estoient passés 849 ans, sans
qu'il fut mémoire du contraire entre les hommes, pour
avoir ouy dire ou autrement, et moins pouvoit appa-
roistre par preuve légitime que le parlement de Tho-
louse ou Bordeaux eust jamais eu connoissance ou fait
acte ou exercice quelconque de jurisdiction, en aucune
manière, aux terres dudit païs, en souveraineté ou
autrement ; ains au contraire tous les Seigneurs qui
avoient esté audit Béarn depuis le susdit tems, avoient
fait administrer justice aux habitans et fait juger leurs
causes et procès définitivement dans les terres dudit
païs en souveraineté et dernier ressort ; et cela publi-
quement, continuellement et paisiblement avec juste
titre et bonne foy, sans que lesdits Parlemens ny autres
y ayent jamais légitimement contredit, comme aussi
ils n'ont jamais eu droit, action ne moyen d'y contre-
dire, pour avoir esté tenue et possédée de tout tems
cette seigneurie en souveraineté par les habitans et
après par les Seigneurs qui ont esté, sans que pour
raison d'icelles ils ayent jamais recognu supérieur par
hommage ne autrement* Dont tout ainsi que par la
très longue possession, accompagnée de juste titre et
232 HISTOIRE DE BÉARN
bonne foy confirmée par leurs fors , costumes et
libertez, aux habitans est acquis le droit par lequel
tout Seigneur, et à plus forte raison tout protecteur, est
tenu de leur faire administrer justice dans ledit pais
en souveraineté et dernier ressort. Semblablement
lesdits parlemens de Tholouse et Bourdeaux, quand
bien seroit ainsi qu'ils y eussent eu jamais aucun droit,
comme ils prétendent, l'ont perdu par prescription,
laquelle a couru par l'espace de 849 ans en faveur des
Seigneurs et habitans dudit pais souverain de Béarn,
et contre lesdits Parlemens qui peuvent estre juste-
ment repoussés par l'exception de prescription. »
« D'autre part le bon plaisir de Vostre Majesté a esté
d'expédier commission au sieur de Terride, chevalier
de son Ordre et capitaine de cinquante hommes
d'armes de ses ordonnances, donnée à Mets le 1 8 de
mars 1569, pour, en vertu d'icelle, mettre le pais de
Béarn sous la garde et protection de Sa Majesté, don-
nant expresse charge et mandement au sieur commis-
saire de convoquer et assembler les Estas, capituler
avec eux, non seulement pour l'entretènement de
leurs fors, costumes, privilèges et libertez, mais aussi
pour la restauration et amplification d'icelles. Suyvant
la teneur et disposition de cette commission, les Trois
Estas assemblez en la ville deLescar, le 17 d'apvril,
estans sommez par ledit sieur de Terride, après avoir
meurement délibéré et conféré sur la sommation,
auroyent capitulé avec luy, ayant au préalable requis
et demandé ce qu'estoit à requérir, tant pour Testât
et conservation de tout le païs, et afin d'obvier que le
païs ne fut conquis par la rigueur et force d'armes, et
que par tel moyen, par la calamité de la guerre, ne fut
ET NAVARRE. 233
entièrement destruit et ruiné, et les fors, libériez et
privilégez d'iceluy abolis et perdus, se seroyent mis
sous la garde et protection de Vostre Majesté. Cela
toutesfois aux actes, qualitez et conditions déclarées
en la convention de ladite capitulation passée entre
ledit sieur de Terride, en qualité que dessus, et les gens
de Trois Estas dudit pays et non autrement. Par
laquelle, entre autres chef, nomméement estoit porté et
avoit esté convenu et accordé que, suivant les fors,
libériez, privilèges et costumes dudit pais, tous les
capitaines des chasteaux, villes et forteresses d'iceluy,
et les magistrats et officiers de la justice seroient,
comme tousjours avoient esté, natif dudit pais, et que
la justice seroit administrée aux habitans d'iceluy,
comme elle avoit esté de tout tems, par Vostre Majesté
ou vostre lieutenant général et cour souveraine dans
le païs en souveraineté et dernier ressort, sans que
les habitans puissent estre tirez en jugement hors le
païs, par voye d'appel ou autrement, directement ou
indirectement par quel moyen que ce fût. Laquelle
capitulation et convention, en la forme, avec les con-
ditions susdites, le sieur de Terride, commissaire, avoit
acceptée, promis et juré de la faire avoer, ratifier et
confermer à Vostre Majesté, en la forme qu'elle est,
et leur en faire despécher patente en bonne et deue
forme. Que maintenant à l'importunation desdites gens
de parlemens de Tholouse et Bordeaux de tirer les
Béarnois hors de leur païs, pour aller demander et
poursuivre justice ailleurs en terres estranges, seroit
directement contrevenir à la dispositive et termes
exprès de ladite commission, rompre la foy, conven-
tion et pactes de ladite capitulation, violer le serment
234 HISTOraE DE BÉARN
par ledit sieur de Terride preste, enfreindre et per-
vertir les loix, fors, costumes, privilèges et libertez
dudit pais; seroit aussi contre l'intention de Sa Majesté
expressément déclarée par ladite commission et contre
la promesse par elle faitte par lettres envoyées tant
aux Estas que particulièrement à plusieurs barons et
autres seigneurs. Par ainsi, Sire, faisant vous office
digne d'un bon et juste Roy, tel que vous estes, par la
grâce de Dieu, pouvez et devez denier ausdits Parle-
mens ce qu'ils demandent injustement et sans seule-
ment apparence de droit, et en préjudice de ce qui a
esté convenu et accordé par ladite capitulation et de la
promesse particulière qu'il a pieu à Vostre Majesté
faire aux Estas par ses lettres missives. »
« Davantage, Sire, plaira à Vostre Majesté considérer
ce qui est fort paremptoire, que par sa commission, elle
s'est déclarée seulement protecteur et conmie telle veut
mettre sous sa sauvegarde et protection le pais de Béarn ,
pour le garder et conserver à Monsieur le prince de
Navarre; en tesmoignagedequoy il vous a pieu ordonner
que les officiers seroient establis sous le nom et autorité
de Vostre Majesté et de celle dudit seigneur Prince. Or
donc ayant vous trouvé, au tems de la protection
receue audit pais, la justice en souveraineté et dernier
ressort, pendant le tems de ladite protection, la rendre
inférieure et resortable ailleurs, seroit non pas lui
conserver son païs, ains détériorer et diminuer gran-
dement le premier et principal estât dudit sieur Prince
et de la souveraineté de Béarn, qui seroit contre tout
bon office de protecteur. Par toutes lesquelles raisons
apparoit clairement les réquisitions et demandes des-
dits Parlemens estre contre tout droit et bonne raison,
ET NAVARRE. 235
en ce qu'ils requièrent et demandent la souveraineté
de la justice dudit païs. Et supposé que le droit dudit
syndic et desditz Parlemens fut pareil, et la descision
de leur différent fut arbitraire, ce que non, par la
remonstrance et dispute des commoditez et incommo-
ditez, Vostre Majesté entendra en ce que lesdits Parle-
mens demandans que la justice de Béarn ressortisse à
leurs cours en dernier ressort, ils requièrent chose,
laquelle ayans obtenue, tourneroit au grand desservice
de Vostre Majesté, charge de vostre conscience, grand
préjudice et diminution de vostre bien et totalle et en-
tière ruine des Béarnois, et que par conséquent ils
doivent estre déboutez tout à plat de leurs fins et
conclusions, et qu'aux habitans de Béarn doit estre
entretenue et administrée la justice dans leur propre
pais en souveraineté et dernier ressort par les raisons
suivantes :
« La première, d'autant que comme tout bon
suject doit reconnoistre son Prince et magistrat souve-
rain dans sa propre maison, en luy payant les tributs
et luy rendant l'honneur et l'obéissance, deue et com-
mandée de Dieu, et toutes autres choses qui luy appar-
tiennent ; semblablement le propre et le plus digne
d'un juste Roy, c'est d'entretenir ses sujets ou autres
peuples que Sa M. prent sous sa garde et protection,
en toute équité et droiteure , et si possible est admi-
nistrer justice à chascun dans sa maison, ou pour le
moins dans le pais et province en laquelle le sujet
habite et a pris sa naissance et nourriture. La seconde
est que, d'autant que la grandeur des Roys se monstre
et reluit d'avantage en la pluralité et diversité des
pais, seigneuries et provinces ausquelles ils comman-
236 HISTOIRE DE BÉARN
dent en souveraineté et y font administrer justice en
dernier ressort, pareillement, comme il n'y a rien plus
honneste, mieux séant ne plus digne de cette grandeur
ne qui soit tant à la descharge de la conscience des
Princes que de faire toutes choses pour le bien et
profit de tous leurs sujets ; aussi après l'utilité d'iceux
Leurs Majestés peuvent justement procurer ce qui leur
sera le plus profitable et le plus revenant. Soit donc
que Vostre M. retienne le pais de Béarn comme pro-
tecteur ou que par accort, qui pourroit estre fait avec
mondit seigneur le Prince, il demeure en vostre main,
il seroit grandement préjudiciable à V. M. d'en faire
ressortir la justice dudit pais aux parlemens de Tholose
ou de Bourdeaux, pour ce qu'il est certain qu'il n'y a
greffes de Parlement en France, ayant si peu de terres
en son ressort, de laquelle Sa Majesté prenne tant de
revenu et de profit que fait le seigneur de Béarn du
greffe de la cour souveraine de son pais. »
« Par ainsi tenantVostreMajesté ce pais en protection,
autemsque son bon plaisir sera dele rendre au seigneur
Prince, de toute nécessité elle se trouvera en double
incommodité ou despense. La première en ce qu'il luy
conviendra despendre pour faire la vérification de la
diminution du domaine de Béarn pour lui avoir osté
la souveraineté de la justice. La seconde en ce que la
vérification faite, il faudra réparer la diminution et au
cas que, par accord ou autrement, le païs demeure en la
main de V. M. et un y à la couronne de France, en
estant du pays la souveraineté de la justice, le domaine
en sera de beaucoup diminué, pour ce que les affermes
des greffes seront revalées de beaucoup. Et de ce peu
d'accroit qui en pourroit venir aux greffes des parle-
ET NAVARRE. 237
mens de Tholouse ou de Bordeaux, son domaine n'en
accroistroit que fort peu , et elle en recevroit de très
grandes incommoditez et despences ; car si la justice
ressortissoit par voye d'appel ausditz Parlemens ou à
l'un d'iceux, tous les criminels qui seroient condamnez
en appelleroient pour différer leur supplice. Et pour
ce que communément telle manière de gens est de
coquins et pauvres belistres, il faudroit qu'ils fussent
conduits aux despens de Vostre M., ce qu'admèneroit
chascun an une grande despense ou au contraire y au-
roit beaucoup d'espargne, si laissant la souveraineté
de la justice audit pais, comme elle y est et a esté de
tout tems,. la justice est administrée diffinitivement
sur les lieux où les délictes et crimes auront esté per-
pétrés, comme aussi, tant pour la punition prompte
des délinquans que pour servir d'exemple aux autres,
le droit l'ordonne et le dispose. »
« Or pour ce que le profit d'un Prince est telle-
ment uni et conjoint à l'utilité et commodité de son
peuple, que ceux qui ont traitté de Testât des
Princes et des républiques n'en ont jamais fait
séparation, ayant remonstré ce qui est honneste,
utile et profitable à Vostre M. , afin de ne discon-
tinuer le procès, ne faire séparation de la remons-
trance concernant l'utilité ou dommage, commo-
ditez ou incommoditez du peuple dudit pais, ledit
sindic dit qu'il n'y a homme qui ne voye clèrement, si
ses yeux ne sont fermez par ambition, avarice ou autre
désordonnée affection, qu'il est très utile et profitable
aux habitans de chascun païs d'avoir ce bien et bon-
heur, que la justice leur soit administrée en souverai-
neté et dernier ressort dedans leurs maisons et villes
238 HISTOIRE DE BÉARN
OU par le moins dedans le pais et provinces es quelles
ils habitent; car le conspect du magistrat souverain
contient le peuple en la crainte de Dieu et l'obéissance
deue au Prince, et le fait vivre en toute honnesteté,
continence et modestie, sans que nul offence l'autre,
rend à chacun ce qui luy appartient, et par la punition
des meschans entretient les bons en tranquilité et
repos. Et au contraire au pais auquel n'y a souverai-
neté de justice, et mesmement en Béarn où la plus
part du peuple habite es montagnes, ayant les armes
en main et sentent son aigre naturel, mesprisera le
magistrat inférieur, et les meschans par une audace
effrénée se licentieroient à tous crimes, espérans que
par le bénéfice d'appel ils seront conduits loin de leur
pais et que, estans en chemin, seront ostez par force et
délivrez de la main de la justice par le moi en de leurs
parens amis ou complices ; d'où s'ensuivront de très
grands maux, comme battemens, meurtres et assassi-
natz tant contre les parties instigantes que contre les
procureurs et mesmes contre les magistrats inférieurs,
qui ne seront craints ni révérez ; et sera une voye et
porte ouverte à l'impunité des crimes, chose la plus
pernicieuse et calamiteuse qui pourroit avenir en une
république bien instituée et entretenue. Et tout ainsi
que, pour le fait de la criminauté, la sublation de la
souveraineté de la justice seroit pernicieuse à Testât et
repos des habitans de ce pais, semblablement l'incom-
modité et le dommage ne luy seroient pas moindres
pour la poursuite des matières civiles. Car comme les
habitans de Béarn, qui sont fort povres pour l'infertilité
des terres et peu de moyens qu'ils ont, ayant tousjours
eu ce bien, par la grâce de Dieu, que la justice leur a
ET NAVARRE. 239
esté administrée en souveraineté, en leur propre pais,
en si grande brièveté, équité , droiture et à si peu de
frais que, si à présent leur falloit aller poursuivre et
demander justice par devant le parlement de Tholouse
ou Bordeaux, ils seroient contraints de quitter et
remettre leurs droits, tant à cause de leur povreté
que pour les peines, fascheries, misères, foule et
grande despense qu'il leur conviendroit souffrir à la
poursuitte de leurs causes pour la distance des lieux,
longueur et difficulté du chemin, que à cause de la
forme de procéder de laquelle lesdits Parlemens usent,
qui est de si longue traînée que les procès y sont ren-
dus immortels, de façon que plus tôt que les parties
puissent avoir seulement une audience ou voir la fin
de leurs procès, elles sont entièrement ruinées. Et à la
vérité, s'il plaisoit à Vostre M. penser un peu de près
à cest affaire, il luy seroit for aisé et facile de voir que
lesdits Parlemens requièrent et demandent la souve-
raineté de la justice du pais Béarnois plus par ambi-
tion ou avarice que pour zèle qu'ils ayent à vostre ser-
vice bien et soulagement de vostre povre peuple. Ce
que V. M. connoistra incontinant s'il lui plaisoit com-
mander que les procès pendans et indécis auxdits
Parlemens fussent vérifiez, où elle trouveroit un nombre
quasi infini depuis l'introduction desquels sont passez
les dix, vingt, trente et quarante ans. Davantage qu'ils
respondent devant Dieu et Vostre M., Sire, si telles
immortalitez de procez canonisées en leurs cours sont
aucunement de justice, et s'ilz ne feroient pas beau-
coup mieux, pour vostre service, pour le bien public
et pour le salut et descharge de leurs consciences, de
se despécher desdits procès si anciens, faisant droit
240 HISTOIRE DE BÉARN
aux parties, que demander inculcation de nouveaux
affaires. Car il faut imputer l'immortalité de tant
procès ou à leur négligence ou à la multitude et plu-
ralité d'affaires qu'ils ont en leurs cours. Que s'ils ne
se peuvent excuser de négligence, il n'est jà besoin
que V. M. leur donne rescharge d'affaires, attendu
qu'ils ne peuvent satisfaire à ceux qu'ils ont en main.
Et si d'avanture ils vouloient s'excuser sur la multi-
tude des causes et affaires qui sont en leurs cours,
comme à la vérité ils le peuvent faire, pour la grande
estendue, nombre et pluralité des provinces et pais
qui y ressortent, il seroit meilleur, pour le service de
Vostre M., bien et soulagement de vo.stre peuple, de
leur retrancher plustot quelques provinces de leurs
ressorts, que non de leur en y adjouster de nouvelles.
Ce que sans leur dommage et incommodité, V. M.
peut faire, Sire, si ainsi luy plaist, laissant le Parle-
ment et cour souveraine comme elle est au pais de
Béarn et en la ville de Pau, et lui ajouster la souverai-
neté de la justice tant des matières civilles que crimi-
nelles des pais de Soûle, de la Basse-Navarre, de
Labourt, d'Armaignac et de Bigorre, qui sont pais
circonvoisins et limitrophes dudit païs de Béarn; et
ainsi vos sujets habitans èsditz païs seront de beaucoup
soulagés ayant lors, comme ils auront, la justice beau-
coup plus briefve et à moindres frais et despences
qu'ils ne l'ont à présent, et cela pour la proximité,
commodité et voisinage desdits païs avec celuy de
Béarn. De quoy lesdits parlemens de Tholouse et
Bordeaux ne seront en rien ou fort peu incommodez,
d'autant que desmembrées lesdites provinces de leurs
ressorts, ils n'auront encores que trop d'affaires, et le
ET NAVARRE. 241
service, le bien et le proffitde V. M. et de vosdits sujets
en seront de beaucoup augmentez, comme l'expérience
le monstrera par efFect. Toutesfois, Sire, si Vostre M.
ne trouve duisant pour son service, bien, profit,
soulagement de vostre peuple, que la justice des
susdits pais et provinces resortit en souveraineté au
parlement de Béarn, à tout le moins elle doit, comme
très humblement ledit sindic l'en supplie, entretenir
la souveraineté de la justice au dedans le pais souverain
et seigneurie de Béarn pour les habitans d'iceluy, afin
de les garder et conserver en leurs fors, privilèges,
libertés et costumes, qui sont, ainsi que dit Pindare,
comme le Roy dominant sur tous. Pour la conservation
et entretènement desquelles les Estas du pais de Béarn
ont expressément commandé à moy, leur sindic, de
vous déclarer par ceste remonstrance et causes
d'opposition que le plus grand grief que leur pourroit
estre fait, après la sublation du service de Dieu, est
de leur oster la souveraineté de la justice du pais et
qu'ils aiment plus tôt mourir tous avec leurs fenrmies
et enfans que de consentir qu'en cela leurs fors, droits,
loix, libertez et costumes soient violées. Parquoy
concluant, demande ledit sindic débouter les gens des
ditz parlemens de Tholouse et Bordeaux de la réqui-
sition, fins et conclusions par eux faites pour le regard
de la jurisdiction du pais de Béarn en souveraineté ou
autrement et déclarer par un arrest diffinitif de vostre
conseil privé qu'il ne leur compète aucun droit de
jurisdiction sur le païs de Béarn, et leur faire inhibition
et défense d'y faire aucuns actes de justice, à peine de
cinq cens mille livres; et maintenant, gardant et entre-
tenant les habitans dudit païs béarnois sous vostre
16
242 HISTOIRE DE BÉARN
garde et protection en leurs fors, privilèges, droitz,
libertez et costumes, entretenir un Parlement ou cour
souveraine audit pais pour cognoistre de toutes causes
civilles et criminelles et administrer justice en souve-
raineté et dernier ressort dedans le pais. Etnéantmoins
retranchant des ressorts desdits parlemens de Tholouse
et Bourdeaux les susdits païs de Soûle, Labourt,
Armaignac et Bigorre, ordonner et commander que
les habitans de sesdits païs ressortiront à l'advenir au
parlement et cour souveraine de Béarn et condamner
lesdits parlemens de Tholouse et Bordeaux à tous
despens, dommages et intérests ou autrement, comme
Vostre M. connoistra estre de raison et de droit. »
Cette remonstrance ne fut poinct présentée pour ce
que le sindic attendoit la fin du siège de Navarrens qui,
estant contraire à ce que la pi'otection s'estoit promis,
osta de peine le sindic.
J'ay esté constraint d'ajouster tant de commissions,
conventions, lettres, instructions et mémoires pour ce
qu'il estoit impossible de bien représenter au lecteur la
vérité de tout ce fait sans cela, et l'historien ne doit
pas seulement escrire les choses faites, mais aussi
recercher diligement et déduire fidèlement les causes,
les conseils et les intentions de ceux qui les ont faites ;
car le plus souvent les hommes et principalement les
Princes ont toute autre fin de leurs actions qu'il ne
semble en apparence, laquelle ils ne veulent estre
connue du peuple ni mesmes de ceux ausquels ils
auront à faire. Pareillement d'autant qu'une grande
partie de ceux qui ont commandé, conduit et exécuté
tout cest affaire, sont encor vivans, ils m'eussent peut-
estre accusé de faux, si j'eusse narré le fait simplement
ET NAVARRE. 243
et sans produire les tesmoignages de leurs comman-
demens, délibérations, négotiations, accords, instruc-
tions et missives, lesquelles ayant esté prises à Orthez
et ailleurs m'ont esté conmiuniquées en leur propre
original.
Il ne restoit plus que Navarrens que tout Béarn ne fut
françois et Tarride l'envoya sommer par un trompeté,
le 27 d'avril, qui fut si bien receu, qu'il n'y retourna
plus, et Tarride partit de Pau le premier de may pour
l'aller assiéger et arriva ce mesme jour à Orthez.
Dedans Navarrens avoit environ de quatre à cinc cens
honuDes, desquels à grand peine cinquante, les chef
exceptez, avoient jamais veu guerre, et une bonne
partie eut voulu du commencement estre dehors, de
manière que quelques uns ne pouvans sortir par la
porte, sortirent par la muraille. Toutesfois Dieu, qui
donne le courage et l'oste quand bon luy semble,
fortifia tellement ces bisognes ^ craintif, qu'en peu de
jours on estoit empesché de les garder de sortir sur
l'ennemi. Ceux qui commandoient dedans estoient
Arros, lieutenant général, ses deux enfans, braves
jeunes gentilshommes, Bassillon, gouverneur de la
ville, avec deux compagnies, les capitaines La Motte,
Moret, Barselay * et Cortade avec ce qui leur estoit
1. Recrues.
2. La France Protestante attribue le prénom de David au capi-
taine Brassalay. Nous croyons qu'il faut rectifier cette assertion.
La famille de Brassalay tirait son nom d'un château situé dans la
commune de Biron, canton de Lagor, arrondissement d'Orthez
(Basses-Pyrénées). Arnaud, seigneur de Brassalay, qui vivait en
1573, avait deux fils : 1° Fortic de Brassalay, seigneur de Claverie
de Loubieng, capitaine et gouverneur d'Orthez, de 1571 à 1587;
2* Bernard de Brassalay, marié à Guirautine de Bonnefont,
2)44 HISTOIRE DE BÉARN
resté de leurs compagnies, qui estoit fort peu, le
capitaine Poqueron, sergent majeur, les sieurs de
Sales S Espalengue, Caseban, les deux frères Lurbes *,
et quelques autres gentilshommes y estoient sans
charge. Le 3 ils sortirent jusques au village d'Audaux ^
où ils bruslèrent quelques maisons; cela fit haster
Terride pour les cerner, afin qu'ils ne peussent sortir
prendre des vivres. Ses compagnies se logèrent aux
villages à l'entour de Navarrenx. Celle du capitaine
Pierre Du Til, qui avoit esté devant ces guerres
lieutenant de Bassillon, estoit à MéritainsS dont il
solicitoit Bispali ^, contreroleur des munitions, et Fray
Joan % homme riche, d'exécuter leur promesse de
faire mettre le feu aux mum'tions, ce qu'ils voulurent
faire par le moyen d'un frère dudit Fray Joan et un
autre, tous deux jeunes enfans ; mais [Dieu, sans lequel
d'Ogeu, veuve d'Amanieu de Saint-Cricq, seigneur de Pomps.
Bernard était capitaine entretenu à Navarrenx en 1588, il fit son
testament le 5 mars 1593. Le Brassalay nommé dans !'« Histoire»
de Bordenave est Fortic (Arch. des Basses-Pyrénées, E. 1236,
1238, 1240, 1634, 1641, 1643, 1645, f» 180). David, fils de Fortic
ou Fortis, fut nommé gouverneur du château d'Orthez en 1603.
1. Arnaud de Gachissans. — Voy. p. 284.
2. Simon et Gratien de Lurbe.
3. Canton de Navarrenx, arrondissement d'Orthez (Basses-
Pyrénées).
4. Méritein, canton de Navarrenx, arrondissement d'Orthez
(Basses-Pyrénées) .
5. Jacques de Vispalie, d'Arthez, marié à Jeanne de Bouillon.
L'inventaire de ses biens saisis pour crime de trahison a été con-
servé (Arch. des Basses-Pyrénées, E. 362).
6. Jean de La Salle , dit Fray Joan, de Navarrenx (Arch. des
Basses-Pyrénées, E. 1636, f° 752). Le même personnage est
appelé Fortic de La Salle, de Navarrenx, dit Fray Joan, dans le
compte des restitutions des biens saisis au préjudice des rebelles
(même dépôt, B. 259, f» 72).
ET NAVARRE. 245
on veille et garde en vain, voulut qu'ils fussent ^]
attrapez portans feu pour l'exécution. Ces deux enfans
sans grande contrainte dirent la vérité, asavoir qu'ilz
avoient esté incitez par le serviteur dudit Bispaly et
par Fray Joan. Parquoy tous trois furent promptement
captionnez, ouis et questionnez, et le contreroleur
et Fray Joan exécutez à mort par le valet dudit
contreroleur qui se fit bourreau, et leurs testes furent
mises au bout de deux piques sur la tour de Mont-
cauyole^. Cette exécution faschafort ceux Me la protec-
tion, qui par ses intelligences s'estoient toujours repeuz
d'une vaine espérance de tenir Navarrens en la main.
Terride, qui avoit attendu l'artillerie de Baionne
jusques au 1 8, faisoit estât de la mener devant Navar-
renx, quand il eut nouvelles que la roine de Navarre
le venoit trouver en personne avec grandes forces.
Ce que l'estonna si bien, qu'ayant fait serrer son artil-
lerie dedans le chasteau d'Orthez, envoya les compa-
gnies qu'il avoit d'hommes d'armes et d'hargolets * au
long de la rivière de L'Adou^ prendre langue. Elles
donnèrent jusques au Mont-de-Marsan et trouvèrent
que s'estoit le sieur de Lons° qui, pensant se jetter
dedans Navarrenx avec environ quarante salades ' et
1. Variante : Us furent.
2. Moncayolle est le nom d'une commune du canton et de l'ar-
rondissement de Mauléon (Basses-Pyrénées), à onze kilomètres de
Navarrenx. La tour de Moncayolle était probablement vers la route
de ce village.
3. Bordenave avait écrit d'abord : la noblesse béamoise.
4. Cavalerie étrangère.
5. L'Adour.
6. Jean, seigneur de Lons, capitaine du château de Pau en 1570
(Arch. des Basses-Pyrénées, E. 2001).
7. Troupes coiffées d'un casque léger, sans visière.
246 HISTOIRE DE BÉARN
quelques harquebusiers à cheval, avoit traversé les
Landes; mais ayant oui qu'elle estoit cernée, avoit
rompu sa troupe et s'estoit retiré. Cette alarme
passée et les compagnies de retour, Terride partit
d'Orthès avec toute son armée qui estoit de deux
compagnies d'hommes d'armes, la sienne et celle du
comte de Nègrepelisse\ trois d'harquebusiers à cheval
et trente-trois d'infanterie, avec une bande de vingt
pièces d'artillerie. Basillac estoit le maistre de l'artil-
lerie, Thiboville, commissaire, Fauroux, mareschalde
camp, Gohas, maistre de camp. Serres, sergent ma-
jeur, La Chapelle, Fleur-de-Lis * et Montant % commis-
saires des vivres.
Avant de faire tirer les pièces, diverses opinions
furent au conseil de Terride : les uns vouloient qu'on
les braquast en batterie pour faire bresche, les autres
qu'on fit des blocus autour de la ville, mais enfin ils
se résolurent de départir leurs forces en trois. Luxe
fut envoyé delà la rivière du Gave à Susmion * avec
quatre pièces; Sainte-Colome avec autant à Bérérenx ^;
le demeurant fut logé à Montbalon qui est une coline
environ cinq cens pas de la ville et qui descouvre tout
au long des rues.
1. Louis de Garmain, seigneur de Nègrepelisse.
2. Il y avait un fief de ce nom dans la commune d'Ainhice-
Mongelos, canton de Saint-Jean-Pied-de-Port, arrondissement de
Mauléon (Basses-Pyrénées) .
3. Peut-être Arnaud de Montant, de Bielle, capitaine catholique,
dont les biens furent saisis en 1569 (Arch. des Basses- Pyrénées,
B. 2154, f» 11; E. 1739 et 1859).
4. Susmion, canton de Navarrenx, arrondissement d'Orthez
(Basses-Pyrénées) .
5. Village aujourd'hui réuni à la ville de Navarrenx.
ET NAVARRE. 247
Le 24 ceux de Montbalon saluèrent la ville avec
douze volées de quatre grosses pièces. Beaucoup, non
accoustumez d'ouyr ces tonnantes chansons, s'estonnè-
rent du commencement, mais ils s'y apprivoisèrent si
bien, qu'en peu de jours elles leur servoient de leur
accroistre plus que d'oster le courage et de les resjouir
en travaillant, en quoy ils firent une telle diligence que
Navarrenx estoit plus fort à la fin du siège qu'au com-
mencement.
Le 27 à la faveur de la nuict, voulant les assaillans
oster la commodité du pont à ceux de dedans, essayè-
rent de le brusler avec force poix, soufre et poudre à
canon ; mais ils furent si bien saluez par ceux de la
ville qu'ils s'en retournèrent sans rien faire, avec telle
haste et vitesse qu'ils oublièrent deux sacs de poix.
Et le soir après, cuidans mieux faire, y retournèrent et
l'avoient une fois si bien enflambé qu'il s'en alloit
bruslé , sans la prompte et grande diligence des
assiégés qui dès lors y mirent garde ordinaire jour et
nuict. Depuis non seulement ceux de dedans demeu-
rèrent maistres dudit pont, mais aussi de la rivière où
ils alloient pescher, laver les lexives et abreuver les
chevaux. Et les gojats durant tout le siège sortoient
ordinairement couper le fourrage pour les chevaux.
Ce mesmejour Bertrand Ponteto et Antoine Buisson *,
1. Antoine Buisson était ministre de l'église Saint-Pierre
d'Oloron qui avait en même temps comme curé catholicpie
Guilhem de Gami (Chronique d'Oloron par M. l'abbé Menjoulet,
in-8°, Oloron, 1864-1869; U, p. 89). —On verra ci-dessous la
mort de la femme de Buisson. Ils laissèrent deux orphelins qui,
en 1577, recevaient encore une pension de 25 écus 16 sols 8 de-
niers (Arch. des Basses-Pyrénées, B. 2368, f» 307).
248 fflSTOIRE DE BÉARN
ministres d'Oloron, qui peu avisez s'estoient laissez
attraper dedans la ville, sous l'asseurance que Esgar-
rebaque leur avoit donné de ne recevoir la protection,
ne donner jamais entrée aux ennemis; par commande-
ment de l'abbé de Saubelade, fils dudit Esgarrebaque,
furent [massacrez ^] au bois de Laurence ^ par Jean
d'Esporin ^, d'Oloron, et environ douze autres, et puis
jettez dedans un ruisseau, [estant le père Esgarrebaque
party le matin d'Oloron expressément pour donner
loisir au fils de faire faire cette exécution.] Leurs livres
furent bruslés [et leurs maisons pillées] et leurs
femmes jettées dehors la ville avec leurs enfans, sans
qu'il leur fut permis d'emporter autre chose qu'un
pain pour chacune. Et pour ce que ceux du village de
Luc avoient enterré ces deux cors, Saubalade les fit
désensevelir et conduire tous nuds au camp, où après
avoir esté visitez et mauditz par les plus grands,* furent
jettez dedans le Gave. La femme de Buisson, qui
estoit damoiselle de la maison de Bonas * en Pardiac,
fut [deshonnorée et] conduite au camp où elle fut
retenue devant fout le monde en opprobre et igno-
minie jusques à la venue du comte Mongomeri qu'elle
fut tuée à Orthez par ceux qui la retenoient, [afin
qu'elle ne se peut plaindre de l'injure qui lui avoit esté
faite et nommer ceux qui l'avoient honnie.]
1. Variante : tuez.
2. Le bois et le ruisseau de l'Auronce; ce bois est sur le terri-
toire de la commune de Lucq, canton de Monein, arrondissement
d'Oloron (Basses-Pyrénées).
3. Jean Despourrin , d'Oloron , abbé laïque d'Accous (Ar-
chives des Basses-Pyrénées, E. 1788). C'était un ancêtre du poète
béarnais.
4. Canton de Valence, arrondissement de Condom (Gers).
ET NAVARRE. 249
[Le 29 la Sainte Cène fut célébrée à Navarrenx, à
laquelle participa de bon matin Arros et quelques
capitaines avec une partie des soldats qui firent la
garde pendant que le reste y communiquoit à huict
heures. Les assiégeans en avoient eu avertissement,
mais ils n'estoient certains du lieu. Parquoy ils cano-
nèrent fort tout ce matin, tantost vers le temple ^
tantost vers la haie*, pensans qu'en l'un ou en l'autre
dé ces lieux se fairoit l'assemblée . Mais ceux de dedans,
qui n'estoient pas moins avisez que leurs ennemis,
s'estoient assemblez ailleurs.]
Le dernier de mai pour ce que les gojats avoient esté
quelquefpis chasez comme ils coupoient le fourrage , ceux
de dedans s'avisèrent d'en faire sortir quelques uns
armez de quelques canes comme d'harquebuses ; lesquels
ne furent plus tôt en campagne qu'ils furent chargez par
plus de cent harquebusiers qui furent si doucement
receuz par quelques harquebusiers et une vingtaine de
chevaux, qui estoient en embuscade derrier une petite
motte, qu'ils les menèrent battant plus outre que leurs
tranchées et logis, qu'ils abandonnèrent avec tel effroy
que ceux qui les poursui voient eurent loisir, après
avoir pris ce qui leur pleut, d'y mettre le feu, et com-
bien que les fuyars fussent basques, si en demeura
il sur la place plus de cinquante qui n'eurent assés
bonnes jambes poiir courir. Les capitaines Poqueron,
Moret, Cortade etBraselaymenoientles harquebusiers,
et le baron d' Arros, les capitaines Espalengue, Caseban
1. L'église actuelle de Saint-Germain.
2. Cette halle avait été construite en 1549 par .les soins de
Bernard, seigneur d'Abère, gouverneur de Navarrenx (Arch. des
Basses-Pyrénées, E. 1623).
250 fflSTOIRE DE BÉARN
et La Renaudie estoient avec la cavalerie. En ces
mesmes jours furent descouvertes les reliques de la
trahison de Bispali et de Fray Joan avec lesquels s'en-
tendoient Bernard de Marimpoey^, serrurier et cano-
nier. Sa trahison fut sceue par le moien d'un sien
serviteur et de sa chambrière, qui, sous ombre d'aller
cercher quelque chose dehors la ville , alloient ordi-
nairement parler avec les ennemis ; et comme un jour
la chambrière parloit dedans un blé avec les ennemis,
la sentinelle qui estoit sur la muraille l'ayant apperceue,
en avertit le lieutenant-général et le gouverneur qui
la firent attendre à l'entrée de la porte par le sergent
majour. Sur sa déposition, le maistre et le serviteur
furent pris et leur ayant esté fait le procès, le maistre
eust la teste tranchée et les serviteur et chambrière
eurent le fouet. Outre le fait de Bispaly, Marimpoey
fut aussi convaincu d'avoir promis aux ennemis de
faire esventer l'artillerie de la ville et de fait il en fit
rompre ou esventer trois pièces.
Le cinquiesme jour le capitaine Cortade fit une sortie
sur ceux qui estoient aux tranchées vers le village de
Méritain qui s'enfuirent quasi avant la charge. Il y tua
pionniers ou soldats environ vingt hommes et emporta
un rondache^, trois harquebuses à croc et dix et neuf
conmiunes, et mena un prisonnier qui fut renvoyé après
avoir pris langue. Le dixiesme voyant les assiégez que
les assiégeans approchoient leurs tranchées fort près
de la muraille, le capitaine Barsselay et le sergent
1. Il figure comme soldat de « crue » dans la compagnie du
gouverneur Bassillon sur un rôle de distribution de grains de
1569 (Arch. des Basses-Pyrénées, B. 952).
2. Bouclier rond et convexe.
ET NAVARRE. 264
Bertranet ^ avec cinquante hommes furent mis dehors
pour recognoistre lesdites tranchées, ausquelles ils par-
vinrent si couvertement que ceux de dedans furent
attrapez, les uns dormans, les autres jouans, les autres
banquetans ; et après avoir tiré quelques harquebu-
sades, ils se fourrèrent pesle et mesle parmi eux avec
teUe furie, qu'ils laissèrent morts sur la place environ
cent soldats avec le capitaine Roquelaure ^ et son lieu-
tenant et les capitaines Cabenac et Abère ^, heutenant
et enseigne de Gohas. Ceux de dedans ne perdirent
qu'un homme et trois blessez, et outre les morts qu'ils
laissèrent pleurer à leurs amis, ils menèrent prisonnier
le capitaine Bertrand d'Arras *, enseigne du capitaine
Lisos, avec un autre soldat, et rapportèrent dedans
Navarrenx deux harquebuses à croc, quarante et huict
communes, sept cors de cuirasses, dix halebardes,
plusieurs manteaux et autre bagage. Cette exécution
estonna et fascha tellement les assaillans que, par des-
pit, la nuict suivante ils firent pendre le laquay du sieur
de Lobie, qui avoit esté pris sortant pour la seconde
fois de Navarrenx, et un serviteur d'Auger de LaRose^,
général des finances de la Roine, qui avoit esté aussi
attrapé conmie il vouloit entrer dedans la ville, venant
1. Bertranet de Belloc était sergent de la compagnie du gou-
verneur Bassillon (Arch. des Basses-Pyrénées, B. 952).
2. Bernard, seigneur de Roquelaure, second fils de Géraud, sei-
gneur de Roquelaure, et de Catherine de Besolles.
3. Johanot de Cauna, seigneur d' Abère près Morlaas (Basses-
Pyrénées).
4. Arras, canton d'Aucun, arrondissement d'Argelès (Hautes-
Pyrénées).
5. Auger de La Roze fut trésorier général depuis 1557 jusqu'en
1569.
252 HISTOIRE DE BÉARN
de La Rochelle. Ceux de dedans les allèrent despendre
l'endemain en plein jour et les portèrent dedans la
ville, sans que ceux de dehors osassent tirer le nez
pour regarder seulement ce qu'ils fesoient, car ils
avoient esté tant de fois batus aux sorties par ceux de
dedans, qui sembloient plus tôt assaillans qu'assaillis,
qu'ils n'en voyoient sortir un que la plus part ne s'en-
fuit ; et leurs soldats, pour n'estre contraints d'aller
aux tranchées, se desbandoient de telle sorte qu'il fut
tems que devant Navarrenx avec tous les drapeaux
n'avoit pas huictcens hommes. Qui donna occasion à
Terride de vouloir lever le siège, mais les [gentilshom-
mes] béarnois et les Basques le retinrent, sous pro-
messe qu'ils feroient venir tout le pais de Béarn et
Basques pour continuer le siège. Néantmoins leurs
commandemens sur peine de la mort, ni les prosnez
des curez [avec promesse de planière indulgence et de
la vie éternelle] n'en peurent assembler grande troupe.
Ce fut un grand bien pour le service de la Roine et
pour lui faciliter le recouvrement de son païs, que la
volonté de Terride de lever le siège ne fut suivie, car
s'il eut retiré son armée et l'eust logée aux villes et les
eut un peu fortifiées, le secours qui y arriva après
n'eut eu moien ni loisir de les assiéger ny de les
prendre.
[Environ le 1 1 de juing le collier de l'ordre de Saint-
Michel fut apporté à Oloron à Esgarrebaque, en récom-
pense des grands et notables services qu'on luy fesoit
entendre qu'il avoit fait au roy de France.] Et environ
le 1 5 de juin arriva de France La Marque, valet de
chambre du Roy, qui portoit lettres de Sa Majesté aux
Estas de Béarn qui furent convoquez pour le cinquiesme
ET NAVARRE. 253
de juillet à Lue^ Là furent leues lesdites lettres par
lesquelles le Roy remercioit tout le pais de ce qu'il
avoit fait pour son service, et pour ce qu'il avoit déli-
béré de mettre ordre à la justice, finances et forces
nécessaires pour garder le pais de Béarn, [tant qu'il le
tiendroit en sa protection,] ne l'ayant voulu faire sans
l'avis desdits Estas, il les prioit lui mander ce qu'il
leur sembleroit estre nécessaire. Ils arrêtèrent qu'el-
lection seroit faite de certains personnages, natif de
Béarn, estansde la religion [romaine^], pour exercer la
justice, et que tous les biens de ceux de la réformée et
de tous ceux qui estoient dedans Navarrenx ou absens
du païs, de quelque religion qu'ils fussent, n'ayans
voulu recevoir la protection, seroient saisis et affer-
mez au profit dudit Roy. L'évesque d'Oloron fut establi
surintendant sur ce négoce, auquel les jurats de chas-
cun quartier seroient tenus de rapporter le nom et
dénombrement de ceux de ladite religion et autres
leurs complices, présens ou absens; fut aussi arresté
que tous les jurats qui avoient fait profession de
la religion ^réformée seroient déposez de leurs charges,
et d'autres de la religion [romaine^] mis en leur place,
de quoy la commission fut donnée au séneschal. Et
d'autant que l'argent defifalloit à l'armée de Terride,
ils arrestèrent qu'il seroit empronté aux intérests en
Espagne trente mille ducats pour les frais de la guerre,
desquels tout le pais s'obligeroit ; et pour faire ledit
empront procuration fut faite à Esgarrebaque et
1. Lucq-de-Béarn.
2. Variante : catholique.
3. On a ajouté : prétendue.
4. Variante : catholique.
254 mSTOlRE DE BÉARN
Jaques Du Puy avec ample puissance d'hippotéquer
les biens des évesques, abbés et de la noblesse
de la protection et en commun de tout le païs de
Béarn. Et Peirelongue^ fut envoyé en France pour
remercier Sa Majesté du soin et bonne mémoire qu'elle
avoit du païs de Béarn et la supplier y vouloir establir
officiers pour l'exercice de la justice et des armes des
naturels béarnois, suivant leurs anciens fors et faisans
profession de la religion catholique [romaine] et non
autres. Pareillement pour ce qu'il estoit impossible
d'entretenir la guerre sans argent, qu'il pleut à Sa
Majesté ordonner certaines sommes pour le payement
de l'armée qui estoit devant Navarrenx, devant la
prise de laquelle il leur seroit impossible de faire
dénombrement des forces nécessaires pour garder à
l'avenir le païs. Pour l'exercice de la justice Pierre
d' Arbusio ^ et Bernard de Sorbério ^ furent faits con-
seillers en la place de ceux^ de la religion^ réformée,
et Jean Bordenave, ancien conseiller, président, et Jean
Supersantis de simple advocat, advocat et procureur
général , ensemblement au lieu de Guillaume d'Areau ^
1. Bernard de Gassagnère, seigneur de Peyrelongue , dit
l'écuyer Vauzé. Il avait été écuyer tranchant de la reine de
Navarre.
2. Pierre d'Arbus, avocat au Conseil souverain de Béarn.
3. Bernard Sorbério ou de Sorber, de Lescar. Le procès-verbal
de saisie de ses biens, en 1569, contient un inventaire sommaire
de ses papiers et de sa correspondance (Arch. des Basses-Pyré-
nées, B. 2154).
4. On a ajouté : qui estoient.
5. On a ajouté : prétendue.
6. Après les troubles, il présida la Chambre des comptes de Pau
(Archives des Basses-Pyrénées, B. 257, f° 37), — Il cumulait cette
charge avec celle d'avocat général au Conseil souverain de Béarn.
ET NAVARRE. 255
et Jean de Gaxion\ Ils commencèrent de tenir au-
dience le quinziesme du mois de juillet, ayant au
conmiencement déposé tous les advocats et greffiers
faisans profession de la religion^ réformée, [usant le
président de ces mots : « Huguenots meschans, sortez au
diable, comme indignes d'exercer aucun estât. »] Mais
sa présidence ne fut pas si longue ne si paisible qu'il
s'estoit persuadé, car la Roine sachant l'extrémité de
Navarrenx à faute de vivres, où les chairs et les vins
manquoient déjà et y avoit fort peu de blez, moienna
que charge fut donnée à Gabriel, comte de Mongomeri,
de venir lever le siège, prenant avec soy les forces
des visçomtes qui estoient en Quercy, Albigeois et
Foix. Il vint donc premièrement à Montauban et de là
à Castres, d'où il despécha le laquay du sieur de Mon-
^mat qui, le vingt et cinquiesme de juillet, entra en
plein jour dedans Navarrenx. L'aise qu'eurent les
assiégez d'ouir si bonnes nouvelles les fit haster d'exé-
cuter la délibération qu'ils avoient auparavant, mais
ne l'osoient exécuter, craignans de faire perte notable,
de donner sur le cors de garde des tranchées et sur
un autre qui couvroit l'artillerie de Montbalon. Ils
mirent donc devant la diane trois cens hommes dehors
aians chacun une chemise blanche sur ses habits pour
s'entreconnoistre ; mais ils trouvèrent lesdits cors de
Il mourut en 1571 (Arch. de M. le baron de Laussat, reg. de la
Chambre des Comptes).
1. Jean de Gassion, né à Oloron, élevé aux frais de la reine de
Navarre, syndic de Béarn le 25 mai 1566, procureur général en
1568, plus tard second président au Conseil souverain de Béarn.
Il avait épousé Catherine de La Salle.
1. On a ajouté : prétendue.
256 HISTOIRE DE BÉARN
garde remuez et approchez du gros du camp, fut que
les assiégeans eussent eu avertissement de cette entre-
prise, comme ils avoient dedans la ville plusieurs qui
leur servoient d'espions, ou qu'ils craignissent quelque
surprise. Le premier semble le plus vray, car le
remuement se fit cette mesme nuict. La retraitte des
enchemisez eut esté heureuse si le plus jeune baron
d'Arros^ n'y eut esté blessé d'une harquebusade, de
laquelle il mourut quatre ou cinq jours après. G'estoit
un jeune gentilhomme hardi et de grande espérance.
Mongomeri dressa ses troupes à Castres en Albigeois
en telle célérité et taciturnité qu'elles commencèrent
de marcher à la fin de juillet et furent quasi au bort de
la rivière de Garonne avant qu'on sceut qu'elles deus-
sent marcher. En cette armée avoit huict cornetes de
cavalerie, celle du comte et des viscomtes de Borni-
queP, de PauHn^, et de Calmont^ des sieurs de Mon-
tamat et de Sérignac^ et de Bérillac, d'Iolet® et deux
d'harquebusiers à cheval, Bisquerre et Saint-Victor, et
trois régimens d'infanterie, celuy du viscomte de
Moncla' et des sieurs de Solan et de Sénégas% qui
fesoient tous trois vingt et huict compagnies. Tarride
1 . Enseigne de la compagnie du capitaine La Motte.
2. Bernard-Roger de Gomminges, vicomte de Bruniquel.
3. Bertrand de Rabastens, vicomte de Paulin.
4. François de Gaumont, seigneur de Gastelnau, tué à la Saint-
Barthéiemy.
5. Géraud de Lomagne, vicomte de Sérignac, frère de Terride.
6. Pierre de Malras, baron d'Yolet, maréchal de camp en 1575,
maître d'hôtel ordinaire de Gatherine, sœur de Henri IV.
7. Antoine de Rabastens, vicomte de Monda.
8. Gharles Durand , baron de Sénégas, gouverneur de Puylau-
rens en 1572.
I
ET NAVARRE. 257
eut avertissement de plusieurs pars de la levée de
ces troupes et de leur intention de le venir affron-
ter ; mais il n'en tint pas grand conte du commen-
cement , s'asseurant que le maresçhal d'Anville \
Monluc et Bellegarde * les empescheroient de faire si
long voyage, et borderoient si bien la rivière de
Garonne qu'elles n'auroient loysir d'arriver jusques à
luy. [Si grande estoit l'asseurance que ces gens avoient
des forces catholiques, qu'ils pensoient les huguenots
n'estre assés suffisens pour parer seulement à leurs
coups.] Néantmoins pour ne sembler avoir mesprisé
cest avertissement contre l'art de la guerre, Terride
assembla.à Bastanès ^ le conseil de Pau et les princi-
paux de la noblesse béarnoise pour aviser à ce qui
seroit nécessaire pour la conservation du pais. Là fut
arresté que, pour oster le moyen de vivre à cette
armée et d'avituailler Navarrenx, ledit conseil députe-
roit quelques-uns de son cors qui feroient incontinant
fournir les villes et chasteaux défensables de toutes
sortes de vivres pour trois mois, selon le nombre des
compagnies qui y seroient mises en garnison ; car d'au-
tant que ce secours ne menoit point d'artillerie, ils
fesoient estât de défendre tout ce qui estoit clos de
murailles ; que le reste des fruicts, demourans au pou-
voir des particuliers, seroit serré ausdites places où les
jurats seroient tenus de leur faire bailler logis et
retraitte ; que les gouverneurs et capitaines en toute
1. Henry, duc de Montmorency, baron de Damville, né en
1534, mort en 1614.
2. Roger de Saint-Lary, seigneur de Bellegarde, maréchal de
France en 1574, mort empoisonné à Saluées en 1579.
3. Commune du canton de Navarrenx, arrondissement d'Orthez
(Basses-Pyrénées) .
17
258 HISTOIRE DE BÉARN
diligence feroient prendre les armes et faire monstre à
toute sorte et qualité d'hommes, depuis dix-huict ans
jusques à soixante, leur faisant commandement de se
tenir prests avec leurs armes, lorsqu'ils seront avertis
par un beffroy général ou autrement ; et à ces fins les-
dits gouverneurs subrogeroient personnages catho-
liques fidèles et expérimentez à la guerre. Et afin que
les ennemis domestiques, ministres ou autres, qui ne
s'estoient réduits à la religion romaine ou parti du Roy
et du païs, n'eussent moyen de favorir ^ en quelque
sorte ceux qui venoient, fut ordonné qu'il seroit pro-
cédé contre eux au jour et par le moyen qu'il avoit
esté arresté ; et à cette fin lettres seroient mandées
aux gouverneurs, capitaines, jurats et autres person-
nages fidèles, et ceux qui s'estoient réduits seroient
enfermés seurement pour autant de tems que les
troubles dureroient. [Or l'ordre et moyen duquel est
faite mention au dernier article pour estre exécuté
contre ceux qui estoient demeurez fermes en leur
religion, estoit de les faire tous mourir.] Mais [Dieu ne
leur donna pas le loisir d'exécuter si cruel arrest ;] ils
n'estoient pas encores séparez qu'ils receurent certain
avertissement que Mongomeri avoit passé la rivière
de Garonne au pont de Miremont^ après avoir defPait
quelques harquebusiers qui le gardoient, et que Belle-
garde, qui avoit fait mine de le vouloir empescher
avec quelques compagnies de gendarmes et quelque
harquebuserie, ayant abandonné le bord de la rivière,
s'estoit disparu.
1. Variante -.favoriser.
2. Miramont , canton et arrondissement de Saint-Gaudens
(Haute-Garonne).
ET NAVARRE. 259
Tarride estoit toujours devant Navarrens, de quoy
mal luy en print, car il fut contraint de faire à lahaste
ce qu'il devoit avoir fait à loisir ; mais il envoya le capi-
taine Horgues en Bigorre, pour savoir plus asseurées
nouvelles de ce fait. Il se trouva si à propos à Tarbe,
qu'estant sur la muraille, il vit passer toutes les troupes
auprès de la ville et retourna en diligence faire le rapport
à ceux qui l'attendoient devant Navarrenx. Je ne sçay
s'il vit toutes les troupes, mais il rapporta qu'il n'y avoit
pas plus de deux mille hommes fort mal armez et pire-
ment montez. [Jean le Frère, de LavaP, impudent men-
teur en toute son histoire , escrit ce fait avec aussi
grande infidélité qu'avec ignorance : il dit que la rivière
deL'Adouse va rendre à la Garonne et puis à Baionne.]
Le sixiesme d'aoust l'armée arriva en Béarn et
logea à Pontac. Montamat avec sa cornete et une autre
compagnie s' avança jusques àBénéjac*, et le septiesme
toute la troupe passa la rivière du Gave au dessus de
Coarrase. La cavalerie passa à gué et l'infanterie sur
un pont de charrettes chargées de pierres qu'on fit
promptement dresser. De quoy le capitaine Bonnasse,
qui estoit à Nay, advertit promptement Tarride, luy
asseurant l'armée estre d'environ six mille hommes,
où avoit plus de quatre cens bons chevaux, qui mar-
choient en ordonnance de gens de guerre ; parquoy le
prioit de penser bien à ses affaires, car il les auroit
bien tost sur les bras. Bonnasse les voulu aller recon-
noistre comme ils passoient auprès de Nay, mais
quelques coureurs lui chaussèrent les espérons de si
i. Polygraphe catholique, mort en 1583.
2. Commune du canton de Nay-Est, arrondissement de Pau
(Basses-Pyrénées) .
260 HISTOIRE DE BÉARN
près, que s'il n'eust eu la retraite si prochaine, il y
estoit demeuré; s'en retournant ils bruslèrent une
sienne maison qu'ils trouvèrent sur le chemin. Sur
cest avertissement Tarride fît conduire en diligence,
mais avec confusion, son artillerie à Orthez, à Oloron
et à Mauléon de Soûle , deux pièces demeurèrent en-
gravées, et envoya quelques compagnies à Oloron, Pau
et Lesca. Les Basques se retirèrent en leur pais et lui
avec le demeurant de l'armée à Orthez, où il arriva le
huictiesme d'aoust. Ils estoient tous en tel effroy qu'ils
ne pouvoient prendre aucune résolution de ce qu'ils
dévoient faire pour prouvoir aux affaires qui se pré-
sentoient, et leur semblant que toutes choses leur
manquassent, couroient çà et là, pensans trouver ce
de quoy ils estimoient avoir faute. Combien que s'ils
eussent sceu prendre leur avantage, ils avoient assez
de force pour se défendre en ce Heu , en attendant
leur secours qui estoit prochain. Mais cela arrive ordi-
nairement à ceux qui attendent de se résoudre jusques
au plus fort des affaires. Or, devant que Tarride
descampast, ceux de dedans, connoissans à la conte-
nance des ennemis qu'ils avoient volonté de desloger,
sortirent sur les Basques qu'ils firent un peu partir
plus tôt qu'ils ne pensoient, les chargeans si brusque-
ment que ceux qui avoient les chevaux bridez n'eurent
loisir de monter dessus, ny ceux qui avoient la viande
sur la table de la manger. Ils prinrent ce qu'ils voulu-
rent et s'en retournèrent chargez de vivres, armes et
bagage avec huict chevaux et quatre pipes de vin. Ce
mesme jour, passant auprès de Sainte-Colome', Mongo-
1. Sainte-Golomme, canton d'Arudy, arrondissement d'Oloron
(Basses-Pyrénées) .
ET NAVARRE. 261
meri envoya sommer quelques-uns qui s'estoyent mis
dedans le chasteau avec le capitaine Faron qui leur
respondit par harquebusades ; un soldat y fut tué.
Pour la vengeance duquel quatre enseignes y furent
envoyées, qui ayans mis le feu à la porte, tout le
chasteau s'embrasa tellement que tout ce qui estoit
dedans se brusla, exceptée une fille qui fut descendue
par une fenestre. Une autre maison de plaisance dudit
Sainte-Golome fut aussi pillée et brnslée. Ce mesme
jour Bonasse envoya trente harquebusiers à la maison
du sieur d'Abère d'Asson ^ [gentilhomme fort affec-
tionné à la religion romaine et au service de son
Prince et aagé de près de nouante ans,] qui n'avoit
bougé de sa maison de toutes ces guerres ; lequel en
haine de ce que Mongomery avoit esté en passant
prendre le vin chez luy, après avoir saccagé sa maison,
bruslé sa borde et violé une sienne fille bastarde, ils
le massacrèrent vilainement avec sadite fille et puis les
jettèrent tous deux dedans la rivière.
[Le neufviesme bon matin tous les soldats et habi-
tans de Navarrens se trouvèrent à la prédication où
furent rendues grâces solennelles à Dieu de la déli-
vrance qu'il luy avoit pieu leur faire.] Durant ce siège
furent tirez 1777 coups de canon, non pas en batterie,
mais à coup perdu contre les maisons, qui ne firent
pas autant de dommage que les munitions, qui y avoient
esté employées, valoient. Dedans la ville moururent
1 . Pascal, seigneur d'Abère d'Asson, écuyer panetier de Jeanne
d'Albret, porté au compte du trésorier de la reine de Navarre de
1561 pour 100 livres de pension, avec la mention « ne bougeant
de sa maison » ( Arch. des Basses-Pyrénées, B. 9) . — Le cbâteau
d'Abère existe encore à Asson.
262 fflSTOIRE DE BÉARN
de coups trente-quatre hommes et six de maladie, et
dehors, si le dénombrement de ceux qui y estoient est
véritable, plus de mille. Ceux de Navarrens n'avoient
encores nouvelles que leur secours fut si près ; mais
ayans envie de s'aller pourmener un peu plus loin de
leur tanière que de coustume, Arros sortit avec quel-
ques chevaux et harquebusiers, tant pour entendre
quelle route l'ennemi avoit prise, que pour visiter l'as-
siete de leur camp; lequel ayant trouvé vuide, il donna
jusques à Audaux qui fut pillé et bruslé par les soldats,
et comme il retournoit, trouva que le secours arrivoit
à Navarrenx où le comte logea cette nuict avec quel-
ques-uns et le reste aux villages des environs. Et
Tarride [et ceux qui avec lui s'estoient retirez à Orthez,
ayant ouy l'exploit d' Audaux , fit jetter dedans la
rivière un homme, nommé Arotis \ aagé de plus de
quatre-vingts ans, pour ce qu'il estoit de la religion
réformée et avoit un fils dedans Navarrens; et d'autant
qu'il s'efforçoit d'en sortir, le firent tuer par harque-
busades.]
Ce mesme jour Peyre, gouverneur de Pau, qui dès
le sixiesme avoit fait serrer en prison tous les hommes
qui avoient fait profession de la religion * réformée,
[fussent-ils retournez à la messe ou non,] et mis les
familles des ministres dehors la ville, commença après
souper d'exécuter l'arrest de faire mourir tous ceux
qui estoient demeurez [constans en la religion^], et,
1. En 1538, il y avait à Orthez Jean, Auger et Bernard d'Arrot,
tous petits propriétaires (Arch. des Basses-Pyrénées, B. 712, f»» 7,
8 et 17).
2. On a ajouté : prétendue.
3. Variante : fermes.
ET NAVARRE, 263
[sans nulle forme de procès et sans les ouyr ni con-
damner,] fit pendre Micheau Vignau S ministre de Pau,
et Jean*, jardinier de la Roine. [Au devant d'eux
marchoient tabourins et phifres, suyvis de quelques
harquebusiers qui sonnoient et tiroient tousjours
durant l'exécution, afin que le peuple qui joyeux y
assistoit, avec la femme du dit Peyre % ne peut ouir
ce qu'ils disoient aux prières et louanges qu'ils ren-
doient à Dieu.] L'endemain au matin Pierre du Bois \
ministre de Lesca, et Micheau Chanbon, tailleur de la
Roine, furent exécutez en la mesme forme, et N. Ale-
zieu, ministre de Garlin% et Guillaumes L'Escout,
chirurgien , l'après disnée. Le neufiesme Peyre se
reposa ; mais le 1 Antoine Porrat ^, ministre de
Tarbe, Augier Plantier', ministre de Beuste, Guil-
1. Voy. p. 123 la note 7.
2. Jean Olignon, marié avec Antoinette Piton par contrat du
28 mars 1563"(Arch. des Basses-Pjrénées, E. 1999, f 68). — La
veuve resta pendant fort longtemps titulaire de l'office de son
mari, sans doute en considération de sa mort tragique.
3. Micheile de Corcelles ; elle avait été commensale d'Isabeau
de Navarre, dame de Rohan, qui lui avait donné 1,000 écus d'or
pour son mariage. Elle testa à Arbus le 22 juillet 1583 (Arch. des
Basses-Pyrénées, E. 1496, f*" 153).
4. La même année il y avait à Pau un libraire protestant nommé
Pierre Dubois ; il reçut en 1570 un don delà reine de Navarre de
100 livres (Arch. des Basses-Pyrénées, B. 16). Il mourut avant
1573 (même dépôt, E. 2002).
5. Chef-lieu de canton de l'arrondissement de Pau (Basses-
Pyrénées).
6. En 1605, Jean Pourrat était ministre à Garresse, canton
de Salies , arrondissement d'Orthez (Basses-Pj'rénées) (Arch. des
Basses-Pyrénées, E. 1204).
7. Ce ministre laissa une veuve et un enfant qui recevaient
encore en 1577 une pension de 29 écus H sols 4 deniers {Arch.
des Basses-Pyrénées, B. 2368, f° 306).
264 HISTOIRE DE BÉARN
laumes La Vigne \ second président, et Guillaumes
More^, qui avoitestépreslre, passèrent le mesme che-
min. Cependant Bellegarde, qui avoit suivie l'armée
de Mongomeri, arriva à Tarbe et Monluc à Ayre^, espé-
rans que Tarride leur donneroit loisir, en temporisant
l'eniiemi, d'assembler plus grandes forces pour le com-
battre. Monluc manda à Tarride le dénombrement des
forces desquelles il pouvoit faire promptement estât,
asçavoir mille harquebusiers qui estoient à Manciet et
cent-cinquante au Mont-de-Marsan, deux compagnies
d'Aurensan * et d'Arblade , six-vingts hargolets, sa
compagnie de gens d'armes, celle de Gondrin, qua-
rante salades de la compagnie du comte de Nègrepe-
lisse qui s'estoient retirez en leurs maisons, vingt de
LaValete^ la compagnie de Fontenilles % celle du
capitaine Monluc, son fils'. Et Bellegarde avoit six
1. Guillaume de Lavigne, fils d'Arnaud de Lavigne, avocat
d'Oloron, et de Gracie de Bordères, jurât d'Oloronen 1539, notaire
de cette ville en 1540, juge deBéarn, second président au Conseil
souverain, marié à Philippe de Gamblong; sa fille Marie épousa
en 1562 Hervé Boullard, architecte du roi de Navarre et maître
général des réparations en Guienne. Guillaume fit son testament
l'avant-veille de sa mort, le 8 août 1569 (Arch. des Basses-Pyré-
nées, E. 1772, 1773, 1997, f° 172; 2001, f» 81).
2. Il y avait en 1571 un ministre de ce nom attaché à la maison
de Henri de Navarre; il fut massacré à la Saint-Barthélémy.
3. Aire-sur-l'Adour, chef-lieu de canton de l'arrondissement de
Saint- Sever (Landes).
4. Le seigneur d'Aurensan, canton de Riscle, arrondissement
de Mirande (Gers).
5. Jean de Nogaret, baron de La Valette, mort en 1575. C'était
le père du duc d'Épernon.
6. Philippe de La Roche, baron de Fontenilles, épousa Françoise,
fille de Biaise de Monluc, mort en 1594.
7. Fabien de Monluc, marié en 1570 à Anne de Montesquieu,
ET NAVARRE. 265
cens harquebusiers, sa compagnie de gens d'armes et
celle de son fils et des sieurs de Lausun' et de Sarla-
boust^. Ainsi estans tous deux joints, ils auroient cinq
cens salades et deux mille harquebusiers. Parquoy il
prioit instament Tarride de lui mander où ils se
pourroient aisément joindre, afin de combattra en-
semble l'ennemi ; cependant le prioit de ne s'engager
en lieu où il peut recevoir quelque escorne, ains que
plus tôt il abandonnast l'artillerie ; car s'il estoit une
fois defFait, les affaires se porteroient mal en Gascogne,
et il ne voudroit après bazarder l'entrée de Béarn avec
ce qu'il avoit. Et le 14 respondit à Peyre qui luy avoit
mandé ce que ceux du secours fesoient et ce qu'il
avoit commencé de faire de ses prisonniers, que sans
faute il seroit joint le dimenche avec Bellegarde et
qu'ils joueroient des ongles ; qu'il lui avoit fait plaisir
d'avoir fait pendre les ministres, et le prioit de conti-
nuer à l'exemple de Monsieur, frère du Roy, qui n'en
laissoit eschaper un à meilleur marché que de la
corde, mais qu'il en gardast deux des plus chéris et
aimez, afin qu'en eschange de l'un, il peut recouvrer
son guidon qui estoit détenu prisonnier à Montauban ;
gardast aussi Pierre Viret, mais qu'en sa présence il
fit pendre ses compagnons, le menaçant qu'il passeroit
par le mesme lieu, afin par ce moyen, disoit-il, l'in-
duire de escrire à Mongomeri de faire cesser la tuerie ;
tué en 1573 au siège de Nogaro. C'était le dernier fils de Biaise
de Monluc.
1. François Nompar de Caumont, comte de Lauzun, mort en
1575.
2. Raymond de Gardaillac, seigneur de- Sarlaboust, colonel de
l'infanterie sous Charles IX, tué en 1570 à l'île d'Oléron.
366 HISTOIRE DE BÉARN
fit aussi pendre les présidens et conseillers qu'il tenoit
prisonniers, qui estoient les plus grands ennemis
qu'eussent ceux qui estoient pour le Roy en Béarn, et
le Roy leur en donneroit d'autres au chois et élection
du pais; et mandast partout qu'on massacrât les hugue-
nots, comme il feroit de son costé ; les biens desquels
pourroient estre donnez aux catholiques pour aider à
garder le pais sans suspition ; qu'il advertit Bonnasse
de brusler les maisons du sieur d'Arros ^ et de tous
ceux qui estoient à Navarrens, luy asseurant que le
Roy ne seroit que très aise de toutes ces choses.
Bellegarde avoit pareillement escrit audit Peyre de
Vic-Bigorre 2, qu'il alloit joindre Monluc pour desgager
ceux d'Orthez, s'il estoit possible, et qu'il avoit mandé
à Viellanbits^, qui estoit à Tarbe, d'aller joindre Bonasse
à Nay avec son régiment pour favorir les affaires du
costé de Pau ; qu'il le pourvoiroit d'hommes, s'il en
avoit besoin pour la garde de Pau, mais qu'il avisast
sur toutes choses de faire la plus grande espargne de
vivres qu'il pourroit, car il estoit à craindre qu'avant
la fin de la feste, ils n'en eussent faute.
L'unsiesme, environ midi, le secours arriva à la
veue d'Orthez, d'où sortit quelque cavalerie qui vint
jusques à Meigret \ où fut attaquée l'escarmouche; mais
avant qu'elle s'eschaufat guère, la cavalerie se retira à
la faveur de quelques harquebusiers qui estoient au
1. Le château d'Arros était près de Nay où se tenait Bonnasse.
2. Chef-lieu de canton de l'arrondissement de Tarbes (Hautes-
Pyrénées).
3. Gautier de Goffitte, seigneur de Lucarré, marié à N. de Vil-
lambits (?).
4. Magret, hameau de la commune d'Orthez.
ET NAVARRE. 267
bout du faux-bourg de Départ \ couverts de quelques
barricades. Ils se défendirent si bien au commence-
ment qu'outre qu'ils firent mourir quelques hargolets
qui, ayans mis pié terre, se vouloient trop avancer,
repoussoient aussi cette charge, quand le viscomte de
M ontcla arriva , suy vi d' environ cinq censharquebusiers ,
qui affoncèrent si brusquement tout ce qui estoit aus-
dites barriquades et en tout ce fauxbourg, que peu
s'en falut qu'ils n'entrassent dedans la ville pesle et
mesle avec ceux qui se retiroient en desroute. Le capi-
taine Calvet ^ et quelques soldats dudit viscomte furent
tuez à cette charge, mais des ennemis le nombre des
morts fut beaucoup plus grand. Le capitaine Grec de
Podens ^ y fut pris prisonnier et quelques-uns, se cui-
dans sauver à travers la rivière avec une corde qui
traversoit ladite rivière, se noyèrent.
Mongomeri remarquoit cependant la contenance des
ennemis qui se présentoient au combat avec moins de
gayeté, d'asseurance et de fureur, qu'il n' estoit conve-
nable à un si grand nombre de grands capitaines et
vieux soldats et qui avoient une si bonne retraitte et le
secours si prochain ; dont ayant pris espérance de les
forcer en leur propre logis, il passa incontinent la
rivière avec toute sa cavallerie et mille harquebusiers
en croupe. Le gué estoit si mauvais que jamais aupa-
1. Faubourg d'Orthez, séparé de la ville par le Gave de Pau.
2. Le 30 janvier 1585 André Calvet, serviteur du prince de
Condé, donna tous ses biens à son neveu Gabriel Calvet (Arch.
des Basses-Pyrénées, E. 2005, f" 785). Ce dernier pouvait être le
fils du capitaine Calvet,
3. La seigneurie de Poudenx, canton de Hagetmau, arrondisse-
ment de Saint-Sever (Landes).
268 HISTOIRE DE BÉARN
ravant personne n'y osa passer, toutesfois il ne perdit
que le capitaine La Sale^ et un gendarme qui se noyè-
rent. Les ennemis se présentèrent avec tout ce qu'ils
avoient de chevaux et quelques harquebusiers auprès
de l'eau pour l'empescher, mais trouvant desjà une
partie passée et estonnez d'une si brave entreprise,
reprinrent le chemin de la ville où ils se retirèrent,
ayant fait mettre le feu aux fauxbourg par les harque-
busiers. Une partie de la cavalerie s'enfuit sans r' en-
trer dedans la ville, abandonnant leurs chef, leurs
compagnons et leur bagage, si grande est la puissance
que l'effroy a sur les cœurs pusillanimes, qu'il leur
fait oublier toutes choses honnorables. Ceux qui s'en-
fermèrent furent talonnez de si près qu'à peine les
portes estoient closes, que , sans marchander ny re-
connoistre la muraille, quelques meschantes escheles,
trouvées d'aventure en quelques estables, furentpromp-
tement plantées et, encores qu'elles fussent courtes ,
ceux qui les avoient dressées, qui sembloient plus tôt
voler que marcher, gravirent si isnellement qu'ils
furent plus tôt dessus, que les assaillis pensassent qu'ils
eussent la hardiesse de leur donner l'escalade en plein
jour. Mais d'autant que la montée avoit esté coura-
geuse, la descente se trouva si hazardeuse et périlleuse,
car il estoit impossible de marcher sur ladite muraille;
toutesfois ceux qui estoient montez les premiers des-
cendirent à la faveur de quelque trille ^ qui se treuva
à l'endroit d'eux et allèrent ouvrir la porte aux autres.
Cela augmenta tellement l'effroy aux assaillis que,
1. Ce nom très -répandu en Béarn empêche de l'identifier
sûrement.
2. Ce mot a les deux sens de treille et de corde.
ET NAVARRE. 269
jasçoit qu'ils fussent seze compagnies de infanterie,
deux d'hommes d'armes et deux d'harquebusiers à
cheval, beaucoup de gentilshommes et bons capitaines,
ils n'eurent néantmoins la hardiesse de se présenter
à la deffense de la muraille ; ains effrayez et troublez
s'enfuirent dedans le chasteau , sans faire que fort
petite résistance, non toutesfois si viste qu'il n'en
demeurast environ mille par le chemin.
Depuis que les troupes furent dedans, il y eut plus
de tuerie que combat ; et y avoit une telle confusion
entre les soldats que plusieurs tuèrent leurs compa-
gnons, ne se reconnoissans l'un l'autre; et les cris, les
pleurs, les hurlemens et les gémissemens estoient si
grands par la ville, que les plus asseurés en avoient
horreur, et ceux qui espouvantoient les autres n'es-
toient guère moins espouvantez qu'eux ; car outre le
massacre des habitans,qui fut quasi universel, la ville
qui estoit en plusieurs endroits embrasée, fut tout à
plat pillée. Et les Orthésiens changèrent lors de mu-
sique , car comme ils avoient receu Tarride avec
processions [et dances publiques], chantans : Birat s' es
lo beti, Ninetes, birat s'es de Vautre estrem^; à l'arrivée
de Mongomeri, pleurans et gémissans, crioient : Merci,
miséricorde, sauvez-moi la vie.
Tarride qui, avec les principaux de son armée,
s' estoit retiré dedans le chasteau d'Orthez , fut
soudainement assiégé et sur le soir sommé ; mais
pour ce qu'il espéroit avoir secours de Monluc,
il ne se voulut rendre. Parquoy le canon fut en-
voyé quérir à Navarrens, qui arriva l'endemain sur
1. Phrase béarnaise qui signifie : Le vent a tourné, Ninette, il
a tourné de Vautre côté.
270 HISTOIRE DE BÉARN
le soir. Cela estonna les assiégez qui, n'ayàns plus de
vivres ni nouvelles de secours, mirent dehors par une
corde Saint-Salvy\ frère de Terride, et Basillac pour
parlementer et capituler ; mais n'estans peu tomber
d'accord, Basillac s'en retourna et Saint-Salvy demeura
au camp. L'endemain, pressez de la faim et de la
crainte, ils firent de rechef sortir Basillac avec Amou^.
Ils accordèrent, mais trop tard, que les ministres, qui
avoient été pris à Pau, seroient mis en pleine liberté ;
que Tarride demeureroit prisonnier entre les mains du
comte, jusques à tant qu'il auroit fait mettre en liberté
Corteville^, frère dudit comte, ou baillé huict cens
escus pour une partie de la rançon en laquelle il avoit
esté taxé, et fait mettre en liberté le baron de Paulin
qui estoit prisonnier ; que les vies seroient sauvées à
tous les autres chef, lesquels demeureroient cependant
prisonniers jusques à tant qu'ils eussent rachapté d'au-
tres de leur qualité ou eussent satisfait à la rançon à
laquelle ceux de la religion * seroient cottisez ; que les
soldats sortiroient avec le baston blanc et se retire-
roient où bon leur sembleroit, toutesfois si aucun d'eux
vouloit suivre l'armée, y seroit receu ; que l'artillerie
qui estoit dedans le chasteau et en la ville demeureroit
entre les mains de Monsieur le prince de Navarre.
Dedans le chasteau estoient Tarride, lieutenant-géné-
ral, Gerderest, Amou et Sai net-Félix, chevaliers de
1. Gabriel de Lomague, seigneur de Saint-Salv^.
2. Jean Paulon, seigneur d'Amou.
3. En 1569 une « demoiselle de Gourteville » était attachée à la
maison de Jeanne d'Albret (Arch. des Basses-Pyrénées, B. 15,
fo 24).
4. On a ajouté : prétendue réformée.
ET NAVARRE. 271
l'Ordre, Gohas, maistre de camp, Fauroux, mareschal
de camp, Bazillac, maistre de l'artillerie, Sainte-
Colome, Saint-Pée \ Pordiac^, Candau ^ Abidos^ les
capitaines Ségalas, Aurout, Nébot, Saliis, Sus% Perrens
et la plus part de la compagnie des gendarmes de
Tarride et quelques-uns du comte de Nègrepelisse,
avec trois cens harquebusiers et environ cent hommes
ou femmes de la ville qui sortirent tous le quinziesme
d'auost. Les chef furent conduits le mesme jour à Na-
varrens. Cette faction n'estonna pas seulement le pais
de Béarn, mais aussi toute la Gascogne, et lesEspagnes
voisines estoient en effroy de crainte que cette armée
n'y entr^st.
Peyre et ceux du conseil de Pau continuoient tous-
jours leurs exécutions et se travailloient fort pour
retenir le peuple de leur party qui, espouvanté et
esbranlé, nesavoit ce qu'il devoit faire, car [la coulpe
de leur faute geinoit leurs consciences, et] la crainte de
la peine les faisoit mourir toutes les fois qu'ils se resou-
venoient des choses passées, tellement qu'il leur sem-
bloit sentir desjà sur leurs tètes l'espée du soldat victo-
rieux ou la doloire ^ du bourreau ; et n'y avoit rien qui,
en cette grande désolation, leur présentast quelque
alégeance, que l'espérance de la bonté de leur Prince
1. Jean de Lalanne, seigneur de Saint-Pée de Salies.
2. Bernard de Léaumont, baron de Pardéac.
3. François de La Salle, seigneur de Candau, marié à Germaine
de Saint-Abit (Arch. des Basses-Pyrénées, B. 259, f° 64).
4. Henri, seigneur d'Abidos, marié à Louise de Grabessous
(Arch. des Basses-Pyrénées, B. 259, f° 58).
5. Antoine-Gabriel, seigneur de Sus, près Navarrenx.
6. Vieux synonyme de hache, dans le sens d'instrument de sup-
plice ("Voy. Littré).
272 HISTOIRE DE BÉÂRN
et le bon traittement qu'ils oyoient avoir receu tous
ceux par où les gens du secours av oient passé, sans
avoir offensé autres que ceux qui portoient les armes
avec les protecteurs, ou avoient en quelque sorte
favori la protection. Et la commission de Mongomeri,
laquelle il avoitfait publier en Ossau en passant, appor-
toit d'user de toute douceur envers le peuple ; ce qui
avoit si bien asseuré ceux dudit Ossau, qu'ils avoient
quitté la protection et avoient reconnu et receu Mon-
gomeri pour lieutenant-général de la Royne, leur,
dame, et lui avoient administré vivres ; et plusieurs
s'estoient joints à luy, comme avoient aussi fait quel-
ques autres de Pontac, Nay, Coarrase, Asson, desquels
Incamps avoit fait une compagnie. De quoi le conseil
de Pau avoit esté tant irrité que, ne sachant encore
rien de la capitulation et reddition du chasteau d'Or-
thez, escrivit à ceux de la vallée d' Ossau la lettre
suivante :
« Messieurs de jurats et habitans de la vallée d'Ossau,
nous avons esté advertis, à nostre grand regret, que
à la persuasion de quelques-uns, vous avez délibéré
vous disunir et séparer du cors de tout le pais et
quitter la protection du Roy, laquelle vous avés volon-
tairement receue avec tous les Estas du pais ; ce que
nous esmerveilleroit grandement et inciteroit tout le
pais vous courir sus comme à proditeurs de la patrie.
Parquoy nous vous avons voulu exorteret prier, pour
vostre grand bien et proffit et repos publique, de conti-
nuer en ladite protection et vous venir joindre avec
toutle cors. Et à faute de faire à ce coup vostre debvoir,
comme chascun a délibéré de faire, nous serons con-
traints, pour le debvoir de nostre charge, vous publier
ET NAVARRE. 273
traistres et proditeurs, atteints et convaincus du crime
de lèze-majesté, et comme telz vous punir et confis-
quer voz biens. Toutesf ois nous espérons que ne vous
ferez un si grand tort, vous priant nous advertir de
vostre volonté, laquelle nous prions Dieu estre autre
que le rapport que nous en a esté fait. De Pau, le 16
d'aoust 1569. Voz bons amis et très affectionnez, les
gens tenans le Parlement. Par mandement du Parle-
ment : J. DE BORDENAVE. »
Le sindic Luger leur escrivit la suivante :
« Messieurs de la valée d'Ossau, la république de
Béarn, par la grâce de Dieu, a esté composée de trois
Estas, assavoir : de l'Eglise, de la Noblesse et le Tiers-
Estat, et vous estans du cors du pais, avec consente-
ment desditz Estas, avez receue la protection du Boy
Très-Chrestien, afin que les hugenotz hérétiques ne se
peussent saisir du présent pais, comme ce faire ils
avoient déjà longtems arresté. Je suis asseuré que la
plus part de vous estes chrestiens et bons catholiques
par la grâce de Dieu ; toutesfois effrayez de quelques
troupes de huguenotz larrons, meurtriers, sacrilèges,
incendiaires qui se sont jettez dedans le pais, ou bien
estans séduitz et trompez pour vous avoir donné faux
entendre, vous vous êtes esbranlez et avez favory les-
ditz ennemis d'hommes et vivres et autre secours
qu'ils vous ont demandé, comme l'on a fait entendre
à la noblesse et au cors du pais composé de personnes
catholiques, ce que je n'ay encores peu me persuader,
estant plus que asseuré que vous estes hommes preux,
qui ne voudriez avoir fait chose aucune contre voz
consciences et la protection receue par le cors du pais
composé de personnes catholiques. Toutesfois afin
V 48
274 HISTOraE DE BÉARN
d'en estre asseuré, il m'a esté commandé par Mes-
sieurs de l'Eglise, de la Noblesse et gens du Tiers-Estat
catholiques, vous escrire la présente et vous sommer
de nous faire déclaration par escrit si avez intention
de suivre leur party ou vous unir avec les huguenotz
larrons, qui sont entrez dedans le pais, et porter les
armes contre tout le présent pais et personnes catho-
liques et contre le Roy Très-Chrestien, nostre protec-
teur, et contre le pais d'Aragon et d'Espagne, qui sont
catholiques et nous veulent favorir et aider à soustenir
la querelle de Dieu ; ou bien si vous délibérez vous
entretenir avec tout le cors du pais sous ladite protec-
tion et nous favorir et aider tant d'hommes que de
vivres et armes et de toutes autres choses nécessaires
pour nuire et confondre nosdits ennemis. Je vous prie
donc , pour l'honneur de Dieu , recevoir ma remons-
trance comme de vostre très humble et fidèle servi-
teur, et considérer si vous avez moyen de vous passer
du corps du pais, des royaumes de France et d'Espagne,
et principalement penser qu'il est aujourdhuy question
de la gloire de Dieu et de soustenir son église. Aussi
vous vous pouvez asseurer que le comte de Mongomeri
et ses troupes larronnesses ne peuvent estre autres
que vos ennemis, veu les saccagemens, bruslemens,
meurtres et rançonnemens et autres actes d'hostilité
qu'ils exercent. Ce que vous doit faire croire qu'ils ne
sont envoyez par la Royne, car s'ils estoyent ses bons
serviteurs ne brusleroient son pais , ne tueroyent ses
bons et fidèles serviteurs, ains plustot luy conserve-
royent ; sinon que Sa Majesté ait intention de nous
faire tous exterminer, comme elle a commandé par
lettre audit comte de Mongomery, surprise par le sieur
ET NAVARRE. 275
de Monluc, le double de laquelle je vous envoyé ; par
laquelle vous pourrez voir que Sa Majesté commande
que tous les catholiques, tant hommes, femmes qu' en-
fans, soient mis au fil de l'espée, afin qu'il n'en
demeure aucune semence en Béarn, et elle baille le
pais et noz biens et maisons aux huguenotz estrangers.
Les valées d'Aspe et de Barétons sont unies avec le
corps du pais catholique. Parquoy je vous somme,
comme sindic, me déclarer si vous vous en voulez
séparer et refuser la protection, afin de vous traitter
comme hérétiques et ennemis de Dieu et de son église
catholique et en général de tout le cors du païs et des
roys de France et d'Espagne, qui de tous costés nous
envoyoient secours, faveur et aide. Messieurs de
Monluc et de Bellegarde sont jà jointz ensemble avec
deux mille chevaux de service, et s'en vont droit à
Orthès pour secourir Messieurs de Tarride, Sainte-
Colome et les autres, et combattre noz ennemis. Mon-
sieur de Viellambitz, chevalier de l'Ordre du Roy,
avec un bon nombre d'enfanterie, se vient joindre
avec le sieur de Bonasse. Dieu nous veuille aider. Ce-
pendant je vous supplie et requiers encores un coup
me faire responce par escrit. De Pau, ce 16 d'aoust
1569. Vostre humble amy et serviteur, De Luger,
sindic de Béarn . »
La lettre mentionnée par le sindic avoit esté fine-
ment supposée pour entretenir par crainte le peuple
du costé de la protection. Car elle portoit commande-
ment à Mongomeri de faire tuer ceux de la religion
romaine sans discrétion d'aage ni de sexe. Mais sa
commission qu'il avoit jà fait publier, passant par
Ossau, et le traittement que tous ceux qui ne se met-
2i76 HISTOraE DE BÉARN
toient en deffense rece voient de son armée, descou-
vroient l'imposture de cette lettre et donna occasion au
peuple de la juger fausse et de rejetter celles du Parle-
ment et du sindic. Cependant Bonasse avec Vielleam-
bits, qui avoit un régiment de sept compagnies de
fanterie et quelques hargolets du conseiller Marqua,
sous prétexte d'aller couper chemin à l'armée du
secours, laquelle pour tromper le povre peuple ils
disoient s'enfuir par le pié de la montaigne, fut audit
Ossau, pour regaigner le peuple par amour ou par
force ou piller ceux qui s'estoient joints aux troupes
du secours; mais ayant commencé de pillerJes villages
d'Arudi et Loubié, il entendit la reddition du chasteau
d'Orthez, qui luy fit promptement rebrousser chemin
et quitter son pillage.
Le jour après la reddition du chasteau d'Orthez
Gramont et Mongomeri parlèrent ensemble en la mai-
son de Vaure ^ près d'Orthez. Tous désiroient fort que
Gramont suivit cette armée et chacun l'espéroit, et n'y
eut autre empeschement, sinon d'autant qu'il avoit esté
autres fois lieutenant général en Béarn. Il demandoit
d'estre associé et receu pour compagnon en la lieute-
nance générale dudit Mongomeri, et que lors qu'ils
feroient quelques despêches en commun, le secrétaire
du comte les despèchant, mettroit : Gabriel, comte de
Mongomeri, lieutenant général de la roine de Navarre
en toutes ses terres et seigneuries, et le sieur de Gra-
mont; et si le secrétaire de Gramont escrivoit, mettroit :
Le seigneur de Gramont et te comte de Mongomeri, lieu-
\. Le château de Baure dans la commune de Sainte-Suzanne,
canton et arrondissement d'Orthez (Basses-Pyrénées).
ET NAVARRE. 277
tenant général de la Roine , et que lorsqu'ils seroient
hors de Béarn, ils s'accorderoient par ensemble selon
l'avis des gentilshommes qui seroient en l'armée. Ce
que Mongomeri ne voulant accorder, Gramont se retira
en sa maison ; et lui fut mandé de ne costoyer l'armée
de deux lieues.
Cela rompu, le comte prit le chemin de Pau et
envoya le sieur de Lons et saisir de Lesca avec
charge de faire sommer Peyre de luy rendre la ville
de Pau, qui pour ce coup fit l'oreille sourde. Tou-
tesfois le dix-neufviesme , craignant d'estre cerné,
comme il eut esté l'endcmain, ayant envoyé le prési-
dent Etchard et Beudoat ^ à Lesca vers Lons, comme
s'il eut voulu capituler de la reddition de la ville, mais
plustot craignant qu'ils luy donnassent cmpesche-
ment à sa fuite qu'il préparoit. Incontinent qu'ils
furent partis, avec haste, crainte et estonnement,
n'ayant eu loisir d'achever de souper, ny mesmes de
prendre ses botes, et dire à Dieu à ses soldats et aux
habitans, fit secrettement mener ses chevaux dehors
la ville, monta dessus et se sauva à course de cheval.
Les prisonniers de la religion*, qui du haut de la tour
descouvroient cela, furent bien aises de le voir fuir [et,
ayans rendu grâces à Dieu,^] descendirent^ et s'estans
saisis des armes de ceux qui estoient au cors de garde,
se rendirent maistres du chasteau de Pau. L'alarme
s'estoit cependant eschaufée si bien dedans la ville
1 . Il s'agit peut-être de Raymond Du Beudat, capitaine et
valet de chambre du roi de Navarre en 1582.
2. On a ajouté : prétendue réformée.
3. Variante : lesqueh.
4. On a ajouté : tout aussy tost.
/
278 HISTOIRE DE BÉARN
qu'estans les portes fermées, les femmes commencè-
rent de desbaliser les soldats qui, trouvans les portes
closes, demeuroyent si effrayez et si esperdus qu'ils
n'avoient la discrétion ne la puissance de se defifendre,
néantmoins nul fut offensé en sa personne. LaRoquete,
enseigne de Gohas, Sanson\ lieutenant de Peyre, et
un frère dudit Roquete avec quelques autres furent
faits prisonniers ; mais la nuict ceux qui avoient fait
plaisir aux habitans furent relaschez, et les Roquetes,
ayans aydé les deux présidens Saleté * et Etchard de
n'estre pendus, furent mis en liberté à leur requeste.
Bonasse estoit encores à Nay et promettoit aux habi-
tans de demeurer avec eux et de mieux garder sa
ville que n'avoient fait ceux d'Orthès, et leur asseuroit
avec grands blaphèmes de garder les ennemis d'y
entrer s'ils n'avoyent des ailes ; et comme s'il eut fait
estât d'attendre un siège, fit empoisonner quelques
pièces de vin qui estoient aux faux-bourg avec des
crapauts qu'il fit mettre dedans par un appotiquaire,
qui en fut depuis pendu. Mais deux heures après, envi-
ron huict heures du matin, ayant fait assembler le
peuple en la place, il leur proposa que la Roine avoit
commandé à ceux du secours de coupper les mamelles
à toutes les femmes de la religion [romaine^] et de
massacrer tous les hommes et deschirer en pièces les
enfans, et accompagnant ses paroles de beaucoup de
1. Bertrand de Miossens, seigneur de Samsons.
2. Jean de Salettes, président à la Chambre des Comptes de
Pau et au Conseil souverain de Béarn, marié à Astrugue de
Bussy, testa le 7 juin 1571 (Arcli. des Basses-Pyrénées, E. 2001,
f- 191).
3. Variante : catholique.
ET NAVARRE. 2179
souspirs feints, il exortoit le peuple troublé et effrayé
de sortir du pays de Béarn en sa compagnie avec
leurs femmes et enfans, leur asseurant [avec blaphêmes
exécrables] qu'il ne quitteroit la ville que pour éviter
que telle inhumaine cruauté ne fut exercée contre
leurs personnes innocentes, mais que bien tost il les
ramèneroit et les rcmettroit en leurs maisons. Cette
remonstrance remplit la ville de gémissemens, cris et
hurlemens lamentables accompagnez de plusieurs exé-
crables inprécations. Néantmoins, au milieu de toutes
ces désolations. Bonasse faisoit charger dix chars du
plus riche butin de ses pillages, sans que ce misérable
peuple troublé, à qui la peur avoit osté le cœur et le
sens, eust la discrétion de connoistre la fraude de celuy
qui leur faisoit abandonner femmes et enfans et quitter
leurs maisons et tous autres biens, et cependant tiroit
de la presse sa femme et ses enfans et emportoit le
meilleur de ses biens, si grande est la force de la
frayeur qu'elle oste tout bon jugement et connoissance
des choses les plus clères et les plus manifestes. Ses
chars sortis et ayant remis les clef de la ville es mains
d'Arnaud Du Four \ jurât, qu'il tenoit prisonnier pou^
estre de la religion ^ réformée. Bonasse deslogea avec
telle confusion, que tout ainsi que les moutons chassez
et pressez montent l'un sur l'autre, aussi ces personnes
effrayées se pressoient tellement les unes les autres au
sortir que la porte ne leur pouvoit suffir. Les compa-
gnies de Viellambits, qui estoient logées à Nay et aux
environs, deslogèrent avec les autres en tel effroy que
1. Arnaud Du Four ou Du Forn était déjà jurât de Neiy en
1564 (Arch. des Basses-Pyrénées, E. 1735, f" 51).
2. On a ajouté : prétendue.
280 HISTOIRE DE BÉARN
plusieurs, laissans le potage et la viande sur la table,
gaignèrent la garite de telle vitesse qu'ils ne s'arrestè-
rent qu'ils ne fussent dehors tout le pais béarnois. Et
Du Four envoya incontinent à Pau donner avertisse-
ment de la fuite de Bonasse, et le capitaine Poqueron
y arriva ce mesme jour pour la Roine. Le comte, qui
receut novelles à Artis ^ de la reddition de Pau et de
Này, fesoit estât d'aller à Oloron, mais il entendit
qu'Esgarrebaque l'avoit abandonné avec la mesmes
crainte et désordre que les autres et s'en estoit fuy en
Espagne. A Oloron furent trouvez quatre gros canons
et deux pièces de campagne avec leurs attelage.
[Dieu , qui veille ordinairement pour les siens ,
aveugla de telle sorte tous cesfuyars, qu'ils n'eurent le
sens de mener avec eux les prisonniers qu'ils tenoient
pour desgaiger leurs compagnons ou pour en tirer
finance ; car ils avoient les deux présidens Saleté et
Etchart, Viret et cinc autres ministres et maints des
plus riches bourgeois et marchans de Béarn , par le
moyen desquels ils eussent peu racheter la plus part
de leurs complices.]
Toutes les places donc réduittes en l'obéissance de
la Roine, le comte s'en alla à Pau, où le 22 d'auost
[furent rendues^] grâces solennelles à Dieu de la déli-
vrance qu'il avoit fait de son église et de la liberté qu'il
avoit donnée au pais ^ ; Vire! fit le presche [sur le
seaume 124]. Ce mesme jour furent pendus six sol-
dats [des plus meschans] de la compagnie de Peyre,
1. Artix, canton d'Arthez, arrondissement d'Orthez (Basses-
Pyrénées).
2. Variante : fist rendre.
3. On a ajouté -.et.
ET NAVARRE. 381
et Sanson, son lieutenant, estoit déjà entre les mains
du bourreau, mais pour ce qu'il avoit usé de quelque
humanité en l'endroit de ceux de la religion ^ réfor-
mée, ils firent tant de requestes pour lui qu'il fut
délivré. Le 24 Bertrand de La Torte, dit Audiyos% cha-
noine de Lesca, et Jaques Du Puy, l'un des principaux
soliciteurs de la protection [et des plus cruels ennemis
de ceux de la religion réformée], furent pendus.
La célérité servit plus que ses forces au comte, l'exé-
cution duquel fut si prompte qu'il pouvoit dire ce que
disoit César après la defFaite de Pharnaces : « Je suis
venu, j'ay veu et vaincu » ; ou ce que disoit le pape
Alexandre^ du roy de France Charles VIII, qu'il estoit
venu à Naples avec des espérons de bois et la croye en la
main de ses fourriers ; car en moins de quinze jours
ledit comte conquit tout le pais de Béarn et en déchassa
les ennemis, [ce qui doit estre plus tôt attribué à Dieu
qu'àluy, qui *] mit un tel espouvantement au cœur de
l'armée protectrice et de tout le pais, que nul osa s'opi-
niastrer en la défense de quelque place ; ce qu'ils
pouvoient avoir fait, veu le nombre d'hommes de
guerre qu'ils avoient et la faveur de tout le pais et le
secours prochain du mareschal d'Anville, Monluc et
Bellegarde, qui sans doubte fussent entrez dedans le
pais, si seulement une place fut demeurée à la dévotion
du Roy. [Mais ce grand Dieu des armées voulut faire
connoistre aux hommes que celuy se trompe qui se fie
1. On a ajouté : prétendue.
2. Fils de Bertrand de La Torte, prêtre de Nay, qui testa le
14 juin 1516 (Arch. des Basses-Pyrénées, E, 1718, f 68).
3. Alexandre VI.-
4. Variante : il.
HISTOIRE DE BÉARN
en ses forces et qui pense par son bras abolir sa
vérité. Et tout ainsi que la guerre avoit chassé le
presche du pais, semblablement la guerre en chassa
la messe, car tous les prestres s'enfuirent lors telle-
ment de tout Béarn que jamais depuis nul y est entré
pour y chanter messe , ne fere aucune cérémonie
romaine. Et ce qui est plus admirable : la sédition qui
avoit retenue la Roine d'oster du pais les cérémonies
romaines, fut celle qui les en banit entièrement.]
Mais l'exécution de Sainte-Golome , Gerderest ,
Gohas, Abidos, Gandau, Saliis, Sus, béarnois, et Por-
diac, gascon, et un sien serviteur, qui, sept ou huit
jours après la reddition d'Orthès, furent tués de sang-
froid en prison à Navarrenx ',. osta quelque chose de
son lustre à cette [glorieuse] victoire. Gest exploit fut
diversement interprété par plusieurs de l'une et
l'autre religion, selon que les diverses affections de
ceux qui en parloient les possoient. Les uns disoient
que celuy qui avoit monstre par ses faits n'avoir point
de foy, n'en devoit point aussi trouver ; que ceux de
la protection n'avoient rien tenu de ce qu'ils avoient
promis et juré à ceux de la religion - réformée , car
contre les capitulations faites à Pau et Orthès et les
promesses d'Esgarrebaque pour Oloron, les lettres du
Roy, la commission de Tarride et son jurement en sa
réception, plusieurs avoient esté meurtris et massa-
crez ou exécutez par le bourreau et tous en général
pillez ou rançonnez ; par ainsi qu'on ne devoit trouver
plus mauvaise cette exécution, encores qu'elle fut répu-
1. L'exécution eut lieu, comme on le voit, à Navarrenx et non
dans le château de Pau, ainsi que la plupart des historiens l'ont écrit.
2. On a ajouté : prétendue.
ET NAVARRE. 283
gnante à la capitulation d'Orthez que celles que les
protecteurs avoient fait contre leur foy et promesse.
Outre que ces hommes par leur crédit pouvoient
exciter de nouveaux troubles pires que les premiers.
Les autres alléguoient que tout ainsi que ceux de la
religion ^ réformée se disoient avoir une meilleure reli-
gion, qu'aussi de voient-ils estre plus religieux à garder
la foy donnée, veu principalement que la parole de
Dieu commande de garder la foy promise, et les payens
mesmes avoient esté si religieux en cela qu'ils avoient
mieux voulu souffrir la mort que rompre la foi donnée
à leurs ennemis, où ceux de la religion [romaine *]
estoient dispensez par les Papes et les canons de ne
garder la foy aux hérétiques; que si on craignoit
quelque remuement du costé des occis, il les faloit
séparer et bien serrer.
J. de Monluc% évesque de Valence, en sa harangue
qu'il fit aux Polonois pour la défence que le duc
d'Anjou, frère du Roy, n'avoit esté cause du massacre
de la Saint-Bartélemy 1 572 , dit que ces gentils
hommes avoient esté gardez prisonniers neuf mois et
après iceux avoient esté massacrez ; [ce qui est faux et
une grande impudence audit évesque, qui savoit la
vérité du fait, car il estoit en ce tems en sa maison de
Gaube \ à moins de quinze lieues de Navarrenx.]
t. On a ajouté : prétendue. '
2. Variante : catholique.
3. Mort à Toulouse en 1579 ; c'était le frère de Biaise de
Monluc.
4. Quartier de la commune de Perquie, canton de Villeneuve,
arrondissement de Mont-de-Marsan (Landes). Le château de
l'évéque de Valence a été détruit , mais une métairie voisine
284 HISTOIRE DE BÉARN
Le meurtre de Bassillon qui, peu de jours après, fut
massacré sur la rue à Navarrenx par Marchastel et le
capitaine PujoP, fut pris aussi diversement ; car, disoit-
on, s'il avoit intelligence avec l'ennemi ou avoit com-
ploté de se rendre maistre de Navarrenx, comme il y
en avoit de grandes présomptions et quelque avertis-
sement, il devoit estre convaincu et puni par la justice ;
et s'il n'y avoit que des présomtions urgentes, il
devoit estre mis hors de charge et retenu tant que la
guerre eut duré. Mais le bruit et le cliquetis des armes
empeschent souvent de pouvoir entendre ce que
les loix commandent. Toutefois c'est un pernicieux
exemple, et de pire conséquence, de faire mourir les
hommes sans les ouir, convaincre ne condamner, et
ne doit être pratiqué qu'en un danger très éminent, et
autrement inévitable, et qu'on n'ayt moyen d'y procéder
par la voye de justice. Arnaud de Gachissans, sieur de
Sales ^, fut fait gouverneur de Navarrenx en la place
de Bassillon.
Le comte fît publier à Pau un pardon général, avec
défense de molester les personnes et biens de ceux qui
demeureroient paisibles en leurs maisons ou pren-
droient les armes pour le service de leur Dame souve-
raine. Mais cela ne peut empescher que ses soldats ne
porte encore le nom de l'Abescat (Communication de M. Tartière,
archiviste du département des Landes).
1. Jean de Fargues, dit La Mothe-Pujols, tué à Caussade, près
Montauban, en 1572.
2. Marié en premières noces à Marguerite de Saut, d'Oloron,
en secondes à Gracie de Maument, déjà veuve : 1° de N. de
Charritte, 2° de N. d'Olce. Le fils d'Arnaud de Gachissans, Jean-
Bertrand, fut après lui gouverneur de Navarrenx jusqu'en 1620.
ET NAVARRE. 2l85
fissent prou de désordres; car eneores qu'ils ne
rançonnascent pas ouvertement les personnes, ils
fouilloient couvertement dedans les bourses de leurs
hostes, et ceux qui gouvernoient dedans les villes pre-
noient non pas des rançons mais des présens des plus
craintif, qui désiroient de demeurer en asseurance en
leurs maisons . Cette bénignité de la Roine ne peut cepen-
dant adoucir le cœur de plusieurs, ains elle sembloit leur
avoir plus tôt servi de souflet pour accroistre leur
mauvaise volonté; car peu ou point de ceux qui estoient
dehors le pais revinrent, et maints qui estoient dedans
massacroient tous ceux qu'ils pouvoient attraper por-
tans armes pour la Roine, fussent béarnois ou estran-,
gers ; et quelques uns usèrent de telle cruauté, qu'ils
enterrèrent quelques soldats tous vifs.
Pour entretenir à l'avenir le pays en la dévotion de
la Roine et retenir le peuple en devoir, l'exercice de la
justice fut restabli au mesmes estât qu'il estoit devant
la venue de Tarride et les officiers qui avoient esté
déposez par luy remis, et ceux qu'il avoit faits desmis.
Et garnisons et gouverneurs furent ordonnez par
toutes les places tenables : Lons fut mis à Pau, Lobié à
Oloron, Poqueron à Nay, Espalengue en Ossau, Brasse-
lay à Orthez. Après cela l'armée partit de Pau pour
aller vers le Vie- Vieil où le capitaine La Borde ^ fut mis
dedans le chasteau de Montaner. De là elle print le
chemin de Bigorre où estoit Bellegarde , qui lui fit
aussi belle place qu'il avoit fait au passer de la
Garonne. Tarbe se remit à sa volonté et le sieur de
1. Bernard de Laborde, 1570 (Arch. des Basses-Pyrénées, E.
2001).
^86 HISTOIRE DE BÉARN
Bénac fut envoyé sommer Lourde ^ et le chasteau, mais
il trouva que le capdet Bertran d'Antin l'avoit jà aban-
donné ; Gaseban fut ordonné gouverneur de la ville et
du chasteau. La reddition de Lourde fascha fort
Bonasse qui, partant de Nay, s'estoit retiré aux mon-
tagnes de Labedan % desquelles Lourde estoit la porte.
Par quoy n'osant faire plus long séjour là, il pensa de
passer par la valée d'Ossau, pour se retirer en Aspe
et en la Basse-Navarre où Luxe avoit encore quelques
forces en pié. Mais arrivant aux premiers villages
d'Ossau , tout le peuple luy courut sus et lui fit
rebrousser chemin avec perte de tout son bagage et
équipage et vingt hommes morts ou prisonniers.
Depuis il print le chemin par Espagne.
Et la Bigorre remise es mains de sa comtesse ,
l'armée tourna la teste devers la Chalosse pour faire
mesmes exploit sur la viscomté de Marsan, où l'effroy
de ses troupes victorieuses n'estoit pas moindre
qu'ailleurs. Et Flamarens, séneschal de Marsan et gou-
verneur de la ville du Mont-de-Marsan, n'eut plus tôt
nouvelles que Mongomeri avoit pris cette route, qu'il
quitta la ville avec tel espouvantement qu'il ne
fut possible aux habitans, qui le prioient de les aider
à se défendre ou de capituler avec l'ennemi, selon que
l'avantage ou la nécessité leur enseigneroit, de l'arres-
ter. Ains pour ce que le maire ne voulut prendre les
clef du chasteau, craignant qu'on ne lui demandast
conte des choses qui s'y estoient perdues durant les
1. Lourdes, chef-lieu de canton de l'arrondissement d'Argelès
(Hautes-Pyrénées). Le château est encore une place forte.
2. Le Lavedan est compris dans le département des Hautes-
Pyrénées.
ET NAVARRE. 287
troubles, Flamarens les jetta sur la rue et monta à
cheval. Cela fit retirer les Mont-Marsanois à Monluc,
duquel ils n'eurent aucune responce, sinon qu'il estoit
marri de la lascheté de Flamarens, mais qu'ils fissent
comme ils pourroient, car il n'avoit lors moyen de
leur envoyer autres forces. Sur quoy ils receurent la
garnison que le comte leur envoya et promirent dix
mille livres pour la cause. Saint-Sevé^ fit le mesmes
et promit quinze mille livres. Les deux compagnies qui
estoient à Sainct-Sevé se retirèrent à Aqs^. Le comte
fut fort fasché contre Bassillon, de ce qu'il avoit entre-
pris de faire ladite capitulation, sans son sceu et sans
son commandement, et ottroyé la rettraitte aux deux
compagnies à d'Aqs, lequel le comte espéroit trouver
despourveu. Ce fut le commencement du supçon qu'on
eut de Bassillon, les actions duquel on commença dès
lors d'observer.
Le mareschal Banville et Monluc , qui avoient
durant ce tems mis sus de belles forces , commencè-
rent de s'approcher du comte , les forces duquel
estoient fort affoiblies par les grandes maladies qui
s' estoient mises en son armée, qui ne voulant mettre
au hazard d'une bataille le fruict de ses victoires, se
retira sur la frontière de Béarn, et de là dedans le pais
vers Saliis, pour mettre la rivière du Gave entre luy
et l'ennemi, s'il le vouloit suivre pour l'attirer à un
combat désavantageux. Mais Monluc s'adressa vers le
Mont-de-Marsan et le print en plein jour par escalade,
car il n'y avoit que bien peu de soldats qui mesmes
1. Saint-Sever (Landes).
2. Dax (Landes).
9188 HISTOIRE DE BÉARN
n'avoient pas beaucoup de poudres. Toutesfois les
capitaines Fabas ^ et Lucbardès, qui y estoient arrivez
le jour auparavant avec trente ou quarante hommes,
se delFendirent tant qu'ils peurent et en combattant se
retirèrent dedans le chasteau où, s'estans rendus à
composition, turent la plus part massacrez, en despit
de ce que Tilladet ~, maistre de camp de l'infanterie
de Monluc, avoit esté tué d'une harquebusade à l'en-
trée. Et jaçoit que les habitans n'eussent rien fait que
ce que Monluc leur avoit conseillé, si est-ce que la ville
fut tout à plat saccagée et n'y eut sorte de mal ni
d'ottrage qui ne fut prattiqué par les victorieux ; et
sans l'arrivée de Banville, ils eussent eu pis, mais il
fit cesser le pillage et se courrouça contre Monluc de
ce qui avoit esté fait.
Cette exécution remit le cœur au ventre aux parti-
sans de la protection, tellement que ceux de Bigorre
reprinrent la ville de Lourde, et le chasteau leur fut
rendu fort laschement par Lestrem, lieutenant de
Caseban, qui pour ceste lascheté fut pendu à Pau. Et
Luxe alla assiéger le chasteau de Mauléon de Soûle où
est oit Aramis^, qui fut secouru par le régiment du
viscomte de Moncla et quelques compagnies béarnoises
et les cornetes de cavalerie de Sérignac, Montamat et
Lons qui bruslèrent la ville et le chasteau et rembar-
rèrent les Basques en leur montagne et les eussent
poursuivis plus longuement si le comte ne les eut
1. Jean de Fabas, mort en 1612.
2. Antoine de Gassagnet, seigneur de Tilladet, Cassagnet et
Gaussens, frère aîné de Saint-Orens.
3. Pierre d'Aramits, marié à Louise de Sauguis (Arch, des
Basses-Pyrénées, E. 1168 et 1170).
ET NAVARRE. 289
rapellez pour aller costoier l'armée de Damville, qui
se retirant vers Tholouse passoit au long de la fron-
tière de Béarn. Il fit semblant d'assiéger Rabastenx^
en Bigorre, où estoit le capitaine Payrol qui tint si
bonne mine de se vouloir bien défendre, qu'il passa
outre, ne voulant consumer le tems, ne bazarder les
hommes qu'il avoit besoin pour la garde de son gou-
vernement de Languedoc en un siège long et dange-
reux et au gouvernement d'autruy. Il laissa le sieur
d'Arné, lieutenant de Roy en Bigorre, Rivière et
Pardiac. Son gouvernement fut fort court, car comme
il estoit venu descouvrir les forces dudit comte, qui
estoit à Vielle-Condau% il fut chargé si à propos par
quelques gendarmes qui le découvrirent, comme ils
commençoient de se loger, qu'il fut blessé et prins pri-
sonnier, et les membres de sa compagnie mors ou pris
avec plusieurs de ses gens d'armes. Il mourut quel-
ques jours après de sa blesseure , fort regreté pour
son honnesteté et valeur.
Bonasse estoit cependant es montagnes d'Aspe et y
avoit rassamblé tout le peuple qui estoit très mal
affectionné à sa Princesse, et tous les jours sa troupe
grossissoit de plusieurs de ceux qui de tous les quar-
tiers de Béarn se joinoient à luy ; et estoit à craindre
qu'il n'attentast quelque chose ou s'unit à Luxe, auquel
il pouvoit aller par les montagnes, ou qu'il se dressast
une dangereuse retraite en ces lieux si inaccessibles,
aboutissans à l'Espagne. Ce qu'il eut indubitablement
1. Chef-lieu de canton de l'arrondissement de Tarbes (Hautes-
Pyrénées) .
2. Villecomtal, canton de Miélan, arrondissement de Mirande
(Gers).
19
290 HISTOIRE DE BÉARN
fait, sy on luy eut donné guère plus de loisir. Mais
Arros y alla de bonne heure avec quelques troupes
béarnoises et le régiment de Soulan ; toutesfois à cause
du mauvais temps, il fut contraint de s'en retourner
sans rien faire. Mais peu de jours après ils y retour-
nèrent et, ayans forcé les cors de garde qui estoient aux
destroits et avenues des chemins, ils entrèrent dedans
la valée par la Pêne d'Escot\ et chassèrent Bonasse
jusques auprès de Lescun^ Ils brûlèrent les villages
de Sarrance% Vedos\ Acous% Osse^, Lez, Atas' et
Joers% et le capitaine Espalengue brusla Urdos®.
Mongomeri partit après de Béarn prenant le chemin
de Gascogne où du commencement il fut receu partout,
et s'il n'eut renvoyé l'artillerie en Béarn, il y eut fait
de si bons logis, que de toute cette guerre on ne l'en
auroit deslogé. Ceux qui estoient à Euse ^M'abandon-
nèrent avant qu'il y arrivast. Tarride mourut là de
maladie. Monluc abandonna aussi Condomet se retira
à Agen, et toutes les autres villes receurent garnison
1 . Rochers situés dans la commune d'Escot, dont l'extrémité
surplombe la route d'Espagne.
2. Canton d'Accous, arrondissement d'Oloron (Basses-Pyrénées).
3. Canton d'Accous, arrondissement d'Oloron (Basses-Pyrénées).
4 . Bedous, canton d'Accous, arrondissement d'Oloron (Basses-
Pyrénées).
5. Accous, chef-lieu de canton, arrondissement d'Oloron
( Basses-Pyrénées) .
6. Canton d^ccous, arrondissement d'Oloron (Basses-Pyrénées).
7. Léès-Athks, canton d'Accous, arrondissement d'Oloron
(Basses- Pyrénées) .
8. Section de la commune d'Accous.
9. Canton d'Accous, arrondissement d'Oloron (Basses-Pyrénées).
10. Eauze, chef-lieu de canton de l'arrondissement de Condom
(Gers).
ET NAVARRE. 291
OU se rachetèrent par promesse d'argent pour la cause,
Leitore^ exceptée. Mais le bruit de la bataille de Mon-
contour* et le défaut que le comte avoit d'artillerie
leur remit si bien le cœur, que ceux du chasteau de
La Cassaigne% tenu par Monluc, par permission dudit
Mongomeri, à la prière de la noblesse gasconne qui
estoit avec luy , commencèrent ouvertement l'hostillité ;
et ceux d' Aux * ayans mis quelques compagnies dedans
leurs villes refusèrent de compter les dix mille livres
qu'ils avoient promises, et à leur exemple, toutes les
autres villes firent de mesme, de manière que Condom
fut entourré de tous costez d'ennemis. Toutesfois l'ar^
méey séjourna jusques à tant que les Princes, après la
bataille de Moncontour retirez au long du bord de la
Garonne, partirent du Port-Sainte-Marie ^. Avec eux
s'en alla le libérateur de Béarn que nous laisserons
aller pour revenir aux affaires de Béarn, où Montamat
avoit esté ordonné par la Roine lieutenant- général
ensemblement et également avec Arros, et tous deux
lieutenans de Roy au deçà la Garonne en absence du
prince de Navarre.
Prenant donc le chemin de son gouvernement avec
sa compagnie de cavalerie et deux ou trois d'infan-
terie, Montamat séjourna quelques jours à La Bastide
1. Lectoure (Gers).
2. Chef-lieu de canton de l'arrondissement de Loudun (Vienne)
où le duc d'Anjou battit les protestants commandés par Goligny,
3 octobre 1569.
3. Canton et arrondissement de Condom (Gers).
4. Auch (Gers).
5. Chef-lieu de canton de l'arrondissement d'Agen (Lot-et-Ga-
ronne).
^92 HISTOIRE DE BÉARN
d'Armaignac^ pour recuillir plusieurs troupes du comte
qui, s'amusans trop longuement à piquorer, estoient
demeurées deçà l'eau et commençoient d'estre cou-
rues par les ennemis, qui s'estoient jà fortifiez et ren-
dus maistres de la campagne ; ce qui donna occasion
à Montamat de changer de logis et s'approcher de sa
rettraite de Béarn. Arrivé à Grenade sur l'Adou, à quatre
lieues de Béarn et deux de Saint-Sevé, Boi'y et Guyot
avec leurs compagnies, Balis, cornete du capitaine
Yolet, le vinrent trouver, qui s'amusans trop à Nérac
furent surpris par l'ennemi et Yolet fait prisonnier.
Arblade , gouverneur d'Euse , y arriva aussi , ayant
quitté la ville sans rien dire et avec telle haste qu'il n'eust
loisir de la desmanteler, comme Montamat luy avoit
expressément mandé. De Grenade il alla à Saint-Sevé,
où, pour ce que le capitaine Estopignan*, qui en estoit
gouverneur, estoit demouré de là la Garonne, il mit
le capitaine Artigues ^ et fît fort bien remparer et avi-
tuailler la ville; et en la place du capitaine Casallis%
qui estoit aussi demeuré avec les Princes, mit Faget à
1 . Canton de Roquefort, arrondissement de Mont -de-Marsan
(Landes).
2. En 1515 Barthélémy d'Estoupignan, bourgeois de Saint-
Sever, et en 1532 Pierre d'Estoupignan, étaient médecins du roi
de Navarre (Archives des Basses-Pyrénées, E. 1982, 1983 et
1986).
3. Le capitaine Artigues, de Lembeye, en 1569 (Arch. des
Basses-Pyrénées, B. 2153, f» 23). Il y avait un fief de ce nom
dans la commune de Gastillon, près Lembeye.
4. Le capitaine Pierre Barre, dit de Gondom, reçut du roi et de
la reine de Navarre, en 1560, à titre viager, la seigneurie de
Casalis, canton de Hagetmau, arrondissement de Saint-Sever
(Landes); le l*' juillet 1563 elle lui fut vendue (Reg. de la
Chambre des Comptes, arch. de M. le baron de Laussat).
ET NAVARRE. 293
Tartas^ Delà il alla à Tarbe où les Bigordans commen-
çoient de se fortifier et la print par sape et escalade.
Le capitaine Horgues, qui avoit esté pris à Orthez, y
fut repris. La tuerie n'y fut pas fort grande, pour ce
qu'il y avoit peu de soldats, et les habitans furent
espargnez.
Le bruit du deslogement de Mongomeri et de ses
troupes hauça tellement le courage aux Béarnois de la
protection qui estoient en Aspe, la Basse-Navarre et
Soûle, qu'ils prinrent espérance de pouvoir recouvrer
le pais, si le roy de France vouloit joindre quelques
forces à celles qu'ils espéroient faire, tant des Béarnois
fugitif que des Basques, desquels ils s'asseuroient faire
vingt-deux compagnies. Par ainsi envoyèrent Armen-
daris devers ledit Roy pour luy déclarer leur intention
et leurs moyens, et le supplier de leur envoyer quel-
ques cornetes de cavalerie et permettre que les quatre
mille Espagnols que le roy Philipe devoit faire passer
en France, en faveur des catholiques, les assistassent
pour quelque peu de tems. Et afin que ceux d'Aspe
ne se laissassent cependant disunir d'eux, ils les firent
obliger par sindicat de persister jusques à la mort en
l'obéissance de la Roine, sous la protection du roy de
France, et d'obéir à tout ce que pour cest effect leur
seroit commandé par Luxe, Damasan et Bonasse. Ces
gens retournoient tousjours au mesmes erreur et vou-
loient oster le pais à celle qui le possédoit, pour lui
garder après qu'elle l'auroit perdu. Voilà comme la
passion offusque les yeux de la raison, car pensans
1. Chef-lieu de canton de l'arrondissement de Saint-Sever
(Landes) .
294 HISTOraE DE BÉARN
mieux tromper le simple peuple, ils remirent en avant
la prison de la Roine et de ses enfans et la protection
du roy de France ; mais ils continuoient tousjours en
leur premier dessein d'approprier la souveraineté de
Béarn au François et à eux le domaine, ainsi qu'il
appert manifestement par les deux lettres suivantes,
escrites du camp devant Saint-Jean-d'Angeli, le 1 8 de
décembre 1569, et responsives à celles que Bonasse
avoit écrites au Roy et à Monsieur son frère.
« Monsieur de Bonasse, je vous feray particulièrement
ce mot pour vous dire que j'ay plus d'envie de vous
gratifier que ne m'en sauriez requérir, et encores que
les affaires de Béarn ne soient pas de sorte que je
puisse aisément disposer de ce qui y est, néantmoins
je trouve bon, attendant que vous puissiez estre mieux
pourveu et avec plus de seurté de la seigneurie de
Nay, que vous en jouissiez et mettiez en possession,
attendant qu'avec les moyens que Dieu m'a donnez, je
vous puisse rendre plus certain et paisible sieur dudit
lieu, comme aussi je feray à l'endroit de tous les autres
gentilshommes qui m'ont requis de leur faire du bien
et les gratifier, y estant la volonté telle qu'il ne reste
que de bien exécuter. Et remettant le tout sur le sieur
d'Armendaris, asseurez-vous qu'en tout ce qui se pré-
sentera pour vostre bien et avancement, je y tiendray
tousjours la main de bien fort bonne volonté pour
vous en faire avoir le fruict que vous en pourriez
attendre. Et en cest endroit je prieray Dieu, etc. > _^
Monsieur, frère du Roy, luy escrivit le mesmes en
ces termes :
« Monsieur de Bonasse, le Roy, mon seigneur et frère,
vous fait particulièrement entendre par la lettre qu'il
ET NAVARRE. 295
VOUS escrit la bonne volonté qu'il a en vostre endroit,
et comme il est marry que les affaires de Béarn ne
soient mieux disposez pour le vous faire connoistre
davantage. Toutesfois, en attendant qu'il y ait donné
l'ordre qu'il y a à donner, vous regarderez à vous
mettre en possession de Nay. Vous entendrez aussi
par le sieur d'Armendaris tout ce que vous avez à
faire pour le service du Roy, mon seigneur, par delà.
Je ne vousdiray donc pour le présent autre chose, sinon
que je vous prie croire qu'en tout ce qui se présentera
pour vostre bien et avancement, je y tiendray tous-
jours la main pour vous en faire avoir le fruict que
vous en pourriez attendre. »
Par ces deux lettres apert que les compagnons de
Bonasse avoient fait pareilles demandes au Roy, et
que, pensans tenir le pais de Béarn comme en leurs
mains, ils l'avoient partagé entre eux.
Armendarits apporta aussi commission à Luxe de
faire levée de vingt-deux compagnies de fanterie, des-
quels Bonasse fut ordonné maistre-de-camp , et de
commencer la guerre contre Béarn en attendant l'arri-
vée de Losses, auquel fut baillé le commandement
général de toute cette guerre en la place de Tarride.
Et d'autant que Losses, à qui ceste charge n'estoit pas
beaucoup agréable, tardoit trop, Lansac escrivit de
Bordeaux à Luxe, son gendre, qu'il solicitoit tousjours
Losses qui se préparoit, toutesfois puisque les troupes
de Mongomeri avoient passé vers les Princes et le jadis
amiral (tels sont les mots de sa lettre) , il le prioit
cependant d'employer le bon moyen qu'il avoit pour
entreprendre quelque chose sur Béarn pour le ser-
vice du Roy. Sur cette commission et lettre, Luxe
296 fflSTOlRE DE BÉARN
mit sus toutes les forces qu'il peut, mais non pas telles
qu'il avoit promis ; et ayant entendu par quelque faux
bruit que Montamat avoit esté deffait en Bigorre par
Monluc, print asseurance de pouvoir faire quelque
heureux exploit sur Béarn, qu'il pensoit effrayé et affoi-
bly par cette deffaite qu'il tenoit asseurée. Il fit son
assemblée à Barcus en Soûle \' lieu assés prochain
d'Oloron, qu'il pensoit attraper le premier et l'empor-
ter par escalade, et escrivit secrètement aux jurats de
la valée de Barétons et à ceux de Sainte-Marie lez
Oloron et autres de ce quartier de se tenir prests et
faire, le plus secrètement qu'ils pourroient, provision
de vivres ; les asseurant que dedans peu de jours, il
visiteroit de si près les ennemis, qu'ils seroient bien
mauvais s'ils ne lui fesoient large. Et pour asseurer
son premier logis, qu'il prétendoit faire à Sainte Marie,
envoya quelques harquebusiers prendre la tour de
Momor* appartenante à l'évesque d'Oloron. Mais Lou-
bié, gouverneur d'Oloron, y envoia si promptement
quelque troupe, que les preneurs, aussi mal asseurez
que proveus de ce qu'il leur falloit, furent renvoyez
d'où ils estoient venuz, et fut la tour quasi aussi tost
reprise que prise. Cela troubla l'entreprise de Luxe,
plus tost que rompre, car deux jours après, espérant
recevoir incontinent les Aspées^ et cinq cens bando-
liers^ que le merin' de Jaque® luy avoit promis à la
1. Canton et arrondissement de Mauléon (Basses-Pyrénées).
2. Moumour, canton d'Oloron-Sainte-Marie-Ouest, arrondisse-
ment d'Oloron (Basses-Pyrénées). La tour existe encore.
3. Habitants de la vallée d'Aspe.
4. Soldats organisés en bande.
5. Chef de merindad ou district.
6. Jaca, ville de la province de Huesca en Aragon.
ET NAVARRE. 297
solicitation de Supersantis, avec tout ce qu'ils avoient
peu ramasser, il entra en Béarn et surprit les compa-
gnies des capitaines Moret, Cortade et Brasselay,
comme elles se logeoient à Sainte-Marie, qui ne pen-
sant l'ennemi si prochain, chargées au despourveu et
chassées de tout le village, se retirèrent en désordre à
Oloron, abandonnant tous leurs chevaux et la plus part
leurs armes. Plusieurs qui ne furent bien ingambe
furent tuez ou demeurèrent prisonniers, et eut esté le
nombre plus grand sans l'arrivée de Cortade qui,
ayant ralié quelques-uns, leur fit faire ferme au bout
du pont et arresta les ennemis. Il y fut blessé d'une
harquebusade par les deux pies. Ce premier exploit
fit hausser les cornes à Luxe et luy donna espérance
de regaigner bien tost tout le pais ; mais Arros arriva
cependant à Oloron avec quelques compagnies béar-
noises pour luy faire teste, en attendant la venue de
Montamat, qui estoit allé deffaire quelque Béarnois
fugitif, qui, s'estans fortifiez au pont du Serain', cou-
roient en Béarn avec beaucoup de maux. Ils furent
deflfaits avec deux compagnies de Basques qui les
venoient favorir et deux des plus séditieux pendus et
plus de quatre-vingtz tuez, et tout le village bruslé.
L'intention des deux lieutenans estoit d'assaillir
Luxe dedans Sainte - Marie , où il avoit si bien for-
tifié la maison épiscopale et toutes les avenues du
village, qu'elles ne pouvoient estre forcées par la
main seulement, sans grande perte d'hommes. Par-
quoy ils fesoient venir de Navarrenx deux pièces
pour rompre les rempars. Luxe, qui n'avoit faute
1. Pont d'Osserain.
298 HISTOIRE DE BÉARN
d'espions parmi les troupes béarnoises , en fut adverti
et deslogea la nuict si coyement, qu'il estoit hors de
danger auparavant qu'on en sentit rien. Il prit le che-
min de la Basse-Navarre et Bonasse celuy d'Aspe.
Luxe fut suivi par les lieutenans qui le chassèrent
de toute la Basse-Navarre. Et Bonasse, ne se voulant
plus fier aux Basques, qu'il disoit avoir trop de con-
fiance en leur bien enjambe, pour s'arrestcr aux com-
bats fermes et tenir teste à l'ennemi aux combats de
la main, se voussit approcher de Gascogne, dont il espé-
roit plus de support que de secours ; et ayant d'une
corvée traversé tout le pais de Béarn, avec sa compa-
gnie d'infanterie et celles du Grec de Podens et Abba-
die d'Iseste^ arriva en Bigorre à Saint-Pée-de-Gerès*,
sans que les troupes d'Ossau et d'Oloron, qui estoient
à sa queue, le pensent accoussuyvre. Toutesfois, si elles
ne se fussent arrestées au village d'Asson, l'eussent
attrapé et defFait au passage delà rivière, où il employa
plus de deux heures, car il fut contraint de passer ses
gens sur des chars, qui d'autre costé estoient si haras-
sez qu'ils ne se pouvoient bouger et à grand peine une
vingtaine avoient corde ni feu. Il séjourna là six jours
et se joignirent à luy plusieurs Béarnois qui, fesans
bonne mine, s'estoient tenus cois en leurs maisons
1 . Jean d'Abbadie, d'Izeste, marié à Isabelle, fille de Louis de
Tardets, seigneur de Sauguis- (Archives des Basses-Pyrénées, E.
1491 et 1859). — Il existe dans le même dépôt (E. 1888) une
pièce intéressante , c'est le testament de Louise d'Abbadie ,
d'Izeste, mère du capitaine : elle déclare que son frère Raymond,
curé d'Izeste, lui a prêté 40 francs pour que Jean, son fils, n'aille
pas à la guerre. Ce testament est de 1565.
2. Saint-Pé, chef-lieu de canton de l'arrondissement d'Argelès
(Hautes-Pyrénées) .
ET NAVARRE. 299
depuis l'arrivée de Mongomeri. Il envoyoit secrètement
la nuict par les villages pour pratliquer le peuple et,
[pour mieux tromper les simples,] fesoit rendre le
bestail et tout autre butin à ceux de la religion
[romaine^], leur disant qu'il avoit bazardé un passage
si dangereux, non pas pour les piller, mais pour les def-
fendre et les délivrer de la tyrannie des huguenots [et
restablir la religion romaine.] Tout le peuple, qui pan-
choit de son costé plus que de l'autre, luy prestoit
volontairement l'oreille et déjà commençoit secrette-
ment à gronder et se remuer, quand Bonasse, adverti
qu'Arros et Montamat le venoient trouver, se retira
dedans Lourde, où ils le furent reconnoistre, mais lui,
se connoissant foible pour le combat en gros, comme
il estoit homme de guerre, se tint dedans son fort où
il* eut esté promptement assailli, sans que les lieute-
nans craignoient que la forteresse du chasteau les
retint si longuement que Monluc eut le loisir de les
venir trouver, par ainsi se retirèrent. Cette rettraite
accreut l'audace à Donnasse qui se promettoit d'estre
invincible aux Béarnois et, pour se loger plus au large,
quittant Lourde, s'en alla à Tarbe avec huict compa-
gnies de fanterie qui furent tous receues par les habi-
tants. Le chanoine Idron*, béarnois, Viele-Pinte et
Bégole l'allèrent incontinent trouver avec tout ce qu'ils
peurent ramasser, de manière qu'en peu de jours il
eut plus de mille hommes ensemble. Il fist accoustrer
la ville et la prouvoir de toutes choses nécessaires. Et
d'autant qu'il n' avoit aucun commandement sur la
1. Variante : catholique
2. Jean d'idron, chanoine de Lescar.
300 HISTOiaE DE BÉARN
ville, laquelle l'avoit volontairement receu, et qu'elle
commençoit à se fascher de lui, il pria Monluc de lui
envoyer commission pour y demeurer et y commander,
afin de pouvoir plus facilement exécuter plusieurs
belles et grandes entreprises qu'il disoit avoir sur
quelques places de Béarn; pour l'exécution desquels il
asseuroit Monluc d'avoir mile bons harquebusiers ,
outre l'asseurance que tout le pais se déclareroit en sa
faveur, mais qu'il avoit manqué de cavalerie, et le
prioit luy vouloir envoyer deux compagnies. Et au
mareschal Banville demandoit de l'artillerie, qui lui
refusa. Mais Monluc lui envoya la commission et lui
escrivit [que, de par Dieu ou de par le diable, (ce sont
les mots de sa lettre) ^ il] attendit qu'il eut préparé aux
Béarnois le soupper que le Roy luy avoit commandé,
auquel il donneroit si bon ordre, que la viande ne lui
défaudroit point au milieu du repas, comme elle avoit
fait à Tarride. Cependant il envoya commission au
viscomte de Labatut ^ de faire un grand magasin de
vivres à Tarbe, où se commissaire fut tué d'une har-
quebusade par les soldats de Bonasse, comme ils le
pensoient honorer d'une escarmouche dressée entre
eux, pour lui donner plaisir le soir quand ils s'assem-
bloient pour entrer en garde. Les Béarnois fugitif par
la Gascogne ne se tenoient pas moins asseurez que
Bonasse que Béarn seroit à ce coup emporté; et estoient
bien marris qu'ils n'y pouvoient estre, tant pour sau-
ver leurs biens que pour butiner celuy des autres, et
escrivirent de Tholouse à Bonasse et au chanoine
1. Variante : qu'il.
2. Jean de Rivière, vicomte de Labatut.
ET NAVARRE. 804
Idron qu'ils avoient entendu que les catholiques
avoient délibéré, entrant en Béarn, de saccager indi-
férement tout le pais, ce qu'ils leur prioient vou-
loir empescher et ne permettre que les catholiques et
bons serviteurs du Roy fussent traittez comme les héré-
tiques et rebelles, leur asseurant que, de leur costé, ils
travailloient le plus qu'ils pouvoient de se mettre en
équipage pour se trouver à la feste. [Et l'évesque
d'Oloron, escrivant de Sangoesse, se plaignoit de ce
qu'il estoit incapable du maniement des armes, et inci-
toit Bonasse de poursuivre courageusement l'œuvre
qu'il avoit si bien et heureusement commencée, et
de continuer d'estre tousjours semblable à soy-
mesme. Ces gens chantoient le triomphe devant la
victoire.]
Les lieutenans béarnois qui recevoient tous les jours
nouveaux advertissemens des entreprises de Bonasse
et des préparatifs de Monluc, pensant qu'il leur falloit
rompre ce coup par la deffaite de Bonasse, qui leur
estoit plus aisée et plus utile que celle de Monluc, qui
avoit les forces de Guienne en main et n'avoit tant
de passion en ceste cause que Bonasse, auquel l'animo-
sité ne permettoit de prendre aucun repos, ni conseil.
Le silence et la célérité estoient nécessaires à cette
exécution et lui pouvoient donner aussi heureuse fin
que la trop longue attente et le trop parler luy eussent
donnée malheureuse. Mais le long chemin de l'artillerie,
qui devoit sortir de Navarrenx, apportoit grande lon-
gueur et le bruit du charroy descouvert, qui mettoit
les lieutenans en telle peine qu'ils ne se pouvoient
résoudre à une résolution si hazardeuse, en laquelle il
alloit de la perte de tout le pais, si la ruine, qui vrai-
302 HISTOIRE DE BÉÂRN
semblablement pouvoit advenir, leur fut avenue. Mais
deux choses se présentèrent qui les firent résoudre et
haster. La première et principale l'eslongnement de
Monluc, qui pour quelques affaires s'eslongna de la
frontière de Béarn, l'autre que Bonasse envoya l'abbé
de Saubalade au village de Pontac pour le piller ; ce
qu'il fit aux maisons qu'il ne trouva résistance, laissant
les autres sans leur rien dire, combien qu'il ne se peut
.tenir si loin des coups, qu'il ne perdit six hommes et
quatre blessez. Jugeant donc lesdits lieutenans que la
tollérance de ces choses enhardissoit et accommodoit les
soldats de Bonasse et lui aquéroit la faveur du peuple,
ils arrestèrent de l'aller assaillir avant que Monluc en
eut nouvelles et n'eut loisir de tourner la teste vers eux.
Le dixiesme d'avril donc, les gouverneurs de Béarn
commencèrent de faire marcher leurs troupes avec
deux colobrines, et le 1 2 sur le midi arrivèrent devant
Tarbe qu'ils cernèrent incontinent. Bonasse fit mettre
le feu aux faux-bourgs et combatit quartier par quar-
tier la ville, qui est divisée en cinq bourgs par murailles,
portes et ponts ; et de mesmes que les soldats estoient
chassez d'un bourg, ils y mettoient le feu en se reti-
rant, afinque les assaillans ne les peussent aisément
suivre, car en Tarbe ni a qu'une seule rue, par laquelle
il estoit impossible de passer pendant que les maisons
estoient embrasées. Toutesfois ils furent tous clusez
dedans le bourg vieux, contre lequel l'artillerie fut
tantost braquée et ne tira longuement que la bresche
ne fut raisonnable, tant les murailles estoient foibles
et de mauvaise estofe. Néantmoins de tout ce jour
l'assaut ne fut point donné. Gela devoit avoir donné
autant de courage aux assiégez qu'il leur donna de
ET NAVARRE. 303
temps pour se fortifier et retrancher ; mais ils en
devindrent plus espouvantez et plus lasches, de sorte
que l'endemain, environ dix heures du matin, Bonasse
sortit sur la muraille parlementer avec Arros et Mon-
tamatqui lui ottroy oient, suivant sa réquisition mesme,
que s'il rendoit la place avant l'assaut, lui et tous les
autres capitaines gentilshommes demeureroient pri-
sonniers à la discrétion de la Roine, et les soldats sor-
tiroient avec le baston blanc. Il avoit demandé un
quart d'heure pour communiquer avec ses compa-
gnons, mais comme il tardoit trop de faire responce
et que de dedans on eut tiré une harquebusade, ceux
qui durant le pourparler s'estoient approchez de la
muraille, se jetèrent dedans la bresche qui fut si mal
deffendue qu'il ne s'i tira jamais dix harquebusades,
desquelles néantmoins le capitaine La Taste fut tué, et
Bougier, lieutenant du capitaine Estopignan, si bien
blessé qu'il mourut l'endemain. Les capitaines La
Motte et La Roche' [qui portoit l'enseigne du capitaine
Poqueron, béarnois,] aussi blessez. De ceux de dedans
furent tuez le capitaine Bonasse qui s'estoit rendu à
Blanc Castet, l'aisné Esgarrebaque et son frère Sauba-
lade, le chanoine Idron et plus de neuf cens soldats
[ou^] habitans. Le capitaine Podens fut fait prisonnier.
Le capitaine Abbadie estoit jà dehors, auparavant
l'assaut, es mains du capitaine Espalengue. Durant le
siège, Loubié, colonel de l'infanterie béarnoise, et plu-
sieurs soldats furent blessez et quinze ou seze tuez.
Ainsi Tarbe fut quasi tout bruslée et tout ainsi
1. Cornélis de La Roche, marié à Gabrielle de Harambure
(Arch. des Basses-Pyrénées, E. 1736, 1738, 2001 et 2002).
2. Variante : que.
304 HISTOIRE DE BÉARN
qu'elle s'estoit réjouie au sac, povreté, destresse et
pleurs de Béarn, et enrichie de ses despouilles, elle fut
misérable, saccagée et souillée en son propre sang par
les Béarnois. [Ce fut un grand miracle du Dieu des
batailles, qui enhardit les couards et timides et accouar-
dit les hardis, que si bons guerriers que le capitaine
Bonnasse et ses compagnons estoient, n'eurent le sens
de réparer leur bresche, ny le courage de la défendre,
car elle estoit plus qu'aisée à l'un et à l'autre, estant
faite contre une maison, et pour entrer en la- ville faloit
nécessairement, ayant passé par deux portes, sortir
en une basse-court, fermée de hautes murailles et flan-
quée de tous costés, et n'avoit qu'une porte pour sortir
à la rue, laquelle fermée et la muraille percée pour
l'harquebuserie, il estoit impossible de comparoistre
dedans la basse-court sans mort ou blessure. Mais
Dieu leur osta le jugement et le cœur.]
Pensant attraper les capitaines Mansan et Sole' avec
leurs compagnies dedans Vic-Bigorre, les troupes
béarnoises partirent le mesme jour de Tarbe, avant
quasi d'avoir achevé de fouiller les maisons, ce qui vint
bien à point pour beaucoup qui ne furent trouvez el
se sauvèrent. Et pour ce que les munitions de l'artil-
lerie estoient falies, et qu'on craignoit de la perdre,
elle fut renvoyée à Pau, et le camp marcha droit à Vie,
où le mesme soir furent sommez lesdits capitaines qui,
ayans eu advertissement que les pièces tiroient le che-
min de Pau, respondirent par harquebusades. Et le
dix et septiesme, voyant qu'ils ne fesoient rien à Vie et
entendans que La Valete estoit parti expressément de
1. Bernard Du Soûler, seigneur d'Eslourenties-Dabant.
ET NAVARRE. 305
Gimont \ avec quelques compagnies de gendarmes,
pour lever le siège de Tarbe, et que Montespan^ venoit
du costé de Marsiac^ espérant l'un et l'autre butiner
l'artillerie, Arros et Montamat retirèrent leurs troupes
dans le païs de Béaj^n. Ainsi La Valete et Montespan
furent contraints de s'en retourner sans combattre,
hors mis La Valete, qui ayant trouvé soixante harque-
busiers avec le capitaine Léger * dedans le village de
La Gassagne^, et ayant escarmouche environ deux
heures avec eux, se retira sans avoir fait ni receu grand
dommage; et Montespan, conduit par Peyrelongue,
Guillassot® et quelques autres béarnois, vint jusques à
L'Embeye' où il tua quelques paisans qui estoient au
marché et fit quelques prisonniers.
La Roine désirant repatrier son peuple, outre le
pardon général queMongomeri, son lieutenant général,
avoit fait publier à son entrée, le dernier de may en
envoya un autre de La Rochelle, exceptant seulement
1. Chef-lieu de canton de l'arrondissement d'Auch (Gers).
2. Antoine de Pardaillan, baron de Gondrin et Montespan, mort
en 1572.
3. Marciac, chef-lieu de canton de l'arrondissement de Mirande
(Gers).
4. Jean Léger, auparavant officier de la compagnie de Bassillon,
gouverneur de Navarrenx en 1569 (Archives des Basses-Pyrénées,
B. 952).
5. Canton de Rabastens, arrondissement de Tarbes (Hautes-
Pyrénées).
6. Ramonet d'Ostabent, dit le capitaine Guilhassot; il avait un
frère, Ramon d'Ostabent, dit Barbaust; ils étaient du lieu de
Gerderest, mais la maison Guilhassot était située à Juillac, sec-
tion de la commune de Maspie, canton de Lembeye, arrondisse-
ment de Pau (Basses-Pyrénées) (Arch. des Basses-Pyrénées, B.
2153, fo« 48, 51 et 142; 2155, f" 36).
7. Lembeye.
20
306 HISTOIRE DE BÉARN
les chef des complots. Il fut publié, mais nul des absens
se retira pour cela^ ains au contraire ils s'animoient
d'avantage. La cause qui les entretenoit en cette mau-
vaise volonté et leur faisoit ainsi mespriser la grâce
que la Roine leur présentoit, estoit l'espérance qu'ils
avoient que Monluc, auquel le roi de France avoit très
expressément commandé d'assaillir Béarn, les mettroit
bien tost dedans et en déchasseroit les autres, et ainsi
non seulement ils se promettoient l'entrée de leurs
maisons, mais aussi fesoient estât de tous les biens de
ceux qui portoient les armes contre eux, comme s'ils
les eussent déjà en leurs mains. Cette mesme espé-
rance fit de rechef révolter les Navarrois, et Luxe escri-
vit le 1 2 de juillet aux jurats de la valée de Barétous
que le roy de France avoit trouvé mauvais qu'il eut fait
accord avec ses ennemis et lui avoit commandé de recom-
mencer la guerre mortelle à tous les Béarnois. Parquoy
il leur commandoit de mettre dehors de leur valée tous
les soldats qui portoient les armes pour la roine de
Navarre contre ledit seigneur Roy, et les sommoit de
se remettre incontinent sous sa protection. Et pour
intimider mieux le peuple, leur mandoit que dedans
peu de jours ils verroient de plus grandes et plus
cruelles exécutions qu'ils n'avoient encore fait. Il
escrivit aussi à Elisséry^ qu'à ce coup le Roy avoit
bonne volonté de les revancher et qu'il avoit très
expressément commandé à Monluc d'exécuter Béarn,
ce qu'il feroit bien tost, et en peu de jours il s'asseu-
roit qu'ils boiroient du bon vin clairet de Lagor *, et cela
1. Voir la note 4, p. 215.
2. Chef-lieu de canton de l'arrondissement d'Orthez (Basses-
Pyrénées).
ET NAVARRE. 307
sur le lieu mesme. Or ils s'estoient adressez de rechef
à Monluc, d'autant que Losse avoit esté malade ou
l'avoit contrefait. Monluc donc, pressé par tant de réi-
térés commandemens du Roy de venir en Béarn, com-
mença de dresser à Noguero^ et aux environs ses
forces et y faire conduire son artillerie et toutes autres
choses nécessaires pour son exécution, et envoya qué-
rir quelques autres pièces à Aqs* et quelque quantité
de poudres et balles à Tholose. Et ayant receu
lettres du cardinal de Lorraine de faire à ce coup
quelque .chose remarquable contre la maison qui
l'avoit agacé, se mit aux champs et tira droit à Rabas-
tens, ville du comté de Bigorre, qui couvroit la plus
grande partie du Béarn. Le 17 de juillet il commença
de battre la ville, laquelle ceux de dedans quittèrent
voyans la bresche raisonnable et se retirèrent dedans
le chasteau, qui fut aussi tost si furieusement battu
qu'il fut quasi rasé de coups de canon.
Toutesfois cela n'estonnoit aucunement les assaillis,
qui se défendirent fort bien jusques au vingt-troisiesme
que, les meilleurs soldats estans blessez et les autres
qui avoient tousjours à combattre, pour le peu de gens
qu'ils estoient, si haracez qu'à peine se pouvoient-ils
remuer, n'osèrent attendre la furie de l'assaut, auquel
Monluc se trouva en personne, secondé des meilleurs
hommes de son armée. A leur venue ceux qui dévoient
défendre la bresche l'abandonnèrent et se retirèrent
en la tour du donjon, où ils furent surprins en parle-
1. Nogaro, chef-lieu de canton de l'arrondissement de Gondom
(Gers).
2. Dax (Landes).
308 HISTOIRE DE BÉARN
mentant avec le capitaine Castéra^ Nulle espèce de
cruauté et vilainie fut oubliée par les assaillans qui,
sans diférencc d'aage ni de sexe, massacrèrent et vio-
lèrent tout ce qui tomba en leurs mains. Le capitaine
Guiot avec quelques autres fut jette du haut de la tour
en bas, et les femmes après avoir esté violées, quasi à
la veue de toute l'armée, furent massacrées [et y eut
des soldats si vilains, chose horrible, qui depuis se
sont vantez d'avoir rassasié leur exécrable lubricité
sur des femmes mortes.] Devant Rabastens moururent
plus de deux cens hommes, Monluc y fut blessé d'une
harquebusade par le nez. De ceux de dedans, hommes,
femmes ou enfans, en eschappa fort peu et y mou-
rurent plus de cent-cinquante personnes. Le capitaine
Ladou qui y estoit gouverneur, y avoit une compa-
gnie de fanterie, de laquelle Garlin estoit lieutenant,
Perueil* enseigne. Le capitaine La Borde, enseigne du
capitaine Moret, y estoit aussi ; y ayant esté envoyé
quelques jours auparavant avec cinquante hommes,
desquels lorsqu'il fut question d'entrer ne s'en trouva
que vingt-un, s'estans les autres escartez et cachez et
perdus. Durant le siège, les capitaines Léger et Pinson*
une nuict furent jusques dedans les fossez porter quel-
ques poudres qui furent mises dedans avec une corde,
et s'ils eussent mené seulement une vingtaine d'hommes
pour refreschir les assiégez, à peine Monluc y fut
1. En 1578 on trouve Jean Gastéran, dit Baptiste, capitaine des
châteaux d'Ordan et Vizan, dans le comté de Pardiac (Arch. des
Basses-Pyrénées, B. 1593).
2. Arnaud de Navailles, seigneur de Pérulh.
3. Il faut lire Pinsun; cette famille était de Maslacq, canton de
Lagor, arrondissement d'Orthez (Basses-Pyrénées).
ET NAVARRE. 309
jamais entré. Combien que le capitaine Ladou, plus soi-
gneux de son profit que de la place, ne l'avoit accous-
trée comme il devoit et en avoit eu le pouvoir et le
loisir, et n' avoit fait munition de poudres, plomb,
hôtes, pelles, besches et autres choses nécessaires pour
se défendre et remparer. Durant le siège les troupes
béarnoises estoient à Nay et es environs, qui ne favo-
rirent jamais d'une seule alarme les [povres] assiégez,
j'asoit que le pays leur fut fort favorable et propre
pour se retirer, voire devant une beaucoup plus grosse
armée que celle de Monluc, et qu'ils eussent le chasteau
de Montané, à deux lieues dudit Rabastens, à leur com-
mandement.
Après la prise de Rabastens, Monluc contraint de se
retirer, laissa le commandement de l'armée à Montes-
pan et Saint-Thorens ' qui allèrent sommer le chasteau
de Montané en Réarn, s'asseurans que l'exécution de
Rabastens, qui ne devoit rien de forteresse audit Mon-
tané, leur auroit mis tel espouventement au cœur que,
craignans une pareille issue, ceux de dedans seroient
aises de recevoir une honncste composition. Mais le
capitaine La Rorde, qui commandoit dedans, encore
que tous ses soldats, son lieutenant et quinze autres
exceptez, l'eussent quitté, s'estans desrobez par dessus
la muraille, leur respondit par harquebusades. Et
l'endemain, ayant receu la nuict quelques hommes
conduits par le jeune capitaine Lurbe*, enseigne de la
colonelle, sortit sur quelques troupes qui s'estoient
1. François de Cassagnet de Tilladet, seigneur de Saint-Orens
et de La Roque, sénéchal du Bazadais ; frère de Tilladet, tué en
1568.
2. Simon de Lurbe.
310 HISTOIRE DE BÉARN
logées dedans le village, qui en furent chassées avec
perte de quelques hommes, chevaux et armes et le
drapeau des harquebusiers à cheval du capitaine
Cantet. Delà le dernier de juillet Saint-Torens et Mon-
tespan, avec toute la cavalerie et harquebusiens à cheval,
vinrent jusque devant Nay en pareille ordonnance que
s'ils eussent voulu donner une bataille. Arros et Mon-
iamat, ne voulans hazarder Testât de Béarn, qui estoit
lors entier à l'issue d'une bataille dangereuse et incer-
taine, ayant fait passer toute leur cavalerie delà la
rivière et mis quelques harquebusiers aux guez, leur
firent parade de la ville et d'un bon nombre d'har-
quebusiersaufauxbourg. Ainsi après une petite escar-
mouche, ces deux chef se retirèrent le mesme chemin
qu'ils estoient venus, mais quelques Béarnois, qui
estoient en leurs troupes, massacrèrent quelques pai-
sans et en menèrent tout le bestail qu'ils peurent ras-
sembler. Le sieur de Mieussens* estoit dedans la ville
et sortit avec quelques chevaux.
La troisiesme paix fut cependant publiée en France
l'unsiesme d'aoust, qui mit fin aux guerres et troubles
de Béarn, où les garnisons et les compagnies béar-
noises furent cassées et les estrangères licentiées, qui
se retirèrent et à Saint-Sevé en Gascongne où elles
furent délivrées par Montamat au sieur de Lau ^ pour
les conduire jusques à leur retraite. Et fut derechef
publiée en Béarn une abolition générale avec l'enterre-
1. Henri d'Albret, baron de Miossens et Goarraze, fils de Jean
d'Albret et de Suzanne de Bourbon, gouvernante de Henri IV
enfant.
2. Gabriel de Mauben, seigneur du Laur (Arch. des Basses-
Pyrénées, E. 1783, P 158).
S.
ET NAVARRE. 311
ment de toutes choses passées sous le tombeau d'ou-
bliance. Cela fut un grand bien au pais, qui en peu
d'années se remit des pertes et despenses passées.
J'ay escrit ces troubles et guerres de Béarn un peu
au long, d'autant que tous ceux qui ont escrit l'histoire
de ce tems en ont fait mention, mais fort briefvement
et quasi tout au rebours de la vérité ; les uns par
malice, les autres pour n'avoir eu des instructions
suffi sentes et bien certaines ; mais j'ay esté présent à
tout et employé aux affaires et négociations plus im-
portantes, et fus fait prisonnier par ceux de la
protection.
La Navarre demeuroit encor en quelque trouble et
l'effroy du peuple y estoit fort grand, qui craignoit
d'estre recerché et puni par la justice, quand la Roine
manda à Arros d'y aller tenir les Estas et y faire
publier pareille rémission que celle de Béarn, et y re&-
tablir la justice au mesmes estât qu'elle estoit aupara-
vant des guerres, et de mettre la religion [romaine']
dehors et y restablir la ^ réformée. Le peuple receut
volontiers et avec grandes louanges et remerciemens
les deux premiers , mais l'abolition de la religion
romaine lui fut fort griefve ; néantmoins la crainte de
revenir aux misères passées leur imposa tellement
silence qu'ils ne firent nulle résistence. Cinq ministres
y furent envoyez pour y prescher en langage du pais,
et le Nouveau Testament fut imprimé en la mesme
langue.^
1. Variante : catholique.
2. On a ajouté : prétendue.
3. Pierre Haultain, libraire de La Rochelle, reçut, en 1572, 336
livres pour cette impression (Archives des Basses-Pyréaées, B.
148).
312 raSTOIRE DE BÉARN
Incontinent après la paix de France le mariage du
prince de Navarre avec Madame Marguerite, sœur du
roy Charles, et la guerre du Païs-Bas contre l'Espa-
gnol furent mis en avant pour réunir, disoit-on, tous
les François en un corset, leur ostant toutes deffiances,
les faire marcher sous mesmes enseignes, pour recou-
vrer à la France les terres que l'empereur Charles V,
comte de Flandres, vassal et honame lige de la cou-
ronne françoise, avoit par force, mais non sans crime
de lèze-majesté, extorqué du roi François P^ estant
son prisonnier en Espagne après la bataille de Pavie.
Le roy Charles fesoit grande démonstration de désirer
l'un et l'autre, et solicitoit fort la royne de Navarre du
premier, et délibéroit secrettement du second avec
l'amiral de Chastillon\ le comte Ludovic de Nausau%
frère du prince d'Orenge, qui avoit de grandes intelli-
gences audit pais. Le party du mariage sembloit à la
mère honnorable et profitable, mais la différence de
la religion l'empeschoit d'y donner si prompt consen-
tement qu'elle mesme désiroit. Car connoissant par
longue expérience le naturel dissimulé de ceux à qui
elle avoit à faire, elle craignoit la poursuitte de ce
mariage tendre plustot à la ruine de sa religion et de
toute la maison de Bourbon qu'à leur conservation et
avancement, comme lui disoient journellement ceux
qui solicitoient ledit mariage. Et les principaux et les
meilleurs de sa religion estoient ceux qui plus l'en
importunoient, lesquels lassez de souffrir tant de
peinnes et de fascheries par les ennemis et encore
1. Gaspard de Coligny, né en 1517, tué à la Saint-Barthélémy.
2. Ludovic de Nassau, mort en 1574.
ET NAVARRE. 313
plus d'estre témoins de tant d'impiétez et meschaii-
cetés des leurs propres, s'asseuroient de voir, par ce
mariage, quelque heureuse fin aux calamitez de la
France et quelque relasche aux souffrances du misé-
rable peuple et plus grande liberté à la religion '
réformée. La Roine ne voufoit leur desplaire ne leur
estre à contredire, car ils la menaçoient à toute heure
de l'abandonner et l'accusoient de vouloir estre cause
des maux qui, à l'advenir, aviendroientà la France, qui
ne pourroit trouver autre médecine si propre pour la
guérir de la maladie mortelle que les guerres civilles
lui avoient causée , ne sa religion une plus forte
colonne. pour le bien estançonner en ce Roiaume que
ce mariage, ne rien qui deut tant lever les deffiances
que les choses passées avoient engendrées entre le
Roy et ceux de la religion *. A quoy le Roy, disoient-ils,
sembloit regarder en la poursuite de ce mariage plus
qu'à toute autre chose, car il disoit ordinairement
qu'il vouloit marier le presche avec la messe et ras-
sembler en un cors son peuple disuni, faisant une
mesme armée de catholiques et de huguenots.
Mais quelques autres, non pas en si grand nombre ni
de telle qualité que les premiers, luireprésentoient que
les loix humaines et divines vouloient que les enfans
fussent mariez parle conseil et advis de leurs pères et
mères, qui dévoient donner mari ou femme à leurs
enfans ; que Sa Majesté devoit donc regarder non pas
tant au bien qui sembloit en apparence devoir réussir
de ce mariage, qu'au mal qu'infaliblement suivroit la
1. On a ajouté : prétendue.
2. On a ajouté : prétendue.
314 HISTOIRE DE BÉARN
consumation d'iceluy. Que les payens avoient dit les
meilleurs mariages estre entre pareils ; or de la religion
sortoient les plus grandes disparités, et la vraye reli-
gion estoitle plus fort lien pour bien unir les hommes,
de quelque estât qu'ils fussent, et le mari avec la
femme, qui est la plus estroite conjonction qui se
treuve entre les humains et celle qui a plus de puis-
sance sur les espritz et volontez, qui sont facilement
destournez par le commandement de l'homme sur la
femme ou par les mignardises et alèchemens d'icelle
envers le mari. Que pour ceste raison, Dieu avoit
défendu à Israël de prendre mari ou femme idolâtre à
leurs enfans, afin qu'ils ne fussent distraits du pur ser-
vice de Dieu et attirez aux pointions et immondicités
des autres peuples. Et combien que ceux de Juda et
d'Israël fussent un mesme peuple et eussent une
mesme circoncision, néantmoins Dieu avoit condam-
nées les aUiances qu'ils fesoient entre eux, pour ce
qu'Israël s'estoit destourné de son vray service et
avoit corrompu la religion par plusieurs additions et
substra étions. Et l'apostre admonestoit les fidèles de
ne s'accoupler ny mesler avec les infidèles. Et combien
qu'on ne mit ceux de la religion [romaine ^] au mesme
reng de ceux desquels Moïse et l'apostre parloient,
pour les traces qui y estoyent encore de l'alliance de
Dieu avec son éghse, toutesfois le christianisme estoit
tellement corrompu parmi eux par les traditions
humaines, qu'il restoit en leur religion fort peu de la
pureté du service de Dieu et des mystères de la foy,
comme ils avoient esté enseignez et laissez en escrit
1. Variante : catholique.
ET NAVARRE. 315
par Jésus-Christ, les prophètes et apostres. Qu'il
estoit donques à craindre que ce jeune Prince qui, par
ce mariage, espouseroit maistre, mère et femme, ne
fut distrait de sa rehgion et attiré à la romaine par le
commandement du roy Charles, la rusée autorité de
la Roine mère et les attrayans alèchemens de la
femme, car la loy de la chafr est tousjours plus puis-
sante en l'homme, quelqu'il soit, que celle de l'esprit ;
et nous descendons tous plustot du bien au mal, que
nous ne montons du mal au bien, et nous détériorons
plustot que méliorons. Que ce Prince n'estoit pas plus
sage ny plus constant que Salomon, qui avoit esté des-
voyé de. sa religion et attiré à l'idolâtrie par l'alliance
d'Egipte et les mignardises de sa femme Egiptienne.
Que le Roy, son conseil et ses principaux officiers
avoient autres fois juré la paix, et Sa Majesté
avoit fait plusieurs grandes promesses de l'entretenir,
ce qu'il n'avoit pas fait ; mais contre la religion du
serment et l'honneur de la foy royale l'avoit rompue
jà par deux fois, avec grandes calomnies, fausses
accusations et cruautez sur tous ceux de la religion ';
et estoit à craindre qu'il ne seroit pas plus religieux
de garder ceste troisième que les deux précédentes.
Car l'un des principaux préceptes des politiques ma-
chiavélistes estoit qu'il falloit tromper les hommes par
le serment comme les enfans avec des pommes. Et la
religion romaine enseignoit que, sans offenser Dieu,
blesser sa conscience ni son honneur, on pouvoit
rompre la foy aux hérétiques ; et ils tenoient ceux de
la religion ^ réformée pour les plus exécrables héré-
1 . On a ajouté : prétendue réformée.
2. On a ajouté : prétendue.
316 HISTOIRE DE BÉARN
tiques qui eussent jamais esté. Parquoy vraysemblable-
ment ils useroient contre eux de la licence que leur ^
religion leur donnoit et de mesmes injustices et
cruautez qu'ils avoient fait par le passé ; à quoy ils
estoient journelement incitez par les sermons de leurs
prédicans, et les magistratz n'avoient encore fait nulle
punition de tant de massacres et assassinats qui
avoient esté faits sur ceux de la religion, ains faisant
plustot office d'avocats que de juges, les excusoient,
comme ayans esté poussez par la conscience et zèle
fervent de leur religion à commettre ces horribles
maléfices, qu'ils estimoient sacrifices plaisans et
agréables à Dieu, et s'asseuroientde mériter envers sa
divine Majesté toutes les fois qu'ils fesoient mourir
quelqu'un de la religion, fut par la main du bourreau
ou quelque autre massacreur. Que Sa Majesté devoit
avoir souvenance de ce que lors que le Roy et son
conseil fesoient plus grandes promesses de vouloir
entretenir l'édit de pasification, devoit estre exécuté à
Noyers sur les personnes de son beau-frère, le prince
de Gondé, et de l'amiral, et à Tanlay sur celle d'An-
delot, et sur la sienne et celle de ses enfans par Losses.
Car celuy qui avoit donné ce commandement et ceux
qui l'avoient conseillé, estoient encores vivans et
avoient la mesme autorité et puissance qu'ils avoient
lors, et estoient ceux-là mesmes qui pressoient plus ce
mariage, [quivraysemblablement n'avoient changé leur
volonté,] ce qui lui devoit rendre d'autant plus suspect
tout ce négoce, et luy donner juste occasion de penser
qu'ils s'estoient dissimulez plustot que changez, et
avoient couvert leur maltalent plustot qu'osté. Que les
Rois tenoient à grand deshonneur que leurs comman-
ET NAVARRE. 317
démens n'eussent eu la fin qu'ils s'estoient promise, et
encore à plus grande injure que leurs sujets opposas-
sent leurs armes à l'exécution de leurs volontez pour
quelque chose que ce fut. Et le Pape et l'Espagnol
fesoient ordinairement ces reproches au Roy : qu'il
estoit plustot serviteur que maistre de ses sujets, et
qu'il n'avoit la hardiesse ny la force pour se faire
obéir; qu'il prenoit la loy de ceux ausquels il la
devoit donner, à la grande ignominie de la dignité
royale, laquelle ne se devoit moins maintenir avec les
finesses et ruses qu'avec la force, et où la peau du
lion ne sufisoit on devoit user de celle du renard. Car,
disoient-ils, il n'estoit pas moins licite ni expédient aux
Princes, offencez par leurs sujets, de les punir par
justice que par injustice, par fidélité qu'infidélité, par
armes que par cautelle. Et encore qu'on peut croire la
jeunesse du Roy estre exempte de toute dissimulation
et perfidie, néantmoins il estoit tellement possédé par
son conseil, esclave du Pape et pensionnaire du roy
d'Espagne et commandé par sa mère, et révéroit tant
le Pape, redoutoit l'Espagnol et craignoit sa mère,
qu'il ne feroit autre chose que ce qui seroit délibéré
par son conseil, ordonné par le Pape, dicté par l'Es-
pagnol et commandé par sa mère ; et estoit à craindre
qu'ils ne luy fissent exécuter, en ce festin nuptial, ce
qu'il n'avoit peu faire par tant d'assassinats, massacres,
escarmouches, assauts, rencontres et batailles ; ren-
dant les nopces de sa sœur aussi funestes à tous ceux
de la religion réformée qu'avoient esté celle de Dina
aux Sichémites et d'Antonin Caracalla aux Parthes.
Cette diversité d'advis troubloit fort l'esprit de la
Roine qui eut volontiers suivi le dernier, si elle eut
318 HISTOIRE DE BÉARN
osé, mais elle craignoit d'irriter le Roy et mescontenter
ceux de sa religion, lesquels elle s'asseuroit désirer ce
mariage plus pour le repos général de tout le Royaume
et l'avancement de sa religion, que pour leur particu-
lier. Parquoy, après leur avoir proposé les inconvéniens
et dangers qu'elle prévoyoit devoir suivre ce mariage,
duquel elle craignoit sortiroient plus de maux qu'ils
n'espéroient de biens, condescendit à leur volonté,
pour n'estre estimée avoir voulu par son opiniastreté
reculer tant de biens qu'ils se promettoient en devoir
réuscir pour toute la France et la religion réformée ;
pour lesquelles ceste Dame protest oit de ne faire
jamais difficulté de sacrifier sa propre personne et
celles de ses enfans, et prioit Dieu y vouloir jetter sa
bénédiction et luy donner l'heureuse fin que tant de
gens de bien de l'une et l'autre religion en attendoient.
Toutesfois elle voussit avoir l'avis des plus doctes
théologiens, comme elle s'y devoit porter pour le fait
de la religion, car quoi qu'en deut avenir, elle ne vou-
loit rien faire qui fut contre Dieu et blessast sa cons-
sience ni celle de son fils.
Cependant, pour n'offenser le Roi, qui eut peu
prendre en mauvaise part tant de longs délays,
Beauvais, l'un des gouverneurs du Prince [et qui
avoit plus de crédit envers la mère que tout autre],
fut envoyé en cour pour remercier les Majesté?
du Roy et de sa mère et entendre leurs volontez. Il
fut recuilli avec si bon visage du Roy et de sa mère,
qui estoient à Biais >, qu'enivré des fumées de la cour,
il luy tardoit d'estre de retour pour mener incontinent
en France la mère et le fils. Estant donques arrivé en
i. Blois.
ET NAVARRE. 319
Béarn, il ne se pouvoit taire du bon accueil qui lui
avoit esté fait ; mais ceux qui n'avoient l'entendement
opilé par les cruditez et viscositez de l'ambition et de
l'avarice, avoient ces trop grandes caresses pour sus-
pectes, se fondans sur ce proverbe commun : qui
caresse plus qu'il ne souloit, trompé avoit ou tromper
vouloit.
Pendant le voyage de Beauvais la Roine, avec ses
enfans et les princes de Gondé et de Conti et le comte
Ludovic de Naussau, frère du prince d'Orenge, partit
de La Rochelle pour faire un tour en Béarn, où elle
arriva sur la fin d'aoust, et ayant fait un voyage aux
Eaux-Chaudes pour sa santé, assembla les Estas à
Pau. L'abolition générale de toutes les choses passées
pour raison des troubles y fut confirmée et le tableau
des proscrits abbattu. Et le dernier d'octobre, l'an
1 571 , les Estas de Béarn demandèrent par requeste à
la Roine que, veu qu'il apparoissoit par la parole de
Dieu la religion romaine estre pleine d'erreurs, idolâ-
tries et superstitions, qu'il n'estoit assés que les
images et autels de la Papauté eussent esté abatus et
démolis et l'exercice de cette religion chassé par les
armes, si par l'autorité de la justice souveraine le démo-
lissement n'estoit confirmé et interdit de jamais rebastir,
redresser, remettre, prescher ni enseigner rien qui fut
de la Papauté ; car ce qui en avoit esté fait jusques lors
sembloit l'avoir esté plus tôt par violence que par
raison ; qu'ils supplioient donc Sa Majesté vouloir faire
passer par la loy inviolable ladite abolition, avec défense
à peine de la vie de faire à l'avenir en tout le pais,
publiquement ou secrètement, aucun exercice de la
Papauté, et que tout le peuple fut instruit de sa
320 fflSTOmE DE BÉARN
croyance par la parole de Dieu. Sur cette réquisition
certaines loix furent dressées sous le titre d'ordon-
nances ecclésiastiques. [Non pas pour ajouster ou
diminuer quelque chose de la loy de Dieu ny aux arti-
cles de la foi, car telle chose appartient au seul Dieu et
doit emmaner du seul livre de la Bible, mais seule-
ment pour faire recevoir au peuple ceste doctrine
divine et la faire enseigner et administrer en pureté et
bon ordre, comme tous les bons Princes et vrais nour-
rissiers de l'Eglise ont tousjours fait, ainsi qu'il se lit
es saints livres, en l'histoire ecclésiastique et au droit
romain. Ainsi au commencement de ses ordonnances
la confession de foi de l'église béarnoise fut insérée, à
l'imitation des empereurs qui ont fait des loix et cons-
titutions ecclésiastiques pour restablissement et entre-
tènement de la pureté de la religion, afin que tout le
monde peut connoistre que ce qui estoit enseigné,
receu et creu en ce pais, estoit cela mesmes que Dieu
avoit commandé d'enseigner, recevoir et croire ; et ce
qui y avoit esté aboli, déchassé et défendu estoit
rejette, chassé, condamné et interdit de Dieu en sa
parole. Par ainsi qu'en rejettant et interdisant la
Papauté, les Estas n'avoient requis l'abolition du chris-
tianisme et la Roine ne l'avoit prohibé, ainsi que
quelques-uns vouloient malicieusement faire entendre
auxignorans.]
Par ces ordonnances [la Papauté '] fut banie de tout
le pais, et l'exercice d'icelle défendu au peuple, et le
ministère [de l'Evangile] remis sus [selon la parole
divine], et fait commandement au peuple d'assister aux
1. Variante : la religion catholique.
ET NAVARRE. 321
prédications, pour estre instruict de ce qu'il devoit
faire pour bien servir Dieu et croire pour estre sauvé ;
et aux maistres d'escole fut défendu d'enseigner les
enfans que selon la religion réformée. L' [abominable]
prophanation du nom de Dieu par les juremens, bla-
phèmes et sorceleries et la paillardise et la [lubrique]
dissolution des dances publiques et l'avaricieuse rapa-
cité des jeux de hazard furent pareillement défendues,
comme contraires à l'invocation et louanges de Dieu,
santification et charité des chrestiens, et réprouvées et
défendues aussi bien par les loix politiques et les plus
modestes payens que par la parole de Dieu et l'Église.
Et pour ce que la piété et la religion sont les pre-
mières et principales vertus, qui doivent estre en tous
magistrats, fut ordonné que nul ne seroit receu à ceste
dignité qui ne fit profession de la religion réformée,
approuvée et requise par tous les Estas et le Prince ;
car il ne sembloit raisonnable que celuy qui, par opi-
niastreté plustot que par raison, réprouvoitetcondam-
noit ce que les Estas requéroient et le Prince comman-
doit, conforme à la parole de Dieu, fut juge de ceux
qui, par un préjugé, il tenoit pour exécrables héré-
tiques et dignes des plus grands suplices, que les plus
inhumains périlles pourroient excogiter.
Les mariages y furent réduits [selon la parole de
Dieu] , et les degrez de parentage et affinité mis en [la
mesme ^] liberté [que Dieu et les anciennes loix politi-
ques les mettent; car puisque le mariage a son insti-
tution et sa vigueur de l'ordonance divine, il est
raisonable de recevoir de sa sagesse les degrés de
l. Variante : toute.
322 HISTOIRE DE BÉARN
parantage et affinité, auxquels ils doivent estre con-
tractez, et ne doit-on estimer mauvaises et deshon-
nestes les conjonctions matrimoniales que Dieu a
laissées en nostre volonté, liberté et puissance, mais
ouy bien celles qu'il a défendues ; lesquelles nuls Papes,
Empereurs ne Rois ne peuvent rendre licites, expé-
dientes ni honnestes par leurs bulles, indulgences ou
dispences, et telles conjonctions sont plustot abomi-
nables et incestes que couche sans macule.]
Et pour ce que , depuis l'entrée du secours , les
biens de l'église avoient esté maniez par le receveur
général des finances , ladite Roine, en plein synode
convoqué au mesme lieu de Pau, fît publique déclara-
tion que puisque rien ne pouvoit estre plus justement
acquis et possédé que ce qui estoit volontairement
donné, par ceux qui avoient puissance et juridique
liberté de ce faire, elle confessoit les biens donnez à
l'église de Béarn, tant par les seigneurs souverains des
prédescesseurs que par autres bonnes personnes, estre
acquis et appartenir de tout droit divin et humain à
ladite Eglise, non pas aux seigneurs ni autres qui les
avoient donnez. Car tout donnateur se dépouille de la
possession, propriété et usufruict de ce qu'il donne
simplement en faveur de celuy auquel il l'aura donnée,
qui, estant fait maistre et seigneur de ce qui lui est
donné, a aussi la puissance de le mesnager, recuillir
et dispenser selon qu'il connoistra luy estre plus pro-
fitable ; que donques l'Eglise ne pouvoit estre fraudée
de ce droit et liberté, si on ne vouloit faire sa condi-
tion pire que celle des autres donnataires, et lui ravir
par sacrilège ce que justement lui appartenoit et lui
oster la libre puissance que la parole de Dieu lui don-
ET NAVARRE. 3213
noit sur ses biens et l'exemple des sacrificateurs,
lévites et apostres et la pratique de tout tems et de
tous peuples enseignoient et confirmoient. Car c'est
une chose notoire que l'Eglise a tousjours eu l'écono-
mie et dispensation de ses biens, sans que les Princes
et magistrats lui ayant jamais donné aucun empesche-
ment, ny se soyent immiscuez en rien de cest affaire
qu'en cas d'abus. Et mesmes tout ce qui, durant le
paganisme, avoit esté donné pour la religion a esté
remis au pouvoir de l'Eglise, après qu'elle avoit esté
dressée, et tout ainsi qu'elle a succédé à l'idolâtrie et à
la fausse religion aussi a elle à leurs biens. Que vui-
dant donc ses mains de tous les biens ecclésiastiques
de ses pais souverains , elle les rendoit à l'Eglise *
comme à leur légitime maitresse , tant en propriété
qu'en usufruict, et en interdisoit tout maniement et
connoissance à tous ses généraux, thrésoriers, finan-
ciers et chambre des Comptes, exortoit et, en tant que
besoin seroit, commandoit à l'Eglise de bien et fidèle-
ment prouvoir de personnes sages et fidèles à l'œco-
nomie de ces biens par une canonique élection, faite
selon la parole de Dieu, anciens canons, loix poli-
tiques, exemple et pratique des anciens; et sur toutes
choses que lesdits biens fussent fidèlement employez
à ce que Dieu et les gens de bien, qui les avoient libé-
ralement donnez, les avoient destinez, asavoir pour
l'entretènement du ministère [évangélique,] desescoles
et subvention des povres. Ainsi par ledit syriode
furent esleus un receveur ou diacre général, un pro-
cureur ecclésiastique et neuf œconomes nommez le
1. On a ajouté : prétendue réformée.
324 HISTOraE DE BÉARN
Conseil ecclésiastique, qui estoient tellement surinten-
dans de tous les dits biens, que le diacre ny le procu-
reur ne fesoient rien que par leur mandement. Ce
Conseil estoit pris des plus qualifiez hommes de tout
le pays et se renouvelloit tous les ans, mais le procu-
reur et le diacre demeuroient trois ans en charge. Et
pour empescher que les abus, qui se glissent ordinai-
rement aux choses les plus sainctes et les mieux
ordonnées, n'entrassent en l'administration de ces
biens, le synode nommoit chacun an douze hommes
pour ouir les comptes dudit diacre, auxquels par les
loix ecclésiastiques mesme puissance estoit donnée
qu'à la chambre de Comtes sur les financiers et com-
tables du Prince. Le corps de ces auditeurs estoit
composé de deux gentilshommes, deux de gens du
Parlement, deux de la chambre de Comtes, deux jurats
des villes, deux ministres et deux diacres des églises
particulières. [En ceste manière tous savoient Testât
et la despense de ses biens qui, ayans tant de gens de
bien et d'honneur pour œconomes et contreroleurs, ne
pouvoient estre mal dispensez.]
Les patrons laies demandoient l'usufruict des
bénéfices de leur présentation , alégans , puisque
les offices estoient déchassez pour lesquels ces
bénéfices avoient esté donnez, qu'ils dévoient aussi
retirer lesdits bénéfices. Il leur fut respondu les
biens légitimement donnez n'appartenir plus au don-
nateur qui, en les donnant, s'en estoit tellement
despouillé pour en investir celuy à qui il les avoit
donnez, que ne s'y aiant rien réservé, il n'avoit plus
aucun droit de les retenir ou répéter, comme il appa-
roissoit par l'exemple d'Ananias et Saphira. Et les
ET NAVARRE. 325
loix déboutoient le donnateur de répéter la chose
donnée, encore qu'il avint quelque mutation en la
forme ou accessaire en la chose pour laquelle elle avoit
esté donnée, comme au fait duquel il estoit maintenant
question estoit avenu. Car la substance des choses
estant restée, il avoit esté fait seulement quelque chan-
gement en la forme de la chose et l'office pourquoi les
biens ecclésiastiques avoient esté donnez, mais que la
chose ny l'office n'avoient pas esté ostez, ains seule-
ment réformez. Car ces biens avoient esté donnez
pour tout l'entretènement de la piété ou religion qui
n'avoit pas esté déchassée du pais, mais corrigée [et
réduite au-mesme estât que la parole de Dieu l'avoit
premièrement mise, et duquel elle estoit descheue par
les traditions humaines.] Si donc l'abus, non pas l'usage
d'icelle, avoit esté seulement osté, les choses dédiées à
l'usage lui demeuroient avec le mesme droit et puis-
sance que l'abus les possédoit auparvant. Et l'inten-
tion de ceux qui les avoient donnez n'estoit point pour
cela aucunement frustrée, ce qu'elle seroit sy on ren-
doit aux patrons ce qu'ils demandoient, car l'intention
du donnateur ou fondateur avoit esté de les donner
pour le ministère, l'escole et la charité. Combien donc
qu'en la forme de la religion, qui estoit en vogue lors
qu'une partie de ces biens avoient esté donnez, eut
beaucoup d'abus, néantmoins la substance d'icelle etl'in-
tention du donnateur demeureroient tousjours entiers
et la donnation en sa vigueur. Car l'intention du patron
avoit esté de despouiller desdits biens tant soi-mesmes
■que ses successeurs et en investir l'Eglise, qui en
avoit esté saisie et rendue maistresse par le contrat de
la donnation, acception, stipulation et émologation,
326 HISTOIRE DE BÉARN
tellement qu'il ne pouvoit estre maintenant rompu ny
révoqué par le fondateur ou donnateur, ainsi qu'il avoit
esté plusieurs fois jugé non seulement par les magis-
trats chrestiens, mais aussi par les payens. Outre que
plusieurs avoient droit de patronage sur des bénéfices,
qu'eux ne leurs prédécesseurs n'avoient jamais fondez;
et les patrons n'estoient pas propriétaires ni usufruc-
tuaires des bénéfices de leur présentation, mais seule-
ment tuteurs et protecteurs en cas d'abus et de frau
par le présenté ; ainsi qu'il apparoissoit, tant par la
signification du mot de patron que par les canons, les
loix et la prattique de l'Eglise, et les patrons ne pou-
voient exiger sur les bénéfices de leur patronage, que
subvention pour leur vie en cas de nécessité.
Toutesfois pour éviter toute contestation et leur don-
ner quelque contentement, il fut concédé aux patrons de
présenter un enfant, deux ou trois, selon la valeur du
bénéfice de leur présentation, à 1 62 livres pour chacun
par an, pour estudier douze ans en l'Université de
Béarn ou ailleurs; et ce terme expiré, ils pourroient
remettre un autre en la place de celui qui auroit achevé
son tems. Car pour l'instruction de la jeunesse et dres-
ser une pipinière pour la justice et le ministère, une
[très belle] Université a esté dressée en Béarn, en
laquelle y a un collège [qui ne doit rien à autre quel-
quonque de l'Europe] auquel a huict régens classiques,
qui enseignent la langue grecque avec la latine depuis
la quatriesme classe, deux philosophes pour enseigner
la philosophie, un musicien et un escrivain qui mons-
trent de chanter et d'escrire, un principal et un pro-
fesseur en grec, un en hébrieu, un en mathématiques
et un en théologie et cinquante enfans entretenus des
ET NAVARRE. 327
biens ecclésiastiques, vingt de la nomination du Roy et
trente de l'Eglise, qui s'obligent de servir au ministère,
quand ils y seront canoniquement appelez ; mais ceux
de la présentation du Prince ne sont obligez à une
vocation plus qu'à autre. [Cette Université a produit
plusieurs doctes jeunes hommes, qui servent aujour-
d'huy doctement et heureusement au pais, tant en la
justice qu'en l'Eglise.]
Après cela la Roine, importunément solicitée par le
seigneur de Biron \ envoyé expressément vers elle par
le roy de France pour l'acheminer en cour, partit de
Béarn. Elle receut en chemin l'avis des [théologiens^]
estranger^ touchant le mariage de son fils. Tous
s'accordoient en la validité d'iceluy, pour ce que les
seaux de l'alliance de Dieu^ sont point abolis en la
Papauté, bien qu'ils y soient fort pervertis; mais la
plus part s'arrestans sur le dire de l'apostre, que tout
ce qui est Ucite n'est pas expédiant, lui proposoient
plusieurs choses contre l'inexpédience de ce mariage.
Et d'autant que leurs raisons estoient quasi les mesmes
que celles qui ont esté déduites cy-dessus, je ne les ay
poinct répétées pour n'ennuyer le lecteur. Cela tour-
mentoit beaucoup l'esprit de la Royne qui n'eut voulu,
si le pouvoir eut accompagné sa volonté, séparer le
licite de l'expédient, allégant le chrestien n'estre guère
moins obligé à l'un qu'à l'autre et se devoir abste-
nir de l'inexpédient quasi autant que l'illicite, tant
pour sa propre conscience que pour celle du pro-
1. Armand de Gontaut, baron de Biron, né en 1524, maréchal
de France en 1577, mort en 1592.
2. Variante : ministres.
3. On a ajouté : disoient-Us.
328 HISTOIRE DE BÉARN
chain infirme, que pour les maux et mauvaises con-
séquences que les actions non expédiantes engen-
drent le plus souvent. Néantmoins elle ne laissa
pas pour cela de continuer son chemin, avec réso-
lution de donner à ce mariage la consumation que
tant de gens de bien ses parens, alliez et plus confidans
serviteurs désiroient. Mais le Pape et le roy d'Espagne,
qui ne réprouvoient et n'enpeschoient pas moins ce
mariage que ceux-là l'approvoient et le solicitoient,
proposoient au Roy le scandale que ce mariage don-
neroit à tous ceux de sa religion, tant dehors que
dedans le Royaume, et l'ignominie qui redonderoit à
toute l'Église catholique que la fille et sœur de Roy s
Très-Ghrestiens fut mariée par le Roy Très-Chrestien,
principal défenseur de [Sainte mère] église avec un
hérétique ennemi [de l'Église catholique et] de la foy
chrestienne. Ce qui feroit, disoient-ils, une très grande
bresche à l'honneur de Sa Majesté et irriteroit grande-
ment contre elle tous les potentats et [les] peuples
[adhérans à*] l'Église catholique [romaine.] Car ce
mariage ne pouvoit estre consommé qu'au très
grand opprobre et diminution de la foy catholique,
gloire et avancement de cette hérésie, qui ne prendroit
pas petit accroît ny petite audace, ayant la sœur du
principal monarque de la chrestienté avec soy et pour
soy ; outre que cela seroit comme avouer et authoriser
l'hérésie, qu'il devoit plus tôt arracher qu'apuyer et
exterminer et honnir tous ses sectaires, que les
entretenir et honnorer par son alliance et autorité. Et
devoit donner mari à sa sœur de sa religion et qui fut
1 . Variante : de.
ET NAVARRE. 329
respondant à la grandeur de sa maison et agréable à
tous ceux de sa religion, comme il le pouvoit faire en
la mariant avec don Sabastien, roy de Portugal, prince
catholique, très riche, très grand terrien et grand Roy
non seulement de nom mais aussi de fait ; de quoy le
Pape et le Roy Catholique l'importunoient fort. Et
pour ce que la vive voix a plus d'efficace que l'escri-
ture, l'Espagnol en faisoit tous les jours soliciter le
Roy par son ambassadeur ; et le Pape lui envoya le
cardinal Salviat' et fit passer son nepveu le cardinal
Alexandrin de la cour d'Espagne en celle de France
avec tiltre et autorité de légat, non pas tant pour
induire le Roy d'entrer en ligue contre le Turc, encore
qu'il prit cela pour la principale couverture de sa léga-
tion, que pour le destourner de la conclusion de ce
mariage avec le Navarrois et le faire accorder avec le
Portugois. Le Roy refusa tout à plat ce qu'il deman-
doit contre le Turc, avec lequel il ne voussit rompre
l'alliance que ses ayeul, père et frère avoient commen-
cée et fidèlement entretenue. Touchant le mariage de
sa sœur, il respondit la nécessité de ses affaires le con-
traindre de la donner au prince de Navarre, mais qu'il
prioit Sa Sainteté avoir telle asseurance de sa dévotion
et sincère affection envers l'Eglise catholique, apos-
tolique, romaine, que pour cela il ne fairoit aucun avan-
tage à l'hérésie luthérienne ni aux huguenots et que
[le Pape^] s'apercevroit avec le tems que tout ce qu'il
en faisoit tendoit totalement à l'exaltation et accroisse-
1. Bernard Salviati, aumônier de Catherine de Médicis. II y eut
au xvie siècle trois cardinaux de ce nom : Jean, Bernard et An-
toine-Marie, leur neveu.
2. Variante : Sa Saincteté:
330 HISTOIRE DE BEARN
ment de [Sainte mère] église et à la honte et ruine des
hérétiques et de leur secte. De quoy il donna tant
d'asseurances au légat, qu'il s'en retourna fort [joyeux
et] content, et le Pape accorda depuis [fort volontiers]
au Roy la dispence pour le parentage et la diversité
de religion qui estoit entre les mariez, [ce que jusques
lors il avoit opiniastrement refusé.] Cela et maints
autres clairs présages, qui se manifestèrent depuis
tous les jours jusques à la consumation du mariage, ont
fait estimer à plusieurs que dès lors le Roy [donna
asseurance au Pape du^] massacre qui suivit les nopces
de sa sœur, et^ à l'Espagnol de la tromperie [de laquelle
fut usé^] en l'endroit de ceux qui, par permission et
commandement secret dudit Roy, allèrent au Pays-Bas
et y furent tous deffaits par le duc d'Albe. * Je ne veux
asseurer l'un ny nier l'autre, encore que les conjec-
tures fassent plus pour l'affermative que pour la néga-
tive, et tant de choses, qui se disoient et faisoient cepen-
dant en cour et à Brouage et quasi par tous les
quartiers de la France, en donnassent tant de certaines
prédictions et advertissemens que les plus aveugles
le pouvoient voir et les plus lourdauts juger. [Mais
Dieu qui, pour sa gloire et l'espreuve de la foy des siens
et la manifestation de la justice de cette cause, avoit
préordonné et décrété cest esclandre, esblouit tellement
la vue des plus clairs voyans, et estourdit l'entende-
ment des plus habiles, qu'ils ne le peurent voir,
1 . Variante : avoir intention de faire fere le.
2. On a ajouté : donna asseurance.
3. Variante : qui se fist'.
4. Ferdinand- Alvarez de Tolède, duc d'Albe, né en 1508, mort
en 1582.
ET NAVARRE. 331
cognoistre ne croire.] Auprès de Poitiers, le légat
Alexandrin rencontra la royne de Navarre en chemin,
et passa auprès du coche d'icelle sans la saluer ny
seulement regarder ; mais elle luy fut plus courtoise,
car ayant un de ses officiers trouvé une petite valise
avec une notable somme de deniers, qui estoit tombée
à un des gens du légat, la Roine luy fit fidèlement
raporter sans aucune perte.
Le cardinal de Bourbon, le marquis de Vilars'
et Monsieur de Foix vinrent audevant de la Roine
à Tours, où elle connut incontinent à leurs propos
que ce qui lui avoit esté dit en chemin estoit vray,
ascavoir que le Roy ni son conseil ne marchoient
point en sincérité en ce mariage et qu'il y avoit
un garde-derrière, qui fut cause qu'elle entra en
quelque délibération de rebrousser chemin et s'en
retourner; mais on lui dit qu'elle estoit venue trop
avant et n'estoit plus tems, et qu'il lui falloit passer
outre et faire bonne mine en mauvais jeu, avec appa-
rente démonstration de faire, de bonne volonté et sans
force ni contrainte, ce qu'aussi bien on lui fairoit meshui
faire bon ou mauvais gré. Ainsi elle passa outre et
arriva à Blois, où le mariage fut arresté le 1 1 d'avril
sous ces articles : que le Roy doteroit sa sœur de trois
cens mille escus à cinquante et quatre sols tournois
pièce, et elle renonceroit en faveur de son frère à tous
les droits qu'elle avoit ou avoir pouvoit sur tous les
biens paternels et maternels, et l'endemain des nopces
avoeroit et ratifieroit ladite renonciation, avec la per-
1. Honorât de Savoie, marquis de Villars, amiral de France
après Goligny.
332 HISTOIRE DE BÉARN
mission et autorité de son mari. La mère lui promit
deux cens mille livres et ses deux autres frères, les ducs
d'Anjou et d'Alençon, chacun vingt-cinq mille. Toutes
ces sommes dévoient estre employées à l'achat de
rentes équivalentes sur la Maison-de-Ville de Paris pour
l'entretènement de Testât de la mariée. Ce qui n'a
jamais esté fait, et a esté ce mariage plus en charge
qu'en desçharge à ce Prince, qui estoit engagé quasi
de pareilles sommes pour les debtes que le roy
Antoine, son père, avoit faites et en payoit l'intérest,
de quoy il se fut déchargé s'il eut touché deniers , et
eut mieux peu entretenir sa femme qui, pour son
entretènement, tire le plus beau et le plus net des rentes
du mari. Mais le foible contractant avec le fort est
tousjours contraint de passer sous le joug et prendre
la loy telle qu'on luy veut imposer.
Le lieu et la forme du mariage demeuroient encore
en controverse entre les deux mères. La Françoise
vouloit que les nopces se fissent à Paris et selon
l'église [romaine^], et la Navarroise refusoit Paris
comme ville [factieuse et] ennemie capitale de sa reli-
gion et mal affectionnée à la maison de Bourbon, et ne
vouloit consentir que son fils fit rien [contre sa cons-
cience ne] qui peut apporter scandale à ceux de sa
religion ne donner approbation à la prestrise [et tra-
ditions de la Papauté.] L'autre avoit les mesmes raisons
pour le regard des ministres et de leur doctrine. Mais
le Roy, y interposant son authorité, voulut le mariage
estre fait à Paris et non ailleurs, où le cardinal de
Bourbon les espouseroit au devant la grande porte de
^. Variante : catholique.
ET NAVARRE. 333
l'église Nostre-Dame, [et cela en qualité de Prince non
pas de prestre.] La royne de Navarre, n'ayant autorité
ny force pour y contredire, y aquiesa plus par con-
trainte que de bonne volonté, avec l'avis cependant de
quatre ministres qui conclurent cela pouvoir estre fait.
Ce qui fut trouvé fort mauvais par tous les autres et
apporta un grand scandale à toute l'Église réformée et
ne fit pas petite bresche à la discipline des églises * de
ce Royaume ; mais la peur plus que la raison leur fit
accorder plustot qu'approver ceste forme [bastarde.]
Cela arresté, la roine de Navarre alla à Paris pour
préparer les choses nécessaires pour la magnificence de
la solennité des nopces, où elle tomba malade et y mou-
rut le 10 de juin 1572, aagée de quarante-quatre ans
seulement. Les uns eurent opinion qu'elle avoit esté
empoisonnée en une collation faite chez le prévost des
marchans ; les autres par un parfumeur italien avec une
paire de gans parfumés; d'autres asseurent qu'elle mou-
rut d'une plurésie, et de fait les médecins la pensèrent
comme atteinte de cette maladie. Je ne scay si bien ou
mal et s'ils furent, comme plusieurs pensent, trompez
aux signes de cette maladie et prinrent par un faux
jugement une cause pour autre, comme souvent aux
maladies internes telles gens prennent Montmartre
pour Paris. Deux jours avant son décez, elle fit son
testament et laissa son fils héretier universel, réser-
vant à la Princesse, sa fille, les droits de légitime que
les loix et costumes lui donnoient sur toutes les terres
qu'elle possédoit, outre le tiers de toutes ses bagues et
joyaux (le grand colier et le grand ruby balay, enga-
1. On a ajouté : réfoitnées.
334 HISTOIRE DE BÉARN ET NAVARRE.
gez en Angleterre , exceptez) , lesquels elle vouloit
demeurassent héréditaires à la maison de Navarre.
Par ce mesme testament, elle exortoit le fils de persé-
vérer en la' religion [réformée], l'entretenir et mainte-
nir en sa souveraineté deBéarn, où elle vouloit aussi la
Princesse, sa fille, estre ramenée, pour y estre nourrie
jusques à ce que Dieu lui offrit parti de mariage de sa
religion et dignité; que son corps fut rapporté au
mesme pais, pour y estre enterré au sépulcre de ses
ancestres * sans nulle pompe ny sompteuse cérémo-
nie, ains suivant la simplicité des enterremens de ceux
de sa religion. Mais la malice du tems n'a encore per-
mis l'exécution de cest article, et son cors est demeuré
à Vendosme'.
1. Variante : sa.
2. La cathédrale de Lescar.
3. Pour transporter le corps de la reine de Navarre à Vendôme
et pourvoir à ses obsèques, il fallut emprunter 6,000 livres à Jean
Viala, conseiller au parlement de Paris (Arch. des Basses-Pyré-
nées, B. 35).
TABLE ALPHABETIQUE
Abbadie (Guillaume d') , cha-
noine d'Oioron, s'empare de
la maison épiscopale, 119.
Abbadie (Samson d'), homme
d'armes, commande à Pon-
tacq pour les catholiques, 201.
Abbadie (Saubat d'), jurât de
Bellocq, rançonné par les ca-
tholiques, 215.
Abbadie d'Izeste (Jean d'), capi-
taine catholique, 298; fait pri-
sonnier à Tarbes, 303.
Abère (Johanot de Cauna, seign.
d'), capitaine catholique, tué à
Navarrenx, 251.
Abère d'Asson, château (Basses-
Pyrénées), saccagé par les ca-
tholiques, 261.
Abère d'Asson (Pascal, seign.
d'), sa mort, 261.
Abidos (Henri, seign. d'), capi-
taine catholique, fait prison-
nier à Orthez, 271; massacré
à Navarrenx, 282.
AWuration du catholicisme par
Jeanne d'Albret, 108.
Accous (Basses-Pyrénées), brûlé
par les protestants, 290.
Acier. — Vov. Genouillag.
Adour (1'), fleuve, 245, 259.
Afrique (!'), 112.
Agen (Lot-et-Garonne), 177 ;
Monluc s'y retire, 290.
Agenais (les officiers d') invités
par le roi de France à favori-
ser la conquête du Béarn,
176.
Agriculture en Béarn, favorisée
par Henri H, roi de Navarre,
41.
Aire (Landes). Monluc y arrive,
264.
Alain, sire d'Albret, tuteur de
Henri H, roi de Navarre, 3.
Albany (Jean Stuart, duc d'),
17.
Albe (Frédéric de Tolède, duc
d'), prend Saint-Jean-Pied-de-
Port en 1512. 6.
Albe (Ferdinand- Alvarez de To-
lède, duc d'), bat les Français
dans les Pays-Bas, 330.
Albigeoi s (l') . Les troupes protes-
tantes s'y rassemblent, 255,
256.
Albon (d'). — Voy. Saint- André.
Albret. — Voy. Alain , Jean ,
Jeanne, Miossens.
Albret (sirerie et duché d'), 53.
Albret (Louis d'), évêque de
Lescar, conseiller de Henri,
prince de Navarre, 56.
Albuquerque (Bertrand de La
Gueva, duc d'), 64.
Alençon (Gharles IV, duc d'),
mari de Marguerite d'Angou-
lême, 31.
Alençon (le duc d'), frère de
Gharles IX, 151, 154 ; promet
25,000 livres de dot à Margue-
rite, sa sœur, 332.
Alexandre le Grand. Henri IV
lui est comparé, 1 .
Alexandre VI, pape. Ses paroles
à propos de l'expédition de
Charles VIII en Italie, 281.
336
TABLE
Alexandbini (le cardinal), légat
en France, 329; manque de
respect à Jeanne- d'Albret,
331.
Alezieu, ministre protestant â
Garlin, sa mort, 263.
Allemagne. François I" y cher-
che des alliances, 32 ; le duc
de Clèves y mènerait Jeanne
d'Albret, sa femme, 34, 36,
37j il y retourne, 39 ; protes-
tants de cette région, 179.
Amaro (le capitaine), prisonnier
échangé contre le capitaine
Lalanne, 145.
Amboise (conjuration d'), 79,
101.
Amou (Jean Paulon, seign. d'),
capitaine catholique, parle-
mente à Orthez avec Mon-
gommery, 270.
Ananias, cité 324.
Andelot (François de Goligny,
seign. d'), poursuivi par les
Guises, 151, 316.
Andelys (les) (Eure), lieu de la
mort d'Antoine, roi de Na-
varre, 114.
Andoins (Paul de Béarn, seign.
d'), sénéchal de Béarn, 115.
Andoins. — Voy. Corisande.
Andraut (le receveur), massacré
à Bordeaux, 47.
Angleterre. Marie Stuart y est
exécutée, 110; Jeanne d'Al-
bret écrit à la reine Elisabeth,
164 ; les joyaux de Jeanne
d'Albret y sont engagés, 333
et 334.
Angosse, capitaine catholique,
arrive à Pontacq, 201 ; prend
Nay, 203.
Anjou (le duc d') plus tard
Henri III, 151, 154; Jeanne
d'Albret lui écrit, 156; son
capitaine des gardes tue le
prince de Gondé, 192 ; sa lettre
aux jurats de Pau, 216, 217;
cité dans une lettre de Tar-
ride, 219 ; Monluc écrit que
le duc fait pendre tous les mi-
nistres protestants, 265 ; il est
excusé par l'évêque de Va-
lence d'avoir trempé dans la
Saint-Barthélémy, 283 ; sa
lettre à Bonnasse, 294, 295;
il promet 25,000 livres de dot
à Marguerite, sa sœur, 332.
Antin (Arnaud d'), sénéchal de
Bigorre, abondonne le parti
de la reine de Navarre, 174.
Antin (Bertrand d') rend le châ-
teau de Lourdes à Mongom-
mery, 286.
Antoine de Bourbon, roi de Na-
varre, épouse Jeanne d'Albret,
39, 40 ; succède à Henri II de
Navarre, 51, 52; ouitte le
Béarn, 53 ; reçoit Le â-ay com-
me ministre de l'église réformée
de sa maison, 54 ; il est soup-
çonné de protestantisme par
le roi de France, 55 ; il donne
congé à Le Gay, 56 ; il pro-
tège Henri de Barran, 58, 61;
il demande à être compris
dans le traité de Gàteau-Cam-
brésis, 62 ; fait faire une ex-
pédition contre Fontarrabie,
62 à 64 ; il essaie de faire
soulever les provinces basques
espagnoles, 64 à 66 ; prétend
avoir la tutelle de François H,
67 ; il en est écarté par les
Guises, 68 ; le connétable l'en-
gage en vain à prendre le
gouvernement, 70 à 72 ; il
promet aux protestants de les
défendre, 73 ; ses conseillers
le trahissent en faveur des
Guises, 74 ; il se rend à la
cour; accueil qu'il y reçoit,
75, 76; intrigues des Guises
contre lui, 77 ; accusé par
eux d'être le chef des conjurés
d'Amboise, 79 ; il est rejoint
par le prince de Conde en
Gascogne, 80 ; les députés des
églises réformées l'invitent à
se rendre aux Etats-Généraux,
81 ; les Guises poussent le roi
de France à l'attirer à la cour,
82 ; ses plaintes contre les
Guises, 83 ; il est regardé
ALPHABETIQUE.
337
comme le chef des protestants,
84 ; remontrances que lui fait
le cardinal d'Armagnac à ce
sujet, 84 à 86; sa réponse, 87;
il fait chanter la messe à Né-
rac, 88 ; la cour lui envoie
M. de Grussol pour le décider
à venir trouver le roi de
France, 88 à 90; remontrances
des députés des églises réfor-
mées sur son voyage en
France, 90 à 101 ; il renou-
velle ses promesses, 101 ; il
renvoie Théodore de Bèze,
104 ; il est traité à Orléans
comme un criminel, 104, 105;
les Guises complotent sa
mort, 105 ; ses paroles à
Ranti, 106; la Reine mère
arrête les. Guises dans leurs
desseins meurtriers, 107 ; il
se réconcilie avec eux, 107;
Jeanne d'Albret le détourne
de la religion réformée, 108 ;
il provoque le colloque de
Poissy, favorise les protes-
tants,' puis s'unit aux Guises
contre la Réforme, 109; il veut
divorcer et faire enfermer sa
femme, 110; il interdit la re-
ligion réformée en Béarn, 111;
on lui promet la royauté de
Sardaigne, 112, 113 ; sa mort,
114 ; sa mémoire rappelée
dans une lettre de Jeanne
d'Albret à Elisabeth, reine
d'Angleterre, 160 ; l'intérêt dd
ses dettes payé par son fils
Henri de Navarre, 332.
Antoine, duc de Lorraine, fils
de René de Vaudemont, 92.
Apesetche, capitaine basque ca-
tholique, arrive à Bellocq,
215.
Aragonais (les) campent à
Sainte - Marie - d'Oloron , 28 ;
favorisent l'expédition des ca-
tholiques contre le Béarn,
274.
Aramits (Pierre d'), capitaine
protestant, assiégé dans le
château de Mauléon. 288.
Arblade (d'), capitaine catho-
lique de l'armée de Monluc,
264.
Arblade (d'), capitaine protes-
tant , gouverneur d'Eauze ,
292.
Arbouet, capitaine du château
de Sauveterre pour les pro-
testants; il capitule, 213, 214.
Arbus (Pierre d ), dit Arbusio,
avocat, est nommé conseiller
par les catholiques au Conseil
souverain de Béarn, 254.
Areau (Guillaume d'), avocat
général au Conseil souverain,
destitué par les catholiques,
254.
Areu (Jean d'), avocat général
au Conseil souverain, envoyé
en France près de Jeanne
d'Albret, 125.
Argence (d') , chambellan de
Charles IX ; le prince de
Condé se rend à lui, 191.
Arius, son hérésie condamnée à
Nicée, 102.
Armagnac (l') (Gers). Les États
de Béarn demandent que ce
pays soit compris dans le
ressort du Conseil souverain de
Pau, 240, 242.
Armagnac (Georges, cardinal d'),
écrit à Charles IX que le Pape
menace Antoine de Bourbon
d'excommunication comme hé-
rétique, 55 ; il tient les États
de Béarn, 56; il persécute
Henri de Barran, 57 à 61 ;
envoyé comme légat en Na-
varre et Béarn, 84 ; ses re-
montranc's à Antoine de
Bourbon, 85, 86 ; il avertit la
cour d>3 France des projets du
roi de Navarre, 87 ; les Guises
l'emploient |iOur engager ce-
lui-ci à venir à la cour sans
troupes, 99; il écrit à Jeanne
d'Albret, 118.
Armendarits f-Tean, seisjneurd'),
capitaine basque catholique,
arrive à Bellocq, 214 ; ses
cruautés, 215; les catholiques
22
338
TABLE
l'envoient vers le roi de France
pour demander des secours,
293 ; cité dans une lettre de
Charles IX, 294 ; dans une
lettre du duc d'Anjou, 295 ; il
rapporte des commissions
pour les levées de troupes,
295.
Arnaud l'Organiste, serviteur
du capitaine Gohas, assassine
un vieillard au sac de Nav,
204.
Arné (François d'), lieutenant
de la compagnie d'hommes
d'armes d'Antoine de Bourbon,
tente de surprendre Fontarra-
bie, 62; les catholiques le
nomment lieutenant de Roi en
Bigorre, sa mort, 289.
Arotis, vieillard protestant noyé
par ordre de Tarride. 262.
Arras (Bertrand d'), capitaine
catholique, fait prisonnier au
siège de Navarreux, 251.
Arros (François, baron d') faci-
lite la fuite de Henri II, roi
de Navarre, prisonnier dans
le château de Pavie, 30; gar-
dien du château Trompette à
Bordeaux, 49.
Arros (Bernard, baron d'), capi-
taine de la vallée d'Ossau,
prend part à l'expédition de
Fontarrabie, 63; lieutenant-
général de Jeanne d'Albret en
Navarre et Béarn, 168; se
prépare à la lutte contre les
catholiques, assemble les États
de Béarn, 170, 171 ; biàme la
convocation illégale des Etats
de Navarre, 172 ; il attaque
les troupes catholiques, 173 ;
il reçoit les lettres des chefs
basques qui promettent de dé-
poser les armes, 174 ; sa ré-
ponse à l'envoyé de Monluc,
176; ses troupes sont infidèles,
180, 181 ; il distribue le com-
mandement des places fortes
du Béarn, 181; il se retire à
Navarrenx, 182; il tente de
s'emparer d'Oloron , 192 à
197 ; Gramont l'abandonne ,
199, 200; il se rend à Pau,
200; il rentre dans Navarrenx,
205 ; il refuse de remettre sa
charge à Gramont, 206 ; il est
assiégé dans Navarrenx, 243
à 259 ; il fait une sortie et
pille le camp ennemi, 262; son
château est brûlé par Bon-
nasse, 266 ; il chasse celui-ci
de la vallée d'Aspe, 290 ; la
lieutenance générale est par-
tagée entre lui et Montamat,
291 ; il déloge les troupes ca-
tholiques d'Oloron, 297 ; il
n'ose attaquer Bonnasse dans
Lourdes, 299; il fait le siège
de Tarbes, qu'il prend, 301 à
304 ; il rentre en Béarn, 305 ;
se retire à Nay, 310 ; tient les
États en Navarre, 311.
Arros (les deux fils de Bernard
d'), capitaines protestants, re-
tirés dans Navarrenx, 243 ; le
plus jeune est tué dans une
sortie, 256.
Artigosse, protestant décapité
à Puyôo par les catholiques,
216.
Artigues, capitaine protestant,
met Sain t-Se ver en état de
défense, 292.
Artix (Basses-Pyrénées). Mon-
gommery y reçoit la nouvelle
de la prise de Pau et de Nay
par les protestants, 280.
Arudy(Basses-Py rénées) . Sainte-
Goromme écrit à Bonnasse,
de l'y joindre, 199; pillé par
Bonnasse, 276.
Arzacq (Basses-Pyrénées). Dix
compagnies de troupes catho-
liques y sont logées, 192.
AsA, cité 136.
Ascain (Basses-Pyrénées). Bon-
nivet y loge, 19.
Aspe (la vallée d') (Basses-Py-
rénées). Les Aragonais y
entrent, 28 ; ses fors et cou-
tumes, 43 ; ses milices se mu-
tinent, 63 ; ses députés diri-
gent la révolte contre Jeanne
ALPHABÉTIQUE.
339
d'Albret, 1-27 ; elle fournit
cent arquebusiers, 130 ; les
prisonniers protestants y sont
envoyés, les chefs séditieux
s'y retirent, 132; Sainte-Go-
lomme écrit à Bonnasse de
faire marcher les troupes
q^u'elle fournit. 199; elles ar-
rivent devant Nay, 202 ; Lu-
ger, syndic, écrit aux jurats
de la vallée d'Ossau qu'elle
est du parti catholique, 275 ;
Bonnasse s'y réfugie, 286 ; il
v rassemble des troupes, 289;
ïes habitants s'engagent par
écrit à rester dans le parti ca-
tholique, 293 ; Bonnasse s'y
retire de nouveau, 298.
Asson (Basses-Pyrénées). Ses
milices se mutinent, 64 ; les
habitants* se joignent aux
troupes protestantes, 272 ;
l'armée protestante s'y at-
tarde, 298.
ASTARAC. — Voy. FONTARAILLES,
MONTAMAT.
Auch (Gers) refuse de nayer
tribut aux troupes de Môn-
gommery, 291.
Audaux (Basses-Pyrénées). La
garnison de Navarrenx y brûle
des maisons, 244 ; en repré-
sailles, Tarride fait noyer un
protestant, 262.
Audaux (Armand de Gontaut,
seign. d'), lieutenant de Roi
en Béarn, protège l'arrivée de
Jeanne d'Albret en Béarn ,
110; nommé sénéchal de
Béarn, 1 16 ; dénonce à la
reine de Navarre une conju-
ration formée contre elle, 128,
129; il apaise une sédition,
130, 131; l'un des chefs du
parti catholique, 179 ; cheva-
lier de l'Ordre, 209 ; il somme
Orthez de se rendre, 212,213;
reçoit commission des États
de Béarn pour destituer les
jurats protestants, 253.
AuDÉjos (Bernard de la Torte,
dit), chanoine de Lescar, l'un
des chefs du parti catholique,
pendu à Pau, 281.
AuGA. — Voy. GouzE.
AuGA (Jean d'), seigneur de
Susmiou, capitaine protestant,
gouverneur à Pau, 181 ; ré-
siste aux troupes catholiques,
212.
Augustins (la porte des) à Bor-
deaux, Anne de Montmorency
y passe pour châtier les sédi-
tieux, 48.
AuMALE (Claude de Lorraine,
comte de Guise et duc d'),
prend part à l'expédition con-
tre la Navarre, 17, 18; de-
mande la ruine de Fontarra-
bie, 21.
AuRE (d'). — Voy. Larbocst.
AuREssAN (d'), capitaine catho-
lique de l'armée de Mon lue,
264.
AuRiGNAc (le seign. d'), capitaine
du pays de Foix, tué a Tie-
bas, 15.
Auronce (le bois de 1'), à Lucq
(Basses-Pyrénées). On y tue
deux ministres d'Oloron* 248.
AuROUT , capitaine catholique ,
arrive à Pontacq, 201 ; fait
prisonnier à Orthez, 271 .
AvALOS. — Voy. Pescaire.
AvENELLEs (Pierre), avocat au
Parlement de Paris, dénonce
la conjuration d'Amboise, 79.
Avignon (Vaucluse). Antoine
de Bourbon songe à s'en em-
parer, 113.
Aydie. — Voy. Saiste-Colomme.
B
Balis, capitaine protestant, 292.
Bar (René, duc de), 92.
Barcus (Basses-Pyrénées). Les
troupes catholiques s'y ras-
semblent, 296.
Barétons fia vallée de) (Basses-
Pyrénées). Ses fors et coutu-
mes, 43 ; ses milices se muti-
nent, 63 ; Sainte-Golomme
écrit à Bonnasse d'y prendre
340
TABLE
des troupes, 199 ; Bonnasse
les mène à Nay, 202 ; Luger,
syndic, écrit aux jnrats d'Os-
sau qu'elle est du parti ca-
tholique, 275 ; les jurais sont
secrètement prévenus de pré-
parer de>i vivres, 296 ; Luxe
les invite à chasser les trou-
pes protestantes, 306.
Bahran (Pierre-Henri de), mi-
nistre; son séjour à Pau, 57;
persécuté par le cardinal d'Ar-
magnac, 58 à 61 ; sa présence
à la cour d'Antoine de Bour-
bon, 84 ; ce prince le prend
sous sa protection, 87.
Bahraute (Bertrand de Navail-
les, seign. de), capitaine ca-
tholique, arrive à Bellocq, 214.
Barry. — Voy. La Renaudie.
Basillac (Jean, baron de) ac-
compagne Henri de Navarre
dans le pays basque, 145; se
range dans le parti catholi-
que, 174; maître de l'artille-
rie de l'armée catholique,
246; parlementaire et prison-
nier au siège d'Orthez, 270,
271.
Basque (prédication de la reli-
gion réformée et impression
de livres saints en), 116,
311.
Basques (les) en garnison à Fon-
tarrabie, 23 ; se révoltent
contre Jeanne d'Albret, 139;
ils viennent à Nay, 202 ; ils
saccagent les maisons des pro-
testants de Sauveterre, 214;
pillent Bellocq, 216; ils aban-
donnent Pau. 224; empêchent
Tarride de lever le siège de
Navarrenx, 252 ; le quittent et
retournent chez eux, 260 ; les
protestants les chassent dans
leurs montagnes, 288 ; ils re-
commencent la guerre, 293;
battus par les protestants au
pont d'Osserain, 297 ; Bon-
nasse trouve qu'ils ont trop
de confiance en leurs jambes,
298.
Bassac (Charente). Le prince de
Gondé y est tué, 191.
Bassillon (Bertrand , seigneur
de), gouverneur de Navar-
renx, colonel de l'infanterie de
Béarn, 172; l'un des défen-
seurs de Navarrenx, 243; sa
mort, 284; soupçons de Mon-
gommery sur sa fidélité ,
287.
Bastanès (Basses - Pyrénées).
Tarride y assemble les chefs
du parti catholique, 257.
Bastide-Glairence (la) (Basses-
Pyrénées) . Leiçarrague y est
envoyé comme ministre, 116.
Bastide d'Armagnac (la) (Lan-
des). Montamat y séjourne,
291.
Baudéan, capitaine catholique,
arrive à Pontacq, 201; sa
compagnie se mutine devant
Pau, 224.
Baulon (François de), conseiller
au parlement de Bordeaux,
siorne une lettre de cette cour
à Tarride, 229.
Baure, château (Basses-Pyré-
nées). Gramont et Mongom-
merv v ont une entrevue ,
276.'
Bayonne (Basses-Pyrénées). Les
fuyards français s'y réfugient,
16 ; Bonnivet s'y rend avec
des troupes, 18; la garnison
espagnole de Béhobie y est
envoyée prisonnière, 20; La
Palice se dirige sur cette ville,
23 ; Lautrec la met en défense
et soutient le siège, 24, 25 ;
le prince d'Orange entre en
Guienne près de la ville, 26 ;
Antoine de Bourbon y sé-
journe, 65 ; les officiers sont
invités à favoriser l'expédition
catholique contre le Béarn,
176; les catholiques en tirent
de l'artillerie, 207, 245.
Bazas (Gironde). Un cordelier de
cette ville est massacré à Bor-
deaux, 48.
Béarn. — Voy. Andoins, Bon-
ALPHABETIQUE.
Ui
NASSE, Charles, Fors, Gerde-
REST, LOUVIE.
Beaumont. — Vov. Lérin.
Beaumont (Don Francisco de)
fait Esparros prisonnier à
Tiebas, 15.
Beauvais (Louis Goulard, seign.
de), gouverneur de Henri de
Navarre, 115 ; envoyé à la
cour de France pour le ma-
riage de Henri, 318; son re-
tour en Béarn, 319.
Bédat (Mathieu du), ministre à
Lembeye, arrêté par les ca-
tholiques, 202; mis à mort,
222.
Bedous (Basses-Pyrénées), brûlé
par les protestants, 290.
Bègolle (Antoine de), capitaine
catholique, arrive à Pontacq,
201 ; se joint à Bonnasse à
Lourdes, 2'J9.
Bégueyre ou Béqueyre (la rue)
à Bordeaux; un pâtissier de
cette rue, chef d'une sédition,
47.
Béhobie( Basses-Pyrénées). Bon-
nivet y passe la rivière, 19 ; il
fait le siège du château, 20.
Belasco (Ini{50 de), connétable
de Castille, rassemble des
troupes contre les Français,
11 ; il entre à Sanguesa, 13 ;
gagne la bataille de Tiebas sur
les Français, 14.
Belcier (Antoine de), président
au parlement de Bordeaux,
sie;ne une lettre de cette cour
àTarride.229.
Bellay (Guillaume du), seign.
de Langeais; son opinion sur
Esgoarrabaque, 12.
Bellegarde (Ro,i,'er de Saint-
Lary, seign. de), l'un des gé-
néraux de l'armée catholique,
257; il laisse passer la Ga-
ronne à Mongommery. 258 ;
se prépare à joindre l'armée
de Monluc, 264, 265 ; écrit à
Peyre qu'il va joindre Monluc,
266 ; le syndic Luger écrit aux
jurats d'Ossau qu'il va au se-
cours d'Orthez, 275 ; n'ose
entrer en Béarn, 281 ; laisse
l'armée protestante entrer en
Bigorre, 285.
Bellocq (Basses-Pyrénées), pris
et pillé par les catholiques,
214 à 216.
Bellocq. — Voy. Bertranet.
Bellocq (Menant de), capitaine
protestant, commande à Sau-
veterre, 181 ; il capitule, 213.
Belzunce (Jean de), gouverneur
de Soûle, 170.
Bénac (Philippe de Montant,
baron de) accompagne Henri
de Navarre dans le pays bas-
que, 145 ; des protestants se
réfugient chez lui , 224 ; il
somme et prend Lourdes,
286.
Benauges, protestant mis à mort
, à Pau, 222.
Bénéjac (Basses-Pyrénées). Les
troupes protestantes y arri-
vent, 259.
Bérérenx (Basses - Pyrénées).
Sainte - Golomme y installe
l'artillerie pendant le siège
de Navarrenx, 246.
Bergara (Pierre de), maître-
d'hôtel de Jeanne d'Albret,
envoyé en Navarre pour cal-
mer une sédition, 141.
Bergerac (Dordogne). Jeanne
d'Albret y arrive, 156; elle y
écrit à Charles IX, 159.
Bérillac (de), capitaine protes-
tant de l'armée de Mongom-
mery, 256.
Berry (Charles, duc de), frère de
Louis XI, 96.
Bertranet (Bertranet de Bel-
locq, dit), sergent de l'armée
protestante, fait une sortie de
Navarrenx, 251.
Beudoat, prisonnier , envoyé
par Peyre pour traiter avec
les protestants de la reddition
de Pau, 277.
Beuste (Basses-Pyrénées). Un
habitant protestant est brûlé
par les catholiques, 204 ; son
342S
TABLE
ministre est mis à mort à
Pau, 263.
Bèze (Théodore de). Antoine de
Bourbon le renvoie, 104 ;
son Histoire ecclésiastique ci-
tée, 108.
Biarritz (Basses-Pyrénées), pillé
par le prince d'Orange, 29.
Bidache (Basses-Pyrénées), pris
par le prince d'Orange, 27 ;
Gramont s'y retire, 200.
Bidassoa (la), rivière; Bonnivet
la passe, 19; les Français s'y
arrêtent, 63.
Bielle (Basses- Pyrénées). Jeanne
d'Albret y apprend une con-
juration ourdie contre elle, 129.
Bigorre (la) (Hautes-Pyrénées),
se révolte contre Jeanne d'Al-
bret, 173 ; les troupes catho-
liques s'y rassemblent, 177,
192 ; les gouverneurs prêtent
de l'artillerie aux catholiques,
198 , les États de Béarn de-
mandent sa réunion au res-
sort du Conseil souverain de
Béarn, 240, 242; Tarride y
envoie des éclaireurs au-de-
vant des troupes protestantes,
259 ; l'armée de Mongom-
mery y entre, 285; elle est
réduite à l'obéissance de
Jeanne d'Albret, 286 ; elle se
révolte de nouveau , 288 ;
d'Arné y est nommé lieute-
nant de !koi, 289 ; fausse nou-
velle d'une défaite de Monta-
mat, 296 ; Bonnasse v arrive,
298.
BiRAN. — Voy. GOHAS.
BiRON (Armand de Gontaut, ba-
ron de), sollicite Jeanne d'Al-
bret pour le mariage de Henri
de Navarre, 327.
BiSQUERRE, capitaine protestant
de l'armée de Mongommery,
256.
Blanc (Thomas), protestant mis
à mort à Pau, 222.
Blanc-Gastet, capitaine protes-
tant. Bonnasse se rend à lui,
303.
Blois (Loir-et-Cher). François II
y séjourne, 79 ; Charles IX et
sa mère y reçoivent un envoyé
de Jeanne d'Albret, 318 ; cette
reine y décide le mariage de
Henri de Navarre, 331.
BoDiN (Jean). Son explication
de l'incendie de Nay, 46.
Bois (Pierre du) , mmistre de
Lescar, mis à mort à Pau,
263.
Bois.NORMAND. — Voy. Le Gay.
BoNAS en Pardiac. Là femme du
ministre Buisson, fille de cette
maison, 248.
BoNFiLH (Antoine), cloutier de
Nay, protestant mis à mort,
204.
Bonnasse (François de Béarn,
seign. de), capitaine catholi-
que, débauche des soldats du
parti protestant, 180 ; amène
des troupes à Oloron, 196 ; les
Bigourdans viennent l'y join-
dre, 198 ; il assiège Nay, 202;
il prévient Tarride de l'arri-
vée des protestants, 259 ; ceux-
ci brûlent sa maison, 260 ; il
fait massacrer le seigneur
d'Abère d'Asson, 261 ; il re-
çoit l'ordre de secourir Pau,
266, 275; se retire dans la
vallée d'Ossau, en pille les
villages, 276 ; abandonne Nay,
278, 279 ; se réfugie en Lave-
dan, 286 ; rassemble des trou-
pes dans la vallée d'Aspe,
289 ; il est chassé jusqu'à Les-
cun, 290 ; se met à la tête des
catholiques, 293; reçoit les
lettres de Charles IX et du
duc d'Anjou qui lui donnent
la seigneurie de Nay, 294,
295 ; il se retire dans la vallée
d'Aspe et se défie des Bas-
aues, 298 ; se réfugie à Lour-
es, 299 ; ses soldats tuent
par mégarde un commissaire
aux vivres, 300 ; il est assiégé
dans Tarbes, 301, 302; sa
mort. 303.
BoNNEFo.NT (Pierre de), conseil-
ALPHABETIQUE.
343
1er au Conseil souverain de
Béarn, chargé d'établir l'église
réformée à Oloron, 119.
BoNNivET (Guillaume Gouffier,
seign. de;, gouverneur de
Guienne, commande l'expédi-
tion française en Navarre, 17,
18 ; il prend Fontarrabie, 21 ;
il ramène ses troupes en
France, 22.
Bordeaux (Gironde). Bonnivet y
arrive, 18 ; théâtre d'une sédi-
tion, 47 à 49 ; procédures du
parlement contre le Béarn,
168, 176 à 178; il écrit à Tar-
ride 228, 229; remontrances
du syndic au sujet de sa lettre,
229 à 242 ; Lansac écrit de
cette ville pour exciter la
guerre en Béarn, 295.
Boiu)enaVe (Jean de), conseiller
au Conseil souverain de Béarn,
l'un des chefs catholiques,
126 ; chaîné de rassembler des
vivresàNavarrenx, 191 ; nom-
mé président du Conseil sou-
verain par les catholiques,
254 ; son apostrophe aux avo-
cats protestants, 255 ; sa lettre
aux jurats d'Ossau, 272, 273.
Bordes AVE (Nicolas de), auteur
de VHistoire de Navarre et
Béarn. Renseignements bio-
graphiques, I à V.
Bordes (Basses-Pyrénées). Les
Etats de Béarn y écrivent à
Tarride, 211.
Bordes d'Espoey (les) (Basses-
Pyrénées), lieu d'étape dési-
gné pour les troupes catholi-
ques, 210.
BoRDiu (Du). — Voy. Poqueron.
BoRY, capitaine protestant, s'atn
tarde à Nérac, 292.
Bouchard (Amaury), chancelier
de Foix et Béarn, trahit An-
toine de Bourbon, 87.
BouGiER, capitaine protestant,
tué au siège de Tarbes, 303.
Boulogne (Jean Lescrivain, dit),
secrétaire d'Antoine de Bour-
bon, chargé d'interdire la re-
ligion réformée en Béarn, est
arrêté par ordre de Jeanne
d'Albret, 111.
Bourbon. — Voy. Antoine, Ca-
therine, CONDÉ, CONTI, La
Roche-sur- YoN, Lavedan.
Bourbon (la maison de). Ani-
mosité des Guises contre elle,
77 ; sa ruine méditée par la
cour de France, 312; Paris
mal disposé pour elle, 332.
Bourbon (le duc de), beau-frère
du roi Charles V, tuteur de
Charles VI, 98.
Bourbon (Charles, dit le conné-
table de), conduit l'armée im-
périale en Italie, 29.
Bourbon (Charles, cardinal de)
accompagne la reine d'Espa-
gne, 76 ; envoyé par Charles
IX auprès du roi de Navarre,
84, 88; son discours à An-
toine de Bourbon, 89 ; ses
craintes pour ses frères, 99,
100 ; il les décide à venir à la
cour de France, 103; Jeanne
d'Albret lui écrit, 156 ; cité
dans une lettre de cette reine
à Catherine de Médicis, 162 ;
va au-devant de Jeanne d'Al-
bret à Tours, 331 ; Charles IX
décide qu'il célébrera le ma-
riage de Henri de Navarre.
332.
Bourbon (Suzanne de), femme
de Jean d'Albret, baron de
Miossens , gouvernante de
Henri de Navarre, 53, 56.
Bourguignons (les) dirigent les
affaires en Espagne, 5.
Boursiers de l'Université de
Béarn, leur organisation, 326.
Brassalay (Fortic de), capitaine
protestant, fait partie de la
garnison de Navarrenx, 243 ;
exécute des sorties, 249, 250 ;
nommé gouverneur d'Orthez,
285 ; sa compagnie se retire
en désordre de Sainte-Marie-
d'Oloron, 297.
Bretagne (la). D'Andelot devait
v être arrêté, 152.
344
TABLE
Bretchaire, conseiller de Thier-
ry m, 94.
Brodeau (Victor), secrétaire d'E-
tat de Navarre. Sa remon-
trance à Antoine de Bourbon,
64.
Brouage (Charente-Inférieure).
Cité à propos de la Saint Bar-
thélémy, 330.
Bruxiquel (Bernard -Roger de
Gomminges, vicomte de), ca-
pitaine protestant de l'armée
de Moni^ommery, 256.
Buisson (Antoine), ministre d'O-
loron, mis à mort ainsi que sa
femme, 247, 248.
BuRiE (Charles de Coucy, seign.
de), lieutenant de Henri II,
roi de Navarre, en Guienne,
dirige une expédition contre
Fontarrabie, 62; ses troupes
se débandent, 63.
G
Gajbexag, capitaine catholique,
tué au siège de Navarrenx,
251.
Galvet, capitaine protestant ,
tué devant Orthez, 267.
Campagne (le seign. de) recueille
des protestants, 224.
Gandau (François de la Salle,
seign. de), capitaine catho-
lique, pris à Orthez, 271 ; tué
à Navarrenx, 282.
Gandé (le sieur de), secrétaire
d'Etat de Jeanne d'Albret,
communique une pièce à l'au-
teur. 122.
Gantet, capitaine catholique ;
ses arquebusiers à cheval per-
dent leur drapeau, 310.
Caracalla, empereur romain,
ses noces citées, 317.
Gardaillac. — Voy. Sarla-
BOUST.
Carmain. — Voy. Nègrepelisse.
Carhèges, capitaine français, tué
en Espagne, 21.
Garsusan (Pierre- Arnaud de) ,
clianoine d'Oloron. l'un des
chefs du parti catholique, 127,
128.
Casabant (Assibat de Casanabe,
dit), capitaine protestant, re-
vient de La Rochelle, 181; fait
partie de la garnison de Na-
varrenx, 244 ; exécute une
sortie, 249; nommé gouver-
neur de Lourdes, 286 ; son
lieutenant rend cette place
aux catholiques, 288.
Casalis, capitaine protestant ,
gouverneur de Tarias, rem-
placé, 292.
Casanabe. — Voy. Casabant.
Case (Arnaud de), juge-mage de
Bigorre, destitué par les ca-
tholiques, 174.
Cassagnère. — Voy. Peyre-
LONGUE.
Cassagnet. — Voy. Saint-
OaENS, TiLLADET.
Gastéran (Jean) , capitaine ca-
tholique, parlemente au siège
de Rabastens^ 308.
Castet (Julian de), sergent de
la compagnie d'Espalungue,
livre une porte de Nay aux
catholiques, 203.
Castille (la). Elle se soulève
contre le roi d'Espagne, 4 ;
les adversaires du roi de Na-
varre s'y retirent, 10; Lo-
grono, ville réunie à ce royau-
me, 12.
Castille (l'amiral de), chef de
l'armée espagnole, 11; s'em-
pare de Logrono, 13.
Castres (Tarn). Mongommer^' y
séjourne, 255 ; il y rassemble
ses troupes, 256.
Càteau-Cambrésis (Nord). La
paix y est signée entre la
France et l'Espagne, 61 ; le
roi de Navarre y est omis
dans le traité, 71.
Catherine, reine de Navarre, 3 ;
censurée par le Pape, perd
son royaume, 85.
Catherine de Bourbon, sœur de
Henri de Navarre ; les catho-
liques veulent s'en emparer.
ALPHABETIQUE.
345
127; revient en Béarn avec
sa mère^ 139 ; Charles IX et
Catherine de Médicis désirent
la « caresser », 150; guet-à-
pens dressé par la cour de
France pour la saisir, 152 ;
craintes des protestants pour
elle, 153; elle quitte Nérac
avec sa mère, 155; citée dans
une lettre de Jeanne d'Albret
à Catherine de Médicis, 160 ;
dans une lettre de sa mère à
Elisabeth d'Angleterre, 164,
167 ; dans les lettres d'Arros
aux villes de Navarre, 172;
le roi de France veut la pren-
dre sous sa protection, 183 ;
citée dans un discours du pré-
sident Etchart, 190; guet-à-
pens contre elle rappelé, 316;
part de la Rochelle avec sa
mère pour venir en Béarn,
319; ses droits à la suc-
cession de sa mère , 333 ;
vœux de celle-ci à son égard,
334.
Catherixe de Médicis, tutrice
du roi Henri II, son fils, 67 ;
son irritation de la faveur des
Guises, 69 ; elle fait chasser
de la cour Diane de Poitiers,
70 ; Antoine de Bourbon pro-
teste de sa confiance en elle,
82 ; elle envoie M. de Crussol
auprès du roi de Navarre, 88;
elle sauve ce dernier de la
mort, 107 ; elle lui montre
que le roi d'Espagne le trom-
pait, 112; elle reproche à
Jeanne d'Albret l'abolition du
catholicisme, 118 ; désire voir
la reine de Navarre et ses en-
fants, 150 ; ses projets contre
les réformés, 153 ; lettre que
lui écrit Jeanne d'Albret, 156,
159 à 163; craintes des pro-
testants à son égard, 315 ;
son empire sur Charles IX,
317; son bon accueil à l'un
des gouverneurs du prince de
Navarre, 318 ; elle veut que le
mariage de ce prince se fasse
à Paris et devant l'église ro-
maine, 332.
Caubios (Auger, seign. de), ca-
pitaine catholique, conduit les
troupes à Lescar, 206.
Caumont. — Voy. Lauzun.
Caumont (François de), capitaine
protestant, fait partie de l'ar-
mée de Mongommery, 256.
Cauna. — Voy. Abère.
César. Ses paroles citées, 281.
Chabannes. — Vov. La Palice.
Chalon. — Voy. Orange.
Chalosse (la) (Landes). Monlnc
y met des garnisons, 177;
l'armée protestante y passe,
286.
Chambon (Michel), tailleur de
Jeanne d'Albret, mis à mort
à Pau par les catholiques, 263.
Chambord (Loir-et-Cher). Char-
les IX commande à Antoine
de Bourbon de s'y rendre,
106.
Champagne (la), envahie par les
troupes de Charles-Quint, 23,
24.
Charlemagne. Sa postérité rneurt
avec Charles, duc de Lorraine,
91; les Guises se donnent
faussement pour ses succes-
seurs, 92.
Chables-le-Chauye, 98.
Charles IV le Bel, 94.
Charles V, roi de France, règle
la tutelle de son fil§, 98.
Charles VI, 98.
Charles VIII. Les États-Géné-
raux lui donnent des tuteurs,
98 ; paroles du Pape sur son
expédition en Italie, 281.
Charles IX (son nom revenant
presque à chaque instant de-
puis la page 115, cette table
eut été surchargée de trop
nombreuses citations.)
Charles, duc de Mosellane et de
Lorraine, ancêtre des Guises,
92.
Charles, prince de Navarre, dit
le Vacher de Béarn, est pris
et meurt devant Naples, 31.
2r
34^
TABLE
Ghahles-Martel, 230.
Charles - Quint. Craintes de
François I*"" sur une alliance
de Henri II, roi de Navarre,
avec lui, 3 ; il est élu empe-
reur, 4 ; des seigneurs espa-
gnols feignent de quitter son
parti, 10; il attaque la Cham-
pagne, 23 ; prend Pedro Na-
varre à son service, 26 ; son
armée entre en Italie, 29 ;
le roi de France cherche des
alliances en Allemagne contre
lui, 32, 38 ; le duc de Clèves
lui dispute l'héritage de Bour-
gogne, 35 ; ils se réconcilient,
39 ; il appelle son fils, Phi-
lippe II, en Flandres, 49 ; ses
conquêtes rappelées, 312.
Chastelier (le sieur du), lieute-
nant général de l'armée de
mer, envoyé par Jeanne d'Al-
bret à la reine d'Angleterre,
167.
Château-Pignon (Basses-Pyré-
nées). Assiégé par les Fran-
çais, 7, 18.
Château-Trompette (le), à Bor-
deaux. Le lieutenantgénéral en
Guienne en sort, 47 ; les sédi-
tieux s'en emparent, 49.
Chàtellerault (Vienne). Le ma-
riage de Jeanne d'Albret et
du duc de Clèves y est célé-
bré, 38.
Chatillon (Gaspard de Coligny,
dit le maréchal de), meurt à
Dax, 22.
Chenonceaux (Indre-et-Loire).
Charles IX y mande Antoine
de Bourbon, 106.
Chirouse, secrétaire de Tarride,
219.
Claverine (Peyroton de), pro-
testant de Pontacq , mis à
mort à Goarraze, 203.
Clèves (Guillaume, duc de),
épouse Jeanne d'Albret, 32 ;
les Etats de Béarn s'opposent
à ce mariage, 33 à 38 ; il
quitte sa femme, 39.
Coarraze (Basses-Pyrénées). Les
catholiques y noient un pro-
testant, 204 ; les troupes pro-
testantes y passent, 259 ; les
protestants en tirent des trou-
pes, 272.
Cognac (Charente). Jeanne d'Al-
bret y arrive, 164.
Coimbres, capitaine espagnol,
facilite l'évasion de Henri H,
roi de Navarre, du château de
Pavie, 30.
Coligny. — Voy. Andklot, Cha-
tillon.
Coligny (Gaspard de), amiral.
Sa vie menacée par les Gui-
ses, 151 ; il accompagne le
prince de Condé, 155;
il échappe aux catho-
liques, 156 ; vient à Cognac,
163 ; prépare une expédition
dans les Pays-Bas, 312; les
embûches des Guises contre
lui rappelées, 316.
Collège deLescar. Son entretien;
117.
CoLOMiÈs ( Archambaud de) ,
juge d'Oloron, chargé d'éta-
blir l'église réformée à Olo-
ron, 119.
CoMMiNGES. — Voy. Bruniquel.
Condé (Louis I«", prince de),
chef de la conjuration d'Am-
boise, 79 ; il échappe aux
Guises, 80 ; ceux-ci lui en-
voient le maréchal Saint-An-
dré, 82 ; le roi de France lui
ordonne de venir à la cour,
83; le cardinal d'Armagnac
l'accuse d'hérésie, 84 ; il l'en-
gage à aller trouver le roi de
France pour se disculper, 85 ;
les Guises le rendent odieux
au Roi, 87 ; le cardinal de
Bourbon ébranle ses résolu-
tions, 88 ; Crussol lui fait es-
pérer qu'il balancera l'influen-
ce des Guises, 89; les réformés
demandent qu'il aille en ar-
mes aux Etats-Généraux, 95;
son voyage à la cour de Fran-
ce est résolu, 99 à 101 ; il part
malgré sa femme, 103 ; il est
ALPHABÉTIQUE.
347
arrêté, emprisonné et con-
damné à mort, 104 et 105 ; la
mort de François II le sauvé,
107; il prévient Jeanne d'Al-
bret de la prise d'armes des
protestants, 139 ; guet-à-pens
des Guises, 151 ; il erre en
France, 155, 157 ; haine des
Guises contre lui, 162 ; il ar-
rive à Cognac, 163 ; il prend
le commandement des trou-
pes protestantes, 164; il se
retire à la Rochelle, 185 ; il
est tué à Bassac, 191 ; sa
mort cause la défection de
Gramont, 212; la haine de la
cour contre lui rappelée, 316.
GoNDÉ (Henri I", prince de),
quitte La Rochelle avec Jean-
ne d'Albret et vient en Béarn,
319.
Gondom (Gers). Monluc l'aban-
donne, 290 ; les troupes catko-
liaues l'environnent, 291.
Gondomois (le) (Gers). Les offi-
ciers favorisent l'expédition
catholique contre le Béarn,
176.
Conjuration d'Amboise, 78 à 80.
Conseil ecclésiastique de Béarn,
son institution, 322.
Conseil souverain de Béarn,
créé par Henri H, roi de Na-
varre, 42.
Constantin le Grand convoque
le concile de Nicée, 102.
CoNTi (François de Bourbon,
prince de), quitte La Rochelle
avec Jeanne d'Albret et vient
en Béarn, 319.
CoBCELLEs (Michelle de), femme
de Peyre, gouverneur de Pau.
Elle assiste à l'exécution des
protestants, 263.
CoRiSANDE d'Andoins. Sou ma-
riage, 149.
CoRTADE (Guillaume de), capi-
taine protestant, fait partie de
la garnison d'Oloron; arrête
l'abbé de Sauvelade, 129; se
retire à Navarrenx, 243 ; exé-
cute des sorties, 249, 250 ; sa
compagnie abandonne en dé-
sordre Sainte-Mari e-d'Oloron,
297.
GoucY. — Vov. BuRIE.
CouRTEViLLE, frère de Mongom-
mery, prisonnier des catho-
liques, échangé contre Tarride,
270.
Courtoisie, sergent d'Esgoarra-
baque, ouvre parmégarde une
porte d'Oloron aux protes-
tants, 194.
Couserans (l'évêque de). — Voy.
Gramont.
Coutumes. — Voy. Fors.
Grussol (Antoine, comte de),
envoyé du roi de France vers
Antoine de Bourbon, 84 ; fa-
vori de Catherine de Médicis,
88 ; ses remontrances au roi
de Navarre, 89.
CUNIGA. — Voy. MiRANDA.
D
Daillon. — Voy. Lude.
Damville (Henn de Montmo-
rency, baron de), maréchal de
France, commande un corps
d'armée catholique, 257, 281 ;
il s'approche du Béarn, 287 ;
il arrête le pillage de Mont-
de-Marsan, 288 ; se retire vers
Toulouse, 289; il refuse de
l'artillerie à Bonnasse, 300.
Dangu (Nicolas), évèquedeMen-
de, chancelier de Navarre,
trahit Antoine de Bourbon,
74, 87.
Dauphin (le), fils du roi Jean,
99.
David, ministre protestant, sé-
i'ourne près d'Antoinede Bour-
)on, 84 ; menacé d'excommu-
nication, 86 ; Ant". de Bour-
bon le prend sous sa protec-
tion, 87.
Dax (Landes). Le maréchal de
Châtillon y meurt, 22 ; les ca-
tholiques en tirent de l'artil-
lerie, 207 ; deux compagnies
de catholiques s'y retirent.
348
TABLE
287 ; Monluc y envoie cher-
cher de l'artillerie, 307.
Dédicace de VHistoire de Béarn
et Navarre à Henri IV, 1
et 2.
Départ, faubourg d'Orthez (Bas-
ses-Pyrénées). Les catholiques
s'y défendent, 267.
Despourrin (Jean), d'Oloron,
met à mort deux ministres
protestants, 248.
Dessault (Raymond), capitaine
de Bordeaux, décapité à la
suite d'une sédition, 48.
Diane de Poitiers, duchesse de
Valentinois, chassée de la
cour, 70.
Dîna (les noces de) citées, 317.
DoMEZAiN ( Valentin de) , capi-
taine basque catholique, se
révolte contre Jeanne d'Al-
bret, 139; confère avec Mon-
luc, 142; la reine de Navarre
lui pardonne, 150; il convo-
que illégalement les Etats de
Navarre, 172; il prend Sau-
veterre et Salies, 213, 214; se
met de nouveau à la tête des
catholiques, 293.
Dona-Maria, capitaine espagnol,
abandonne le roi de Navarre,
10 ; fait prisonnier le sieur de
Tour non, 15.
Draperie. Henri II, roi 'de Na-
varre, en encourage l'indus-
trie dans le Béarn, 41, 42.
Duras (Symphorien de Durfort,
seigu. de), accompagne An-
toine de Bourbon dans une
expédition contre la Navarre,
65.
Durban. — Voy. Labassère.
Durfort (Hugues d'Espagne ,
seign. de), capitaine" français,
tué à la bataille de Tiebas,
15.
E
Eaux-Chaudes (les) (Basses- Py-
rénées. Jeanne d'Albret s y
rend, 129 ; elle y séjourne
pour sa santé, 319.
Eauze (Gers). Les catholiques
l'abandonnent ; Tarride y
meurt, 290; les protestants
en partent en hâte, 292.
Ebre (1'), fleuve d'Espagne. Es-
parros se retire en deçà, 13.
Ebroïn, maire du palais sous
. Thierry III, 94.
ÉcHAUX (Antoine, vicomte d'),
capitaine basque catholique,
obtient son pardon de la reine
de Navarre, 150.
ÉcHAUx (DoUique d'), capitaine
français, combat les Espa-
gnols, 7 ; colonel, 15.
Egypte (l'alliance d') reprochée
à Salomon, 315.
Égyptiens (les) cités, 136.
Elicéiry, capitaine catholique,
arrive à Bellocq, 215 ; il re-
prend les armes, 306.
Elisabeth, reine d'Angleterre.
Jeanne d'Albret lui écrit ,
. 164 à 167.
Elisabeth , reine d'Espagne ,
femme de Philippe II. Son
mariage, 62 ; on la conduit
jusqu'aux Pyrénées, 76.
Enée. Sa fuite citée, 155.
EsGARS (d'). — Voy. Saint-Bon-
net.
Escars (François de Peyrusse,
comte d'), conseiller d Antoi-
ne de Bourbon. Il le trahit,
74, 87 ; il sert les Guises, 110;
envoyé en Espagne par An-
toine de Bourbon, 113 ; Jean-
ne d'Albret lui échappe, 156 ;
il refuse le commandement de
l'expédition catholique contre
le Béarn, 180.
Escot (Pêne d'), montagne (Bas-
ses-Pyrénées). Les protestants
y arrivent dans la vallée
d'Aspe, 290.
EsGOUT (Guillaume 1'), chirur-
gien protestant mis à mort à
Pau, 263.
Esgoarrabaque. — Voy. Sainte
GOLOMME.
Esgoarrabaque (Jacques II de
Sainte-Golomme, seign. d') ,
ALPHABETIQUE.
349
capitaine catholique, gouver-
neur d'Oloron, 63 ; il apaise
une sédition, 130 ; se fait re-
mettre Oloron, 132; Arros
lui confie la garde d'Oloron,
181 ; il refuse de lui rendre
cette place, 192, 193; il est
emprisonné, 194; sa femme
défend la ville, 195; Arros
lui rend la liberté, 197 ; les
Etats de Béarn rappellent
son arrestation, 208 ; il pro-
met de ne pas laisser entrer
les troupes catholiques à Olo-
ron, 248; il reçoit le collier
de Saint-Michei, 252 ; les
Etats de Béarn lui donnent
procuration pour faire en Es-
pagne un emprunt destiné au
soutien ,de la guerre contre
les protestants, 253 ; il aban-
donne Oloron et s'enfuit en
Espagne, 280 ; ses fausses pro-
messes rappelées, 282,
EsLAYOu (Jean de Soulenx ,
seign. d'), capitaine catholi-
que, refuse l'entrée de Lescar
à Arros; ouvre cette ville aux
troupes catholiques, 206.
Espagne. Les Etats de Béarn y
font faire un emprunt, 253 ;
on y craint l'entrée de l'ar-
mée protestante, 271 ; Esgoar-
rabaque s'y enfuit, 280 ; Bon-
nasse y passe, 286 ; captivité
de François 1" rappelée, 312.
Espagne. — Voy. Gharles-Quint,
DuRFORT, Philippe.
EsPALUNGUE (Bertrand d'), capi-
taine protestant, commande à
Nay, 181 ; il protège la re-
traite d' Arros abandonnant
Oloron, 196 ; sa compagnie se
débande à Nay, 202', 203;
fait partie de là garnison de
Navarrenx, 244 ; exécute une
sortie, 249 ; gouverneur d'Os-
sau, 285 ; il brûle Urdos, 290;
il fait prisonnier Abbadie d'I-
zeste, 303.
EspARROs. — Voy. Foix.
EsPARSE, espagnol au service
d'Antoine de Bourbon, arrête
Gamboa. 66.
Espoey (Basses-Pyrénées). Tar-
ride y loge, 219.
Estella (Navarre espagnole) se
rend aux Français, 11.
EsTiENNE (Marc), serviteur du
capitaine Gobas, tue un pro-
testant à Nay, 204.
EsTOUPiGNAN, capitaine protes-
tant, gouverneur de Saint-
Sever, 292 ; son lieutenant tué
au siège de Tarbes, 303.
Etats-Généraux convoqués par
François II, 72; à Meaux, 81 ;
puis à Orléans, 83 ; assemblés
à Tours sous Louis XI, 96 ;
les réformés demandent à
y être librement entendus,
101.
Etats de Béarn. Ils délibèrent
sur le mariage de Jeanne
d'Albret avec le duc de Glè-
ves, 32 à 37 ; tenus par le
cardinal d'Armagnac, 56 ;
assemblés à Pau, composés de
catholiques, 133 ; votent des
subsides contre l'invasion du
Béarn, 171 ; ils écrivent à
Tarride, -208 ; convoqués par
lui à Lescar, 216 à 219 ; ils
interdisent l'exercice de la re-
ligion réformée, 222 ; convo-
qués à Lucq par le roi de
France, 252 à 254 ; réunis à
Pau par Jeanne d'Albret, en
1571, ils demandent l'abolition
de la religion catholique, 319
à 327.
Bigorre , tenus par
d'Albret à Tarbes ,
États de
Jeanne
131.
États de
Navarre, réunis à
Lantabat, 143; à Saint-Palais,
149 ; assemblés par ordre de
Charles IX, 169 ; convoqués
illégalement par les chefs du
parti catholique, 172; tenus
par Arros, 311.
Etchart (Jean d'), procureur
général en Béarn, puis prési-
dent du Conseil souverain, en-
350
TABLE
voyé à Oloron pour apaiser
une sédition, 132; puis en
Navarre dans le même but,
141; sa harangue aux Bas-
ques, 146; son discours aux
Béarnais, 184 à 191 ; prison-
nier, il est chargé de traiter
de la reddition de Pau aux
troupes protestantes, 277 ; il
sauve la vie d'un capitaine
catholique qui avait empêché
qu'il ne fut pendu, 278 ; les
catholiques l'oubUenten quit-
. tant Pau, 280.
Étie.nne II, pape. Son décret sur
la succession au trône de
France, 91.
ÉVREUX. — Voy. PfflLIPPE.
F
Fabas (Jean de) , capitaine pro-
testant, défend Mont-de-Mar-
san contre Monluc, 288.
Faget , capitaine protestant ,
gouverneur de Tartas, 292.
Falces (Alonso Carillo de Pe-
ralta, marquis de) , capitaine
navarrais, prend Tudela, 11.
Faron , capitaine catholique.
Mongommery le fait brûler
dans le château de Sainte-
Colomme qu'il défendait, 261.
Faur (Auger du), protestant de
Beuste, brûlé par les catho-
liques, 204.
Fauroux, guidon de la compa-
gnie de Tarride , envoyé vers
les États de Béarn, 218 ; ma-
réchal de camp, 246 ; fait pri-
sonnier à Orthez, 271.
Ferdinand , roi de Hongrie ,
donne sa fille en mariage au
duc de Glèves, 39; renonce au
titre de roi des Romains, 49.
Ferdinand - le - Catholique , sa
conquête de la Navarre, rap-
pelée, 35.
Fizes (Simon), baron de Sauves,
secrétaire du duc d'Anjou ,
217.
Flamands (les) gouvernent la
Gastille, 5.
Flamarexs (Renaud de Gros-
soles, baron de) , sénéchal de
Marsan, envoyé par Monluc
en Béarn pour un désarme-
ment, 176, 177 ; s'enfuit pré-
cipitamment de Mont - de -
Marsan à l'approche de Mon-
gommery, 286, 287.
Flandre (la). Charles-Quint y
appelle Philippe, son fils, 49 ;
terre vassale du roi de France,
312.
Fleur-de-Lys, capitaine catho-
lique de l'armée de Tarride,
commissaire des vivres, 246.
Foix (le comté de). Jeanne
d'Albret s'y rend pour le vi-
siter, 139; les troupes protes-
tantes s'y rassemblent, 255.
Foix (André de), seign. d'Espar-
ros, chef de l'armée française,
6; il traverse les Pyrénées, 7;
il assiège et prend Pampelune,
8, 9 ; il refuse des saufs-con-
duits aux Navarrais infidèles,
10 ; il s'empare des villes de
Navarre, 11 ; il licencie les
Gascons; assiège Logrono, 12;
livre et perd la bataille de
Tiebas contre les Espagnols,
13, 14; rendu aveugle par un
coup de lance, il» est fait pri-
sonnier, 15.
Foix (Jacques de), évêque de
Lescar, demande en vain à
Henri II, roi de Navarre, la
grâce d'un criminel, 43.
Foix (Monsieur de) vient trouver
Jeanne d'Albret à Tours,
331.
Foix (Odet de), vicomte de Lau-
trec , son frère, commande
l'armée française, 6; metFon-
tarrabie en état de défense,
24; se retire à Bayonne et
soutient le siège, 24, 25 ; il
fait pendre les traîtres, 26;
commande l'armée française
devant Naples, 31.
Fontainebleau (Seine-et-Marne).
ALPHABÉTIQUE.
351
Jeanne d'Albret rappelle à
Catherine de Médicis les pro-
messes qu'elle lui a faites en
ce lieu, 160.
FoNTARAiLLES (Michel d'Astarac,
baron de), sénéchal d'Arma-
fnac, protège le voyage de
eanne d'Albret, 155/
Fontarrabie (Espagne) , menacé
par Bonnivet, 19; assiégé, 20;
capitule, 21 ; pris par le prince
d'Orange par une trahison, 24
à 26; échec de deux expé-
ditions d'Antoine de Bour-
bon, 62 à 66.
FoNTENiLLEs (Philippe de La
Roche, baron de», capitaine
catholique de l'armée de
Monluc, 264.
FoRPELAT. — Voy. La.as.
Fors de Biéarn, renouvelés par
Henri TI, roi de Navarre, 43.
Four (Arnaud du), jurât de
Nay , protestant ; Bonnasse
en fuyant lui remet les clés
de la ville, 279 ; il envoie à
Pau la nouvelle du départ de
Bonnasse, 280.
Francfort-sur-le-Mein. Charles-
Quint y est élu empereur, 4.
Francisco, valet de chambre de
Henri U , roi de Navarre ,
prépare et presse la fuite de
son maître du château de
Pavie, 30.
François I^"", roi de France, fait
venir en France Henri II, roi
de Navarre , 3 ; déclare la
guerre à l'Empereur, 4 ; le
bruit se répand en Navarre
que la conquête est faite à
son profit, 9 ; son expédition
en Italie ; il est fait prisonnier,
29 ; marie Jeanne d'Albret
avec le duc de Clèves, 32 à 38;
il donne le gouvernement de
Guienne à Henri II, roi de
Navarre, 46 ; il lui promet de
lui faire restituer la Navarre,
62; rappel de sa prison en
Ei^pagne, 312.
François II, roi de France. Sa
tutelle, 67; il est gouverné
par les Guises, 68 à 70 ; mau-
vais accueil qu'il fait à An-
toine de Bourbon, 75; il échap-
pe aux conjurés d'Amboise ,
79 ; il convoque les États-Gé-
néraux, 81 ; il envoie le ma-
réchal Saint-André et le car-
dinal d'Armagnac vers le roi
de Navarre, 82 à 85 ; sa colère
contre les Bourbons, 88, 89;
il défend à Antoine de Bour-
bon et au prince de Condé
d'entrer dans aucune ville
fermée, 104; les Guises le
décident à faire mourir le roi
de Navarre, 105; dispute pré-
méditée entre eux, 106 ; sa
mort, 107.
François-Phcebus , roi de Na-
varre, 3.
Franget (Lanusse , dit) , capi-
taine béarnais, gouverneur de
Fontarrabie, 23 ; il livre cette
place aux Espagnols, 25 ; il
est dégradé de noblesse à
Lyon, 26.
Fray-Joan (Jean de La Salle,
dit), habitant de Navarrenx,
tente de livrer cette place aux
catholiques, 244 ; il est mis à
mort, 245 ; suites de sa trahi-
son, 250.
G
Gachissans. — Voy. Salles.
Galosse (Gaillard), juge-mage
de Bigorre , nommé par les
catholiques, 174; se rend à
Toulouse pour demander au
Parlement de saisir le Béarn,
175.
Gamarthe ( Basses - Pyrénées ) .
Henri, prince de Navarre, y
assemble les Basques, 146.
Gamboa, valet de chambre d'An-
toine de Bourbon. Il le trahit.
64, 65; il est mis à mort, 66.
Garlin (Basses-Pvrénées). Le
ministre de ce lieu est mis à
mort à Pau, 263.
352
TABLE
Garlin', lieutenant du gouver-
neur de Rabastens, 308.
Garonne (la), rivière. Des églises
réformées se fondent en-deça
et en-delà, 55 ; Audaux vient
jusqu'à cette rivière au-devant
de Jeanne d'Albret, 110 ; cette
reine la passe à Tonneins,
155; l'armée protestante arrive
sur ses bords, 256 ; l'armée
catholique se propose d'en
défendre le passage , 257 ;
Mongommery la traverse au
pont de Miramont, 258.
Garris (Basses-Pyrénées). Le
capitaine Lalanne s'y installe,
144 ; il en est chassé par les
catholiques , 145 ; trois des
assiégeants catholiques de ce
château sont pendus, 149;
Luxe s'empare du château,
170; Arros blâme cette saisie,
172.
GaRRO. — Voy. ZOLINA.
Gascogne (la). Des habitants
viennent au prêche à Mazères
près Pau, 54 ; le prince de
Condé s'y rend, 80 ; le maré-
chal Saint- André y est envoyé
par la cour de France, 81; les
Guises y députent aussi vers
le roi de Navarre, 83, 84; Ca-
therine de Médicis y envoie
M. de Grussol, 88 ; Domezain
y va conférer avec Monluc,
142; Tarride y rassemble ses
troupes, 188; ses milices se
mutinent, 224 ; Monluc ap-
préhende d'y être défait, 265 ;
on s'y étonne des succès de
Mongommery, 271 ; celui-ci
la traverse , 290 ; Bonnasse
s'en approche, 298; des Béar-
nais du parti catholique s'y
réfugient, 300 ; après la paix,
les troupes étrangères s'y re-
tirent, 310.
Gascons (les) tiennent garnison
à Fontarrabie , 23 ; joignent
l'armée française devant Na-
pies, 31; ils entrent à Lescar,
206; ils mettent le feu aux
faubourgs de Pau, 224.
Gassion (Jean de), procureur
général en Béarn, destitué par
les catholiques, 255.
Gaube, château (Landes), rési-
dence de Monluc, évêque de
Valence, 283.
Gave de Pau '(le), rivière. Des
protestants y sont noyés, 204;
les troupes catholiques logent
sur ses bords entre Nay et
Pau , 208 ; les troupes de
Montamat le passent à Goar-
raze, 259 ; un vieillard protes-
tant y est noyé à Orthez, 262;
des 'soldats catholiques s'y
noient à Orthez, 267; Mon-
gommery le met entre lui et
les troupes catholiques, 287 ;
Bonnasse le traverse près
d'Asson, 298.
Gave d'Oloron (le), rivière. Le
prince d'Orange le traverse,
26 ; Luxe y installe de l'artil-
lerie pour le siège de Navar-
renx, 246 ; l'abbé de Sauvelade
y fait jeter les corps de deux
ministres, 248.
Généalogie des Guises, 91, 92.
Genève (Suisse). Les officiers
du roi de Navarre y envoient
un député pour avoir un mi-
nistre, 53 ; Le Gay y retourne,
56; Jeanne d'Albret en fait
venir Raymond Merlin, 116.
Genouillac (Jacques Gaiiot de),
seigneur d'Acier, grand maî-
tre de l'artillerie, fait partie
de l'expédition de Navarre,
17.
Gerderest (Gabriel de Béarn,
baron de), l'un des chefs du
parti catholique, 126; il se
rend maitre du Vic-Bilh, 202;
fait prisonnier à Orthez, 270;
tué à Navarrenx, 282.
Gerderest (iMonauton , bâtard
de), abandonne la vallée d'As-
pe aux Espagnols, 28.
Gernac. — Vov. Jabnac,
ALPHABETIQUE.
353
Gimont ( Gers ). La Valette
quitte ce lieu, 305.
Gnostiques (les). Les protestants
leur sont comparés par leurs
ennemis, 54.
GoHAS (de Biran , seigneur de),
capitaine catholique, vient à
Tarbes, 192 ; menace Pontacq,
198, 201; un protestant infirme
est pendu à sa fenêtre, 202 ;
ses domestiques tuent à Nay
un protestant, 204.
GoHAS (Gui de), capitaine catho-
lique , mestre de camp de
l'armée de Tarride, arrive à
Tarbes, 177; part d'Orthez ,
246 ; fait prisonnier à Orthez,
271; tué à Navarrenx, 282.
GONDRIN. — Voy. MONTESPAN.
GoNGORA (1q seigneur de) aban-
donne le roi de Navarre, 10.
GONTAUT. — Voy. AUDAUX, Bi-
RON, Saint-Geniez.
GOUFFIER. — Voy. BONNFVET.
GooLARD. — Voy. Beauvais.
GouzE (Jean d'Auga, seign. de),
capitaine protestant, gouver-
neur d'Orthez, 181 ; il capitu-
le, 213.
Gramont (Antoine de), lieute-
nant-général en Béarn et Na-
varre, 120 ; protège la Réfor-
me ; son portrait, 123 ; sus-
Send la publication des or-
onnances de Jeanne d'Al-
bret, 125 ; résiste aux catho-
liques pendant la tenue des
États de Béarn, 139; accom-
pagne le prince de Navarre
dans le pays basque, 145;
plaintes aes' catholiques con-
tre lui, 148; il exhorte les
États de Béarn à la fidélité,
171 ; il bat les troupes catho-
liques, 173 ; il conseille à Ar-
ros de faire venir Esgoarra-
baque, 192; il fait mettre ce-
lui-ci en liberté, 197 ; ilsesé-
Sare d'Arros et se retire àBi-
ache, 199, 200; le Conseil de
Pau souhaite qu'il reprenne le
gouvernement, 206 ; son lieu-
tenant empêche l'entrée de
Tarride, 207 ; nouvelles plain-
tes des catholiques contre lui,
212; cité dans une lettre du duc
d'Anjou, 216; des protestants
se réfugient chez lui, 224 ; il
confère avec Mongommery,
276 ; il se retire à Bidache,
277.
Gramont (Arnaud de) s'enfuit
d'Espagne à Bayonne, 16.
Gramont (Charles' de), évêque
de Couserans, conseiller d'Es-
parros, 6; empêche celui-ci
de se renfermer dans Pampe-
lune, 13; s'enfuit à Bayonne,
16.
Gramont (Philibert de). Son ma-
riage, 149,
Gratian (Gratien de Lurbe, dit),
capitaine protestant, com-
mande le château d'Orthez,
181 ; il capitule, 213.
G RA VILLE (la maison de) alliée
à celle de Lorraine, 92.
Grenade-sur-l'Adour (Landes),
indiqué comme étape aux
troupes catiioliques , 211 ;
Montamat y arrive, 292.
Grossoles. — Voy. Flanlarens.
Gueldres (le duché de) contesté
par le duc de Clèves à Char-
les-Quint, 35.
Gdeldres (le duc de). — Voy.
Clèves.
Guenare (don Pedro Belas de)
soutient le siéa;e dans Logro-
fio, 12.
GuENDULAiN (le sclgu. de) aban-
donne le roi de Navarre, 10.
Guienne (la). Bonnivet y lève
de l'infanterie, 18 ; attaquée
par les troupes impériales,
23 ; envahie par le prince d'O-
range , 26 ; son gouverne-
ment est donné à Henri II,
roi de Navarre, 46 ; une sédi-
tion y éclate, 47 à 49 ; des
églises réformées s'y établis-
sent, 55; défense faite par
Monluc aux habitants de tra-
fiquer avec les Béarnais, 177;
23
354
TABLE
ses forces réunies dans la
main de Monluc, 301.
GuiLLASsoT (Ramonet d'Osta-
bent, dit), capitaine catholi-
que , conduit les troupes
catholiques à Lembeye, 305.
Guipuzcoa (les seigneurs du)
s'abouchent avec un serviteur
d'Antoine de Bourbon, 64.
Guise. — Voy. Aujiale, Lor-
raine.
Guise (Claude, duc de), fils de
René de Vaudemont, 92.
Guise (François de Lorraine,
duc de), aspire à la tutelle du
roi François II, 67-; ses intri-
gues contre les Bourbons, 67
à 90 ; sa généalogie, 91, 92 ;
il circonvient le roi de P>an-
ce, 94 à 100 ; menace la vie
d'Antoine de Bourbon et du
prince de Gondé, 105; il se
réconcilie avec eux, 107; se
ligue avec le roi de Navarre
contre Jeanne d'Albret, 109 ;
sa haine contre les Bour-
bons rappelée dans une lettre
de Jeanne d'Albret à Cathe-
rine de Médicis, 159.
GuYOT, capitaine protestant ,
s'attarde à Nérac, ,292; jeté
du haut de la tour de Rabas-
tens, 308.
H
Hâ (le château du) à Bordeaux,
pris par les séditieux, 49.
Hagetmau (Landes). Henri II,
roi de Navarre, y meurt, 40 ;
Gramont s'y retire, 199.
Hastingues (Landes), biiilé par
les Espagnols, 27.
Hendaye (Basses- Pyrénées). Les
Français veulent s'y fortifier,
21 ; La Palice y passe, 23 ; les
troupes d'Antoine de Bour-
bon s'y arrêtent, 63.
Henri II, roi de France, marie
Jeanne d'Albret, 39 ; il dé-
clare au contrat qu'Antoine
de Bourbon était, à défaut
d'hoirs mâles, l'héritier de la
couronne de France, 40 ; les
impôtsdont il frappe laGuien-
ne excitent une sédition, 46 ;
il écrit avec menaces à An-
toine de Bourbon, 55; il craint
de déplaire au roi d'Espagne,
62 ; sa mort, 67 ; sa maîtresse
chassée de la cour, 70.
Henri I^"", roi de Navarre, 51.
Henri II, roi de Navarre. Il suc-
cède à sa mère, 3 ; demande
la restitution du royaume de
Navarre, 4, 5; Esparros s'em-
pare de Pampelune en son
nom, 9; plusieurs Navarrais
abandonnent sa cause, 10 ; il
se prépare à marcher sur la
Navarre, 14 ; ses partisans
sont poursuivis en Espagne,
16 ; Bonnivet néglige ses in-
térêts, 22; il séjourne à Pau,
28 ; il est pris à Pavie, 29 ;
s'évade du château de cette
ville, 30 ; épouse Marguerite
d'Angoulême, 31 ; hésite à
marier sa fille au duc de Glè-
ves, 32 ; les Etats de Béarn
lui adressent des remontran-
ces, 33 ; il consent au mariage,
38 ; sa mort, 40 ; deuil du
peuple béarnais, 41 ; son ad-
ministration, 42 à 44 ; il fait
venir sa fille à Pau pour ses
couches, 45; François I^' le
nomme gouverneur et amiral
de Guienne, 46.
Henri, prince de Navarre, plus
tard Henri lll de Navarre et
IV de France. (Depuis la pa-
ge 45, son nom est mêlé à
tous les récits.) Bordenave
lui dédie son livre, 1.
Henri. — Voy. Barran.
Hercule. Henri IV lui est com-
paré, 1 et 2.
Hongrie (le roi de). — Voy.
Ferdinand
HoNORius III, pape, érige en loi
l'adoration de l'hostie, 117.
HoRGUEs, capitaine catholique.
Tarride l'envoie comme éclai-
ALPHABETIQUE.
356
reur en Bigorre, 259 ; pris à
Orthez et de nouveau à Tar-
bes, 293.
Huoues-Gapet, 91.
Idhon (Jean d'), chanoine de
Lescar, va trouver Donnasse
à Tarbes, 299; les Béarnais
fugitifs lui écrivent. 300, 301;
il est tué au siège de Tarbes,
303.
Ilharre, capitaine basque ca-
tholique, arrive à Bellocq,
215.
Incamps (Antoine d'), capitaine
protestant, enseigne de la
compagnie d'Espalungue ,
charge les révoltés d'Oloron,
196 ; forme une compagnie
béarnaise, 272.
Invasion du Béarn par les trou-
pes catholiques, 198.
IsABEAU, fille de Charles, duc
de Mosellane, 92.
Italie. Les Français y commen-
cent la guerre, 4 ; leurs prin-
cipales forces y sont occupées,
24 ; Henri II, roi de Navarre,
y accompagne François 1",
29.
Jaca (le merin de) promet des
troupes aux catholiques, 296.
Jacobins de Morlàas. Leur cou-
vent est rendu sans combat
aux catholiques, 202.
Jarnac (de). Sa compagnie prend
part à une expédition contre
Fontarrabie, 65 ; un de ses
hommes d'armes commande
à Pontacq pour les catholi-
ques, 201.
Jean, roi de France, 98.
Jean, . fils de Henri H, roi de
Navarre, mort en bas âge,
31.
Jean d'Albret, roi de Navarte,
3 ; censuré par le Pape, 85.
Jeanne I**, reine de France et
de Navarre, femme de Phi-
lippe-le-Bel, 51.
Jeanne H, reine de France et
de Navarre, femme de Phi-
lippe d'Évreux, 51 .
Jeanne d'Albret. (L'ouvrage
lui étant consacré presque
en entier, les dimensions de
cet article de la table auraient
dépassé toutes proportions.)
Jeanne de Navarre, fille de
Henri U de Navarre, meurt
en bas âge, 31.'
Joers (Basses-Pyrénées) brûlé
par les protestants, 290.
Joyaux de Jeanne d'Albret en-
gagés en Angleterre, 333 ,
334.
Jules HI, pape, menace An-
toine de Bourbon de l'excom-
munication, 55.
JuLiERs (duc de). — Voy. Glè-
vt:s.
L
Laas (Per-Arnaud de Forpelat,
seign. de), capitaine catholi-
que, tué devant Oloron, 196.
La Bauthe. — Voy. Thermes.
Labassère (Jean de Durban,
seign. de), châtelain de Mon-
taner. Ses fraudes sur la solde
des troupes ; refuse de rece-
voir les soldats protestants,
205.
Labatct (Jean de Rivière, vi-
comte de), capitaine commis-
saire des vivres, tué par mé-
garde à Tarbes par les soldats
catholiques, 300.
Laborde (Bernard de), capitaine
protestant, commande au châ-
teau de Pau, 212 ; puis à
Montaner, 285 ; repousse l'at-
taque de l'armée ue Monluc,
309.
Laborde (Bertrand de), dit le
Loup, marchand protestant
de Lagor, fait prisonnier par
les catholiques, 132; rendu,
133.
356
TABLE
Laborde (Guillaume de), con-
seiller au Conseil souverain
de Béarn, envoyé à Oloron
Four apaiser une sédition,
31.
Laborde (Louis de), jurât de
Morlàas, rend le couvent des
Jacobins aux troupes catho-
liques, 202.
Laborde, capitaine protestant,
enseigne de la compagnie de
Moret, en garnison à Rabas-
tens, 308.
Labourd (le) (Basses-Pyrénées).
Lautrec y prend des vivres,
24 ; pillé par les Espagnols,
29; les Etats de Béarn de-
mandent qu'il soit réuni au
ressort du Conseil souverain,
240, 242.
Labrosse (Pierre de), conseiller
de Philippe-le-Hardi, 94.
La Cassagne (Hautes-Pyrénées),
attaqué par La Valette, 305.
La Cassaigne (Gers). Sa garni-
son attaque les troupes pro-
testantes, 291.
La Caze (Pons de Pons, seign.
de), gouverneur de Henri de
Navarre, 115.
La Chapelle (Antoine de La-
nusse, seign. de), commis-
saire des vivres de l'armée
catholique, 211, 246.
La Ghassaigne (Geoffroy de) ,
ê résident au parlement de
lordeaux, intervient dans une
sédition, 47 ; mis malgré lui
à la tête des révoltés, 48.
La Gueva. — Voy. Albdquer-
QUE.
Ladou, capitaine protestant ,
gouverneur de Rabastens,
308; néglige les approvision-
nements, 309.
La Gaucherie , précepteur de
• Henri, prince de Navarre,
menacé d'excommunication,
86; Antoine de Bourbon le
prend sous sa protection, 87 ;
zélé protestant, 115.
Lagor (Basses-Pyrénées). Un
de ses habitants pris à Olo-
ron comme protestant, 132 ;
deux capitaines catholiques
se proposent d'y aller boire de
bon vm clairet, 306.
Lahet (J. de), procureur géné-
ral au parlement de Bordeaux,
signe la lettre du Parlement
à Tarride, 229.
Lalanxe. — Voy. SAmT-PÉE.
Lalaxne , capitaine navarrais
protestant, maître de l'infan-
terie de Béarn, commande à
Garris, 144 ; il capitule et est
échangé contre un autre pri-
sonnier, 145.
La Marque, valet de chambre
de Charles IX, apporte les
lettres de convocation des
Etats de Navarre, 169; celles
des Etats de Béarn, 252.
La Mothe-Fénelon (Bertrand de
Salignac, seign. de), obtient
le pardon des catholiques na-
varrais, 149; engage Jeanne
d'Albret à aller à la cour de
France, 150; envoyé par le
roi de France pour empêcher
la reine de Navarre de se
joindre aux réformés, 155; sa
mission échoue, 156 ; retourne
en France avec la réponse de
Jeanne d'Albret, 159, 161,
163.
La Motte (Jean de), capitaine
Ërotestant. Son entretien avec
Isgoarrabaque, 194; attaque
Oloron, 195; son combat avec
Làas, 196; quelques-uns de
ses soldats sont massacrés,
197; fait partie de la garnison
" de Navarrenx, 243 ; il est
blessé au siése de Tarbes,
303.
La Motte (Michel de), vice-
chancelier de Navarre, 144.
La Motte (Pierre de), capitaine
protestant, enseigne de la
compagnie de Gouze, se retire
à Navarrenx, 213.
La Motte-Go.ndri.n (Antoine de
Pardaillan, seign. de). Des
ALPHABÉTIQUE.
357
{(rotestants se réfugient chez
ui, 224 ; sa compagnie fait
?artie de l'armée de Tarride,
64.
Landes (les). Les officiers favo-
risent l'expédition catholique
contre le Béarn, 176; Lons
les traverse, 246.
Langeais. — Voy. Bellay (du).
Languedoc (le).* Mongommery
ménage ses troupes pour le
garder, 289.
Laxsac (Louis de Saint-Gelais,
seign. de). 11 intervient au-
près du roi de France pour
que Jeanne d'Albret pardonne
aux Navarrais révoltés, 149 ;
il écrit à Luxe, son gendre,
de marcher sur le Béarn,
295.
LantabatfBasses-Pyrénées). Les
Etats de Navarre s'y réunis-
sent, 143.
Lanusse. — Voy. Fraxget, La
Chapelle.
Lanusse (Ferrier de), frère du
vice-roi d'Aragon. Il attaque
Oloron, 28, 29.
Laon (Aisne). Charles, duc de
Lorraine, y est défait par
Hugues-Capet, 91.
La Palicr (Jacques de Cha-
bannes, seign. de), commande
une expédition française con-
tre la Navarre, 22 ; il prend
Fontarrabie, 23.
La Pierre. — Voy. Le Gay.
Larboust (MenauQ d'Aure, sei-
gneur de) . gouverneur de
8aint-Jean-Pied-de-Port, 6.
Larboust (Savary d'Aure, baron
de), accompagne Henri de
Navarre dans le pays basque.
145 ; il se tient près de M. de
Gramont, 199; cherche à em-
pêcher Tarride d'entrer en
Béarn, 207.
La Renaudie (Godefroy de Bar-
ry, seign. de), chef avoué de
la conjuration d'Amboise, 78;
son indiscrétion, 79.
La Re.naudie, capitaine protes-
tant. Son entretien avec Es-
goarrabaque, 194 ; exécute
•une sortie de cavalerie à Na-
varrenx, 250.
La Rive (Jean de), ministre pro-
testant basque, envoyé à
Saint-Palais, 116 ; menacé
par les catholiques, 140.
La Roche. — Voy. Fontenilles.
La Roche (Gornélis de), capi-
taine protestant, blessé au
siège de Tarbes, 303.
La Rochelle (Charente-Infé-
rieure). Jeanne d'Albret y
arrive, 164 ; elle y écrit a
Elisabeth d'Angleterre, 167;
le roi de France prétend que
la reine de Navarre y est pri-
sonnière, 178; elle s'y retire,
179 ; des capitaines envoyés
par Arros en reviennent,
181 ; le prince de Condé s'y
trouve avec Jeanne d'Albret,
185; un messager en venant
est pris par les catholiques
lorsqu'il voulait entrer à Na-
varrenx, 251, 252; la reine
de Navarre y signe une am-
nistie, 305 ; elle en part pour
venir en Béarn, 319.
La Roche-sur-Yon (Charles de
Bourbon, prince de). Il ac-
compagne la reine d'Espagne
jusqu'aux Pyrénées, 76 ; en-
voyé auprès d'Antoine de
Bourbon pour l'engager à ve-
nir à la cour de France ,
84.
La Roquette, enseigne de la
compagnie de Gobas, fait pri-
sonnier à Pau ainsi que son
frère, ils sont relâchés, 278.
La Rose (Antoine de), trésorier
ecclésiastique de Béarn, 117.
La Rose (Auger de), trésorier
général de la reine de Na-
varre. Son serviteur pris de-
vant Navarrenx, 251.
Larraga (Navarre espagnole) se
rend aux Français, 11.
Lartet, chanoine de Lescar,
l'un des chefs du parti catho-
358
TABLE
lique, 127 ; chargé de lever
un impôt de guerre, 128,
Lartigue (le capitaine), vice-
amiral de Bretagne. La Pa-
lice l'attend près de Saint-
Jean-de-Luz, 23.
La Salle. — Voy. Candau,
Fray Joan.
La Salle, capitaine protestant,
se noie devant Orthez, 268.
La Salle (Bertrand de), capi-
taine basque catholique, ar-
rive à Bellocq, 215.
La Taste, capitaine protestant,
tué au siège de Tarbes, 303.
La Torte. — Voy. Audéjos.
Laur (Gabriel de Mauben, seign.
du), chargé de la conduite
des troupes protestantes li-
cenciées, 310.
Lautreg. — Voy. Foix.
Lauzun (François Nompar de
Caumont, comte de) , capi-
taine catholique de l'armée de
Bellegarde, 265.
La Valette (Jean de Nogaret,
baron de) , capitaine catho-
lique de l'armée de Monluc,
264 ; il part de Gimont, 304;
attaque La Cassagne, 305.
Lavedan (le) (Hautes-Pyrénées).
Bonnasse s'y retire, 286.
Lavedan (Henri de Bourbon-
Malauze, vicomte de), accom-
pagne le prince de Navarre
dans le pays basque, 145 ; re-
cueille des protestants chez
lui, 224.
La VIGNE (Guillaume de), second
président au Conseil souve-
rain de Béarn, mis à mort
par les catholiques, 264.
Lectoure (Gers), résiste aux
troupes protestantes, 291.
Léès-Athas (Basses-Pyrénées),
brûlé par les troupes protes-
. tantes, 290.
Le Frère (Jean), de Laval,
écrivain catholique. Ses er-
reurs, 259.
Le Gay (François), dit Boisnor-
mand, dit La Pierre, minis-
tre protestant, vient de Ge-
nève à la cour de Navarre et
prêche à Mazères, près Pau,
54 ; ses calomniateurs con-
fondus, 55 ; Antoine de Bour-
bon le renvoie, 56 ; son sé-
jour à Nérac, 57 ; le roi de
France se plaint de sa pré-
sence à la cour de Navarre,
84 ; il est menacé d'excom-
m.unication, 86 ; Antoine de
Bourbon le prend sous sa
protection, 87.
Léger (Jean), capitaine protes-
tant, défend La Cassagne,
305; porte secours à Rabas-
tens, 308.
Leiçarrague. — Voy. Lissara-
GUE.
Lembeye(Basses-Pyrénées). Ses
deux ministres sont pris par
les catholiques, 202 ; Montes-
pan s'en empare, 305.
Léon X, pape, fait alliance avec
François !«•■, 4.
Lérln (Louis de Beaumont,
comte de). Il arrive devant
Saint- Jean-Pied-dc- Port , 7 ;
rejoint l'armée espagnole ,
10; entre dans Logroiio, 13.
Lescar (Basses-Pyrénées). Hen-
ri II de Navarre y est enterré,
40 ; entretien de son collège,
117; son chapitre s'oppose à
l'introduction de la Réforme,
127 ; et fournit des fonds pour
la guerre, 128 ; ferme ses
portes à Arros et les ouvre
aux troupes catholiques qui
mettent la ville au pillage,
206, 207 ; les États de Béarn
s'y assemblent, 210, 216;
Tarride y séjourne, 222 ; des
troupes catholiques s'y reti-
rent, 260 ; son ministre est
mis à mort à Pau, 263; Lons
s'en empare, 277; Peyre,
gouverneur de Pau, y envoie
des parlementaires pour se
rendre, 277 ; Jeanne d'Al-
bret demande à y être inhu-
mée, 334.
ALPHABETIQUE.
359
Lescar (évêques de). — Voy.
Albret (Louis d'), Foix (Jac-
ques de).
Lescrivain. — Voy. Boulogne.
Lescun (Basses-Pyrénées). Boa-
nasse y est chassé, 290.
Lestonnac (Jean de), jurât de
Bordeaux, exécuté pour s'être
mis à la tète d'une sédition,
49.
Lestrem, lieutenant du com-
mandant protestant de Lour-
des, rend cette place ; il est
pendu à Pau, 288.
Limousin (le). D'Escars écrit au
roi de France que les hugue-
nots ne s'y assembleront pas,
156.
LlSSARAQUE U LeIÇARRAGUE
(Jean d,e), ministre protes-
tant, envoyé à La Bastide
Clairence, traduit en basque
le Nouveau Testament, 11b.
Lizos, capitaine catholique, ar-
rive à Pontacq, 201 ; sa com-
pagnie se mutine, 224 ; son
enseigne est pris devant Na-
varrenx, 251.
Logrono (Navarre espagnole).
La garnison du château de
Pampelune s'y réfugie, 8; les
Français l'assîégent, 12.
LoMAGNE. — Voy. Saint-Salvy,
Sérignac, Tarride.
LoNS (Jean, seign. de), capitaine
Srotestant, parcourt les Lan-
es, 245 ; Mongommery l'en-
voie saisir Lescar, 277 ; nom-
mé gouverneur de Pau, 285 ;
il hrùle Mauléon, 288.
LoRGEs. — Voy. Mongommery.
Lorraine (le duché) change de
maîtres, 91.
Lorraine. — Voy. Antoine,
Aumale, Charles, Guise.
Lorraine (Charles, duc de) ,
frère de Lothaire, défait par
Hugues-Capet, 91.
Lorraine (Charles de Guise,
cardinal de). Ses ruses, 68 ;
ses intrigues contre les Bour-
bons, 67 à 90 ; sa généalogie,
91, 92; lui et son frère cir-
conviennent le roi de France,
94 à 100 ; il menace la vie du
roi de Navarre et de son frère.
105 ; ils se réconcilient, 107 ;
se ligue avec Antoine de
Bourbon contre Jeanne d'AI-
bret, 109 ; sa haine rappelée
dans une lettre de cette Reine
à Charles IX, 158; sa tyran-
nie citée dans une lettre de
la même à Elisabeth d'An-
gleterre, 165; ses rapports
avec les officiers d'Antoine
de Bourbon, 180 ; il écrit à
Monluc, 307.
Lusses (Jean de), gouverneur
de Henri de Navarre, desti-
tué par Jeanne d' Albret, 114,
115; reçoit commission d'en-
lever la reine de Navarre et
ses enfants, 152; ce fait rap-
pelé dans des lettres de Jeanne
d'Albret, 162, 166; reçoit le
commandement général de
l'année catholique, 295 ; il se
déclare malade, 307.
Lostau (Pierre de), ministre de
Lembeye, pris par les catho-
liques, 202; mis à mort à
Pau, 222.
Lothaire, roi de France, 91.
Louis IL roi de France, 98.
Louis V, roi de France, 91.
Louis-LE-HuTiN, roi de France
et de Navarre, 51.
Louis XI, roi de France. Mau-
vais gouvernement de ses mi-
nistres, 96.
Louis Xn, roi de France. Sa
promesse de faire rendre le
royaume de Navarre à son
légitime roi, 62.
Louis UI, duc d'Anjou, 92,
98. ■•
Lourdes (Hautes - Pyrénées).
Rendu aux troupes protes-
tantes, 286; repris par les ca-
tholiques, 288 ; Bonnasse
quitte le château, 299.
LouviE ( François de Béarn,
seign. de), sénéchal de Béarn,
360
TABLÉ
gouverneur d'Oloron; défend
cette ville, 28, 29.
LouviE (le seign. de), capitaine
protestant. Son laquais pendu
devant Navarrenx, 251 ; nom-
mé gouverneur d'Oloron, 285;
défend la tour de Moumour,
296 ; colonel de l'infanterie
béarnaise, blessé au siège de
Tarbes, 303.
Louvie-Juzon (Basses-Pyrénées)
pillé par Donnasse, 276.
Luc (J. du), ministre protestant,
mis à mort à Pau, 222.
LucBARDÈs, capitaine protestant,
en garnison à Pau, 212; dé-
fend Mont-de-Marsan, 288.
Lucq-de-Béarn (Basses-Pyré-
nées). Deux ministres y sont
massacrés, 248 ; les Etats de
Béarn y sont convoqués, 253.
LuDE (Jacques de Daillon, seign.
du), commande à Fontarrabie,
21 ; il défend cette place, 22;
rentre en France, 23.
LuGER (Martin de), syndic de
Béarn, somme Orthez de se
rendre à Tarride, 212; va
faire des remontrances à ce
général, 219 à 221 ; s'oppose
aux projets des parlements de
Toulouse et de Bordeaux, 226,
227 ; son mémoire au roi de
France, 229 à 242; sa lettre
aux jurats d'Ossau, 273 à 275.
LuRBE. — Voy. Gratian.
LuBBE (Simon de), capitaine
protestant, attaque Oloron,
195, 196; plusieurs de ses
soldats se révoltent, 197 ; il
fait partie de la garnison de
Navarrenx, 244,
LuRBE (de), frère du précédent,
capitaine protestant, fait par-
tie de la garnison de Navar-
renx, 244 ; enseigne de la co-
lonelle, exécute une sortie et
prend un drapeau, 309.
Lusignan en Poitou. Le Gay
s'y rencontre avec Antoine de
Bourbon et Jeanne d'Albret,
56.
Luxe (Basses-Pyrénées). Deux
ministres basques y sont con-
duits prisonniers, 141.
Luxe (Jean, baron de), répand
de faux bruits en Navarre, 9;
appelle les Espagnols en
Guienne, 26.
Luxe (Charles, comte de), l'un
des chefs de l'armée catholi-
que, 139 ; Jeanne d'Albret lui
fait faire des reproches, 142;
son beau-père obtient son
pardon, 149 ; il reçoit le col-
lier de l'Ordre, 150; reçoit
commission du roi de France
pour entrer en Béarn, 168;
il assemble les États de Na-
varre, 169; il lève des trou-
pes dans le pays basque, 170;
Arros lui écrit, 172 ; il a des
espions parmi les Béarnais,
173; le parlement de Tou-
louse lui envoie un messager,
175 ; Monluc lui écrit, 176; il
arrive devant Nay, 202 ; ne
pouvant piller, if quitte Pau
avec ses troupes, 224; il dresse
son artillerie à Susmiou con-
tre Navarrenx, M6 ; Bonnasse
cherche à le rejoindre, 286 ,
il assiège Mauîéon, 288 ; il
prépare une nouvelle expédi-
tion, 293 ; il lève des troupes
en Navarre, 295 ; il attaque
Moumour, 296 ; il se fortifie
à Sainte-Marie d'Oloron, 297;
il retourne en Navarre, 298 ;
il écrit aux jurats de Barétons
pour les faire révolter, 306.
Luxembourg. — Voy. Marti-
GUËS.
Lyon (Rhône). Franget v est
dégradé, 26 ; arrivée de fienri
II de Navarre, 30; Charles
IV, duc d'Alençon, y meurt,
31 ; un complot des protes-
tants y est découvert, 87 .
M
Mabrun, conseiller au parle-
ment de Bordeaux, signe la
ALPHABETIQUE.
361
lettre du Parlement aux États
de Béarn, 229.
Magret, hameau d'Orthez (Bas-
ses-Pyrénées). Une escarmou-
che y a lieu, 266.
Malras. — Voy. YoLET.
Manciet (Gers). Des troupes de
Monluc y séjournent, 264 .
Mans AN, capitaine catholique,
défend Vic-Bigorre, 304.
Marca (Jérôme de), conseiller
au Conseil souverain de Béarn,
chargé d'approvisionner Na-
varrenx, 191 ; ses soldats se
joignent à Bonnasse, 276.
Marcadet , quartier d'Oloron
(Basses-Pyrénées). Les habi-
tants se défendent contre Ar-
ros, 195.
Marchastei^ assassin de Bassil-
lon, gouverneur de Navar-
renx, 284.
Marciac (Gers). Les troupes ca-
tholiques y arrivent, 305.
Marguerite, fille de Henri II,
roi de France, épouse Phili-
bert, duc de Savoie, 62.
Marguerite d'Axgoulême, fem-
me de Henri U, roi de Na-
varre. Son mariage avec lui,
31 ; sa mort, 40.
Marguerite de Valois, femme
de Henri IH, roi de Navarre.
Projet de son mariage, 312,
332.
Mariages : de Henri H, roi de
Navarre, 31 ; de Jeanne d'Al-
bret, 32 à 40 ; de Henri HI ,
roi de Navarre, 312 à 333.
Marie, duchesse de Clèves, 39.
Marie Stuart, reine d'Ecosse et
de France, 67 ; par son influ-
ence le cardinal de Lorraine
s'insinue dans les bonnes grâ-
ces de François H, 68; les
Guises font espérer sa main à
Antoine de Bourbon, 110.
Marigny (Enguerrand de), con-
seiller de Philippe-le-Bel, 94.
Marimpoey (Bernard de), canon-
nier à Navarrenx. Sa trahison,
250.
Marsan (le) (Landes). L'armée
protestante le soumet, 286.
Marseille (Bouches-du-Rhône).
L'armée impériale menace
cette ville, 29.
Martigues (Sébastien de Luxem-
bourg, vicomte de), tente de
saisir d'Andelot, 152.
Mas d'Agenais (le). Le maré-
chal Saint-André y trouve
Antoine de Bourbon et le
prince de Gondé, 82.
Mas d'Aire (le) (Landes). Son
archidiacre ami de Barran,
58.
Mauben. — Voy. Laur.
Mauléon (Basses-Pyrénées), sac-
cagé par les Espagnols, 27 ;
son château pris par Charles
de Luxe, 170; Tarride y fait
conduire une partie de son
artillerie, 260 ; brûlé par les
protestants, 288.
Mauléon (Charles de), tué à la
bataille de Tiebas, 15.
Maya (Navarre espagnole), pris
par le vice-roi de Navarre, 17 ;
assiégé par les Français, 18,
19.
Mazères (François, seign. de).
Les premiers prêches en
Béarn ont lieu chez lui, 54.
Meaux (Seine-et-Marne). Les
États-Généraux y sont convo-
qués, 81, 83.
Médigis. — Voy. Catherine.
Méditerranée (la mer), 112.
Medrano (Jaime de Belas de)
se réfugie à Maya, 16, 17.
Melet, capitaine catholique. Ses
cruautés à Puyôo, 215.
Mende (l'évêque de). — Voy.
Dangu.
Méritein (Basses-Pyrénés). On
y trame une trahison pour li-
vrer Navarrenx aux catholi-
ques, 244 ; les protestants y
font une sortie, 250.
Merlin (Raymond), ministre de
Genève, appelé par Jeanne
d'Albret, 116.
Metz (Lorraine). Charles IX y
23*
TABLE
donne commission à Tarride
pour saisir le Béarn, 232.
Metzin (le). Des troupes en sont
tirées par le roi de France,
95.
Meuse (la), fleuve, 92.
MiossENS. — Voy. Samsons.
MiossENS (Etienne d'Albret, ba-
ron de), commande à Sauve-
terre, 27 ; il capitule, 28.
MiossENS (Henri d'Albret, baron
de), sort devant Nay contre
les troupes catholiques, 310.
MiossENS (Jean d'Albret, baron
de). Sa femme est la gouver-
nante de Henri de Navarre,
53, 56.
MiRAMBEAU, maison noble de
Saintonge, 115.
Miramont ( Haute - Garonne ).
Mongommery y passe la Ga-
ronne sur son pont, 258.
Miramont ou Miremont, avocat
général au parlement de Tou-
louse, envoyé pour saisir le
Béarn, 225 fil écrit à Tarride,
226.
MiRANDA (Francisco de Guniga,
comte de), vice-roi de Na-
varre, prend Maya et fortifie
Pampelune, 16, 17.
Moïse, cité, 314.
Monbalou, colline près Navar-
renx (Basses-Pyrénées). L'ar-
tillerie catholique y est ins-
tallée pour le siège, 246, 247,
255.
MoncayoUe (la tour de) à Na-
varrenx. Les têtes de trois
traîtres y sont exposées par
les protestants, 245.
MoNGLA (Antoine de Rabastens,
vicomte de), capitaine protes-
tant de l'armée de Mongom-
mery , 256; prend Départ,
267 ; secourt Mauléon, 288.
Moncontour (Vienne). Les pro-
testants y sont défaits, 291.
MoNDRAGON, Capitaine espagnol,
rend aux Français le Château-
Pignon, 18.
MoNEiN (Tristan de), lieutenant-
général en Guienne, tué dans
une sédition à Bordeaux, 47 ;
son cadavre outragé , 48 ; il
confie à François d'Arros le
Château-Trompette, 49.
MoNGiNOT (Jean), laboureur pro-
testant. Sa constance étonne
les catholiques, 215.
Mongommery '(Gabriel de Lorges,
comte de), lieutenant-général
de Jeanne d'Albret, tue dans
un tournoi le roi Henri H, 67;
il rassemble des troupes, 255,
256 ; passe la Garonne, 258 ;
brûle le château de Sainte-
Golomme, 260, 261 ; son ar-
mée est suivie par celle de
Bellegarde, 264 ; Monluc de-
mande que Viret lui écrive de
faire cesser les massacres de
Pau, 265; il assiège Orthez,
267 ; prend cette ville, 269 ;
la vallée d'Ossau reconnaît
son autorité, 272 ; Luger, syn-
dic de Béarn, écrit aux jurats
d'Ossau pour les en empê-
cher, 274 ; fausse lettre de
lui, 275 ; son entrevue avec
Gramont, 276 ; il se dirige
vers Pau, 277 ; il apprend à
Artix la reddition de Pau,
Nay et Oloron, 280 ; il publie
un pardon général, 284 ; il
soumet le Marsan, 286 ; ses
soupçons contre Bassillon,
287 ;'il passe en Bigorre, 289;
il quitte le Béarn, 290; son
départ ranime les espérances
des catholiques, 293, 295,
299.
Monluc (Biaise de). Il accom-
pagne Antoine de Bourbon
dans une expédition contre
Fontarrabie , 65 ; il laisse
échapper Jeanne d'Albret,
110 ; ses menaces contre elle ,
111; il confère avec Dome-
zain, 142 ; il reçoit l'ordre
d'aider à l'enlèvement de
Jeanne d'Albret et de son
fils, 152; les troupes protes-
tantes se rassemblent à son
ALPHABÉTIQUE.
363
insu, 156; il demande le dé-
sarmement des troupes béar-
naises, 176; son ordonnance
contre le Béarn, 177 ; il re-
fuse le commandement de
l'expédition contre ce pays,
180 ; il demande de l'artille-
rie, 198 ; il défend le passage
de la Garonne, 257 ; il arrive
à Aire et fait connaître ses
forces à Tarride, 264 ; Belle-
garde se dispose à le rejoin-
dre, 266 ; Tarride attend son
secours, 269; il se rapproche
de l'armée protestante, 287 ;
prend Mont-de-Marsan, 288 ;
se retire à Agen, 290 ; fausse
nouvelle de sa victoire en Bi-
gorre, 296 ; il écrit à Bonnasse,
300 ; il prend Rabastens et v
est blessé, 307, 308; il quitte
l'armée. 309.
MoiNLuc (Fabien de), fils du pré-
cédent, capitaine catholique,
264.
MoNLuc (J. de), frère de Biaise,
évêque de Valence. Son er-
reur dans sa harangue aux
Polonais, 283.
MoNTAMAT (Bernard d'Astarac,
baron de), capitaine protes-
tant , accompagne Jeanne
d'Albret, 155; son laquais
entre à Navarrenx, 255 ; il
fait partie de l'armée de Mon-
gommery, 256; il s'avance
jusqu'à IBénéjac, 259 ; il se-
court Mauléon, 288; son sé-
jour à La Bastide d'Arma-
gnac, 291 ; il s'approche du
Béarn, 292 ; fausse nouvelle
de sa défaite, 296 ; il bat les
catholiques au pont d'Osse-
rain, 297 ; poursuit Bonnasse,
299 ; assiège Tarbes, 302 ; re-
tire ses troupes en Béarn,
305 ; il licencie l'armée pro-
testante, 310.
Montaner (Basses- Pyrénées).
Tromperie du gouverneur du
château, 205 ; le capitaine La-
borde y est nommé comman-
dant, 285 ; résiste à l'armée
catholique, 309, 310.
Montauban (Tarn-et-Garonne),
Mongommery y arrive, 255 ;
le guidon de Monluc y est
prisonnier, 265.
MoNTAULiEu (le seign. de), tué
dans une sédition à Bordeaux,
47.
MoNTAUT. — Voy. Bénac.
MoNTAUT, capitaine catholique,
commissaire des vivres de
l'armée de Tarride, 246.
Mont-de-Marsan (Landes). Tar-
ride y envoie une reconnais-
sance, 245; Monluc y met
garnison, 264 ; les protestants
l'abandonnent, 286, 287 ; son
pillage par les troupes de
Monluc, 288.
MoNTESPAN (Antoine de Par-
daillan, baron de), capitaine
catholique, s'empare de Lem-
beye, 305 ; Monluc lui laisse
le commandement de l'armée,
309; menace Nay, 310.
Montesquieu (le sieur de), favori
de Henri n de Navarre, lui
demande en vain la grâce
d'un criminel, 42.
MoNTESQuiou (de), capitaine des
gardes du duc d'Anjou, meur-
trier du prince de Gondé,
191.
Montlhéry (bataille de), 96.
Montmartre, cité dans un pro-
verbe, 333.
Montmorency. — Voy. Dam-
ville.
Montmorency (Anne de), conné-
table, entre à Bordeaux pour
châtier les séditieux, 48 ; il
avertit le roi de Navarre des
intrigues des Guises, 70 ; ce
prince se joint à ses ennemis,
71 ; il entre dans la ligue
contre Jeanne d'Albret, 109.
Montpezat (Melchior des Prez,
seign. de), sénéchal de Poi-
tou, défend au roi de Navarre
d'entrer dans les villes fer-
mées, 104.
364
TABLE
More (Guillaume), prêtre devenu
protestant, mis à mort à Pau,
264.
MoRET (Jean du ou de), capi-
taine protestant, commande
à Morlàas, 181 ; fait partie de
la garnison de Navarrenx,
243 ; exécute une sortie, 249 ;
sa compagnie est surpirise à
Sainte-Marie-d'Oloron, 297;
son enseigne assiste au siège
de Rabastens, 308.
Morlàas (Basses-Pyrénées). Mo-
ret est nommé pour y com-
mander; les troupes catlio-
liques y sont reçues, 202 ; in-
diqué comme étape à l'ar-
mée de Tarride, 211.
Mosellane. — Voy. Charles.
Moulins (Allier). Le mariage
de Jeanne d'Albret y est fait,
39.
Moumour (Basses-Pyrénées). La
tour est attaquée par les ca-
tholiques, 296.
MuNEiN (Guillaume de) découvre
une conspiration contre Jean-
ne d'Albretj 128; se rend aux
Eaux-Ghaudes près de la Rei-
ne, 129.
Mussidan (Dordogne) , assiégé
par les catholiques, 198.
N
Nàbas (Charles de), Navarrais,
tué à la bataille de Tiebas, ^6.
Nagera (Don Antonio Manrique,
duc de), vice-roi de Navarre,
appelé en Castille, 7 ; il entre
à Logrono, 13; soupçonné
d'être partisan des Français,
16.
Naples, assiégé par les Fran-
çais, 31 ; Charles de Navarre
y meurt, 32 ; des nobles ita-
liens en sont bannis, 62; ex-
pédition de Charles VIU,
281.
Naples (royaume de). Restitu-
tion d'une moitié au roi de
France, 4; toutes les Reines
du nom de Jeanne lui sont
fatales, 51.
Nassau (Ludovic, comte de),
È répare l'expédition des Pays-
las avec Charles IX, 312; il
quitte La Rochelle avec Jean-
ne d'Albret, 319.
Navailles (Basses-Pyrénées). Le
capitaine Sus, catholique, oc-
cupe le château, 202.
Navailles. — Voy. Barraute,
Pérulh, Peyre , Saist-Sau-
DENS.
Navarre. — Voy. Charles ,
Fr A NÇOIS P HOEBUS, HeNRI, JeaN,
Jeanne, Philippe.
Navarre (Frédéric de). Sa fuite
à Bayonne, 16.
Navarre (Pedro de) s'empare
de Tafalla et Olite, 11 ; il
tient garnison à Fontarrahie,
23 ; il abandonne le parti
français, 26.
Navarrenx (Basses-Pyrénées).
Henri II de Navarre y sé-
journe, 14; pps par les Espa-
gnols, 27 ; Henri H de Na-
varre y construit des fortifica-
tions, 44 ; Bassillon en est
gouverneur , 172 ; Jeanne
d'Albret mande à Arros de
conserver cette place, 182; on
y garde le trésor de la
reine de Navarre, 189; son
approvisionnement, 191 ; Es-
goarrabaque y est amené,
192 ; Arros se propose de s'y
retirer, 193 ; Gramont y ar-
rive, 197 ; son magasin d'ar-
mes, 200 ; Arros s'y enferme,
205 ; des troupes y arrivent
de Pau et de Sauveterre, 213,
214 ; Tarride l'envoie recon-
naître, 222, 223; son siège,
243 à 252 ; saisie des biens de
ceux qui s'y étaient réfugiés,
253 ; Tarride lève le siège,
262 ; son artillerie sert au
siège d'Orthez, 269 ; les pri-
sonniers d'Orthez y sont con-
duits, 271; ils y sont tués,
282; le sieur cle Salles est
ALPHABÉTIQUE.
365
nommé gouverneur, 284 ; ses
canons sont demandés pour
le siège d'Oloron, 297 ; et
pour celui de Tarbes, 301.
Nay (Basses-Pyrénées ). Rési-
dence de l'auteur ; son incen-
die, 45 ; un synode y est tenu
en 1563, 123; Espalungue y
commande, 181 ; il capitule,
203 ; cruautés des catholi-
ques, 204 ; l'armée protestan-
te s'en approche, 259; fournit
quelques soldats aux protes-
tants ; Bonnasse s'enfuit, 278
à 280 ; Poqueron est nommé
gouverneur par les protestants,
285 ; Charles IX en donne la
seigneurie à Bonnasse, 294;
sa garnison ne secourt pas
Rabastens, 309; l'armée ca-
tholique menace les troupes
protestantes qui .y étaient
renfermées, 310.
Nays (Samson de) , capitaine
protestant. Son aventure de-
vant le château de Montaner,
205. ^
Nébot, capitaine catholique ,
fait prisonnier au siège d'Or-
thez, 271.
Nébouzan (le) (Haute-Garonne).
Jeanne d'Albret y passe, 139.
Nègrepelisse (Louis de Car-
main, seign. de) , capitaine
catholique de l'armée de Tar-
ride, 246 ; de l'armée de Mou-
lue, 264 ; une partie de sa
compagnie prisonnière au siè-
ge d'Orthez, 271.
Nemours (le duc de) arrête les
conjurés d'Amboise, 79 ; ses
promesses, 101.
Nérac (Lot-et-Garonne). Le Gay
y séjourne, 57 ; les députés
des Eglises réformées y enga-
gent le roi de Navarre à aller
en armes aux Etats-Généraux,
81 ; le cardinal d'Armagnac y
vient comme légat, 84 ; An-
toine de Bourbon y fait chan-
ter la messe, 88 ; Jeanne d'Al-
bret s'y retire, 152 ; elle en
part avec ses enfants, 155,
156; les troupes protestantes
sy attardent, 292.
Nicee. Son concile, 102.
Nico laites (les). Les protestants
leur sont comparés, 54.
Nogaret. — Voy. La Valette.
Nogaro (Gers). Monluc y ras-
semble ses troupes, 307 .
Notre-Dame de Paris. Le ma-
riage de Henri de Navarre
doit y être célébré, 333.
Nousty' (Basses-Pyrénées), étape
indiquée pour les troupes ca-
tholiques, 210.
Nouveau-Testament traduit en
basque, 116, 311.
Noyers (Loir-et-Cher). La cour
de Franco veut y faire arrêter
le prince de Condé, 151, 316.
Noyon (Oise). Exécution du
traité qui y avait été conclu
entre la France et l'Espagne,
4.
Olignon (Jean), jardinier de la
reine de Navarre, pendu par
les catholiques, 263.
Olite (Navarre espagnole), se
rend aux Français, 11.
Oloron (Basses-Pyrénées), me-
nacé par les Aragonais, 28,
29 ; ses fors et coutumes, 43 ;
une sédition y éclate à l'occa-
sion de l'établissement de la
Réforme, 119, 128 à 133 ; nou-
velle sédition, 181 ; Esgoarra-
baque refuse de remettre la
ville à Arros, 192 ; les troupes
protestantes y combattent ,
194 à 197 ; Bonnasse y est
rejoint par les troupes de Bi-
gorre, 198 ; Sainte-Colomme
lui écrit de rompre le pont,
199 ; ses ministres sont mas-
sacrés, 248 ; Tarride y met en
sûreté une partie de son artil-
lerie , 260 ; Esgoarrabaque
l'abandonne aux troupes pro-
testantes, 280 ; Louvie en est
366
TABLE
nommé gouverneur, 285 ; Ar-
ros y arrive, 297.
Oloron (évêqued'j. — Voy. Ré-
gin.
Orange (Philibert de Ghalon,
S rince d'). Le commandement
e l'expédition de Fontarrabie
lui est donné par Charles-
Quint, 23, 24 ; il fortifie cette
place, 26; il est joint à Sauve-
terre par les Aragonais, pille
le Labourd et se retire en Es-
pagne, 29.
Organiste (1') . — Voy. Arnaud.
Orléans (Loiret). Les Etats-Gé-
néraux y sont convoqués, 83 ;
Charles, duc de Lorraine, y
meurt prisonnier, 91 ; les
Guises y amènent des troupes
pendant la tenue des Etats,
95 ; ils y attirent le roi de
Navarre et le prince de Condé
désarmés, 99 ; ces princes y
arrivent, 104.
Orthez (Basses-Pyrénées). Gou-
ze y commande, 181 ; sommé
de se rendre à Tarride, 212 ;
les archives qui y sont prises
servent à l'auteur, 243 ; Tar-
ride y renferme son artillerie,
245 ; il en part avec son ar-
mée, 246 ; la femme du mi-
nistre Buisson y est tuée,
248 ; Tarride s'y réfugie, 260 ;
un vieillard protestant y est
noyé par les catholiques, 262 ;
Mongommery arrive sous ses
murs, 366 ; il l'assiège, 267 à
271 ; Bonnasse apprend sa
reddition, 276; Brasselay en
est nommé gouverneur, 285.
Ossau (vallée d') (Basses-Pyré-
nées). Ses fors et coutumes,
43 ; ses milices se mutinent,
63, 64 ; ses députés s'oppo-
sent à l'établissement de la
Réforme, 127; Bonnasse ar-
rive à Nay avec ses milices,
202 ; l'autorité de Mongom-
mery y est reconnue, 272 ; le
syndic Luger écrit aux jurats,
273 à 275 ; Bonnasse en pille
les villages, 276 ; Espalungue
en est nommé gouverneur,
285 ; les habitants le chassent
et prennent son bagage, 286 ;
ses milices s'arrêtent à Asson,
298.
Osse (Basses-Pyrénées), brûlé
par les protestants, 290.
Osserain (le pont d') (Basses-
Pyrénées). Les soldats béar-
nais refusent de le passer, 63 ;
les catholiques y sont battus
par Arros, 173 ; par Monta-
mat, 297.
Ostabaret (1') (Basses-Pyrénées).
Son ministre est fait prison-
nier par les catholiques, 141.
OSTABENT. — Voy. GuiLLASSOT.
Othon II, empereur d'Allema-
gne, 91.
Pampelune (Navarre espagnole)
se révolte contre les Castillans,
7; les Français s'en emparent,
8; ils l'abandonnent, 13; la
garnison de Maya y est con-
duite prisonnière, il.
Paradin^ Guillaume). Son erreur
touchant la sédition de Bor-
deaux, 48.
Pardaillan. — Voy. La Motte-
GONDRIN, MONÏESPAN.
Pardiac (le) (Gers). D'Arné y
est nommé lieutenant de Roi,
289.
Pardies (Pierre de), receveur
général nommé par les catho-
liques, 222.
Paris. Les Béarnais ne peuvent
y trouver de ministre, 53;
Henri IT, roi de France, y est
tué, 67 ; son siège sous Louis
XI , 96 ; Henri de Navarre
doit s'y marier, 332.
Parlement de Pau. — Voy.
Conseil Souverain.
Parlements de Bordeaux et de
Toulouse. Leurs procédures
contre le Béarn, 168 et suiv.,
225 à 229.
ALPHABETIQUE.
367
Parthes (les), cités, 317.
Pau (Basses-Pyrénées). La gar-
nison de Sauveterre s'y retire,
28; Jeanne d'Albret y met au
monde Henri de Navarre, 45;
la cour de Navarre y séjourne,
54; présence de Barran. 57;
Gamèoa y est mis à mort, 66;
Jeanne d'Albret y abjure le
catholicisme, 108 ; un synode
y est tenu en 1563, 117; les
séditieux d'Oloron y sont
amenés, 120, 132; les États
de Béarn y sont convoqués,
133; Amaro v est détenu,
145; Jeanne d'Albret y ac-
corde le pardon des chefs
basques révoltés, 150; Arros
y assemble les États, 171; les
catholiques y tiennent conseil,
176; Auga est nommé gou-
verneur, 181; Arros y arrive,
200 ; il en part pour Navar-
renx, 205 ; les troupes catho-
liques logées aux environs,
208, 209, 211; les troupes
protestantes se rendent, 212,
213; lettre du duc d'Anjou
aux jurats, 210; Tarride l'as-
siège avec l'artillerie, 223 ;
séjour des troupes catholiques,
223, 224 ; départ de Tarride,
243; des troupes du siège de
Navarrenx s'y retirent, 260 ;
exécution des" protestants, 262
à 264; Peyre s'enfuit, 277;
les troupes protestantes y ren-
trent, 278; Mongommery y
arrive, 280; il y publie un
pardon général, 284 ; Lons en
est nommé gouverneur, 285;
un officier protestant y est
pendu , 288 ; l'artillerie dés
protestants y est renfermée,
304; Jeanne d'Albret y assem-
ble les États, 319; un synode
y est convoqué en 1571, 322.
Paulin (Bertrand de Rabastens,
vicomte de), capitaine protes-
tant de l'armée de Mongom-
mery, 256 ; prisonnier échangé
contre Tarride, 270.
Paulon. — Voy. Amou.
Pavie (Italie). Henri II de Na-
varre, fait prisonnier, s'évade
du château, 29 à 31; la bataille
rappelée, 312.
Payrol , capitaine catholique ,
défend Rabastens, 289.
Pays-Bas (les). Une expédition
y est projetée par Charles IX,
in, £o:
Pêne d'Escot. — Voy. Escot.
Peralta. — Voy. Falces.
Périgord (le). Des troupes pro-
testantes s'y assemblent, 156.
Perrens , capitaine catholique ,
pris au siège d'Orthez, 271.
Pérulh (Arnaud de Navailles,
seign. de), enseigne du gou-
verneur protestant de Rabas-
tens, 308.
Pescaire ( Ferdinand - François
d'Avalos, marquis de), chef
de l'armée de Charles-Quint
en Italie, 29.
Pesquitez, cordelier d'Oloron,
excite une sédition, 131 , 132.
Pey (Peyrot de), jurât catholi-
que de Nay, 199; tué par les
catholiques, 204, 205.
Peyre (Henri de Navailles, sei-
gneur de), l'un des chefs du
parti catholique, 120; il ras-
semble des troupes dans le
Vic-Bilh, 199 ; il arrive à Mor-
làas, 202; nommé gouverneur
de Pau, 224; ses cruautés,
262 à 264 ; Monluc lui écrit,
265; il s'enfuit de Pau, 277;
des soldats de sa compagnie
sont pendus, 280.
Peyrehorade (Landes), saccagé
par les Espagnols, 27.
Peyrelongue ^Bernard de Cas-
sagnère, seign. de), capitaine
catholique, envoyé à la cour
de France par les catholiques,
254; amène les troupes catho-
liques à Lembeye, 305.
Peyrusse. — Voy. Escars.
Pharnace, cité, 281.
Philippe-le-Bel, 51, 94.
Philippe-le-Hardi, 94.
368
TABLE
Philippe II, roi d'Espagne, va
en Flandre trouver son père,
49 ; reçoit le serment des Na-
varrais, 50 ; conclut la paix de
Càteau-Gambrésis, 61; le roi
de France craint de lui dé-
plaire, 62; intrigues d'Antoine
de Bourbon contre lui, 64;
son alliance avec les G-uises,
74 ; il engage le roi de France
à sévir contre les Réformés,
85, 89; il trompe le roi de
Navarre, 112; il fait passer
des troupes en France contre
les protestants, 293 ; s'oppose
au mariage de Henri de Na-
varre, 328.
Philippe d'Évreux , roi de Na-
varre, 51.
Picardie (la) menacée par les
Espagnols, 23. 24; on en tire
des troupes, 95.
Pie IV, pape. Ses plaintes contre
Antoine de Bourbon soupçonné
de protestantisme, 85, 86; il
fait espérer à ce prince la res-
titution de la Navarre, HO;
fulmine contre Jeanne d'Al-
bret, 120 à 122.
Piémont (le). Le roi de France
en tire des troupes, 95.
Pignon. — Voy. Château-Pi-
gnon.
PiND.vRE, cité, 241.
PiNSUN , capitaine protestant,
secourt Rabastens, 308.
Plantier (Augier), ministre à
Beuste, mis à mort à Pau,
263.
PoixET (Du), conseiller au parle-
ment de Bordeaux , signe la
lettre du Parlement aux États
de Béarn, 229.
Poissy (Seine-et-Oise). Soncol-
logue, 109.
Poitiers (Vienne). Antoine de
Bourbon et le prince de
Gondé y arrivent, 104; Jeanne
d'Albret y rencontre le légat
du Pape, 331.
Polonais ( les ) harangués par
l'évêque de Valence, 283.
Pontacq (Basses-Pyrénées) atta-
qué par les catholiques, 198,
201 ; un habitant protestant
est tué à Goarraze, 203 ; les
troupes protestantes y logent,
259; fournit des recrues aux
protestants, 272 ; pillé par les
catholiques, 302.
Pontet (Bertrand de), dit Pon-
teto, ministre d'Oloron, pris
par les catholiques, 132; relâ-
ché, 133; mis à mort, 247.
Popelinière (La) , historien pro-
testant, 108.
PoQUERON ( Jean du Bordiu ,
dit), capitaine protestant, re-
vient de La Rochelle, 181;
sergent-major de la garnison
de Navarrenx, 244 ; exécute
une sortie , 249 ; arrête deux
traîtres , 250 ; arrive à Nay,
280; en est nommé gouver-
neur, 285; son enseigne est
blessé au siège de Tarbes,
303.
Porcher, conseiller de Théode-
bert, roi de Metz, 94.
PoRDiAC, capitaine catholique de
l'armée de Tarride, pris à Or-
thez, 271 ; tué à Navarrenx,
282.
Port-Sainte- Marie (Lot-et-Ga-
ronne). L'armée protestante
en part, 291.
Portugal, — Voy. Sébastien.
Poudenx (Grec de), capitaine
catholique, pris devant Orthez,
267; il arrive en Bigorre, 298;
repris au siège de ïarbes ,
303.
PouRRAT (Antoine), ministre de
Tarbes, mis à mort à Pau,
'263.
Prat (Pierre du), dit Prato,
syndic de Béarn, trahit Jeanne
d'Albret, 134.
Prez (Des). — Voy. Montpezat.
Provence (la). L'armée espagnole
y passe, 29.
Pujol , capitaine protestant ,
meurtrier de Bassillon, 284.
PuY (Jacques du) reçoit procu-
ALPHABÉTIQUE.
360
ration pour emprunter au
profit du parti catholique, 254;
pendu par les protestants ,
281.
Puyôo (Basses -Pyrénées). Le
capitaine Melet y tue un pro-
testant, 215.
Q
Quercy (le». Des troupes protes-
tantes s'y rassemblent, 255.
R
Rabastens ( Hautes - Pyrénées )
menacé par les troupes pro-
testantes, 289 ; assiésé et pris
par Monluc, 307 à 309.
Rabastens. — Voy. Moncla,
Paulin.'
Ranti (le capitaine). Paroles que
lui adresse Antoine de Boiïr-
bon, 105, 106.
Réforme en Béarn et en Na-
varre (établissement de la), 53,
116, 117.
Régin (Claude), évêque d'Olo-
ron, apaise une sédition, 130;
assiste aux États de Béarn,
133; les séditieux s'assem-
blent chez lui, 134; Gramont
lui tient tête, 139 ; nommé
par les catholiques surinten-
dant des finances, 222 ; pour-
suit les protestants, 253 ; ré-
fugié en Espagne, écrit à
Sonnasse, 301.
Remy (Pierre), trésorier de
Oharles-le-Bel, 94.
René. — Voy. Bar.
Richard (Christophe) , conseiller
au parlement de Toulouse,
envoyé pour saisir le Béarn,
175.
Rivière. — Voy. Labatut.
Rivière-Basse (pays de) (Hautes-
Pyrénées et Gers). D'Arné y
est nommé lieutenant de Roi,
289.
RocHEFORT (François de), seign.
de Viviers, facilite l'évasion
de Henri H de Navarre du
château de Pavie, 30, 31.
Rome. Jeanne d'Albret y fait
placarder son appel de l'ex-
communication, 122.
Roncevaux (Navarre espagnole),
7, 18.
Roque (Jean Secondât, seign.
de), maître d'hôtel de Jeanne
d'Albret, envoyé en Navarre,
141 ; chargé d'une mission
près de Catherine de Médicis,
160.
RoguELAURE (Bernard, seign. de),
capitaine catholique, tué de-
vant Navarrenx, ^51.
Rouen (Seine-inférieure). An-
toine de Bourbon est blessé
pendant le siège, 114.
Sabatier ou Sabattier (P.) ,
conseiller au parlement de
Toulouse. Ses lettres à Tar-
ride, 225 à 228.
Saint- André (Jacques d'Albon,
dit le maréchal), cède son lo-
gement au roi de Navarre,
75 ; envoyé en Agenais près
de lui, 81 ; ses remontrances
à Antoine de Bourbon, 82,
83 ; les Guises se servent de
lui, 99, 106; il se ligue avec
le roi de Navarre contre
Jeanne d'Albret, 109.
Saint- André (Pierre de) prend
part à l'expédition de Na-
varre, 17, 18.
Saint-Barthélémy (projet du
massacre de la), 330.
Saint-Bonnet (Gabriel d'Escars,
seign. de), gouverneur de
Fontarrabie, tué à Sainte-
Marie, 21.
Sainte-Colomme (Basses-Pyré-
nées). Mongommery en brûle
le château, 260, 261.
Sainte-Colomme. — Voy. Es-
GOARRABAQUE.
Sainte-Colo.mme (Antoine d'Ay-
die, seign. de), sénéchal de
v-
370
TABLE
Béarn. Jeanne d'Albret lui
refuse la confirmation de son
office, 115; l'un des chefs du
parti catholique, 179, 180 ; sa
lettre à Bonnasse, 198, 199;
fait le siège de Navarrenx,
246 ; son château est brûlé.
261 ; pris à Orthez, 271 ; tué
à Navarrenx, 282.
Sajnte-Golomme (Jacques I" de)
seign. d'Esgoarrabaque, prend
part à l'expédition d'Esparros
en Navarre, 6 ; colonel de
l'infanterie, il entre à Pampe-
lune, 8 ; ses concussions, 12 ;
s'enfuit à Bayonne, 16.
Sainte-Golomme (Jacques III de)
excite la sédition à 'Oloron,
181, 192, 196; tué au siège
de Tarbes, 303.
Sainte-Golouîie (Tristan de) ,
abbé de Sauvelade, excite la
sédition à Oloron, 129, 130,
181, 192, 196 ; fait niassacrer,
puis déterrer deux ministres,
248 ; pille Pontacq, 302 ; tué
au siège de Tarbes, 303.
Sainte-Ligue, gouvernement des
Navarrais, 5.
Saint-Eloi à Bordeaux, 47, 48.
Sainte-Marie ( Navarre espa-
gnole), 21.
Sainte-Marie-d'Oloron (Basses-
Pyrénées). Les Aragonais
l'attaquent, 28; sédition à
l'occasion de l'établissement
de la Réforme, 119, 129, 130;
les protestants s'en emparent,
297.
Sainte - Mesme (de) , capitaine
français, prend part à l'expédi-
tion de Bonnivet contre Fon-
tarrabie, 17.
Sainte-Vit, capitaine catholique.
Il arrive à Pontacq, 201.
Saint-Félix, capitaine catholi-
que, pris à Orthez, 270.
Saint-Gaudens (Haute-Garonne).
Jeanne d'Albret v passe, 139.
Saint-Gelais. — Voy. Lansac.
Sal\t-Geniez (Bernard de Gon-
taut), enseigne des gens d'ar-
mes du prince de Navarre,
128 ; il arrête l'abbé de Sau-
velade, 129.
Saint-Germain-en-Laye (Seine-
et-Oise). Jeanne, fille de Hen-
ri H de Navarre, y meurt en
bas âge, 31 .
Saint-Jean-d'Angely (Charente-
Inférieure). Gharles IX et le
duc d'Anjou y écrivent à Bon-
nasse, 294.
Saint- Jean-de-Luz (Basses-P3rré-
nées). Bonnivet y arrive, 18 ;
La Palice y rassemble ses
troupes, 23 ; les Espagnols y
entrent, 24 ; pillé par le prince
d'Orange, 29.
Saint-Jean- Pied-de-Port (Bas-
ses-Pyrénées), assiégé par les
Français, 6 ; Henri de Na-
varre y poursuit les Basques
révoltés, 146.
Saint-Lary. — Voy. Belle-
garde.
Saint-Martix (Jean, seign. de),
capitaine navarrais tué à Tie-
bas, 15.
Saixt-Martin (le sieur de) va à
Genève chercher un ministre,
53.
Saintonge (la). Henri II de Na-
varre en tire des laboureurs,
41 ; sédition à cause des ga-
belles. 46.
Saint-Orens (François de Gassa-
gnet de Tilladet, seign. de),
capitaine catholique. Monluc
lui laisse le commandement
de l'armée, 309 ; vient en vue
de Nay, 310.
Saint-Palais (Basses-Pyrénées).
Un ministre y est envoyé,
116; on y prêche paisible-
ment, 123 ; les catnoliques
s'y assemblent, 140 ; Jeanne
d'Albret y réunit les Etats de
Navarre, 149.
Saint-Fée (Jean de Lalanne,
seign. de), capitaine catholi-
que, prisa Orthez, 271.
Saint-Pée-de-Gères (Hautes-Py-
rénées). Sainte-Golomme y
ALPHABETIQUE.
371
écrit à Donnasse, 199 ; celui-
ci y arrive, 298.
Saint-Pierre, faubourg d'Oloron
(Basses-Pyrénées). Les catho-
liques s'en emparent, 129;
les troupes de Jeanne d'Al-
bret y éprouvent un échec,
196, 197.
Saint-Romans, capitaine français,
tué à Sainte-Marie, 21.
Saint-Salvy (Gabriel de Loma-
gne, seign. de), capitaine ca-
tholique, pris à Orthez, 270.
Saint-Saudens ( Gratianne de
Navailles, dite de) , femme
d'Esgoarrabaque, défend l'en-
trée d'Oloron, 195, 196.
Saint-Sever (Landes) reçoit une
garnison protestante , 287 ;
mis eu état de défense, 292 ;
les troupes protestantes y sont
licenciées, 310.
Saint- Victor, capitaine protes-
tant de l'armée de Mongom-
mery, 256.
Salerne (Ferdinand de San-Se-
verino, prince de), banni de
Naplas. 62.
Salettes (Jean de), président au
Conseil souverain de Béarn,
protestant sauvé de la mort
par Roquette, 278 ; prisonnier
oublié par les catholiques ,
280.
Salies (Basses-Pyrénées). Les
habitants se rachètent du pil-
lage des troupes catholiques,
214 ; Mongommery s'y retire,
287.
Salies, capitaine catholique, pris
à Orthez, 271 ; tué à Navar-
renx, 282.
Salignag. — Voy. La Mothe-
Fénelon .
Salle (la). — Voy. La Salle.
Salles (Arnaud de Gachissans,
seign. de), maître d'hôtel du
E rince de Navarre, arrive de
la Rochelle, 181 ; fait partie
de la garnison de Navarrenx,
244 ; nommé gouverneur de
cette place, 284.
Salomon. Sa faiblesse pour sa
femme, 315.
Salviati (Bernard), cardinal, en-
voyé à la cour de France pour
empêcher le mariage de Henri
de Navarre, 329.
Samsons (Bertrand de Miossens,
seign. de), lieutenant du gou-
verneur catholique de Pau,
278 ; protège des protestants
et obtient la vie lors de la
prise de la ville par les réfor-
més, 281.
Sanguesa (Navarre espagnole).
Les Aragonais s'en emparent,
13 ; l'évoque d'Oloron s'y ré-
fugie, 301.
San-Severino. — Voy. Salerne,
Somma.
Saphira, cité, 324.
Sara SA (Juan de), capitaine na-
varrais tué à Tiebas, 16.
Sardaigne (la). Le roi d'Espagne
Sromet ce royaume à Antoine
e Bourbon en échange de la
Navarre, 112, 113.
Sarlabol'st (Raymond de Car-
daillac, baron de), capitaine
catholique de l'armée de Bel-
legarde, 265.
Sarrance (Basses-Pyrénées) brû-
lé par les protestants, 290.
Sarron (Landes). Étape indiquée
pour l'armée catholique, 211.
Saui.x. — Voy. Ta vannes.
Saut (de). — Voy. Dessault.
Sauvelade (l'abbé de). — Voy.
Sainte-Colomme (Tristan de).
Sauves. — Voy. Fizes.
Sauveterre rBasses-Pyrénées) ,
pris par les Espagnols, 27;
Menaut de Bellocq en est
nommé gouverneur, 181 ; pris
et pillé par les catholiques,
213, 214.
Savoie. — Voy. Villars.
Savoie (Louise de), régente en
France, 30.
Savoie (Philibert, duc de), épou-
se Marguerite, sœur de Henri
II, roi de France, 62.
Sébastien, roi de Portugal, pro-
372
TABLE
posé comme mari pour Mar-
guerite de Valois, 329.
Secondât. — Voy. Roque.
Ségalas, capitaine catholique,
pris à Orthez, 271.
Segousne. (Lettre du duc d'An-
jou aux Etats de Béarn écrits
du camp de), 217.
Sénégas (Charles Durand, baron
de), capitaine protestant de
l'armée de Mongommery, 256.
Sérignag (Géraud de Lomagne,
vicomte de), capitaine protes-
tant, 256 ; brûle Mauléon ,
288.
Serres, capitaine catholique ,
sergent-major de l'armée de
Tarride, 246.
Sévignac près Thèze (Basses-
Pyrénées). Étape indiquée
pour l'armée catholique, 211.
Sichémites (les), .317.
SoLAN ou Soui.AN (de), capitaine
protestant de l'armée de Mon-
gommery, 256; ravage la
vallée d'Aspe, 290.
Somma (Jean-Bernard de San-
Severino, duc de), banni de
Naples, 62,
SoRBÉRio (Bernard de), avocat,
nommé conseiller au Conseil
souverain par les catholiques,
254.
Sorde (Landes), brûlé par les
Espagnols, 26.
Soûle (le pays de) (Basses-Pyré-
nées). Des habitants catholi-
ques s'assemblent à Saint-Pa-
lais, 140; ses milices vexent
les protestants, 170 ; les États
de Béarn demandent sa réu-
nion au ressort du Conseil
souverain, 240, 242.
SOULENX. — Voy. ESLAYOU.
SouLER (Bertrand du), capitaine
catholique, défend Vic-Bi-
gorre, 304.
Soumoulou (Basses-Pyrénées),
Étape indiquée pour l'armée
catholique, 210.
Stuart. — Voy. Alhany, Marie.
Supersantis (Jean), avocat, l'un
des chefs du parti catholique,
126 ; excite une sédition à
Oloron, 128, 130 à 133 ; nom-
mé procureur général par les
catholiques, 254 ; cherche des
recrues en Espagne pour l'ar-
mée catholique, 297.
Sus (Antoine-Gabriel, seign.
de), capitaine catholique de
l'armée de Tarride, pris à
Orthez, 271 ; tué à Navar-
renx, 282.
Sus de Bourgaber , capitaine
catholique envoyé au château
de Navailles, 202.
Susmiou (Basses-Pyrénées). Une
partie de l'artillerie catholique
y est installée contre Navar-
renx, 246.
Susmiou. — Voy. Auga.
Synodes : de Nay, 1563, 123 ; de
Pau, 1563, 117; 1571, 322.
T
Tafalla (Navarre espagnole), pris
par les Français, 1 1 ; leurs
troupes s'y rassemblent, 15.
Tanlay (Yonne). La cour de
France veut y saisir Goligny,
151,316.
Tarbes ( Hautes - Pyrénées ).
Jeanne d'Albret y tient les
États de Bigorre, 131 ; elle
en part pour Nérac, 152 ; les
catholiques y font dresser la
poste jusqu'à Toulouse, 174;
ils y rassemblent des troupes,
177, 192; elles en partent
pour entrer en Béarn, 198;
les commissaires du parlement
de Toulouse y écrivent à Tar-
ride, 225 à 228 ; l'armée pro-
testante passe en vue, 259;
son ministre est mis à mort à
Pau, 263; Bellegarde y arrive,
264 ; l'armée protestante y
entre, 285, 293 ; Bonnasse s'y
retire, 299 ; on y amasse des
vivres, 300 ; les protestants en
font le siège et s'en emparent,
302 à 303 ; considérations sur
sa ruine, 304.
ALPHABETIQUE.
373
Tardets fBasses-Pyrénées). Le
capitaine Lalanne y est con-
duit prisonnier par les catho-
liques, 145. •
Tardets, ministre d'Ostabaret,
pris par Jes catholiques, 141.
Tarride ou Terride (Antoine de
Lomagne, seign. de), chef de
l'armée catholique, reçoit de
Charles IX le commandement
de l'expédition contre le Béarn,
180 ; il rassemble des troupes,
188, 192; les catholiques
hâtent son arrivée, 198, 199 ;
Larboust cherche à l'arrêter,
207 ; il blâme les massacres et
fait connaître aux États sa
commission, 207, 208, 218 à
221 ; il jure de conserver les
fors et coutumes du pays, 221 ;
il arrive devant Pau, entre à
Lescar, 222; il prend Pau,
visite Pierre Viret, 223; les
commissaires du parlement de
Toulouse lui écrivent, 225 à
228 ; il part de Pau, passe à
Orthez, arrive devant Navar-
renx, 243 ; il commence le
siège, 246 ; il le lève, se retire
dans Orthez, 260 ; il y est
assiégé, 266 ; il capitule et est
mis à rançon, 270 ; il meurt à
Eauze, 29Ô.
Tartas (Landes). . Le capitaine
Faget y remplace comme
gouverneur le capitaine Casa-
lis, 293.
Tasta (Alamanet de), avocat,
excite une sédition contre les
protestants d'Oloron, 126; il
est fait prisonnier et conduit
à Pau, 132; ramené à Oloron
pour être jugé, 133.
Ta VANNES (Gaspard de Saulx,
seign. de), tente de saisir
Coligny, 151.
Testament. — Voy, Nouveau-
Testament.
Testament de Jeanne d'Albret,
333, 334.
Théodebert, roi de Metz, 94.
Théodose, empereur romain, 136.
Thermes (Paul de La Barthe, dit
le maréchal de), rencontre à
Poitiers Antoine de Bourbon
et le prince de Condé, 104 ;
reçoit l'ordre de saisir Jeanne
d'Albret et ses enfants, 107.
Thiboville (Claude de), commis-
saire de l'artillerie de l'armée
de Tarride, assiège Mussidan.
198; part d'Orthez, 246.
Thierry III, roi de France,
94.
Tiebas (Navarre espagnole). Les
Français y sont défaits par les
Espagnols, 13, 14.
TiLH (Pierre du), capitaine, en
garnison à Oloron, 130; y
arrête Tasta, 132; passe au
parti catholique à Pau, 213 ;
tente d'entrer à Navarrenx par
trahison, 244.
TiLLADET. — Voy. Saint-Orens.
TiLLADET (Antoine de Cassagnet,
seign. de), maître de camp de
l'infanterie de Monluc, tué à
Mont-de-Marsan, 288.
Tolède. — Voy. Albe.
ToLET, capitaine français du
château ae Pampelune, 8.
Tonneins ( Lot - et - Garonne ) .
Jeanne d'Albret y passe la
Garonne, 155, 156.
Toulouse (Haute-Garonne). Pro-
cédures de son parlement pour
saisir le Béarn, 168, 176 à 178,
225 à 228 ; l'armée de Dam-
ville s'y dirige, 289 ; des Béar-
nais fugitifs y sont retirés,
300 ; Monluc y prend des muni-
tions, 307.
Tournon (Antoine, seign. de),
conseiller d'Esparros pendant
l'expédition de Navarre, 6 ; il
se rend au capitaine Dona
Maria à la bataille de Tie-
bas, 15.
Tournon (François de), cardinal,
presse Jeanne d'Albret, le jour
de son mariage avec le duc de
Glèves, de dire si elle le veut
pour mari, 39.
Tours (Indre-et-Loire). Le ma-
374
TABLE
riage de Jeanne d'Albret y est
annulé, 39; les États-Généraux
s'y assemblent, 96 ; l'auteur y
reçoit un document , 122 ;
Jeanne d'Albret y arrive, 331.
Trompette. — Voy. Château-
Trompette.
Tudela (Navarre espagnole), pris
f»ar les Français, 1 1 ; Phi-
ippe II y reçoit le serment
des États'de Navarre, 50.
Turcs (les). Le Pape demande
en vain à Charles IX de leur
déclarer la guerre, 329.
U
Uhart (Jayme, baron d'), capi-
taine catholique, arrive à Bel-
locq, 214.
Université de Béarn, 326, 327.
Urbain IV, pape, condamne les
processions, 117.
Urdez (Lucas d'), substitut du
procureur général au parle-
ment de Toulouse, 175.
Urdos (Basses-Pyrénées), brûlé
par les protestants, 290.
Ubsua (Sanche d'), capitaine
navarrais, découvre une tra-
hison au roi de Navarre, 65.
V
Vacher de Béarn (Le). — Voy.
Charles, prince de Navarre.
Val Carlos (Le) (Navarre espa-
gnole). Les révoltés basques
s'y réfugient, 145, 146.
Valence (l'évèque de). — Voy.
MoNLuc (J. de).
Valladolid (Espagne). Une sédi-
tion s'y élève, 5.
Vaudemont (Antoine de), 92.
Vaudemont (Ferry de), fils d'An-
toine, 92.
Vaudemont (René de), fils de
Ferry, 92.
Vaupillière (Antoine Martel ,
seign. de La), revient de la
conr de France trouver Jeanne
d'Albret. 153.
Vauzé (Bernard de), se rend
{)rès des commissaires du par-
ement de Toulouse chargés de
saisir le Béarn, 226.
Venaissin (comtat) (Vaucluse).
Antoine de Bourbon songe à
s'en saisir, 1 13.
Vendôme (Loir-et-Cher). Le corps
de Jeanne d'Albret y est dé-
posé, 334.
Vendôme (duc de). — Voy. An-
toine.
Vendômois (le). Jeanne d'Albret
rappelle à Catherine de Médi-
cis qu'elle y a reçu ses lettres,
160.
Vera (Don Diego de), capitaine
espagnol, se réfugie à Fontar-
rabie. 20.
V^erteuil d'Agenais (Lot-et-Ga-
ronne). Théodore de Bèze y
quitte Antoine de Bourbon,
104.
Vic-Bigorre (Hautes- Pyrénées).
Bellegarde y écrit au gouver-
neur de Pau, 266; assiégé par
les protestants, 304.
Vic-Bilh(Le) (Basses-Pyrénées).
Peyre y rassemble des troupes,
199; il le saccage, 202; l'ar-
mée protestante le traverse,
285.
Viellenave , capitaine catho-
lique, arrive à Pontacq, 201.
Viellepinte (Jean, seign. de),
capitaine catholique, arrive à
Pontacn, 201 ; il rejoint Bon-
nasse, z99.
ViGNAULx (Michel), ministre de
Pau, député du Synode vers
Jeanne d'Albret, 123 ; pendu
à Pau, 263.
ViLi-AMBiTs, capitaine catholique,
reçoit de Monluc l'ordre de
rejoindre Bonnasse, 266, 275 ;
il parcourt la vallée d'Ossau,
276; il abandonne Nay, 279.
Villanueva (Navarre espagnole».
Esparros y reçoit la soumis-
sion des Navarrais, 8.
ViLLARs (Honorât de Savoie,
marquis de) , vient trouver
ALPHABÉTIQUE.
375
Jeanne d'Albret à Tours ,
331.
Villecomtal (Grers). Mongom-
mery y séjourne, 289.
Villeneuve d'Agen (Lot-et-Ga-
ronne). Monluc y rassemble
ses troupes, 156.
ViBET (Pierre), ministre, prison-
nier à Pau, visité par Tarride,
223, 224 ; Monluc demande
?u'il écrive à Mongommery,
65; oublié par les catho-
liques, 280.
VisPALiE (Jacques de), contrôleur
des munitions de Navarrenx,
tente de livrer cette place aux
catholiques, 244; il est exé-
cuté, 245 ; suites de sa trahi-
son, 250.
Viviers. — Voy. Rochefort.
Yolande, femme de Ferry de
Vaudemont, 92.
YoLET (Pierre de Malras, baron
d'), capitaine protestant de
l'armée de Mongommery, 256 ;
fait prisonnier à Nérac, 292.
ZoLiNA (Juan de Garro, vicomte
de), gouverneur d'Estella, 11.
Xogeat-le-Rotrou, imprimerie de A. Gouverneur.
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